Actes et Paroles, Volume 1 - 03

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Jesus. Mais le jour ou Tibere et Jesus font leur jonction dans un
homme et s'amalgament dans un etre formidable ensanglantant la terre
et sauvant le monde, l'historien romain lui-meme aurait un frisson, et
Robespierre deconcerterait Tacite. Par moments on craint de finir par
etre force d'admettre une sorte de loi morale mixte qui semble se
degager de tout cet inconnu. Aucune des dimensions du phenomene
ne s'ajuste a la notre. La hauteur est inouie et se derobe a
l'observation. Si grand que soit l'historien, cette enormite le
deborde. La Revolution francaise racontee par un homme, c'est un
volcan explique par une fourmi.

XII
Que conclure? Une seule chose. En presence de cet ouragan enorme, pas
encore fini, entr'aidons-nous les uns les autres.
Nous ne sommes pas assez hors de danger pour ne point nous tendre la
main.
O mes freres, reconcilions-nous.
Prenons la route immense de l'apaisement. On s'est assez hai. Treve.
Oui, tendons-nous tous la main. Que les grands aient pitie des petits,
et que les petits fassent grace aux grands. Quand donc comprendra-t-on
que nous sommes sur le meme navire, et que le naufrage est
indivisible? Cette mer qui nous menace est assez grande pour tous, il
y a de l'abime pour vous comme pour moi. Je l'ai dit deja ailleurs,
et je le repete. Sauver les autres, c'est se sauver soi-meme. La
solidarite est terrible, mais la fraternite est douce. L'une engendre
l'autre. O mes freres, soyons freres!
Voulons-nous terminer notre malheur? renoncons a notre colere.
Reconcilions-nous. Vous verrez comme ce sourire sera beau.
Envoyons aux exils lointains la flotte lumineuse du retour, restituons
les maris aux femmes, les travailleurs aux ateliers, les familles aux
foyers, restituons-nous a nous-memes ceux qui ont ete nos ennemis.
Est-ce qu'il n'est pas enfin temps de s'aimer? Voulez-vous qu'on ne
recommence pas? finissez. Finir, c'est absoudre. En sevissant, on
perpetue. Qui tue son ennemi fait vivre la haine. Il n'y a qu'une
facon d'achever les vaincus, leur pardonner. Les guerres civiles
s'ouvrent par toutes les portes et se ferment par une seule, la
clemence. La plus efficace des repressions, c'est l'amnistie. O femmes
qui pleurez, je voudrais vous rendre vos enfants.
Ah! je songe aux exiles. J'ai par moments le coeur serre. Je songe
au mal du pays. J'en ai eu ma part peut-etre. Sait-on de quelle nuit
tombante se compose la nostalgie? Je me figure la sombre ame d'un
pauvre enfant de vingt ans qui sait a peine ce que la societe lui
veut, qui subit pour ou ne sait quoi, pour un article de journal, pour
une page fievreuse ecrite dans la folie, ce supplice demesure, l'exil
eternel, et qui, apres une journee de bagne, le crepuscule venu,
s'assied sur la falaise severe, accable sous l'enormite de la guerre
civile et sous la serenite des etoiles! Chose horrible, le soir et
l'ocean a cinq mille lieues de sa mere!
Ah! pardonnons!
Ce cri de nos ames n'est pas seulement tendre, il est raisonnable. La
douceur n'est pas seulement la douceur, elle est l'habilete. Pourquoi
condamner l'avenir au grossissement des vengeances gonflees de pleurs
et a la sinistre repercussion des rancunes! Allez dans les bois,
ecoutez les echos, et songez aux represailles; cette voix obscure et
lointaine qui vous repond, c'est votre haine qui revient contre vous.
Prenez garde, l'avenir est bon debiteur, et votre colere, il vous la
rendra. Regardez les berceaux, ne leur noircissez pas la vie qui les
attend. Si nous n'avons pas pitie des enfants, des autres, ayons pitie
de nos enfants. Apaisement! apaisement! Helas! nous ecoutera-t-on?
N'importe, persistons, nous qui voulons qu'on promette et non qu'on
menace, nous qui voulons qu'on guerisse et non qu'on mutile, nous qui
voulons qu'on vive et non qu'on meure. Les grandes lois d'en haut sont
avec nous. Il y a un profond parallelisme entre la lumiere qui nous
vient du soleil et la clemence qui nous vient de Dieu. Il y aura une
heure de pleine fraternite, comme il y a une heure de plein midi. Ne
perds pas courage, o pitie! Quant a moi, je ne me lasserai pas, et ce
que j'ai ecrit dans tous mes livres, ce que j'ai atteste par tous mes
actes, ce que j'ai dit a tous les auditoires, a la tribune des pairs
comme dans le cimetiere des proscrits, a l'assemblee nationale de
France comme a la fenetre lapidee de la place des Barricades de
Bruxelles, je l'attesterai, je l'ecrirai, et je le dirai sans cesse:
il faut s'aimer, s'aimer, s'aimer! Les heureux doivent avoir pour
malheur les malheureux. L'egoisme social est un commencement de
sepulcre. Voulons-nous vivre, melons nos coeurs, et soyons l'immense
genre humain. Marchons en avant, remorquons en arriere. La prosperite
materielle n'est pas la felicite morale, l'etourdissement n'est pas
la guerison, l'oubli n'est pas le paiement. Aidons, protegeons,
secourons, avouons la faute publique et reparons-la. Tout ce qui
souffre accuse, tout ce qui pleure dans l'individu saigne dans
la societe, personne n'est tout seul, toutes les fibres vivantes
tressaillent ensemble et se confondent, les petits doivent etre sacres
aux grands, et c'est du droit de tous les faibles que se compose le
devoir de tous les forts. J'ai dit.
Paris, juin 1875.


ACTES ET PAROLES

AVANT L'EXIL
1841-1851
_Institut.--Chambre des Pairs Reunions electorales.--Enterrements.--
Cour d'assises Conseils de guerre.--Congres de la Paix Assemblee
constituante.--Assemblee legislative Le Deux decembre 1851_.

ACADEMIE FRANCAISE
1841-1844

DISCOURS DE RECEPTION
2 JUIN 1841.
[Note: M. Victor Hugo fut nomme membre de l'academie francaise, par 18
voix contre 16, le 7 janvier 1841. Il prit seance le 2 juin.]
Messieurs,
Au commencement de ce siecle, la France etait pour les nations un
magnifique spectacle. Un homme la remplissait alors et la faisait si
grande qu'elle remplissait l'Europe. Cet homme, sorti de l'ombre, fils
d'un pauvre gentilhomme corse, produit de deux republiques, par sa
famille de la republique de Florence, par lui-meme de la republique
francaise, etait arrive en peu d'annees a la plus haute royaute qui
jamais peut-etre ait etonne l'histoire. Il etait prince par le
genie, par la destinee et par les actions. Tout en lui indiquait le
possesseur legitime d'un pouvoir providentiel. Il avait eu pour lui
les trois conditions supremes, l'evenement, l'acclamation et la
consecration. Une revolution l'avait enfante, un peuple l'avait
choisi, un pape l'avait couronne. Des rois et des generaux, marques
eux-memes par la fatalite, avaient reconnu en lui, avec l'instinct que
leur donnait leur sombre et mysterieux avenir, l'elu du destin. Il
etait l'homme auquel Alexandre de Russie, qui devait perir a Taganrog,
avait dit: _Vous etes predestine du ciel_; auquel Kleber, qui devait
mourir en Egypte, avait dit: _Vous etes grand comme le monde_; auquel
Desaix, tombe a Marengo, avait dit: _Je suis le soldat et vous etes le
general_; auquel Valhubert, expirant a Austerlitz, avait dit: _Je vais
mourir, mais vous allez regner_. Sa renommee militaire etait immense,
ses conquetes etaient colossales.
Chaque annee il reculait les frontieres de son empire au dela meme des
limites majestueuses et necessaires que Dieu a donnees a la France. Il
avait efface les Alpes comme Charlemagne, et les Pyrenees comme Louis
XIV; il avait passe le Rhin comme Cesar, et il avait failli franchir
la Manche comme Guillaume le Conquerant. Sous cet homme, la France
avait cent trente departements; d'un cote elle touchait aux bouches de
l'Elbe, de l'autre elle atteignait le Tibre. Il etait le souverain de
quarante-quatre millions de francais et le protecteur de cent millions
d'europeens. Dans la composition hardie de ses frontieres, il avait
employe comme materiaux deux grands-duches souverains, la Savoie et la
Toscane, et cinq anciennes republiques, Genes, les Etats romains, les
Etats venitiens, le Valais et les Provinces-Unies. Il avait construit
son etat au centre de l'Europe comme une citadelle, lui donnant pour
bastions et pour ouvrages avances dix monarchies qu'il avait fait
entrer a la fois dans son empire et dans sa famille. De tous les
enfants, ses cousins et ses freres, qui avaient joue avec lui dans la
petite cour de la maison natale d'Ajaccio, il avait fait des tetes
couronnees. Il avait marie son fils adoptif a une princesse de Baviere
et son plus jeune frere a une princesse de Wurtemberg. Quant a lui,
apres avoir ote a l'Autriche l'empire d'Allemagne qu'il s'etait a peu
pres arroge sous le nom de Confederation du Rhin, apres lui avoir pris
le Tyrol pour l'ajouter a la Baviere et l'Illyrie pour la reunir a la
France, il avait daigne epouser une archiduchesse. Tout dans cet homme
etait demesure et splendide. Il etait au-dessus de l'Europe comme
une vision extraordinaire. Une fois on le vit au milieu de quatorze
personnes souveraines, sacrees et couronnees, assis entre le cesar et
le czar sur un fauteuil plus eleve que le leur. Un jour il donna a
Talma le spectacle d'un parterre de rois. N'etant encore qu'a l'aube
de sa puissance, il lui avait pris fantaisie de toucher au nom de
Bourbon dans un coin de l'Italie et de l'agrandir a sa maniere; de
Louis, duc de Parme, il avait fait un roi d'Etrurie. A la meme epoque,
il avait profite d'une treve, puissamment imposee par son influence et
par ses armes, pour faire quitter aux rois de la Grande-Bretagne ce
titre de _rois de France_ qu'ils avaient usurpe quatre cents ans, et
qu'ils n'ont pas ose reprendre depuis, tant il leur fut alors bien
arrache. La revolution avait efface les fleurs de lys de l'ecusson de
France; lui aussi, il les avait effacees, mais du blason d'Angleterre;
trouvant ainsi moyen de leur faire honneur de la meme maniere dont on
leur avait fait affront. Par decret imperial il divisait la Prusse
en quatre departements, il mettait les Iles Britanniques en etat de
blocus, il declarait Amsterdam troisieme ville de l'empire,--Rome
n'etait que la seconde,--ou bien il affirmait au monde que la maison
de Bragance avait cesse de regner. Quand il passait le Rhin, les
electeurs d'Allemagne, ces hommes qui avaient fait des empereurs,
venaient au-devant de lui jusqu'a leurs frontieres dans l'esperance
qu'il les ferait peut-etre rois. L'antique royaume de Gustave Wasa,
manquant d'heritier et cherchant un maitre, lui demandait pour
prince un de ses marechaux. Le successeur de Charles-Quint,
l'arriere-petit-fils de Louis XIV, le roi des Espagnes et des Indes,
lui demandait pour femme une de ses soeurs. Il etait compris, gronde
et adore de ses soldats, vieux grenadiers familiers avec leur empereur
et avec la mort. Le lendemain des batailles, il avait avec eux de ces
grands dialogues qui commentent superbement les grandes actions et qui
transforment l'histoire en epopee. Il entrait dans sa puissance comme
dans sa majeste quelque chose de simple, de brusque et de formidable.
Il n'avait pas, comme les empereurs d'Orient, le doge de Venise pour
grand echanson, ou, comme les empereurs d'Allemagne, le duc de Baviere
pour grand ecuyer; mais il lui arrivait parfois de mettre aux arrets
le roi qui commandait sa cavalerie. Entre deux guerres, il creusait
des canaux, il percait des routes, il dotait des theatres, il
enrichissait des academies, il provoquait des decouvertes, il fondait
des monuments grandioses, ou bien il redigeait des codes dans un salon
des Tuileries, et il querellait ses conseillers d'etat jusqu'a ce
qu'il eut reussi a substituer, dans quelque texte de loi, aux routines
de la procedure, la raison supreme et naive du genie. Enfin, dernier
trait qui complete a mon sens la configuration singuliere de cette
grande gloire, il etait entre si avant dans l'histoire par ses actions
qu'il pouvait dire et qu'il disait: _Mon predecesseur l'empereur
Charlemagne_; et il s'etait par ses alliances tellement mele a la
monarchie, qu'il pouvait dire et qu'il disait: _Mon oncle le roi Louis
XVI_.
Cet homme etait prodigieux. Sa fortune, messieurs, avait tout
surmonte. Comme je viens de vous le rappeler, les plus illustres
princes sollicitaient son amitie, les plus anciennes races royales
cherchaient son alliance, les plus vieux gentilshommes briguaient son
service. Il n'y avait pas une tete, si haute ou si fiere qu'elle fut,
qui ne saluat ce front sur lequel la main de Dieu, presque visible,
avait pose deux couronnes, l'une qui est faite d'or et qu'on appelle
la royaute, l'autre qui est faite de lumiere et qu'on appelle le genie.
Tout dans le continent s'inclinait devant Napoleon, tout,--excepte six
poetes, messieurs,--permettez-moi de le dire et d'en etre fier dans
cette enceinte,--excepte six penseurs restes seuls debout dans
l'univers agenouille; et ces noms glorieux, j'ai hate de les prononcer
devant vous, les voici: DUCIS, DELILLE, Mme DE STAEL, BENJAMIN CONSTANT,
CHATEAUBRIAND, LEMERCIER.
Que signifiait cette resistance? Au milieu de cette France qui avait
la victoire, la force, la puissance, l'empire, la domination, la
splendeur; au milieu de cette Europe emerveillee et vaincue qui,
devenue presque francaise, participait elle-meme du rayonnement de la
France, que representaient ces six esprits revoltes contre un genie,
ces six renommees indignees contre la gloire, ces six poetes irrites
contre un heros? Messieurs, ils representaient en Europe la seule
chose qui manquat alors a l'Europe, l'independance; ils representaient
en France la seule chose qui manquat alors a la France, la liberte.
A Dieu ne plaise que je pretende jeter ici le blame sur les esprits
moins severes qui entouraient alors le maitre du monde de leurs
acclamations! Cet homme, apres avoir ete l'etoile d'une nation, en
etait devenu le soleil. On pouvait sans crime se laisser eblouir.
Il etait plus malaise peut-etre qu'on ne pense, pour l'individu que
Napoleon voulait gagner, de defendre sa frontiere contre cet
envahisseur irresistible qui savait le grand art de subjuguer un
peuple et qui savait aussi le grand art de seduire un homme. Que
suis-je, d'ailleurs, messieurs, pour m'arroger ce droit de critique
supreme? Quel est mon titre? N'ai-je pas bien plutot besoin moi-meme
de bienveillance et d'indulgence a l'heure ou j'entre dans cette
compagnie, emu de toutes les emotions ensemble, fier des suffrages qui
m'ont appele, heureux des sympathies qui m'accueillent, trouble par
cet auditoire si imposant et si charmant, triste de la grande perte
que vous avez faite et dont il ne me sera pas donne de vous consoler,
confus enfin d'etre si peu de chose dans ce lieu venerable que
remplissent a la fois de leur eclat serein et fraternel d'augustes
morts et d'illustres vivants? Et puis, pour dire toute ma pensee, en
aucun cas je ne reconnaitrais aux generations nouvelles ce droit de
blame rigoureux envers nos anciens et nos aines. Qui n'a pas combattu
a-t-il le droit de juger? Nous devons nous souvenir que nous etions
enfants alors, et que la vie etait legere et insouciante pour nous
lorsqu'elle etait si grave et si laborieuse pour d'autres. Nous
arrivons apres nos peres; ils sont fatigues, soyons respectueux. Nous
profitons a la fois des grandes idees qui ont lutte et des grandes
choses qui ont prevalu. Soyons justes envers tous, envers ceux qui ont
accepte l'empereur pour maitre comme envers ceux qui l'ont accepte
pour adversaire. Comprenons l'enthousiasme et honorons la resistance.
L'un et l'autre ont ete legitimes.
Pourtant, redisons-le, messieurs, la resistance n'etait pas seulement
legitime; elle etait glorieuse.
Elle affligeait l'empereur. L'homme qui, comme il l'a dit plus tard a
Sainte-Helene, _eut fait Pascal senateur et Corneille ministre_, cet
homme-la, messieurs, avait trop de grandeur en lui-meme pour ne pas
comprendre la grandeur dans autrui. Un esprit vulgaire, appuye sur la
toute-puissance, eut dedaigne peut-etre cette rebellion du talent;
Napoleon s'en preoccupait. Il se savait trop historique pour ne point
avoir souci de l'histoire; il se sentait trop poetique pour ne pas
s'inquieter des poetes. Il faut le reconnaitre hautement, c'etait un
vrai prince que ce sous-lieutenant d'artillerie qui avait gagne sur la
jeune republique francaise la bataille du dix-huit brumaire et sur les
vieilles monarchies europeennes la bataille d'Austerlitz. C'etait un
victorieux, et, comme tous les victorieux, c'etait un ami des lettres.
Napoleon avait tous les gouts et tous les instincts du trone,
autrement que Louis XIV sans doute, mais autant que lui. Il y avait
du grand roi dans le grand empereur. Rallier la litterature a son
sceptre, c'etait une de ses premieres ambitions. Il ne lui suffisait
pas d'avoir musele les passions populaires, il eut voulu soumettre
Benjamin Constant; il ne lui suffisait pas d'avoir vaincu trente
armees, il eut voulu vaincre Lemercier; il ne lui suffisait pas
d'avoir conquis dix royaumes, il eut voulu conquerir Chateaubriand.
Ce n'est pas, messieurs, que tout en jugeant le premier consul ou
l'empereur chacun sous l'influence de leurs sympathies particulieres,
ces hommes-la contestassent ce qu'il y avait de genereux, de rare et
d'illustre dans Napoleon. Mais, selon eux, le politique ternissait
le victorieux, le heros etait double d'un tyran, le Scipion se
compliquait d'un Cromwell; une moitie de sa vie faisait a l'autre
moitie des repliques ameres. Bonaparte avait fait porter aux drapeaux
de son armee le deuil de Washington; mais il n'avait pas imite
Washington. Il avait nomme La Tour d'Auvergne premier grenadier de la
republique; mais il avait aboli la republique. Il avait donne le dome
des Invalides pour sepulcre au grand Turenne; mais il avait donne le
fosse de Vincennes pour tombe au petit-fils du grand Conde.
Malgre leur fiere et chaste attitude, l'empereur n'hesita devant
aucune avance. Les ambassades, les dotations, les hauts grades de la
legion d'honneur, le senat, tout fut offert, disons-le a la gloire de
l'empereur, et, disons-le a la gloire de ces nobles refractaires, tout
fut refuse.
Apres les caresses, je l'ajoute a regret, vinrent les persecutions.
Aucun ne ceda. Grace a ces six talents, grace a ces six caracteres,
sous ce regne qui supprima tant de libertes et qui humilia tant de
couronnes, la dignite royale de la pensee libre fut maintenue.
Il n'y eut pas que cela, messieurs, il y eut aussi service rendu a
l'humanite. Il n'y eut pas seulement resistance au despotisme, il y
eut aussi resistance a la guerre. Et qu'on ne se meprenne pas ici sur
le sens et sur la portee de mes paroles, je suis de ceux qui pensent
que la guerre est souvent bonne. A ce point de vue superieur d'ou l'on
voit toute l'histoire comme un seul groupe et toute la philosophie
comme une seule idee, les batailles ne sont pas plus des plaies faites
au genre humain que les sillons ne sont des plaies faites a la terre.
Depuis cinq mille ans, toutes les moissons s'ebauchent par la charrue
et toutes les civilisations par la guerre. Mais lorsque la guerre tend
a dominer, lorsqu'elle devient l'etat normal d'une nation, lorsqu'elle
passe a l'etat chronique, pour ainsi dire, quand il y a, par exemple,
treize grandes guerres en quatorze ans, alors, messieurs, quelque
magnifiques que soient les resultats ulterieurs, il vient un moment ou
l'humanite souffre. Le cote delicat des moeurs s'use et s'amoindrit au
frottement des idees brutales; le sabre devient le seul outil de la
societe; la force se forge un droit a elle; le rayonnement divin de la
bonne foi, qui doit toujours eclairer la face des nations, s'eclipse a
chaque instant dans l'ombre ou s'elaborent les traites et les partages
de royaumes; le commerce, l'industrie, le developpement radieux des
intelligences, toute l'activite pacifique disparait; la sociabilite
humaine est en peril. Dans ces moments-la, messieurs, il sied qu'une
imposante reclamation s'eleve; il est moral que l'intelligence dise
hardiment son fait a la force; il est bon qu'en presence meme de leur
victoire et de leur puissance, les penseurs fassent des remontrances
aux heros, et que les poetes, ces civilisateurs sereins, patients
et paisibles, protestent contre les conquerants, ces civilisateurs
violents.
Parmi ces illustres protestants, il etait un homme que Bonaparte avait
aime, et auquel il aurait pu dire, comme un autre dictateur a un autre
republicain: _Tu quoque!_ Cet homme, messieurs, c'etait M. Lemercier.
Nature probe, reservee et sobre; intelligence droite et logique;
imagination exacte et, pour ainsi dire, algebrique jusque dans ses
fantaisies; ne gentilhomme, mais ne croyant qu'a l'aristocratie du
talent; ne riche, mais ayant la science d'etre noblement pauvre;
modeste d'une sorte de modestie hautaine; doux, mais ayant dans sa
douceur je ne sais quoi d'obstine, de silencieux et d'inflexible;
austere dans les choses publiques, difficile a entrainer, offusque de
ce qui eblouit les autres, M. Lemercier, detail remarquable dans un
homme qui avait livre tout un cote de sa pensee aux theories, M.
Lemercier n'avait laisse construire son opinion politique que par les
faits. Et encore voyait-il les faits a sa maniere. C'etait un de ces
esprits qui donnent plus d'attention aux causes qu'aux effets, et qui
critiqueraient volontiers la plante sur sa racine et le fleuve sur sa
source. Ombrageux et sans cesse pret a se cabrer, plein d'une haine
secrete et souvent vaillante contre tout ce qui tend a dominer, il
paraissait avoir mis autant d'amour-propre a se tenir toujours de
plusieurs annees en arriere des evenements que d'autres en mettent
a se precipiter en avant. En 1789, il etait royaliste, ou, comme on
parlait alors, _monarchien_, de 1785; en 93 il devint, comme il l'a
dit lui-meme, liberal de 89; en 1804, au moment ou Bonaparte se trouva
mur pour l'empire, Lemercier se sentit mur pour la republique.
Comme vous le voyez, messieurs, son opinion politique, dedaigneuse de
ce qui lui semblait le caprice du jour, etait toujours mise a la mode
de l'an passe.
Veuillez me permettre ici quelques details sur le milieu dans lequel
s'ecoula la jeunesse de M. Lemercier. Ce n'est qu'en explorant
les commencements d'une vie qu'on peut etudier la formation d'un
caractere. Or, quand on veut connaitre a fond ces hommes qui repandent
de la lumiere, il ne faut pas moins s'eclairer de leur caractere que
de leur genie. Le genie, c'est le flambeau du dehors; le caractere,
c'est la lampe interieure.
En 1793, au plus fort de la terreur, M. Lemercier, tout jeune homme
alors, suivait avec une assiduite remarquable les seances de la
Convention nationale. C'etait la, messieurs, un sujet de contemplation
sombre, lugubre, effrayant, mais sublime. Soyons justes, nous le
pouvons sans danger aujourd'hui, soyons justes envers ces choses
augustes et terribles qui ont passe sur la civilisation humaine et qui
ne reviendront plus! C'est, a mon sens, une volonte de la providence
que la France ait toujours a sa tete quelque chose de grand. Sous les
anciens rois, c'etait un principe; sous l'empire, ce fut un homme;
pendant la revolution, ce fut une assemblee. Assemblee qui a brise le
trone et qui a sauve le pays, qui a eu un duel avec la royaute comme
Cromwell et un duel avec l'univers comme Annibal, qui a eu a la fois
du genie comme tout un peuple et du genie comme un seul homme, en un
mot, qui a commis des attentats et qui a fait des prodiges, que nous
pouvons detester, que nous pouvons maudire, mais que nous devons
admirer!
Reconnaissons-le neanmoins, il se fit en France, dans ce temps-la,
une diminution de lumiere morale, et par consequent,--remarquons-le,
messieurs,--une diminution de lumiere intellectuelle. Cette espece de
demi-jour ou de demi-obscurite qui ressemble a la tombee de la nuit
et qui se repand sur de certaines epoques, est necessaire pour que la
providence puisse, dans l'interet ulterieur du genre humain, accomplir
sur les societes vieillies ces effrayantes voies de fait qui, si elles
etaient commises par des hommes, seraient des crimes, et qui, venant
de Dieu, s'appellent des revolutions.
Cette ombre, c'est l'ombre meme que fait la main du Seigneur quand
elle est sur un peuple.
Comme je l'indiquais tout a l'heure, 93 n'est pas l'epoque de
ces hautes individualites que leur genie isole. Il semble, en ce
moment-la, que la providence trouve l'homme trop petit pour ce qu'elle
veut faire, qu'elle le relegue sur le second plan, et qu'elle entre en
scene elle-meme. Eu effet, en 93, des trois geants qui ont fait de la
revolution francaise, le premier, un fait social, le deuxieme, un fait
geographique, le dernier, un fait europeen, l'un, Mirabeau, etait
mort; l'autre, Sieyes, avait disparu dans l'eclipse, il _reussissait
a vivre_, comme ce lache grand homme l'a dit plus tard; le troisieme,
Bonaparte, n'etait pas ne encore a la vie historique. Sieyes laisse
dans l'ombre et Danton peut-etre excepte, il n'y avait donc pas
d'hommes du premier ordre, pas d'intelligences capitales dans la
Convention, mais il y avait de grandes passions, de grandes luttes,
de grands eclairs, de grands fantomes. Cela suffisait, certes, pour
l'eblouissement du peuple, redoutable spectateur incline sur la
fatale assemblee. Ajoutons qu'a cette epoque ou chaque jour etait une
journee, les choses marchaient si vite, l'Europe et la France, Paris
et la frontiere, le champ de bataille et la place publique avaient
tant d'aventures, tout se developpait si rapidement, qu'a la tribune
de la Convention nationale l'evenement croissait pour ainsi dire sous
l'orateur a mesure qu'il parlait, et, tout en lui donnant le vertige,
lui communiquait sa grandeur. Et puis, comme Paris, comme la France,
la Convention se mouvait dans cette clarte crepusculaire de la fin du
siecle qui attachait des ombres immenses aux plus petits hommes, qui
pretait des contours indefinis et gigantesques aux plus chetives
figures, et qui, dans l'histoire meme, repand sur cette formidable
assemblee je ne sais quoi de sinistre et de surnaturel.
Ces monstrueuses reunions d'hommes ont souvent fascine les poetes
comme l'hydre fascine l'oiseau. Le Long-Parlement absorbait Milton,
la Convention attirait Lemercier. Tous deux plus tard ont illumine
l'interieur d'une sombre epopee avec je ne sais quelle vague
reverberation de ces deux pandemoniums. On sent Cromwell dans _le
Paradis perdu_, et 93 dans la _Panhypocrisiade_. La Convention, pour
le jeune Lemercier, c'etait la revolution faite vision et reunie tout
entiere sous son regard. Tous les jours il venait voir la, comme il
l'a dit admirablement, _mettre les lois hors la loi_. Chaque matin
il arrivait a l'ouverture de la seance et s'asseyait a la tribune
publique parmi ces femmes etranges qui melaient je ne sais quelle
besogne domestique aux plus terribles spectacles, et auxquelles
l'histoire conservera leur hideux surnom de _tricoteuses_. Elles
le connaissaient, elles l'attendaient et lui gardaient sa place.
Seulement il y avait dans sa jeunesse, dans le desordre de ses
vetements, dans son attention effaree, dans son anxiete pendant les
discussions, dans la fixite profonde de son regard, dans les paroles
entrecoupees qui lui echappaient par moments, quelque chose de si
singulier pour elles, qu'elles le croyaient prive de raison. Un jour,
arrivant plus tard qu'a l'ordinaire, il entendit une de ces femmes
dire a l'autre: _Ne te mets pas la, c'est la place de l'idiot_.
Quatre ans plus tard, en 1797, l'idiot donnait a la France
_Agamemnon_.
Est-ce que par hasard cette assemblee aurait fait faire au poete cette
tragedie? Qu'y a-t-il de commun entre Egisthe et Danton, entre
Argos et Paris, entre la barbarie homerique et la demoralisation
voltairienne? Quelle etrange idee de donner pour miroir aux attentats
d'une civilisation decrepite et corrompue les crimes naifs et simples
d'une epoque primitive, de faire errer, pour ainsi dire, a quelques
pas des echafauds de la revolution francaise, les spectres grandioses
de la tragedie grecque, et de confronter au regicide moderne, tel que
l'accomplissent les passions populaires, l'antique regicide tel que le
font les passions domestiques! Je l'avouerai, messieurs, en songeant
a cette remarquable epoque du talent de M. Lemercier, entre les
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