Actes et Paroles, Volume 1 - 24

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au travail, a l'intelligence, a l'industrie, au commerce
la navigation, a l'agriculture, aux sciences, aux arts, et
representez-vous le resultat. Si, depuis trente-deux ans, cette
gigantesque somme de cent vingt-huit milliards avait ete depensee de
cette facon, l'Amerique, de son cote, aidant l'Europe, savez-vous
ce qui serait arrive? La face du monde serait changee! les isthmes
seraient coupes, les fleuves creuses, les montagnes percees, les
chemins de fer couvriraient les deux continents, la marine marchande
du globe aurait centuple, et il n'y aurait plus nulle part ni landes,
ni jacheres, ni marais; on batirait des villes la ou il n'y a encore
que des solitudes; on creuserait des ports la ou il n'y a encore que
des ecueils; l'Asie serait rendue a la civilisation, l'Afrique serait
rendue a l'homme; la richesse jaillirait de toutes parts de toutes
les veines du globe sous le travail de tous les hommes, et la misere
evanouirait! Et savez-vous ce qui s'evanouirait avec la misere? Les
revolutions. (_Bravos prolonges_.) Oui, la face du monde serait
changee! Au lieu de se dechirer entre-soi, on se repandrait
pacifiquement sur l'univers! Aulieu de faire des revolutions, on
ferait des colonies! Aulieu d'apporter la barbarie a la civilisation,
on apporterait la civilisation a la barbarie! (_Nouveaux
applaudissements_.)
Voyez, messieurs, dans quel aveuglement la preoccupation de la guerre
jette les nations et les gouvernants; si les cent vingt-huit milliards
qui ont ete donnes par l'Europe depuis trente-deux ans a la guerre qui
n'existait pas avaient ete donnes a la paix qui existait, disons-le,
et disons-le bien haut, on n'aurait rien vu en Europe de ce qu'on y
voit en ce moment; le continent, au lieu d'etre un champ de bataille,
serait un atelier; et, au lieu de ce spectacle douloureux et terrible,
le Piemont abattu, Rome, la ville eternelle, livree aux oscillations
miserables de la politique humaine, la Hongrie et Venise qui se
debattent heroiquement, la France inquiete, appauvrie et sombre, la
misere, le deuil, la guerre civile, l'obscurite sur l'avenir; au lieu
de ce spectacle sinistre, nous aurions sous les yeux l'esperance, la
joie, la bienveillance, l'effort de tous vers le bien-etre commun,
et nous verrions partout se degager de la civilisation en travail le
majestueux rayonnement de la concorde universelle. (_Bravo! bravo!
--Applaudissements._)
Chose digne de meditation! ce sont nos precautions contre la guerre
qui ont amene les revolutions. On a tout fait, on a tout depense
contre le peril imaginaire. On a aggrave ainsi la misere, qui etait le
peril reel. On s'est fortifie contre un danger chimerique, on a tourne
ses regards du cote ou n'etait pas le point noir, on a vu les
guerres qui ne venaient pas, et l'on n'a pas vu les revolutions qui
arrivaient. (_Longs applaudissements._)
Messieurs, ne desesperons pas pourtant. Au contraire, esperons
plus que jamais! Ne nous laissons pas effrayer par des commotions
momentanees, secousses necessaires peut-etre des grands enfantements.
Ne soyons pas injustes pour les temps ou nous vivons, ne voyons
pas notre epoque autrement qu'elle n'est. C'est une prodigieuse et
admirable epoque apres tout, et le dix-neuvieme siecle sera, disons-le
hautement, la plus grande page de l'histoire. Comme je vous le
rappelais tout a l'heure, tous les progres s'y revelent et s'y
manifestent a la fois, les uns amenant les autres; chute des
animosites internationales, effacement des frontieres sur la carte et
des prejuges dans les coeurs, tendance a l'unite, adoucissement des
moeurs, elevation du niveau de l'enseignement et abaissement du
niveau des penalites, domination des langues les plus litteraires,
c'est-a-dire les plus humaines; tout se meut en meme temps, economie
politique, science, industrie, philosophie, legislation, et converge
au meme but, la creation du bien-etre et de la bienveillance,
c'est-a-dire, et c'est la pour ma part le but auquel je tendrai
toujours, extinction de la misere au dedans, extinction de la guerre
au dehors. (_Applaudissements._)
Oui, je le dis en terminant, l'ere des revolutions se ferme, l'ere
des ameliorations commence. Le perfectionnement des peuples quitte la
forme violente pour prendre la forme paisible. Le temps est venu ou
la providence va substituer a l'action desordonnee des agitateurs
l'action religieuse et calme des pacificateurs. (_Oui! oui!_)
Desormais, le but de la politique grande, de la politique vraie, le
voici: faire reconnaitre toutes les nationalites, restaurer l'unite
historique des peuples et rallier cette unite a la civilisation par la
paix, elargir sans cesse le groupe civilise, donner le bon exemple
aux peuples encore barbares, substituer les arbitrages aux batailles;
enfin, et ceci resume tout, faire prononcer par la justice le dernier
mot que l'ancien monde faisait prononcer par la force. (_Profonde
sensation._)
Messieurs, je le dis en terminant, et que cette pensee nous encourage,
ce n'est pas d'aujourd'hui que le genre humain est en marche dans
cette voie providentielle. Dans notre vieille Europe, l'Angleterre
a fait le premier pas, et par son exemple seculaire elle a dit aux
peuples: Vous etes libres. La France a fait le second pas, et elle a
dit aux peuples: Vous etes souverains. Maintenant faisons le troisieme
pas, et tous ensemble, France, Angleterre, Belgique, Allemagne,
Italie, Europe, Amerique, disons aux peuples: Vous etes freres!
(_Immense acclamation.--L'orateur se rassied au milieu des
applaudissements._)

II
CLOTURE DU CONGRES DE LA PAIX
24 aout 1849.
Messieurs, vous m'avez permis de vous adresser quelques paroles de
bienvenue; permettez-moi de vous adresser quelques paroles d'adieu.
Je serai tres court, l'heure est avancee, j'ai present a l'esprit
l'article 3 du reglement, et, soyez tranquilles, je ne m'exposerai pas
a me faire rappeler a l'ordre par le president. (_On rit._)
Nous allons nous separer, mais nous resterons unis de coeur. (_Oui!
oui!_) Nous avons desormais une pensee commune, messieurs; et
une commune pensee, c'est, en quelque sorte, une commune patrie.
(_Sensation._) Oui, a dater de ce jour, nous tous qui sommes ici, nous
sommes compatriotes! (_Oui! oui!_)
Vous avez pendant trois jours delibere, discute, approfondi, avec
sagesse et dignite, de graves questions, et a propos de ces questions,
les plus hautes que puisse agiter l'humanite, vous avez pratique
noblement les grandes moeurs des peuples libres.
Vous avez donne aux gouvernements des conseils, des conseils amis
qu'ils entendront, n'en doutez pas! (_Oui! oui!_) Des voix eloquentes
se sont elevees parmi vous, de genereux appels ont ete faits a tous
les sentiments magnanimes de l'homme et du peuple; vous avez
depose dans les esprits, en depit des prejuges et des inimities
internationales, le germe imperissable de la paix universelle.
Savez-vous ce que nous voyons, savez-vous ce que nous avons sous les
yeux depuis trois jours? C'est l'Angleterre serrant la main de la
France, c'est l'Amerique serrant la main de l'Europe, et quant a
moi, je ne sache rien de plus grand et de plus beau! (_Explosion
d'applaudissements_.)
Retournez maintenant dans vos foyers, rentrez dans vos pays le coeur
plein de joie, dites-y que vous venez de chez vos compatriotes de
France. (_Mouvement.--Longue acclamation._) Dites que vous y avez jete
les bases de la paix du monde, repandez partout cette bonne nouvelle,
et semez partout cette grande pensee.
Apres les voix considerables qui se sont fait entendre, je ne
rentrerai pas dans ce qui vous a ete explique et demontre, mais
permettez-moi de repeter, pour clore ce congres solennel, les paroles
que je prononcais en l'inaugurant. Ayez bon espoir! ayez bon courage!
L'immense progres definitif qu'on dit que vous revez, et que je dis
que vous enfantez, se realisera. (_Bravo! bravo!_) Songez a tous les
pas qu'a deja faits le genre humain! Meditez le passe, car le passe
souvent eclaire l'avenir. Ouvrez l'histoire et puisez-y des forces
pour votre foi.
Oui, le passe et l'histoire, voila nos points d'appui.
Tenez, ce matin, a l'ouverture de cette seance, au moment ou un
respectable orateur chretien [note: M. l'abbe Deguerry, cure de la
Madeleine.] tenait vos ames palpitantes sous la grande et penetrante
eloquence de l'homme cordial et du pretre fraternel, en ce moment-la,
un membre de cette assemblee, dont j'ignore le nom, lui a rappele
que le jour ou nous sommes, le 24 aout, est l'anniversaire de la
Saint-Barthelemy. Le pretre catholique a detourne sa tete venerable et
a repousse ce lamentable souvenir. Eh bien! ce souvenir, je l'accepte,
moi! (_Profonde et universelle impression._) Oui, je l'accepte!
(_Mouvement prolonge._)
Oui, cela est vrai, il y a de cela deux cent soixante et dix-sept
annees, a pareil jour, Paris, ce Paris ou vous etes, s'eveillait
epouvante au milieu de la nuit. Une cloche, qu'on appelait la cloche
d'argent, tintait au palais de justice, les catholiques couraient
aux armes, les protestants etaient surpris dans leur sommeil, et un
guetapens, un massacre, un crime ou etaient melees toutes les haines,
haines religieuses, haines civiles, haines politiques, un crime
abominable s'accomplissait. Eh bien! aujourd'hui, dans ce meme jour,
dans cette meme ville, Dieu donne rendez-vous a toutes ces haines
et leur ordonne de se convertir en amour. (_Tonnerred'applaudissements._)
Dieu retire a ce funebre anniversaire sasignification sinistre; ou il
y avait une tache de sang, il met un rayon de lumiere (_long mouvement_);
a la place de l'idee de vengeance, de fanatisme et de guerre, il met
l'idee de reconciliation, de tolerance et de paix; et, grace a lui, par
sa volonte, grace aux progres qu'il amene et qu'il commande, precisement
a cette date fatale du 24 aout, et pour ainsi dire presque a l'ombre de
cette tour encore debout qui a sonne la Saint-Barthelemy, non seulement
anglais et francais, italiens et allemands, europeens et americains, mais
ceux qu'on nommait les papistes et ceux qu'on nommait les huguenots se
reconnaissent freres (_mouvement prolonge_) et s'unissent dans un
etroit et desormais indissoluble embrassement. (_Explosion de bravos
et d'applaudissements.--M. l'abbe Deguerry et M. le pasteur Coquerel
s'embrassent devant le fauteuil du president.--Les acclamations
redoublent dans l'assemblee et dans les tribunes publiques.--M. Victor
Hugo reprend.)
Osez maintenant nier le progres! (_Nouveaux applaudissements._) Mais,
sachez-le bien, celui qui nie le progres est un impie, celui qui nie
le progres nie la providence, car providence et progres c'est la meme
chose, et le progres n'est qu'un des noms humains du Dieu eternel!
(_Profonde et universelle sensation.--Bravo! bravo!_)
Freres, j'accepte ces acclamations, et je les offre aux generations
futures. (_Applaudissements repetes._) Oui, que ce jour soit un jour
memorable, qu'il marque la fin de l'effusion du sang humain, qu'il
marque la fin des massacres et des guerres, qu'il inaugure le
commencement de la concorde et de la paix du monde, et qu'on dise:--Le
24 aout 1572 s'efface et disparait sous le 24 aout 1849! (_Longue et
unanime acclamation.--L'emotion est a son comble; les bravos eclatent
de toutes parts; les anglais et les americains se levent en agitant
leurs mouchoirs et leurs chapeaux vers l'orateur, et, sur un signe de
M. Cobden, ils poussent sept hourras._)


COUR D'ASSISES
1851

POUR CHARLES HUGO

[Note: Un braconnier de la Nievre, Montcharmont, condamne a mort,
fut conduit, pour y etre execute, dans le petit village ou avait ete
commis le crime.
Le patient etait doue d'une grande force physique; le bourreau et ses
aides ne purent l'arracher de la charrette. L'execution fut suspendue;
il fallut attendre du renfort. Quand les executeurs furent en nombre,
le patient fut ramene devant l'echafaud, enleve du tombereau, porte
sur la bascule, et pousse sous le couteau.
M. Charles Hugo, dans l'_Evenement_, raconta ce fait avec horreur. Il
fut traduit devant la cour d'assises de la Seine, sous l'inculpation
d'avoir manque au respect du a la loi.
Il fut defendu par son pere. Il fut condamne. (_Note de l'editeur_.)]

LA PEINE DE MORT
COUR D'ASSISES DE LA SEINE (Proces de _l'Evenement_)
11 juin 1851.
Messieurs les jures, aux premieres paroles que M. l'avocat general a
prononcees, j'ai cru un moment qu'il allait abandonner l'accusation.
Cette illusion n'a pas longtemps dure. Apres avoir fait de vains
efforts pour circonscrire et amoindrir le debat, le ministere public
a ete entraine, par la nature meme du sujet, a des developpements qui
ont rouvert tous les aspects de la question, et, malgre lui, la
question a repris toute sa grandeur. Je ne m'en plains pas.
J'aborde immediatement l'accusation. Mais, auparavant, commencons par
bien nous entendre sur un mot. Les bonnes definitions font les
bonnes discussions. Ce mot "respect du aux lois", qui sert de base a
l'accusation, quelle portee a-t-il? que signifie-t-il? quel est son
vrai sens? Evidemment, et le ministere public lui-meme me parait
resigne a ne point soutenir le contraire, ce mot ne peut signifier
suppression, sous pretexte de respect, de la critique des lois. Ce mot
signifie tout simplement respect de l'execution des lois. Pas autre
chose. Il permet la critique, il permet le blame, meme severe, nous
en voyons des exemples tous les jours, et meme a l'endroit de la
constitution, qui est superieure aux lois. Ce mot permet l'invocation
au pouvoir legislatif pour abolir une loi dangereuse. Il permet enfin
qu'on oppose a la loi un obstacle moral. Mais il ne permet pas qu'on
lui oppose un obstacle materiel. Laissez executer une loi, meme
mauvaise, meme injuste, meme barbare, denoncez-la a l'opinion,
denoncez-la au legislateur, mais laissez-la executer. Dites qu'elle
est mauvaise, dites qu'elle est injuste, dites qu'elle est barbare,
mais laissez-la executer. La critique, oui; la revolte, non. Voila le
vrai sens, le sens unique de ce mot, respect des lois.
Autrement, messieurs, pesez ceci. Dans cette grave operation de
l'elaboration des lois, operation qui comprend deux fonctions, la
fonction de la presse, qui critique, qui conseille, qui eclaire, et
la fonction du legislateur, qui decide,--dans cette grave operation,
dis-je, la premiere fonction, la critique, serait paralysee, et par
contre-coup la seconde. Les lois ne seraient jamais critiquees, et,
par consequent, il n'y aurait pas de raison pour qu'elles fussent
jamais ameliorees, jamais reformees, l'assemblee nationale legislative
serait parfaitement inutile. Il n'y aurait plus qu'a la fermer. Ce
n'est pas la ce qu'on veut, je suppose. (_On rit._)
Ce point eclairci, toute equivoque dissipee sur le vrai sens du mot
"respect du aux lois", j'entre dans le vif de la question.
Messieurs les jures, il y a, dans ce qu'on pourrait appeler le
vieux code europeen, une loi que, depuis plus d'un siecle, tous les
philosophes, tous les penseurs, tous les vrais hommes d'etat, veulent
effacer du livre venerable de la legislation universelle; une loi que
Beccaria a declaree impie et que Franklin a declaree abominable, sans
qu'on ait fait de proces a Beccaria ni a Franklin; une loi qui, pesant
particulierement sur cette portion du peuple qu'accablent encore
l'ignorance et la misere, est odieuse a la democratie, mais qui n'est
pas moins repoussee par les conservateurs intelligents; une loi dont
le roi Louis-Philippe, que je ne nommerai jamais qu'avec le respect du
a la vieillesse, au malheur et a un tombeau dans l'exil, une loi dont
le roi Louis-Philippe disait: _Je l'ai detestee toute ma vie_; une loi
contre laquelle M. de Broglie a ecrit, contre laquelle M. Guizot a
ecrit; une loi dont la chambre des deputes reclamait par acclamation
l'abrogation, il y a vingt ans, au mois d'octobre 1830, et qu'a la
meme epoque le parlement demi-sauvage d'Otahiti rayait de ses codes;
une loi que l'assemblee de Francfort abolissait il y a trois ans, et
que l'assemblee constituante de la republique romaine, il y a deux
ans, presque a pareil jour, a declaree abolie _a jamais_, sur
la proposition du depute Charles Bonaparte; une loi que notre
constituante de 1848 n'a maintenue qu'avec la plus douloureuse
indecision et la plus poignante repugnance; une loi qui, a l'heure ou
je parle, est placee sous le coup de deux propositions d'abolition,
deposees sur la tribune legislative; une loi enfin dont la Toscane ne
veut plus, dont la Russie ne veut plus, et dont il est temps que
la France ne veuille plus. Cette loi devant laquelle la conscience
humaine recule avec une anxiete chaque jour plus profonde, c'est la
peine de mort.
Eh bien! messieurs, c'est cette loi qui fait aujourd'hui ce proces;
c'est elle qui est notre adversaire. J'en suis fache pour M. l'avocat
general, mais je l'apercois derriere lui! (_Long mouvement._)
Je l'avouerai, depuis une vingtaine d'annees, je croyais, et moi qui
parle j'en avais fait la remarque dans des pages que je pourrais vous
lire, je croyais,--mon Dieu! avec M. Leon Faucher, qui, en 1836,
ecrivait dans un recueil, la _Revue de Paris_, ceci (je cite):
"L'echafaud n'apparait plus sur nos places publiques qu'a de rares
intervalles, et comme un spectacle que la justice a honte de donner."
(_Mouvement._)
Je croyais, dis-je, que la guillotine, puisqu'il faut l'appeler par
son nom, commencait a se rendre justice a elle-meme, qu'elle se
sentait reprouvee, et qu'elle en prenait son parti. Elle avait renonce
a la place de Greve, au plein soleil, a la foule, elle ne se faisait
plus crier dans les rues, elle ne se faisait plus annoncer comme un
spectacle. Elle s'etait mise a faire ses exemples le plus obscurement
possible, au petit jour, barriere Saint-Jacques, dans un lieu desert,
devant personne. Il me semblait qu'elle commencait a se cacher, et je
l'avais felicitee de cette pudeur. (_Nouveau mouvement._)
Eh bien! messieurs, je me trompais, M. Leon Faucher se trompait. (_On
rit._) Elle est revenue de cette fausse honte. La guillotine sent
qu'elle est une institution sociale, comme on parle aujourd'hui. Et
qui sait? peut-etre meme reve-t-elle, elle aussi, sa restauration.
(_On rit._)
La barriere Saint-Jacques, c'est la decheance. Peut-etre allons-nous
la voir un de ces jours reparaitre place de Greve, en plein midi,
en pleine foule, avec son cortege de bourreaux, de gendarmes et de
crieurs publics, sous les fenetres memes de l'hotel de ville, du haut
desquelles on a eu un jour, le 24 fevrier, l'insolence de la fletrir
et de la mutiler!
En attendant, elle se redresse. Elle sent que la societe ebranlee a
besoin, pour se raffermir, comme on dit encore, de revenir a toutes
les anciennes traditions, et elle est une ancienne tradition. Elle
proteste contre ces declamateurs demagogues qui s'appellent Beccaria,
Vico, Filangieri, Montesquieu, Turgot, Franklin; qui s'appellent
Louis-Philippe, qui s'appellent Broglie et Guizot (_on rit_), et qui
osent croire et dire qu'une machine a couper des tetes est de trop
dans une societe qui a pour livre l'evangile! (_Sensation._)
Elle s'indigne contre ces utopistes anarchiques. (_On rit._) Et, le
lendemain de ses journees les plus funebres et les plus sanglantes,
elle veut qu'on l'admire! Elle exige qu'on lui rende des respects! Ou,
sinon, elle se declare insultee, elle se porte partie civile, et elle
reclame des dommages-interets! (_Hilarite generale et prolongee._)
M. LE PRESIDENT.--Toute marque d'approbation est interdite, comme
toute marque d'improbation. Ces rires sont inconvenants dans une telle
question.
M. VICTOR HUGO, _reprenant_.--Elle a eu du sang, ce n'est pas assez,
elle n'est pas contente, elle veut encore de l'amende et de la prison!
Messieurs les jures, le jour ou l'on a apporte chez moi pour mon
fils ce papier timbre, cette assignation pour cet inqualifiable
proces,--nous voyons des choses bien etranges dans ce temps-ci, et
l'on devrait y etre accoutume,--eh bien! vous l'avouerai-je, j'ai ete
frappe de stupeur, je me suis dit:
Quoi! est-ce donc la que nous en sommes?
Quoi! a force d'empietements sur le bon sens, sur la raison, sur la
liberte de pensee, sur le droit naturel, nous en serions la, qu'on
viendrait nous demander, non pas seulement le respect materiel,
celui-la n'est pas conteste, nous le devons, nous l'accordons, mais
le respect moral, pour ces penalites qui ouvrent des abimes dans les
consciences, qui font palir quiconque pense, que la religion abhorre,
_abhorret a sanguine_; pour ces penalites qui osent etre irreparables,
sachant qu'elles peuvent etre aveugles; pour ces penalites qui
trempent leur doigt dans le sang humain pour ecrire ce commandement:
"Tu ne tueras pas!" pour ces penalites impies qui font douter de
l'humanite quand elles frappent le coupable, et qui font douter de
Dieu quand elles frappent l'innocent! Non! non! non! nous n'en sommes
pas la! non! (_Vive et universelle sensation._)
Car, et puisque j'y suis amene, il faut bien vous le dire, messieurs
les jures, et vous allez comprendre combien devait etre profonde mon
emotion, le vrai coupable dans cette affaire, s'il y a un coupable, ce
n'est pas mon fils, c'est moi. (_Mouvement prolonge._)
Le vrai coupable, j'y insiste, c'est moi, moi qui, depuis vingt-cinq
ans, ai combattu sous toutes les formes les penalites irreparables!
moi qui, depuis vingt-cinq ans, ai defendu en toute occasion
l'inviolabilite de la vie humaine!
Ce crime, defendre l'inviolabilite de la vie humaine, je l'ai commis
bien avant mon fils, bien plus que mon fils. Je me denonce, monsieur
l'avocat general! Je l'ai commis avec toutes les circonstances
aggravantes, avec premeditation, avec tenacite, avec recidive!
(_Nouveau mouvement._)
Oui, je le declare, ce reste des penalites sauvages, cette vieille et
inintelligente loi du talion, cette loi du sang pour le sang, je l'ai
combattue toute ma vie,--toute ma vie, messieurs les jures!--et, tant
qu'il me restera un souffle dans la poitrine, je la combattrai de tous
mes efforts comme ecrivain, de tous mes actes et de tous mes votes
comme legislateur, je le declare (_M. Victor Hugo etend le bras et
montre le christ qui est au fond de la salle, au-dessus du tribunal_)
devant cette victime de la peine de mort qui est la, qui nous regarde
et qui nous entend! Je le jure devant ce gibet ou, il y a deux mille
ans, pour l'eternel enseignement des generations, la loi humaine a
cloue la loi divine! (_Profonde et inexprimable emotion._)
Ce que mon fils a ecrit, il l'a ecrit, je le repete, parce que je le
lui ai inspire des l'enfance, parce qu'en meme temps qu'il est mon
fils selon le sang, il est mon fils selon l'esprit, parce qu'il veut
continuer la tradition de son pere. Continuer la tradition de son
pere! Voila un etrange delit, et pour lequel j'admire qu'on soit
poursuivi! Il etait reserve aux defenseurs exclusifs de la famille de
nous faire voir cette nouveaute! (_On rit._)
Messieurs, j'avoue que l'accusation en presence de laquelle nous
sommes me confond.
Comment! une loi serait funeste, elle donnerait a la foule des
spectacles immoraux, dangereux, degradants, feroces, elle tendrait a
rendre le peuple cruel, a de certains jours elle aurait des effets
horribles,--et les effets horribles que produirait cette loi, il
serait interdit de les signaler! et cela s'appellerait lui manquer de
respect! et l'on en serait comptable devant la justice! et il y aurait
tant d'amende et tant de prison! Mais alors, c'est bien! fermons
la chambre, fermons les ecoles, il n'y a plus de progres possible,
appelons-nous le Mogol ou le Thibet, nous ne sommes plus une nation
civilisee! Oui, ce sera plus tot fait, dites-nous que nous sommes en
Asie, qu'il y a eu autrefois un pays qu'on appelait la France, mais
que ce pays-la n'existe plus, et que vous l'avez remplace par quelque
chose qui n'est plus la monarchie, j'en conviens, mais qui n'est
certes pas la republique! (_Nouveaux rires._)
M. LE PRESIDENT.--Je renouvelle mon observation. Je rappelle
l'auditoire au silence; autrement, je serai force de faire evacuer la
salle.
M. VICTOR HUGO, _poursuivant_.--Mais voyons, appliquons aux faits,
rapprochons des realites la phraseologie de l'accusation.
Messieurs les jures, en Espagne, l'inquisition a ete la loi. Eh bien!
il faut bien le dire, on a manque de respect a l'inquisition. En
France, la torture a ete la loi. Eh bien! il faut bien vous le dire
encore, on a manque de respect a la torture. Le poing coupe a ete la
loi. On a manque ...--j'ai manque de respect au couperet! Le fer rouge
a ete la loi. On a manque de respect au fer rouge! La guillotine est
la loi. Eh bien! c'est vrai, j'en conviens, on manque de respect a la
guillotine! (_Mouvement_.)
Savez-vous pourquoi, monsieur l'avocat general? Je vais vous le
dire. C'est parce qu'on veut jeter la guillotine dans ce gouffre
d'execration ou sont deja tombes, aux applaudissements du genre
humain, le fer rouge, le poing coupe, la torture et l'inquisition!
C'est parce qu'on veut faire disparaitre de l'auguste et lumineux
sanctuaire de la justice cette figure sinistre qui suffit pour le
remplir d'horreur et d'ombre, le bourreau! (_Profonde sensation._)
Ah! et parce que nous voulons cela, nous ebranlons la societe! Ah!
oui, c'est vrai! nous sommes des hommes tres dangereux, nous voulons
supprimer la guillotine! C'est monstrueux!
Messieurs les jures, vous etes les citoyens souverains d'une nation
libre, et, sans denaturer ce debat, on peut, on doit vous parler
comme a des hommes politiques. Eh bien! songez-y, et, puisque nous
traversons un temps de revolutions, tirez les consequences de ce que
je vais vous dire. Si Louis XVI eut aboli la peine de mort, comme
il avait aboli la torture, sa tete ne serait pas tombee. 93 eut ete
desarme du couperet. Il y aurait une page sanglante de moins dans
l'histoire, la date funebre du 21 janvier n'existerait pas. Qui donc,
en presence de la conscience publique, a la face de la France, a la
face du monde civilise, qui donc eut ose relever l'echafaud pour le
roi, pour l'homme dont on aurait pu dire: C'est lui qui l'a renverse!
(_Mouvement prolonge._)
On accuse le redacteur de l'_Evenement_ d'avoir manque de respect
aux lois! d'avoir manque de respect a la peine de mort! Messieurs,
elevons-nous un peu plus haut qu'un texte controversable, elevons-nous
jusqu'a ce qui fait le fond meme de toute legislation, jusqu'au
for interieur de l'homme. Quand Servan, qui etait avocat general
cependant,--quand Servan imprimait aux lois criminelles de son temps
cette fletrissure memorable: "Nos lois penales ouvrent toutes les
issues a l'accusation, et les ferment presque toutes a l'accuse";
quand Voltaire qualifiait ainsi les juges de Calas: _Ah! ne me parlez
pas de ces juges, moitie singes et moitie tigres!_ (_on rit_); quand
Chateaubriand, dans _le Conservateur_, appelait la loi du double vote
_loi sotte et coupable_; quand Royer-Collard, en pleine Chambre des
deputes, a propos de je ne sais plus quelle loi de censure, jetait
ce cri celebre: _Si vous faites cette loi, je jure de lui desobeir_;
quand ces legislateurs, quand ces magistrats, quand ces philosophes,
quand ces grands esprits, quand ces hommes, les uns illustres, les
autres venerables, parlaient ainsi, que faisaient-ils? Manquaient-ils
de respect a la loi, a la loi locale et momentanee? c'est possible,
M. l'avocat general le dit, je l'ignore; mais ce que je sais, c'est
qu'ils etaient les religieux echos de la loi des lois, de la
conscience universelle! Offensaient-ils la justice, la justice de leur
temps, la justice transitoire et faillible? je n'en sais rien; mais
ce que je sais, c'est qu'ils proclamaient la justice eternelle.
(_Mouvement general d'adhesion._)
Il est vrai qu'aujourd'hui, on nous a fait la grace de nous le dire au
sein meme de l'assemblee nationale, on traduirait en justice l'athee
Voltaire, l'immoral Moliere, l'obscene La Fontaine, le demagogue
Jean-Jacques Rousseau! (_On rit._) Voila ce qu'on pense, voila ce
qu'on avoue, voila ou on est! Vous apprecierez, messieurs les jures!
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