Actes et Paroles, Volume 1 - 10

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L'oubli de soi-meme, bien compris, s'appelle abnegation; mal compris,
il s'appelle abrutissement. Socialistes, songez-y! les revolutions
peuvent changer la societe, mais elles ne changent pas le coeur
humain. Le coeur humain est a la fois ce qu'il y a de plus tendre et
ce qu'il y a de plus resistant. Prenez garde a votre etrange progres!
il va droit contre la volonte de Dieu. N'otez pas au peuple la famille
pour lui donner le monastere! (Applaudissements prolonges_.)
M. TAYLOR fait remarquer que M. Victor Hugo sera, sans nul doute,
d'autant plus dispose a defendre ce fecond principe de l'association,
que c'est l'association qui l'a d'abord choisi pour son candidat,
qu'il parlait tout a l'heure devant une association des associations,
et que c'est, en realite, de l'association qu'il tiendra le mandat que
les artistes et les ouvriers veulent lui confier, au nom de l'art et
du travail.
M. AUBRY.--Beaucoup de personnes que je connais, qui sont loin d'avoir
l'instruction necessaire pour juger les causes et les effets, m'ont
demande,--lorsque je proposais le grand nom de M. Victor Hugo, que
je verrais avec bonheur a la chambre,--m'ont demande pourquoi, en
promettant de combattre les hommes qui veulent etre, il n'avait pas
parle de combattre les hommes qui ont ete. Dans ce moment, la classe
ouvriere craint plus les individus qui se cachent que les individus
qui se sont montres ... Les republicains qui ont attente a l'assemblee
le 15 mai ... je me trompe, ce ne sont pas des republicains! (_Bravo!
bravo! Applaudissements_); les individus qui se montrent, on les
ecrase sous le poids du mepris; pour ceux qui se cachent, nous
desirons que nos representants viennent dire: Nous les combattrons.
(_Approbation_.)
M. VICTOR HUGO.--J'ai ecoute avec attention, et, chose remarquable,
chez un orateur si jeune qui parle avec une facilite si distinguee,
qui dit si clairement sa pensee, je n'ai pu la saisir tout entiere.
Je vais toutefois essayer de la preciser. Il va voir avec quelle
sincerite j'aborde toutes les hypotheses.
Il m'a semble qu'il designait comme dangereux, j'emprunte ses propres
expressions, non-seulement ceux qui veulent etre, mais ceux qui ont
ete.
Je commence par lui dire: Entendez-vous parler de la famille qui vient
d'etre brisee par un mouvement populaire? Si vous dites oui, rien ne
m'est plus facile que de repondre; remarquez que vous ne me genez pas
du tout en disant oui.
M. AUBRY.--En parlant ainsi, je n'ai pas voulu parler des personnes,
mais des systemes; non de M. Louis-Philippe, ni de M. Blanqui
(_sourires_), mais du systeme de Louis-Philippe et du systeme de
Blanqui.
M. VICTOR HUGO.--Vous me mettez trop a mon aise. S'il ne s'agit que
des systemes, je repondrai par des faits.
J'ai ete trois ans pair de France; j'ai parle six fois comme pair;
j'ai donne, dans une lettre que les journaux ont publiee, les dates de
mes discours. Pourquoi ai-je donne ces dates? C'est afin que chacun
put recourir au _Moniteur_. Pourquoi ai-je donne avec une tranquillite
profonde ces six dates aux millions de lecteurs des journaux de Paris
et de la France? C'est que je savais que pas une des paroles que j'ai
prononcees alors ne serait hors de propos aujourd'hui; c'est que
les six discours que j'ai prononces devant les pairs de France, je
pourrais les redire tous demain devant l'assemblee nationale. La etait
le secret de ma tranquillite.
Voulez-vous plus de details? Voulez-vous que je vous dise quels ont
ete les sujets de ces six discours?
(_De toutes parts: Oui! oui!_)
Le premier discours, prononce le 14 fevrier 1846, a ete consacre aux
ouvriers, au peuple, dont nous voyons ici une honorable et grave
deputation. Une loi avait ete presentee qui tendait a nier le
droit que l'artiste industriel a sur son oeuvre. J'ai combattu la
disposition mauvaise que cette loi contenait; je l'ai fait rejeter.
Le second discours a ete prononce le 20 mars de la meme annee, les
journaux l'ont cite il y a quelques jours; c'etait pour la Pologne. Le
1er avril suivant, j'ai parle pour la troisieme fois. C'etait encore
pour le peuple; c'etait sur la question de la probite commerciale, sur
les marques de fabrique. Deux mois apres, les 2 et 5 juillet, j'ai
repris la parole; c'etait pour la defense et la protection de notre
littoral; je signalais aux chambres ce fait grave que les cotes
d'Angleterre sont herissees de canons, et que les cotes de France sont
desarmees.
Le cinquieme discours date du 14 juin 1847. Ce jour-la, a propos de la
petition d'un proscrit, je me suis leve pour dire au gouvernement du
roi Louis-Philippe ce que je regrette de n'avoir pu dire ces jours
passes au gouvernement de la republique: que c'est une chose odieuse
de bannir et de proscrire ceux que la destinee a frappes. J'ai demande
hautement--il n'y a pas encore un an de cela--que la famille de
l'empereur rentrat en France. La chambre me l'a refuse, la providence
me l'a accorde. (_Mouvement prolonge_.)
Le sixieme discours, prononce le 13 janvier dernier, etait sur
l'Italie, sur l'unite de l'Italie, sur la revolution francaise, mere
de la revolution italienne. Je parlais a trois heures de l'apres-midi;
j'affirmais qu'une grande revolution allait s'accomplir dans la
peninsule italienne. La chambre des pairs disait non, et, a la meme
minute, le 13 janvier, a trois heures, pendant que je parlais,
le premier tocsin de l'insurrection sonnait a Palerme. (_Nouveau
mouvement._) C'est la derniere fois que j'ai parle.
L'independance de ma pensee s'est produite sous bien d'autres formes
encore; je rappelle un souvenir que les auteurs dramatiques n'ont
peut-etre pas oublie. Dans une circonstance memorable pour moi,
c'etait la premiere fois que je recueillais des gages de la sympathie
populaire, dans un proces intente a propos du drame _le Roi s'amuse_,
dont le gouvernement avait suspendu les representations, je pris la
parole. Personne n'a attaque avec plus d'energie et de resolution le
gouvernement d'alors; vous pouvez relire mon discours.
Voila des faits. Passerons-nous aux personnes? Vous me donnez bien de
la force. Non, je n'attaquerai pas les personnes; non, je ne ferai pas
cette lachete de tourner le dos a ceux qui s'en vont, et de tourner
le visage a ceux qui arrivent; jamais, jamais! personne ne me verra
suivre, comme un vil courtisan, les flatteurs du peuple, moi qui n'ai
pas suivi les flatteurs des rois! (_Explosion de bravos._) Flatteurs
de rois, flatteurs du peuple, vous etes les memes hommes, j'ai pour
vous un mepris profond.
Je voudrais que ma voix fut entendue sur le boulevard, je voudrais que
ma parole parvint aux oreilles de tout ce loyal peuple repandu en ce
moment dans les carrefours, qui ne veut pas de proscription, lui qui a
ete proscrit si longtemps! Depuis un mois, il y a deux jours ou j'ai
regrette de ne pas etre de l'assemblee nationale; le 15 mai, pour
m'opposer au crime de lese-majeste populaire commis par l'emeute, a la
violation du domicile de la nation; et le 25 mai, pour m'opposer au
decret de bannissement. Je n'etais pas la lorsque cette loi inique et
inutile a ete votee par les hommes memes qui soutenaient la dynastie
il y a quatre mois! Si j'y avais ete, vous m'auriez vu me lever,
l'indignation dans l'ame et la paleur au front. J'aurais dit: Vous
faites une loi de proscription! mais votre loi est invalide! mais
votre loi est nulle! Et, tenez, la providence met la, sous vos yeux,
la preuve eclatante de la misere de cette espece de lois. Vous avez
ici deux princes,--je dis princes a dessein,--vous avez deux princes
de la famille Bonaparte, et vous etes forces de les appeler a voter
sur cette loi, eux qui sont sous le coup d'une-loi pareille! et,
en votant sur la loi nouvelle, ils violent, Dieu soit loue, la loi
ancienne! Et ils sont la au milieu de vous comme une protestation
vivante de la toute-puissance divine contre cette chose faible et
violente qu'on appelle la toute-puissance humaine! (_Acclamation_.)
Voila ce que j'aurais dit. Je regrette de n'avoir pu le dire; et,
soyez tranquilles, si l'occasion se represente, je la saisirai; j'en
prends a la face du peuple l'engagement. Je ne permettrai pas qu'en
votre nom on fasse des actions honteuses. Je fletrirai les actes et
je demasquerai les hommes. (_Bravo!_) Non, je n'attaquerai jamais les
personnes d'aucun parti malheureux! Je n'attaquerai jamais les
vaincus! J'ai l'habitude de traiter les questions par l'amour et non
par la haine. (_Sensation_.) J'ai l'instinct de chercher le cote
noble, doux et conciliant, et non le cote irritant des choses. Je n'ai
jamais manque a cette habitude de ma vie entiere, je n'y manquerai pas
aujourd'hui. Et pourquoi y manquerais-je? dans quel but? Dans un but
de candidature! Est-ce que vous croyez que j'ai l'ambition d'etre
depute a l'assemblee nationale? J'ai l'ambition du pompier qui voit
une maison qui brule, et qui dit: Donnez-moi un seau d'eau! (_Bravo!
bravo!_)
M. AUBRAY.--Ce que mes amis demandent, c'est precisement de voir
stigmatiser ces memes individus qui ont vote la loi de proscription,
dont nous ne voulons pas. S'ils ont proscrit la famille de
Louis-Philippe, c'est qu'ils craignent de la voir revenir, eux qui lui
doivent tout, et qui se sont montres si ingrats. Ces hommes devraient
etre marques d'un fer rouge a l'epaule. Nous n'en voulons pas, parce
qu'ils ont un systeme tenebreux. Ils en ont donne la preuve en votant
cette loi.
M. VICTOR HUGO.--Je ferai ce que j'ai fait, toujours fait, je resterai
independant, dusse-je rester isole. Je ne suis rien qu'un esprit
pensif, solitaire et serieux. L'homme qui aime la solitude ne craint
pas l'isolement.
Je suis resolu a toujours agir selon cette lumiere qui est dans mon
ame, et qui me montre le juste et le vrai. Soyez tranquilles, je ne
serai jamais ni dupe ni complice des folies d'aucun parti. J'ai bien
assez, nous avons tous bien assez des fautes personnelles qui tiennent
a notre humanite, sans prendre encore le fardeau et la responsabilite
des fautes d'autrui. Ce que je sais de pire au monde, c'est la faute
en commun. Vous me verrez me jeter sans le moindre calcul tantot
au-devant des nouveaux partis qui veulent refaire un mauvais passe,
tantot au-devant des vieux partis qui veulent, eux aussi, refaire un
passe pire encore! (_Emotion et adhesion_.)
Je ne veux pas plus d'une politique qui a abaisse la France, que je ne
veux d'une politique qui l'a ensanglantee. Je combattrai l'intrigue
comme la violence, de quelque part qu'elles viennent; et, quant a
ce que vous appelez la reaction, je repousse la reaction comme je
repousse l'anarchie. (_Applaudissements_.)
En ce moment, les veritables ennemis de la chose publique sont ceux
qui disent: Il faut entretenir l'agitation dans la rue, faire une
emeute desarmee et indefinie, que le marchand ne vende plus, que
l'acheteur n'achete plus, que le consommateur ne consomme plus, que
les faillites privees amenent la faillite publique, que les boutiques
se ferment, que l'ouvrier chome, que le peuple soit sans travail et
sans pain, qu'il mendie, qu'il traine sa detresse sur le pave des
rues; alors tout s'ecroulera!--Non, ce plan affreux ne reussira pas!
non, la France ne perira pas de misere! un tel sort n'est pas fait
pour elle! Non, la grande nation qui a survecu a Waterloo n'expirera
pas dans une banqueroute! (_Emotion profonde. Bravo! bravo!_)
UN MEMBRE.--Que M. Victor Hugo dise: Je ne suis pas un republicain
rouge, ni un republicain blanc, mais un republicain tricolore.
M. VICTOR HUGO.--Ce que vous me dites, je l'ai imprime il y a trois
jours.
Il me semble qu'il est impossible d'etre plus clair et plus net que
dans cette publication. Je ne voudrais pas qu'un seul de vous ecrivit
mon nom sur son bulletin et dit le lendemain: je me suis trompe.
Savez-vous pourquoi je ne crie pas bien haut: je suis republicain?
C'est parce que beaucoup trop de gens le crient. Savez-vous pourquoi
j'ai une sorte de pudeur et de scrupule a faire cet etalage de
republicanisme? C'est que je vois des gens qui ne sont rien moins que
republicains faire plus de bruit que vous qui etes convaincus. Il y a
une chose sur laquelle je defie qui que ce soit, c'est le sentiment
democratique. Il y a vingt ans que je suis democrate. Je suis un
democrate de la veille. Est-ce que vous aimeriez mieux le mot que
la chose? Moi, je vous donne la chose, qui vaut mieux que le mot!
(_Applaudissements_.)
M. MARLET, au nom des artistes-peintres, demande l'appui de M.
Victor Hugo dans toutes les questions qui interessent l'election, le
concours, les droits des artistes et les franchises de l'art.
M. VICTOR HUGO declare qu'ici encore son passe repond de son avenir,
et que pour defendre les libertes et les droits de l'art et des
artistes depuis vingt ans il n'a pas attendu qu'on le lui demandat. Il
continuera d'etre ce qu'il a toujours ete, le defenseur et l'ami des
artistes. Ils peuvent compter sur lui.
L'assemblee proclame, a l'unanimite, Victor Hugo candidat des
associations reunies.

VI
SEANCE DES ASSOCIATIONS
APRES LE MANDAT ACCOMPLI
Mai 1849.
Je vous rapporte un double mandat, le mandat de president de
l'association que vous voulutes bien, il y a un an, me confier a
l'unanimite, le mandat de representant que vos votes, egalement
unanimes, m'ont confere a la meme epoque. Je rappelle cette unanimite
qui est pour moi un cher et glorieux souvenir.
Messieurs, nous venons de traverser une annee laborieuse. Grace a la
toute-puissante volonte de la nation, nettement signifiee aux partis
par le suffrage universel, un gouvernement serieux, regulier, normal,
fonctionnant selon la liberte et la loi, peut desormais tout faire
refleurir parmi nous, le travail, la paix, le commerce, l'industrie,
l'art; c'est-a-dire remettre la France en pleine possession de tous
les elements de la civilisation.
C'est la, messieurs, un grand pas en avant; mais ce pas ne s'est point
accompli sans peine et sans labeur. Il n'est pas un bon citoyen qui
n'ait pousse a la roue dans ce retour a la vie sociale; tous l'ont
fait, avec des forces inegales sans doute, mais avec une egale bonne
volonte. Quant a moi, l'humble part que j'ai prise dans les grands
evenements survenus depuis un an, je ne vous la dirai pas; vous la
savez, votre bienveillance meme se l'exagere. Ce sera ma gloire, un
jour, de n'avoir pas ete etranger a ces grands faits, a ces grands
actes. Toute ma conduite politique depuis une annee peut se resumer en
un seul mot; j'ai defendu energiquement, resolument, de ma poitrine
comme de ma parole, dans les douloureuses batailles de la rue comme
dans les luttes ameres de la tribune, j'ai defendu l'ordre contre
l'anarchie, et la liberte contre l'arbitraire. (_Oui! oui! c'est
vrai!_)
Cette double loi, qui, pour moi, est une loi unique, cette double loi
de ma conduite, dont je n'ai pas devie un seul instant, je l'ai puisee
dans ma conscience, et il me semble aussi, messieurs, que je l'ai
puisee dans la votre! (_Unanime adhesion_.) Permettez-moi de dire
cela, car l'unanimite de vos suffrages il y a un an, et l'unanimite de
vos adhesions en ce moment, nous fait en quelque sorte, a vous, les
mandants, et a moi, le mandataire, une ame commune. (_Oui! oui!_) Je
vous rapporte mon mandat rempli loyalement. J'ai fait de mon mieux,
j'ai fait, non tout ce que j'ai voulu, mais tout ce que j'ai pu, et je
reviens au milieu de vous avec la grave et austere serenite du devoir
accompli. (_Applaudissements_.)


ASSEMBLEE CONSTITUANTE
1848

I
ATELIERS NATIONAUX

[Note: Ce discours fut prononce quatre jours avant la fatale
insurrection du 24 juin. Il ouvrit la discussion sur le decret
suivant, qui fut adopte par l'assemblee.
ART. 1. L'allocation de 3 millions demandee par M. le ministre
des travaux publics pour les ateliers nationaux lui est accordee
d'urgence.
ART. 2. Chaque allocation nouvelle affectee au meme emploi ne pourra
exceder le chiffre de 1 million.
ART. 3. Les pouvoirs de la commission chargee de l'examen du present
decret sont continues jusqu'a ce qu'il en soit autrement ordonne par
l'assemblee.]

20 juin 1848.
Messieurs,
Je ne monte pas a cette tribune pour ajouter de la passion aux
debats qui vous agitent, ni de l'amertume aux contestations qui vous
divisent. Dans un moment ou tout est difficulte, ou tout peut etre
danger, je rougirais d'apporter volontairement des embarras au
gouvernement de mon pays. Nous assistons a une solennelle et decisive
experience; j'aurais honte de moi s'il pouvait entrer dans ma pensee
de troubler par des chicanes, dans l'heure si difficile de son
etablissement, cette majestueuse forme sociale, la republique, que nos
peres ont vue grande et terrible dans le passe, et que nous voulons
tous voir grande et bienfaisante dans l'avenir. Je tacherai donc, dans
le peu que j'ai a dire a propos des ateliers nationaux, de ne point
perdre de vue cette verite, qu'a l'epoque delicate et grave ou
nous sommes, s'il faut de la fermete dans les actes, il faut de la
conciliation dans les paroles.
La question des ateliers nationaux a deja ete traitee a diverses
reprises devant vous avec une remarquable elevation d'apercus et
d'idees. Je ne reviendrai pas sur ce qui a ete dit. Je m'abstiendrai
des chiffres que vous connaissez tous. Dans mon opinion, je le declare
franchement, la creation des ateliers nationaux a pu etre, a ete une
necessite; mais le propre des hommes d'etat veritables, c'est de tirer
bon parti des necessites, et de convertir quelquefois les fatalites
memes d'une situation en moyens de gouvernement. Je suis oblige de
convenir qu'on n'a pas tire bon parti de cette necessite-ci.
Ce qui me frappe au premier abord, ce qui frappe tout homme de bon
sens dans cette institution des ateliers nationaux, telle qu'on l'a
faite, c'est une enorme force depensee en pure perte. Je sais que M.
le ministre des travaux publics annonce des mesures; mais, jusqu'a
ce que la realisation de ces mesures ait serieusement commence, nous
sommes bien obliges de parler de ce qui est, de ce qui menace d'etre
peut-etre longtemps encore; et, dans tous les cas, notre controle a le
droit de remonter aux fautes faites, afin d'empecher, s'il se peut,
les fautes a faire.
Je dis donc que ce qu'il y a de plus clair jusqu'a ce jour dans les
ateliers nationaux, c'est une enorme force depensee en pure perte; et
a quel moment? Au moment ou la nation epuisee avait besoin de toutes
ses ressources, de la ressource des bras autant que de la ressource
des capitaux. En quatre mois, qu'ont produit les ateliers nationaux?
Rien.
Je ne veux pas entrer dans la nomenclature des travaux qu'il etait
urgent d'entreprendre, que le pays reclamait, qui sont presents a tous
vos esprits; mais examinez ceci. D'un cote une quantite immense
de travaux possibles, de l'autre cote une quantite immense de
travailleurs disponibles. Et le resultat? neant! (_Mouvement_.)
Neant, je me trompe; le resultat n'a pas ete nul, il a ete facheux;
facheux doublement, facheux au point de vue des finances, facheux au
point de vue de la politique.
Toutefois, ma severite admet des temperaments; je ne vais pas jusqu'au
point ou vont ceux qui disent avec une rigueur trop voisine peut-etre
de la colere pour etre tout a fait la justice:--Les ateliers nationaux
sont un expedient fatal. Vous avez abatardi les vigoureux enfants du
travail, vous avez ote a une partie du peuple le gout du labeur, gout
salutaire qui contient la dignite, la fierte, le respect de soi-meme
et la sante de la conscience. A ceux qui n'avaient connu jusqu'alors
que la force genereuse du bras qui travaille, vous avez appris la
honteuse puissance de la main tendue; vous avez deshabitue les epaules
de porter le poids glorieux du travail honnete, et vous avez accoutume
les consciences a porter le fardeau humiliant de l'aumone. Nous
connaissions deja le desoeuvre de l'opulence, vous avez cree le
desoeuvre de la misere, cent fois plus dangereux pour lui-meme et
pour autrui. La monarchie avait les oisifs, la republique aura les
faineants.--(_Assentiment marque_.)
Ce langage rude et chagrin, je ne le tiens pas precisement, je ne vais
pas jusque-la. Non, le glorieux peuple de juillet et de fevrier ne
s'abatardira pas. Cette faineantise fatale a la civilisation est
possible en Turquie; en Turquie et non pas en France. Paris ne copiera
pas Naples; jamais, jamais Paris ne copiera Constantinople. Jamais,
le voulut-on, jamais on ne parviendra a faire de nos dignes et
intelligents ouvriers qui lisent et qui pensent, qui parlent et qui
ecoutent, des lazzaroni en temps de paix et des janissaires pour le
combat. Jamais! (_Sensation_.)
Ce mot _le voulut-on_, je viens de le prononcer; il m'est echappe.
Je ne voudrais pas que vous y vissiez une arriere-pensee, que vous y
vissiez une accusation par insinuation. Le jour ou je croirai devoir
accuser, j'accuserai, je n'insinuerai pas. Non, je ne crois pas, je
ne puis croire, et je le dis en toute sincerite, que cette pensee
monstrueuse ait pu germer dans la tete de qui que ce soit, encore
moins d'un ou de plusieurs de nos gouvernants, de convertir l'ouvrier
parisien en un condottiere, et de creer dans la ville la plus
civilisee du monde, avec les elements admirables dont se compose la
population ouvriere, des pretoriens de l'emeute au service de la
dictature. (_Mouvement prolonge_.)
Cette pensee, personne ne l'a eue, cette pensee serait un crime de
lese-majeste populaire! (_C'est vrai!_) Et malheur a ceux qui la
concevraient jamais! malheur a ceux qui seraient tentes de la mettre
a execution! car le peuple, n'en doutez pas, le peuple, qui a de
l'esprit, s'en apercevrait bien vite, et ce jour-la il se leverait
comme un seul homme contre ces tyrans masques en flatteurs, contre ces
despotes deguises en courtisans, et il ne serait pas seulement severe,
il serait terrible. (_Tres bien! tres bien!_)
Je rejette cet ordre d'idees, et je me borne a dire qu'independamment
de la funeste perturbation que les ateliers nationaux font peser sur
nos finances, les ateliers nationaux tels qu'ils sont, tels qu'ils
menacent de se perpetuer, pourraient, a la longue,--danger qu'on
vous a deja signale, et sur lequel j'insiste,--alterer gravement le
caractere de l'ouvrier parisien.
Eh bien, je suis de ceux qui ne veulent pas qu'on altere le caractere
de l'ouvrier parisien; je suis de ceux qui veulent que cette noble
race d'hommes conserve sa purete; je suis de ceux qui veulent qu'elle
conserve sa dignite virile, son gout du travail, son courage a la fois
plebeien et chevaleresque; je suis de ceux qui veulent que cette noble
race, admiree du monde entier, reste admirable.
Et pourquoi est-ce que je le veux? Je ne le veux pas seulement pour
l'ouvrier parisien, je le veux pour nous; je le veux a cause du role
que Paris remplit dans l'oeuvre de la civilisation universelle.
Paris est la capitale actuelle du monde civilise....
UNE VOIX.--C'est connu! (_On rit_.)
M. VICTOR HUGO.--Sans doute, c'est connu! J'admire l'interruption! il
serait rare et curieux que Paris fut la capitale du monde et que le
monde n'en sut rien. (_Tres bien!--On rit_.) Je poursuis. Ce que Rome
etait autrefois, Paris l'est aujourd'hui. Ce que Paris conseille,
l'Europe le medite; ce que Paris commence, l'Europe le continue. Paris
a une fonction dominante parmi les nations. Paris a le privilege
d'etablir a certaines epoques, souverainement, brusquement
quelquefois, de grandes choses: la liberte de 89, la republique de 92,
juillet 1830, fevrier 1848; et ces grandes choses, qui est-ce qui les
fait? Les penseurs de Paris qui les preparent, et les ouvriers de
Paris qui les executent. (_Interruptions diverses_.)
Voila pourquoi je veux que l'ouvrier de Paris reste ce qu'il est, un
noble et courageux travailleur, soldat de l'idee au besoin, de
l'idee et non de l'emeute (_sensation_), l'improvisateur quelquefois
temeraire des revolutions, mais l'initiateur genereux, sense,
intelligent et desinteresse des peuples. C'est la le grand role de
l'ouvrier parisien. J'ecarte donc de lui avec indignation tout ce qui
peut le corrompre.
De la mon opposition aux ateliers nationaux.
Il est necessaire que les ateliers nationaux se transforment
promptement d'une institution nuisible en une institution utile.
QUELQUES VOIX.--Les moyens?
M. VICTOR HUGO.--Tout a l'heure, en commencant, ces moyens, je vous
les ai indiques; le gouvernement les enumerait hier, je vous demande
la permission de ne pas vous les repeter.
PLUSIEURS MEMBRES.--Continuez! continuez!
M. VICTOR HUGO.--Trop de temps deja a ete perdu; il importe que les
mesures annoncees soient le plus tot possible des mesures accomplies.
Voila ce qui importe. J'appelle sur ce point l'attention de
l'assemblee et de ses delegues au pouvoir executif.
Je voterai le credit sous le benefice de ces observations.
Que demain il nous soit annonce que les mesures dont a parle M. le
ministre des travaux publics sont en pleine execution, que cette voie
soit largement suivie, et mes critiques disparaissent. Est-ce que vous
croyez qu'il n'est pas de la plus haute importance de stimuler le
gouvernement lorsque le temps se perd, lorsque les forces de la France
s'epuisent?
En terminant, messieurs, permettez-moi d'adresser du haut de cette
tribune, a propos des ateliers nationaux...--ceci est dans le sujet,
grand Dieu! et les ateliers nationaux ne sont qu'un triste detail d'un
triste ensemble...--permettez-moi d'adresser du haut de cette tribune
quelques paroles a cette classe de penseurs severes et convaincus
qu'on appelle les socialistes (_Oh! oh!--Ecoutez! ecoutez!_) et de
jeter avec eux un coup d'oeil rapide sur la question generale qui
trouble, a cette heure, tous les esprits et qui envenime tous les
evenements, c'est-a-dire sur le fond reel de la situation actuelle.
La question, a mon avis, la grande question fondamentale qui saisit la
France en ce moment et qui emplira l'avenir, cette question n'est pas
dans un mot, elle est dans un fait. On aurait tort de la poser dans
le mot _republique_, elle est dans le fait _democratie_; fait
considerable, qui doit engendrer l'etat definitif des societes
modernes et dont l'avenement pacifique est, je le declare, le but de
tout esprit serieux.
C'est parce que la question est dans le fait _democratie_ et non dans
le mot _republique_, qu'on a eu raison de dire que ce qui se dresse
aujourd'hui devant nous avec des menaces selon les uns, avec des
promesses selon les autres, ce n'est pas une question politique, c'est
une question sociale.
Representants du peuple, la question est dans le peuple. Je le disais
il y a un an a peine dans une autre enceinte, j'ai bien le droit de le
redire aujourd'hui ici; la question, depuis longues annees deja, est
dans les detresses du peuple, dans les detresses des campagnes qui
n'ont point assez de bras, et des villes qui en ont trop, dans
l'ouvrier qui n'a qu'une chambre ou il manque d'air, et une industrie
ou il manque de travail, dans l'enfant qui va pieds nus, dans la
malheureuse jeune fille que la misere ronge et que la prostitution
devore, dans le vieillard sans asile, a qui l'absence de la providence
sociale fait nier la providence divine; la question est dans ceux qui
souffrent, dans ceux qui ont froid et qui ont faim. La question est
la. (_Oui! oui!_)
Eh bien,--socialiste moi-meme, c'est aux socialistes impatients que
je m'adresse,--est-ce que vous croyez que ces souffrances ne nous
prennent pas le coeur? est-ce que vous croyez qu'elles nous laissent
insensibles? est-ce que vous croyez qu'elles n'eveillent pas en nous
le plus tendre respect, le plus profond amour, la plus ardente et
la plus poignante sympathie? Oh! comme vous vous tromperiez!
(_Sensation._) Seulement, en ce moment, au moment ou nous sommes,
voici ce que nous vous disons.
Depuis le grand evenement de fevrier, par suite de ces ebranlements
profonds qui ont amene des ecroulements necessaires, il n'y a plus
seulement la detresse de cette portion de la population qu'on appelle
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