Elémens de la philosophie de Neuton: Mis à la portée de tout le monde - 09

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la raison. Moins bon Philosophe qu'Astronome admirable, il dit (au
4e. Liv. de son Epitome) que le Soleil a une ame, non pas une ame
intelligente _animum_, mais une ame végétante, agissante, _animam_:
qu'en tournant sur lui-même il attire à soi les Planetes; mais que les
Planetes ne tombent pas dans le Soleil, parce qu'elles font aussi une
révolution sur leur axe. En faisant cette révolution, dit-il, elles
présentent au Soleil tantôt un côté ami, tantôt un côté ennemi: le côté
ami est attiré, & le côté ennemi est repoussé; ce qui produit le cours
annuel des Planetes dans des Ellipses.
Il faut avouer pour l'humiliation de la Philosophie, que c'est de ce
raisonnement si peu Philosophique, qu'il avoit conclu que le Soleil
devoit tourner sur son axe: l'erreur le conduisit par hazard à la
vérité; il devina la rotation du Soleil sur lui-même plus de 15. ans
avant que les yeux de Galilée la reconnussent à l'aide des Telescopes.
Kepler ajoute dans son même Epitome p. 495. que la masse du Soleil, la
masse de tout l'Ether, & la masse des Sphéres des Etoiles fixes sont
parfaitement égales; & que ce sont les 3. Symboles de la Très-Sainte
Trinité.
Le Lecteur qui en lisant ces Elémens, aura vu de si grandes rêveries,
à côté de si sublimes vérités, dans un aussi grand homme que Kepler,
dans un aussi profond Mathématicien que Kirker, ne doit point en être
surpris: on peut être un Génie en fait de calcul & d'observations, & se
servir mal quelquefois de sa raison pour le reste; il y a tels Esprits
qui ont besoin de s'appuyer sur la Géométrie, & qui tombent quand
ils veulent marcher seuls. Il n'est donc pas étonnant que Kepler, en
découvrant ces loix de l'Astronomie, n'ait pas connu la raison de ces
loix.
[Raison véritable de cette loi trouvée par Neuton.]
Cette raison est, que la force centripète est précisément en proportion
inverse du quarré de la distance du centre de mouvement, vers lequel
ces forces sont dirigées; c'est ce qu'il faut suivre attentivement.
Il faut bien entendre, qu'en un mot cette loi de la gravitation est
telle, que tout corps qui approche 3. fois plus du centre de son
mouvement, gravite 9. fois davantage: que s'il s'éloigne 3. fois plus,
il gravitera 9. fois moins; & que s'il s'éloigne 100. fois plus, il
gravitera 10000. fois moins.
Un corps se mouvant circulairement autour d'un centre, pese donc en
raison inverse du quarré de sa distance actuelle au centre, comme
aussi en raison directe de sa masse; or il est démontré que c'est la
gravitation qui le fait tourner autour de ce centre, puisque sans cette
gravitation, il s'en éloigneroit en décrivant une tangente. Cette
gravitation agira donc plus fortement sur un mobile, qui tournera
plus vîte autour de ce centre; & plus ce mobile sera éloigné, plus il
tournera lentement, car alors il pesera bien moins.
C'est par cette raison que la Terre, quoique 1170. fois plus petite que
Jupiter, ne pese pourtant sur le Soleil que 8. fois moins que Jupiter;
& cela en raison directe des masses, & en raison inverse des quarrés
des distances de ces Planetes au Soleil.
[Récapitulation des preuves de la gravitation.]
Voilà donc cette loi de la gravitation en raison du quarré des
distances, démontrée
1º. Par l'Orbite que décrit la Lune, & par son éloignement de la Terre,
son centre;
2º. Par le chemin de chaque Planete autour du Soleil dans une Ellipse;
3º. Par la comparaison des distances & des révolutions de toutes les
Planetes autour de leur centre commun.
[Ces découvertes de Kepler & de Neuton servent à démontrer que c'est la
Terre qui tourne autour du Soleil.]
Il ne sera pas inutile de remarquer que cette même règle de Kepler,
qui sert à confirmer la découverte de Neuton touchant la gravitation,
confirme aussi le Systême de Copernic sur le mouvement de la Terre.
On peut dire que Kepler par cette seule règle a démontré ce qu'on
avoit trouvé avant lui, & a ouvert le chemin aux vérités qu'on devoit
découvrir un jour. Car d'un côté il est démontré que si la loi des
forces centripètes n'avoit pas lieu, la règle de Kepler seroit
impossible; de l'autre il est démontré que suivant cette même règle,
si le Soleil tournoit autour de la Terre, il faudroit dire: Comme
la révolution de la Lune autour de la Terre en un mois, est à la
révolution prétendue du Soleil autour de la Terre en un an, ainsi la
racine quarrée du cube de la distance de la Lune à la Terre, est à la
racine quarrée du cube de la distance du Soleil à la Terre. Par ce
calcul on trouveroit que le Soleil n'est qu'à 510000. lieues de nous;
mais il est prouvé qu'il en est au moins à environ 30. millions de
lieues; ainsi donc le mouvement de la Terre a été démontré en rigueur
par Kepler. Voici encore une démonstration bien simple tirée des mêmes
théorêmes.
[Démonstration du mouvement de la Terre tirée des mêmes loix.]
Si la Terre étoit le centre du mouvement du Soleil, comme elle l'est du
mouvement de la Lune, la révolution du Soleil seroit de 475. ans, au
lieu d'une année; car l'éloignement moyen où le Soleil est de la Terre,
est à l'éloignement moyen où la Lune est de la Terre, comme 337. est à
un: or le cube de la distance de la Lune est 1., le cube de la distance
du Soleil 38272753: achevez la règle, & dites: Comme le cube 1. est à
ce nombre cubé 38272753. ainsi le quarré de 28. qui est la révolution
périodique de la Lune est à un 4e. nombre: vous trouverez que le Soleil
mettroit 475. ans au lieu d'une année à tourner autour de la Terre; il
est donc démontré que c'est la Terre qui tourne.
Il semble d'autant plus à propos de placer ici ces Démonstrations,
qu'il y a encore des hommes destinez à instruire les autres en Italie,
en Espagne, & même en France, qui doutent, ou qui affectent de douter
du mouvement de la Terre.
Il est donc prouvé par la loi de Kepler & par celle de Neuton, que
chaque Planete gravite vers le Soleil, centre de l'Orbite qu'elles
décrivent: ces loix s'accomplissent dans les Satellites de Jupiter par
rapport à Jupiter, leur centre: dans les Lunes de Saturne par rapport
à Saturne, dans la nôtre par rapport à nous: toutes ces Planetes
secondaires qui roulent autour de leur Planete centrale gravitent aussi
avec leur Planete centrale vers le Soleil; ainsi la Lune entraînée
autour de la Terre par la force centripète, est en même tems attirée
par le Soleil autour duquel elle fait aussi sa révolution. Il n'y a
aucune varieté dans le cours de la Lune, dans ses distances de la
Terre, dans la figure de son Orbite, tantôt aprochante de l'ellipse,
tantôt du cercle, &c. qui ne soit une suite de la gravitation en raison
des changemens de sa distance à la Terre, & de sa distance au Soleil.
Si elle ne parcourt pas exactement dans son Orbite des aires égales
en tems égaux; Mr. Neuton a calculé tous les cas où cette inégalité
se trouve: tous dépendent de l'attraction du Soleil; il attire ces 2.
Globes en raison directe de leurs masses, & en raison inverse du quarré
de leurs distances. Nous allons voir que la moindre variation de la
Lune est un effet nécessaire de ces pouvoirs combinez.
[Illustration]


[Illustration]
CHAPITRE VINGT-UN.
_Nouvelles preuves de l'attraction. Que les inégalités du mouvement &
de l'Orbite de la Lune sont nécessairement les effets de l'attraction._

LA Lune n'a qu'un seul mouvement égal, c'est sa rotation autour
d'elle-même sur son axe, & c'est le seul dont nous ne nous appercevons
pas: c'est ce mouvement qui nous présente toujours à-peu-près le même
disque de la Lune; de sorte qu'en tournant réellement sur elle-même,
elle paroît ne point tourner du tout, & avoir seulement un petit
mouvement de balancement, de libration, qu'elle n'a point, & que toute
l'Antiquité lui attribuoit.
Tous ses autres mouvemens autour de la Terre sont inégaux, & doivent
l'être si la règle de la gravitation est vraye. La Lune dans son cours
d'un mois est nécessairement plus près du Soleil dans un certain
point, & dans un certain tems de son cours: or dans ce point & dans ce
tems sa masse demeure la même: sa distance étant seulement changée,
l'attraction du Soleil doit changer en raison renversée du quarré de
cette distance: le cours de la Lune doit donc changer, elle doit donc
aller plus vîte en certains tems que l'attraction seule de la Terre ne
la feroit aller; or par l'attraction de la Terre elle doit parcourir
des aires égales en tems égaux, comme vous l'avez déja observé au
Chapitre 19.
On ne peut s'empêcher d'admirer avec quelle sagacité Neuton a démêlé
toutes ces inégalités, réglé la marche de cette Planete, qui s'étoit
dérobée à toutes les recherches des Astronomes; c'est-là sur-tout qu'on
peut dire:
_Nec propius fas est mortali attingere Divos._
[Exemple en preuve.]
Entre les exemples qu'on peut choisir, prenons celui-ci: Soit A. la
Lune: A, B, N, Q. l'Orbite de la Lune: S. le Soleil; B. l'endroit où la
Lune se trouve dans son dernier quartier[*].
[*] On a laissé ce blanc, & renvoyé la suite du Texte avec la
Figure aux pages suivantes, pour la commodité du Lecteur.
Elle est alors manifestement à la même distance du Soleil qu'est la
Terre. La différence de l'obliquité de la ligne de direction de la Lune
au Soleil étant comptée pour rien, la gravitation de la Terre & de la
Lune vers le Soleil est donc la même. Cependant la Terre avance dans sa
route annuelle de T. en V. & la Lune dans son cours d'un mois avance en
Z.: or en Z. il est manifeste qu'elle est plus attirée par le Soleil
S. dont elle se trouve plus proche que la Terre; son mouvement sera
donc accéléré de Z. vers N.; l'Orbite qu'elle décrit sera donc changée,
mais comment sera-t-elle changée? En s'aplatissant un peu, en devenant
plus approchante d'une droite depuis Z. vers N.; ainsi donc de moment
en moment la gravitation change le cours & la forme de l'Ellipse, dans
laquelle se meut cette Planete.
[Illustration: _Pag. 264._]
Par la même raison la Lune doit retarder son cours, & changer encore
la figure de l'Orbite qu'elle décrit, lorsqu'elle repasse de la
conjonction N. à son premier quartier Q; car puisque de son dernier
quartier elle accéléroit son cours en aplatissant sa courbe vers sa
conjonction N. elle doit retarder ce même cours en remontant de la
conjonction vers son premier quartier.
Mais lorsque la Lune remonte de ce premier quartier vers son plein A.
elle est alors plus loin du Soleil qui l'attire d'autant moins, elle
gravite plus vers la Terre. Alors la Lune accélérant son mouvement,
la courbe qu'elle décrit s'applatit encore un peu comme dans la
conjonction; & c'est-là l'unique raison pour laquelle la Lune est plus
loin de nous dans ses quartiers, que dans sa conjonction & dans son
opposition. La courbe qu'elle décrit est une espèce d'ovale approchant
du cercle à-peu-près en cette maniere.
[Illustration]
Ainsi donc le Soleil, dont elle s'approche, ou s'éloigne à chaque
instant, doit à chaque instant varier le cours de cette Planete.
[Inégalités du cours de la Lune, toutes causées par l'attraction.]
Elle a son apogée & son périgée, sa plus grande & sa plus petite
distance de la Terre; mais les points, les places de cet apogée & de ce
périgée, doivent changer.
Elle a ses nœuds, c'est-à-dire, les points où l'Orbite qu'elle
parcourt, rencontre précisément l'Orbite de la Terre; mais ces nœuds,
ces points d'intersection, doivent toujours changer aussi.
Elle a son Equateur incliné à l'Equateur de la Terre; mais cet
Equateur, tantôt plus tantôt moins attiré, doit changer son inclinaison.
Elle suit la Terre malgré toutes ces variétés: elle l'accompagne
dans sa course annuelle; mais la Terre dans cette course se trouve
d'un million de lieues plus voisine du Soleil en Hyver qu'en Eté.
Qu'arrive-t-il alors indépendemment de toutes ces autres variations?
L'attraction de la Terre agit plus pleinement sur la Lune en Eté: alors
la Lune acheve son cours d'un mois un peu plus vîte; mais en Hyver au
contraire, la Terre elle-même plus attirée par le Soleil, & allant
plus rapidement qu'en Eté, laisse ralentir le cours de la Lune, & les
mois d'Hyver de la Lune sont un peu plus longs que ses mois d'Eté. Ce
peu que nous en disons suffira pour donner une idée générale de ces
changemens.
Si quelqu'un faisoit ici la difficulté que j'ai entendu proposer
quelquefois, comment la Lune étant plus attirée par le Soleil, ne tombe
pas alors dans cet Astre? Il n'a d'abord qu'à considerer que la force
de gravitation qui dirige la Lune autour de la Terre est seulement
diminuée ici par l'action du Soleil; nous verrons de plus à l'article
des Cometes, pourquoi un corps qui se meut en une Ellipse & qui
s'approche de son foyer ne tombe point cependant dans ce foyer.
[Déduction de ces vérités.]
De ces inégalités du cours de la Lune, causées par l'attraction, vous
conclurez avec raison, que deux Planetes quelconques, assez voisines,
assez grosses pour agir l'une sur l'autre sensiblement, ne pourront
jamais tourner dans des cercles autour du Soleil, ni même dans des
Ellipses absolument réguliéres. Ainsi les courbes que décrivent Jupiter
& Saturne, éprouvent, par exemple, des variations sensibles, quand ces
Astres sont en conjonction: quand, étant le plus près l'un de l'autre
qu'il est possible, & le plus loin du Soleil, leur action mutuelle
augmente, & celle du Soleil sur eux diminue.
[La gravitation n'est point l'effet du cours des Astres, mais leur
cours est l'effet de la gravitation.]
Cette gravitation augmentée & affoiblie selon les distances, assignoit
donc nécessairement une figure elliptique irréguliére au chemin de
la plûpart des Planetes; ainsi la loi de la gravitation n'est point
l'effet du cours des Astres, mais l'orbite qu'ils décrivent est l'effet
de la gravitation. Si cette gravitation n'étoit pas comme elle est
en raison inverse des quarrés des distances, l'Univers ne pourroit
subsister dans l'ordre où il est.
Si les Satellites de Jupiter & de Saturne font leur révolution dans
des courbes qui sont plus approchantes du cercle, c'est qu'étant
très-proches des grosses Planetes qui sont leur centre, & très-loin du
Soleil, l'action du Soleil ne peut changer le cours de ces Satellites,
comme elle change le cours de notre Lune; il est donc prouvé que la
gravitation, dont le nom seul sembloit un si étrange paradoxe, est
une loi nécessaire dans la constitution du Monde; tant ce qui est peu
vraisemblable est vrai quelquefois.
Souvenons-nous ici combien il sembloit absurde autrefois que la figure
de la Terre ne fût pas sphérique, & cependant il est prouvé, comme
nous l'avons vu, que la Terre ne peut avoir une forme entiérement
sphérique; il en est ainsi de la gravitation.
Il n'y a pas à présent de bon Physicien qui ne reconnoisse & la
règle de Kepler, & la nécessité d'admettre une gravitation telle que
Neuton l'a prouvée; mais il y a encore des Philosophes attachés à
leurs tourbillons de Matiere subtile, qui voudroient concilier ces
tourbillons imaginaires avec ces Vérités démontrées.
[Cette gravitation, cette attraction, peut être un premier Principe
établi dans la Nature.]
Nous avons déja vu combien ces tourbillons sont inadmissibles; mais
cette gravitation même ne fournit-elle pas une nouvelle démonstration
contr'eux? Car supposé que ces tourbillons existassent, ils ne
pourroient tourner autour d'un centre que par les loix de cette
gravitation même; il faudroit donc recourir à cette gravitation, comme
à la cause de ces tourbillons, & non pas aux tourbillons prétendus,
comme à la cause de la gravitation.
Si étant forcé enfin d'abandonner ces tourbillons imaginaires, on se
réduit à dire, que cette gravitation, cette attraction, dépend de
quelqu'autre cause connue, de quelqu'autre proprieté secrette de la
Matiere: ou cette autre proprieté sera elle-même l'effet d'une autre
proprieté, ou bien sera une cause primordiale, un premier principe
établi par l'Auteur de la Nature; or pourquoi l'attraction de la
Matiere ne sera-t-elle pas elle-même ce premier principe?
[Illustration]


[Illustration]
CHAPITRE VINGT-DEUX.
_Nouvelles preuves & nouveaux effets de la gravitation: que ce pouvoir
est dans chaque partie de la Matiere; Découvertes dépendantes de ce
principe._

REcueillons de toutes ces notions que la force centripète,
l'attraction, la gravitation, est le Principe indubitable & du cours
des Planetes, & de la chûte de tous les corps, & de cette pesanteur
que nous éprouvons dans les corps. Cette force centripète, cette
attraction, n'est & ne peut être le simple pouvoir d'un corps d'en
appeller un autre à lui: nous la considérons ici comme une force dont
résulte le mouvement autour d'un centre; cette force fait graviter le
Soleil vers le centre des Planetes, comme les Planetes gravitent vers
le Soleil, & attire la Terre vers la Lune, comme la Lune vers la Terre.
Une des loix primitives du mouvement est encore une nouvelle
Démonstration de cette Vérité: cette loi est que la réaction est égale
à l'action; ainsi si le Soleil gravite sur les Planetes, les Planetes
gravitent sur lui, & nous verrons au commencement du Chapitre suivant
en quelle maniere cette grande loi s'opére.
Or cette gravitation agissant nécessairement _en raison directe de la
masse_, & le Soleil étant environ 760 fois plus gros que toutes les
Planetes mises ensemble, (sans compter les Satellites de Jupiter, &
l'anneau & les Lunes de Saturne) il faut que le Soleil soit leur centre
de gravitation; ainsi il faut qu'elles tournent toutes autour du
Soleil.
[Remarque générale & importante sur le principe de l'attraction.]
Remarquons soigneusement que, quand nous disons que le pouvoir de
gravitation agit _en raison directe des masses_, nous entendons
toujours que ce pouvoir de la gravitation agit d'autant plus sur un
corps, que ce corps a plus de parties, & nous l'avons démontré en
faisant voir qu'un brin de paille descend aussi vîte dans la Machine
purgée d'air, qu'une livre d'or. Nous avons dit (en faisant abstraction
de la petite résistance de l'air) qu'une balle de plomb, par exemple,
tombe de 15. pieds sur la Terre en une seconde: nous avons démontré
que cette même balle tomberoit de 15. pieds en une minute, si elle
étoit à 60. rayons de la Terre comme est la Lune; donc le pouvoir de
la Terre sur la Lune est au pouvoir qu'elle auroit sur une balle de
plomb transportée à l'élévation de la Lune, comme le corps solide de
la Lune seroit avec le corps solide de cette petite balle. C'est en
cette proportion que le Soleil agit sur toutes les Planetes; il attire
Jupiter & Saturne, & les Satellites de Jupiter & de Saturne, en raison
directe de la matiere solide, qui est dans les Satellites de Jupiter &
de Saturne, & de celle qui est dans Saturne & dans Jupiter.
De-là il découle une Vérité incontestable, que cette gravitation n'est
pas seulement dans la masse totale de chaque Planete, mais dans chaque
partie de cette masse; & qu'ainsi il n'y a pas un atome de matiere dans
l'Univers, qui ne soit revêtu de cette proprieté.
[La gravitation, l'attraction, est dans toutes les parties de la
matiere également.]
Nous choisirons ici la maniere la plus simple dont Neuton a démontré
que cette gravitation est également dans chaque atome. Si toutes les
parties d'un Globe n'avoient pas également cette proprieté: s'il y
en avoit de plus foibles & de plus fortes, la Planete en tournant
sur elle-même présenteroit nécessairement des côtés plus foibles, &
ensuite des côtés plus forts à pareille distance; ainsi les mêmes
corps dans toutes les occasions possibles éprouvent tantôt un degré de
gravitation, tantôt un autre à pareille distance; la loi de la raison
inverse des quarrés des distances & la loi de Kepler seroient toujours
interverties; or elles ne le sont pas; donc il n'y a dans toutes les
Planetes aucune partie moins gravitante qu'une autre.
En voici encore une Démonstration. S'il y avoit des corps en qui cette
proprieté fût différente, il y auroit des corps qui tomberoient plus
lentement & d'autres plus vîte dans la Machine du vuide: or tous les
corps tombent dans le même-tems, tous les pendules mêmes font dans
l'air de pareilles vibrations à égale longueur: les pendules d'or,
d'argent, de fer, de bois d'Erable, de verre, font leurs vibrations en
tems égaux; donc tous les corps ont cette proprieté de la gravitation
précisément dans le même degré, c'est-à-dire, précisément comme leurs
masses; de sorte que la gravitation agit comme 100. sur 100. atomes, &
comme 10. sur 10. atomes.
De Vérité en Vérité on s'éleve insensiblement à des connoissances qui
sembloient être hors de la sphére de l'Esprit humain.
[Calcul hardi & admirable de Neuton.]
Neuton a osé calculer à l'aide des seules loix de la gravitation,
quelle doit être la pesanteur des corps dans d'autres Globes que le
nôtre: ce que doit peser dans la Lune, dans Saturne, dans le Soleil, le
même corps que nous appellons ici une livre; & comme ces différentes
pesanteurs dépendent directement de la masse des Globes, il a fallu
calculer quelle doit être la masse de ces Astres. Qu'on dise après cela
que la gravitation, l'attraction, est une qualité occulte: qu'on ose
appeller de ce nom une loi universelle, qui conduit à de si étonnantes
découvertes.
Il n'est rien de plus aisé que de connoître la grosseur d'un Astre
quelconque, dès qu'on connoît son diametre; car le produit de la
circonférence du grand Cercle par le diametre donne la surface de
l'Astre, & le tiers du produit de cette surface par le rayon fait la
grosseur.
Mais en connoissant cette grosseur, on ne connoît point du tout la
masse, c'est-à-dire, la quantité de la matiere que l'Astre contient;
on ne le peut savoir que par cette admirable découverte des loix de la
gravitation.
[Comment on peut connoître la quantité de matiere d'un Astre, & ce que
les mêmes corps pesent sur les divers Astres.]
1º. _Quand on dit_ densité, quantité de matiere, _dans un Globe
quelconque, on entend que la matiere de ce Globe est homogène; par
exemple, que tout pied cubique de cette matiere est également pesant._
2º. _Tout Globe attire en raison directe de sa masse; ainsi toutes
choses égales, un Globe qui aura 10. fois plus de masse, attirera 10.
fois davantage qu'un corps 10. fois moins massif n'attirera à pareille
distance._
3º. _Il faut absolument considerer la grosseur, la circonférence de
ce Globe quelconque; car plus la circonférence est grande, plus la
distance au centre augmente, & il attire en raison renversée du quarré
de cette distance. Exemple, si le diametre de la Planete A. est 4.
fois plus grand que celui de la Planete B. toutes deux ayant également
de matiere, la Planete A. attirera les corps à sa superficie 16. fois
moins que la Planete B. & ce qui pesera une livre sur la Planete A.
pesera 16. livres sur la Planete B._
4º. _Il faut savoir sur-tout en combien de tems les mobiles attirés
par ce Globe duquel on cherche la densité, font leur révolution autour
de ce Globe; car, comme nous l'avons vu au Chapitre 19. tout corps
circulant autour d'un autre, gravite d'autant plus qu'il tourne plus
vîte; or il ne gravite davantage que par l'une de ces deux raisons,
ou parce qu'il s'approche plus du centre qui l'attire, ou parce que
ce centre attirant contient plus de matiere. Si donc je veux savoir
la densité du Soleil par rapport à la densité de notre Terre, je dois
comparer le tems de la révolution d'une Planete comme Venus autour du
Soleil, avec le cours de la Lune autour de notre Terre, & la distance
de Venus au Soleil avec la distance de la Lune à la Terre._
5º. _Voici comme je procéde. La quantité de matiere du Soleil, par
rapport à celle de la Terre, est comme le cube de la distance de Venus
au centre du Soleil est au cube de la distance de la Lune au centre de
la Terre (prenant la distance de Venus au Soleil 257. fois plus grande
que celle de la Lune à la Terre), & aussi en raison réciproque du
quarré du tems périodique de Venus autour du Soleil, au quarré du tems
périodique de la Lune autour de la Terre._
_Cette opération faite, en supposant toujours que le Soleil est à la
Terre en grosseur comme un million à l'unité, & en comptant rondement,
vous trouverez que le Soleil, plus gros que la Terre un million de
fois, n'a que 250000. fois ou environ plus de matiere._
_Cela supposé, je veux savoir quelle proportion se trouve entre la
force de la gravitation à la surface du Soleil, & cette même force à
la surface de la Terre; je veux savoir en un mot combien pese sur le
Soleil ce qui pese ici une livre._
_Pour y parvenir, je dis: La force de cette gravitation dépend
directement de la densité des Globes attirants, & de la distance du
centre de ces Globes aux corps pesants sur ces Globes: or les corps
pesants se trouvants à la superficie du Globe, leur distance est
précisément le rayon du Globe; mais le rayon du Globe de la Terre est à
celui du Soleil comme 1. est à 100. & la densité respective de la Terre
est à celle du Soleil comme 4. est à 1. Dites donc: comme 100, rayon du
Soleil multiplié par un, est à 4, densité de la Terre multipliée par
1. ainsi est la pesanteur des corps sur la surface du Soleil à la
pesanteur des même corps sur la surface de la Terre: ce rapport de 100.
à 4. réduit aux plus petits termes, est comme 25. à 1.; donc une livre
pese 25. livres sur la surface du Soleil, ce que je cherchois._
_J'ai supposé ici les densités respectives de la Terre & du Soleil
comme 4. & 1., mais ce n'est pas tout-à-fait 4; aussi la pesanteur
des corps sur la surface du Soleil est à celle des corps sur la Terre
environ comme 24., & non pas comme 25. à 1._
On ne peut avoir les mêmes notions de toutes les Planetes, car celles
qui n'ont point de Lunes, point de Satellites, manquant de Planetes de
comparaison, ne peuvent être soumises à nos recherches; ainsi nous ne
savons point le rapport de gravitation qui est entre Mercure, Mars,
Venus & nous, mais nous savons celui des autres Planetes.
Je vais donner une petite Théorie de tout notre Monde Planétaire, tel
que les découvertes de Neuton servent à le faire connoître; ceux qui
voudront se rendre une raison plus approfondie de ces calculs, liront
Neuton lui-même, ou Grégory, ou Mr. de Gravesande. Il faut seulement
avertir qu'en suivant les proportions découvertes par Neuton, nous nous
sommes attachés au calcul Astronomique de l'Observatoire de Paris. Quel
que soit le calcul, les proportions & les preuves sont les mêmes.
[Illustration]


[Illustration]
CHAPITRE VINGT-TROIS.
_Théorie de notre Monde Planétaire._

LE SOLEIL.
LE Soleil est au centre de notre Monde Planétaire & doit y être
nécessairement. Ce n'est pas que le point du milieu du Soleil soit
précisément le centre de l'Univers; mais ce point central vers lequel
notre Univers gravite, est nécessairement dans le corps de cet Astre, &
toutes les Planetes, ayant reçu une fois le mouvement de projectile,
doivent toutes tourner autour de ce point, qui est dans le Soleil. En
voici la preuve.
Soient ces deux Globes A. & B. le plus grand représentant le Soleil, le
plus petit représentant une Planete quelquonque. S'ils sont abandonnés
l'un & l'autre à la loi de la gravitation, & libres de tout autre
mouvement, ils seront attirés en raison directe de leurs masses: ils
seront déterminés en ligne perpendiculaire l'un vers l'autre; & A.
plus gros un million de fois que B. forcera B. à se jetter vers lui un
million de fois plus vîte que le Globe A. n'ira vers B.
[Illustration]
[Démonstration du mouvement de la Terre autour du Soleil tirée de la
gravitation.]
Mais qu'ils ayent l'un & l'autre un mouvement de projectile en raison
de leurs masses, la Planete en B, C. le Soleil en A, D.: alors la
Planete obéït à 2. mouvemens: elle suit la ligne B, C. & gravite en
même-tems vers le Soleil suivant la ligne B, A; elle parcourera donc la
ligne courbe B, F. le Soleil de même suivra la ligne A, E; & gravitant
l'un vers l'autre, ils tourneront autour d'un centre commun. Mais le
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