Elémens de la philosophie de Neuton: Mis à la portée de tout le monde - 06

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vérités que nous allons expliquer. Tout doit être pour un Philosophe
un sujet de méditation, & rien n'est petit à ses yeux. Il s'apperçut
que dans ces bouteilles de Savon que font les Enfants, les couleurs
changent de moment en moment, en comptant du haut de la boule à
mesure que l'épaisseur de cette boule diminue, jusqu'à ce qu'enfin
la pesanteur de l'eau & du savon qui tombe toujours au fond, rompe
l'équilibre de cette sphére legére, & la fasse évanouïr. Il en présuma
que les couleurs pourroient bien dépendre de l'épaisseur des parties
qui composent les surfaces des corps, & pour s'en assûrer il fit les
expériences suivantes.
[Expérience de Neuton.]
Que deux crystaux se touchent en un point: il n'importe qu'ils soient
tous deux convexes; il suffit que le premier le soit, & qu'il soit posé
sur l'autre en cette façon.
[Illustration]
[Les couleurs dépendent de l'épaisseur des parties des corps, sans que
ces parties réfléchissent elles-mêmes la lumiere.]
Qu'on mette de l'eau entre ces deux verres pour rendre plus sensible
l'expérience qui se fait aussi dans l'air: qu'on presse un peu ces
verres l'un contre l'autre, une petite tache noire transparente parait
au point du contact des deux verres: de ce point entouré d'un peu d'eau
se forment des anneaux colorés dans le même ordre & de la même maniere
que dans la bouteille de savon: enfin en mesurant le diamétre de ces
anneaux & la convéxité du verre, Neuton détermina les différentes
épaisseurs des parties d'eau qui donnoient ces différentes couleurs;
il calcula l'épaisseur nécessaire à l'eau pour réflechir les rayons
blancs: Cette épaisseur est d'environ quatre parties d'un pouce divisé
en un million, c'est-à-dire, quatre millionêmes d'un pouce; le bleu
azur & les couleurs tirant sur le violet dépendent d'une épaisseur
beaucoup moindre. Ainsi les vapeurs les plus petites qui s'élevent de
la Terre, & qui colorent l'air sans nuages, étant d'une très-mince
surface, produisent ce bleu céleste qui charme la vûe.
D'autres expériences aussi fines ont encore appuyé cette découverte,
que c'est à l'épaisseur des surfaces que sont attachées les couleurs.
Le même corps qui étoit verd, quand il étoit un peu épais, est devenu
bleu, quand il a été rendu assez mince pour ne réflechir que les rayons
bleus, & pour laisser passer les autres. Ces vérités d'une recherche
si délicate, & qui sembloient se dérober à la vûe humaine, méritent
bien d'être suivies de près; cette partie de la Philosophie est un
Microscope avec lequel notre esprit découvre des grandeurs infiniment
petites.
[Tous les corps sont transparens.]
Tous les corps sont transparens, il n'y a qu'à les rendre assez
minces, pour que les rayons ne trouvant qu'une lame, qu'une feuille à
traverser, passent à travers cette lame. Ainsi quand l'Or en feuilles
est exposé à un trou dans une chambre obscure, il renvoye par sa
surface des rayons jaunes qui ne peuvent se transmettre à travers sa
substance, & il transmet dans la chambre obscure des rayons verds, de
sorte que l'Or produit alors une couleur verte; nouvelle confirmation
que les couleurs dépendent des différentes épaisseurs.
[Preuve que les couleurs dépendent des épaisseurs.]
Une preuve encore plus forte, c'est que dans l'expérience de ce verre
convexe-plan, touchant en un point ce verre convexe, l'eau n'est pas le
seul élément qui dans des épaisseurs diverses donne diverses couleurs:
l'air fait le même effet, seulement les anneaux colorés qu'il produit
entre les deux verres, ont plus de diamétre que ceux de l'eau.
Il y a donc une proportion secrete établie par la Nature entre la force
des parties constituantes de tous les corps & les rayons primitifs
qui colorent les corps; les lames les plus minces donneront les
couleurs les plus faibles, & pour donner le noir il faudra justement
la même épaisseur, ou plutôt la même ténuité, la même mincité, qu'en
a la petite partie supérieure de la boule de savon, dans laquelle on
appercevoit un petit point noir, ou bien la même ténuité qu'en a le
point de contact du verre convexe & du verre plat, lequel contact
produit aussi une tache noire.
[Sans que les parties solides renvoyent en effet la lumiere.]
Mais encore une fois qu'on ne croye pas que les corps renvoyent la
lumiere par leurs parties solides, sur ce que les couleurs dépendent de
l'épaisseur des parties: il y a un pouvoir attaché à cette épaisseur,
un pouvoir qui agit auprès de la surface; mais ce n'est point du tout
la surface solide qui repousse, qui réflechit. Cette vérité sera encore
plus visiblement démontrée dans le chapitre suivant qu'elle n'a été
prouvée jusqu'ici. Il me semble que le Lecteur doit être venu au point
où rien ne doit plus le surprendre; mais ce qu'il vient de voir mene
encore plus loin qu'on ne pense, & tant de singularités ne sont, pour
ainsi dire, que les frontiéres d'un Nouveau Monde.
[Illustration]


[Illustration]
CHAPITRE TREIZE.
_Suites de ces découvertes; Action mutuelle des Corps sur la lumiere._

LA réflexion de la lumiere, son infléxion, sa réfraction, sa
réfrangibilité, étant connues, l'origine des couleurs étant découverte,
& l'épaisseur même des corps nécessaire pour occasionner certaines
couleurs étant déterminée: il nous reste encore à examiner deux
propriétés de la lumiere non moins étonnantes & non moins nouvelles.
La premiere de ces propriétés est ce pouvoir même qui agit près des
surfaces, c'est une action mutuelle de la lumiere sur les corps, & des
corps sur la lumiere.
La seconde est un rapport qui se trouve entre les couleurs & les tons
de la Musique, entre les Objets de la vûe & ceux de l'ouïe; nous allons
rendre compte de ces deux espèces de miracles, & c'est par-là que nous
finirons cette petite introduction à l'Optique de Neuton.
[Expérience très-singuliére.]
Vous avez vu que ces deux crystaux se touchant en un point, produisent
des anneaux de couleurs différentes, rouges, bleus, verds, blancs, &c.
Faites cette même épreuve dans une chambre obscure, où vous avez fait
l'expérience du prisme exposé à la lumiere qui lui vient par un trou.
Vous vous souvenez que dans cette expérience du prisme vous avez vu la
décomposition de la lumiere & l'anatomie de ses rayons: vous placiez
une feuille de papier blanc vis-à-vis ce prisme: ce papier recevoit les
sept couleurs primitives, chacune dans leur ordre: maintenant exposez
vos deux verres à tel rayon coloré qu'il vous plaira, réflechi de ce
papier, vous y verrez toujours entre ces verres se former des anneaux
colorés; mais tous ces anneaux alors sont de la couleur des rayons qui
vous viennent du papier. Exposez vos verres à la lumiere des rayons
rouges, vous n'aurez entre vos verres que des anneaux rouges;
[Illustration]
Mais ce qui doit surprendre, c'est qu'entre chacun de ces anneaux
rouges il y a un anneau tout noir. Pour constater encore plus ce fait
& les singularités qui y sont attachées, présentez vos deux verres,
non plus au papier, mais au prisme, de façon que l'un des rayons qui
s'échappent de ce prisme, un rouge, par exemple, vienne à tomber sur
ces verres, il ne se forme encore que des anneaux rouges entre les
anneaux noirs; mettez derriére vos verres la feuille de papier blanc,
chaque anneau noir produit sur cette feuille de papier un anneau rouge,
& chaque anneau rouge, étant réflechi vers vous, produit du noir sur le
papier.
[Illustration]
Il résulte de cette expérience que l'air ou l'eau qui est entre vos
verres, réflechit en un endroit la lumiere & en un autre endroit la
laisse passer, la transmet. J'avoue que je ne peux assez admirer ici
cette profondeur de recherche, cette sagacité plus qu'humaine, avec
laquelle Neuton à poursuivi ces vérités si imperceptibles; il a
reconnu par les mesures & par le calcul ces étranges proportions-ci.
Au point de contact des deux verres, il ne se réflechit à vos yeux
aucune lumiere: immédiatement après ce contact, la premiere petite lame
d'air ou d'eau, qui touche à ce point noir, vous réflechit des rayons:
la seconde lame est deux fois épaisse comme la premiere, & ne réflechit
rien: la troisième lame est triple en épaisseur de la premiere, &
réflechit: la quatrième lame est quatre fois plus épaisse, & ne
réflechit point: la cinquième est cinq fois plus épaisse, & transmet; &
la sixième six fois plus épaisse, ne transmet rien.
De sorte que les anneaux noirs vont en cette progression 0, 2, 4, 6, 8.
& les anneaux lumineux & colorés en cette progression, 1, 3, 5, 7, 9.
[Conséquences de ces expériences.]
Ce qui se passe dans cette expérience arrive de même dans tous les
corps, qui tous réflechissent une partie de la lumiere & en reçoivent
dans leurs substances une autre partie. C'est donc encore une
proprieté démontrée à l'esprit & aux yeux, que les surfaces solides
ne sont point ce qui réflechit les rayons. Car si les surfaces
solides réflechissoient en effet; 1º. le point où les deux verres
se touchent réflechiroit & ne seroit point obscur. 2º. Chaque
partie solide qui vous donneroit une seule espèce de rayons devroit
aussi vous renvoyer toutes les espèces de rayons. 3º. Les parties
solides ne transmettroient point la lumiere en un endroit & ne la
réflechiroient pas en un autre endroit, car étant toutes solides toutes
réflechiroient. 4º. Si les parties solides réflechissoient la lumiere,
il seroit impossible de se voir dans un miroir, comme nous l'avons dit,
puisque le miroir étant sillonné & raboteux, il ne pourroit renvoyer la
lumiere d'une maniere réguliére. Il est donc indubitable qu'il y a un
pouvoir agissant sur les corps sans toucher aux corps, & que ce pouvoir
agit entre les corps & la lumiere. Enfin loin que la lumiere rebondisse
sur les corps mêmes & revienne à nous, il faut croire que la plus
grande partie des rayons qui va choquer des parties solides y reste,
s'y perd, s'y éteint.
Ce pouvoir qui agit aux surfaces, agit d'une surface à l'autre: c'est
principalement de la derniere surface ultérieure du corps transparent
que les rayons rejaillissent; nous l'avons déja prouvé. C'est, par
exemple, de ce point B. plus que de ce point A. que la lumiere est
réflechie.
[Illustration]
[Action mutuelle des corps sur la lumiere.]
Il faut donc admettre un pouvoir lequel agit sur les rayons de lumiere
de-dessus l'une de ces surfaces à l'autre, un pouvoir qui transmet
& qui réflechit alternativement les rayons. Ce jeu de la lumiere &
des corps n'étoit pas seulement soupçonné avant Neuton, il a compté
plusieurs milliers de ces vibrations alternatives, de ces jets transmis
& réflechis. Cette action des corps sur la lumiere, & de la lumiere
sur les corps, laisse encore bien des incertitudes dans la maniere de
l'expliquer.
[Conjectures de Neuton.]
[Mais il faut se défier de toute conjecture.]
Celui qui a découvert ce mystère n'a pu, dans le cours de sa longue
vie, faire assez d'expériences pour assigner la cause certaine de ces
effets. Mais quand par ses découvertes il ne nous auroit appris que
des nouvelles proprietés de la matiere, ne seroit-ce pas déja un assez
grand service rendu à la Philosophie? Il a conjecturé que la lumiere
émane du Soleil & des Corps lumineux par accès, par vibrations; que de
ces vibrations du Corps lumineux, la premiere opére une réflexion, la
seconde une transmission, & ainsi de suite à l'infini. Il avoit aussi
préparé des expériences, qui conduisoient à faire voir en quoi ce jeu
de la Nature tient au grand principe de l'attraction; mais il n'a pas
eu le tems d'achever ses expériences. Il avoit conjecturé encore qu'il
y a dans la Nature une matiere très-élastique & très-rare, qui devient
d'autant moins rare qu'elle est plus éloignée des corps opaques: que
les traits de lumiere excitent des vibrations dans cette matiere
élastique: & il faut avouer, que cette hypothèse rendroit raison de
presque tous les mystères de la lumiere, & sur-tout de l'attraction
& de la gravitation des corps; mais une hypothèse, quand même elle
rendroit raison presque de tout, ne doit point être admise. Il ne
suffit pas qu'un Systême soit possible pour mériter d'être cru, il
faut qu'il soit prouvé: si les Tourbillons de Descartes pouvoient se
soutenir contre toutes les difficultés dont on les accable, il faudroit
encore les rejetter, parce qu'ils ne seroient que possibles; ainsi nous
ne ferons aucun fondement réel sur les conjectures de Neuton même.
Si j'en parle, c'est plutôt pour faire connaitre l'histoire de ses
pensées, que pour tirer la moindre induction de ses idées que je
regarde comme les rêves d'un grand Homme; il ne s'y arrête en aucune
maniere, il s'est contenté des faits, sans rien oser déterminer sur les
causes. Passons à l'autre découverte, sur le rapport qui existe entre
les raïons de la lumiere & les tons de la Musique.


[Illustration]
CHAPITRE QUATORZE.
_Du rapport des sept couleurs primitives avec les sept tons de la
Musique._

VOus savez que très-long-tems avant Descartes on s'étoit apperçu,
qu'un prisme exposé au Soleil donne les couleurs de l'Arc-en-Ciel:
on avoit vu souvent ces couleurs se peindre sur un linge, ou sur un
papier blanc, dans un ordre qui est toujours le même: bien-tôt on alla,
d'expérience en expérience, jusqu'à mesurer l'espace qu'occupe chacune
de ces couleurs; enfin on s'est apperçu que ces espaces sont entre eux
les mêmes que ceux des longueurs d'une corde, qui donne les sept tons
de la Musique.
[Chose très-remarquable dans Kirker.]
J'avois toujours entendu dire, que c'étoit dans Kirker, que Neuton
avoit puisé cette découverte de l'analogie de la lumiere & du son.
Kirker en effet dans son _Ars Magna Lucis & Umbræ_, & dans d'autres
Livres encore, appelle le _Son_ le Singe de la lumiere. Quelques
personnes en inféroient que Kirker avoit connu ces rapports; mais il
est bon, de peur de méprise, de mettre ici sous les yeux ce que dit
Kirker, page 146. & suivantes. «Ceux, dit-il, qui ont une voix haute &
forte tiennent de la nature de l'Ane: ils sont indiscrets & pétulans,
comme on sait que sont les Anes; & cette voix ressemble à la couleur
noire. Ceux dont la voix est grave d'abord, & ensuite aigue, tiennent
du Bœuf; ils sont, comme lui, tristes & coléres, & leur voix répond au
bleu céleste».
Il a grand soin de fortifier ces belles découvertes du témoignage
d'Aristote. C'est-là tout ce que nous apprend le Pere Kirker,
d'ailleurs l'un des plus grands Mathématiciens & des plus savans hommes
de son tems; & c'est ainsi, à-peu-près, que tous ceux qui n'étoient que
Savans, raisonnoient alors. Voyons comment Neuton a raisonné.
[Maniere de connaitre les proportions des couleurs primitives de la
lumiere.]
Il y a, comme vous savez, dans un seul rayon de lumiere sept principaux
rayons, qui ont chacun leur réfrangibilité: chacun de ces rayons a
son sinus, chacun de ces sinus a sa proportion avec le sinus commun
d'incidence; observez ce qui se passe dans ces sept traits primordiaux,
qui s'échappent en s'écartant dans l'air.
Il ne s'agit pas ici de considérer que dans ce verre même tous ces
traits sont écartés, & que chacun de ces traits y prend un sinus
différent: il faut regarder cet assemblage de rayons dans le verre
comme un seul rayon, qui n'a que ce sinus commun A, B.: mais à
l'émergence de ce crystal chacun de ces traits s'écartant sensiblement
prend chacun son sinus différent; celui du rouge, (rayon le moins
réfrangible,) est cette ligne C, B. celui du violet, (rayon le plus
réfrangible,) est cette ligne C, B, D.
[Illustration]
Ces proportions posées, voions quel est ce rapport, aussi exact que
singulier, entre les couleurs & la Musique. Que le sinus d'incidence
du faisceau blanc de rayons, soit au sinus d'émergence du rayon rouge,
comme cette ligne A, B, est à la ligne A, B, C.
Sinus donné dans le verre
A B
----------
Sinus donné dans l'air
A B C.
-------------- ------
Que ce même sinus A, B, d'incidence commune soit au sinus de réfraction
du rayon violet, comme la ligne A, B, est à la ligne A, B, C, D.
A B
--------------
A B C D.
-------------- ------ ----
Vous voyez que le point C est le terme de la plus petite
réfrangibilité, & D le terme de la plus grande; la petite ligne C,
D, contient donc tous les degrés de réfrangibilité des sept rayons.
Doublez maintenant C, D, ci-dessus, en sorte que I, en devienne le
milieu, comme ci-dessous.
A I C H G F E B D.
------------------ -- -- -- -- -- -- --
Alors la longueur depuis A en C fait le rouge: la longueur de A en H,
fait l'orangé: de A en G, le jaune: de A en F, le verd: de A en E, le
bleu: de A en B, le pourpre; de A en D, le violet. Or ces espaces sont
tels que chaque rayon peut bien être réfracté, un peu plus ou moins,
dans chacun de ces espaces, mais jamais il ne sortira de cet espace qui
lui est prescrit: le rayon violet se jouera toujours entre B & D: le
rayon rouge entre C & I, ainsi du reste, le tout en telle proportion
que si vous divisez cette longueur depuis I jusqu'à D, en trois cens
soixante parties, chaque rayon aura pour soi les dimensions que vous
voyez dans la grande figure ci-jointe.
[Analogie des tons de la Musique & des couleurs.]
Ces proportions sont précisément les mêmes que celles des tons de la
Musique: la longueur de la corde qui étant pincée fera _Re_, est à la
corde, qui donnera l'octave de _Re_, comme la ligne A, I, qui donne le
rouge en I, est à la ligne A, D, qui donne le violet en D; ainsi les
espaces qui marquent les couleurs, dans cette figure, marquent aussi
les tons de la Musique.

_Table des couleurs & des tons de la Musique._
C H G F E B D
A | | | | | | |
---+---------+--------+------+-----+-----+-------+------+
| Rouge | Orange |Jaune |Verd |Bleu |Pourpre|Violet|
+---------+--------+------+-----+-----+-------+------+
|se jouë | | | | | | |
|de ce | de C | de H |de G |de F | de E | de B |
|demi- | en H | en G |en F |en E | en B | en D |
|cercle | | | | | | |
|en C | | | | | | |
+---------+--------+------+-----+-----+-------+------+
| 45 | 27 | 48 | 60 | 60 | 40 | 80 | = 360.
+---------+--------+------+-----+-----+-------+------+
| | | | | | | |
1/2 9/16 3/5 2/3 3/4 5/6 8/9 1
| | | | | | | |
+---------+--------+------+-----+-----+-------+------+
| | | | | | | |
re ut si la sol fa mi re
| | | | | | | |
+---------+--------+------+-----+-----+-------+------+
|la plus |celle |celle |celle|celle|celle |celle |
|grande |de |du |du |du |du |du |
|refrangi-|l'orange|jaune |verd |bleu |pourpre|violet|
|bilité |à |à |à |à |à |à |
|du rouge | | | | | | |
|répond | | | | | | |
|à | | | | | | |
| | | | | | | |
| ut si la sol fa mi re
| | | | | | | |
+---------+--------+------+-----+-----+-------+------+
| | | | | | | |
+---------+--------+------+-----+-----+-------+------+
La plus grande réfrangibilité du violet répond à _Re_: la plus grande
réfrangibilité du pourpre répond à _Mi_: celle du bleu répond à _Fa_:
celle du verd à _Sol_: celle du jaune à _La_: celle de l'orangé à _Si_:
celle du rouge à l'_Ut_; & enfin la plus petite réfrangibilité du rouge
se rapporte à _Re_, qui est l'octave supérieure. Le ton le plus grave
répond ainsi au violet, & le ton le plus aigu répond au rouge. On peut
se former une idée complette de toutes ces proprietés, en jettant les
yeux sur la Table que j'ai dressée, & que vous devez trouver à côté.
Il y a encore un autre rapport entre les sons & les couleurs, c'est que
les rayons les plus distants (les violets & les rouges) viennent à nos
yeux en même-tems, & que les sons les plus distants (les plus graves
& les plus aigus) viennent aussi à nos oreilles en même-tems. Cela ne
veut pas dire, que nous voyons & que nous entendons en même-tems à la
même distance; car la lumiere se fait sentir six cens mille fois plus
vîte, au moins, que le son; mais cela veut dire, que les rayons bleus,
par exemple, ne viennent pas du Soleil à nos yeux, plutôt que les
rayons rouges, de même que le son de la note _Si_, ne vient pas à nos
oreilles, plutôt que le son de la note _Re_.
Cette analogie secrete entre la lumiere & le son, donne lieu de
soupçonner, que toutes les choses de la Nature ont des rapports cachés,
que peut-être on découvrira quelque jour. Il est déja certain qu'il
y a un rapport entre le _Toucher_ & la _Vûe_, puisque les couleurs
dépendent de la configuration des parties; on prétend même qu'il y a eu
des Aveugles nés, qui distinguoient au toucher la différence du noir,
du blanc, & de quelques autres couleurs.
[Idée d'un Clavessin oculaire.]
Un Philosophe ingénieux a voulu pousser ce rapport des Sens & de
la lumiere peut-être plus loin qu'il ne semble permis aux hommes
d'aller. Il a imaginé un Clavessin oculaire, qui doit faire paraitre
successivement des couleurs harmoniques, comme nos Clavessins nous font
entendre des sons: il y a travaillé de ses mains, il prétend enfin
qu'on joueroit des airs aux yeux. On ne peut que remercier un homme qui
cherche à donner aux autres de nouveaux Arts & de nouveaux plaisirs. Il
y a eu des Pays, où le Public l'auroit récompensé. Il est à souhaiter
sans doute, que cette invention ne soit pas, comme tant d'autres, un
effort ingénieux & inutile: ce passage rapide de plusieurs couleurs
devant les yeux semble peut-être devoir étonner, éblouïr, & fatiguer
la vûe; nos yeux veulent peut-être du repos, pour jouïr de l'agrément
des couleurs. Ce n'est pas assez de nous proposer un plaisir, il faut
que la Nature nous ait rendus capables de recevoir ce plaisir: c'est
à l'expérience seule à justifier cette invention. En attendant il me
parait que tout esprit équitable ne peut que louer l'effort & le génie
de celui qui cherche à agrandir la carriére des Arts & de la Nature.
[Toute cette Théorie de la lumiere a rapport avec la Théorie de
l'Univers.]
Nous ne pousserons pas plus loin cette Introduction sur la lumiere,
peut-être en avons nous trop dit dans de simples Elémens; mais la
plûpart de ces vérités sont nouvelles pour bien des Lecteurs. Avant
que de passer à l'autre partie de la Philosophie, souvenons-nous, que
la Théorie de la lumiere a quelque chose de commun avec la Théorie de
l'Univers dans laquelle nous allons entrer. Cette Théorie est, qu'il y
a une espèce d'attraction marquée entre les corps & la lumiere, comme
nous en allons observer une entre tous les Globes de notre Univers:
ces attractions se manifestent par différens effets; mais enfin c'est
toujours une tendance des corps, sans qu'il paraisse aucune impulsion.
[La matiere a plus de proprietés qu'on ne pense.]
Parmi tant de proprietés de la matiere telle que ces accès de
transmission & de réflexion des traits de lumiere, cette répulsion que
la lumiere éprouve dans le vuide, dans les pores des corps, & sur les
surfaces des corps; parmi ces proprietés, dis-je, il faut sur-tout
faire attention à ce pouvoir par lequel les rayons sont réflechis &
rompus, à cette force par laquelle les corps agissent sur la lumiere &
la lumiere sur eux, sans même les toucher. Ces découvertes doivent au
moins servir à nous rendre extrêmement circonspects dans nos décisions
sur la nature & l'essence des choses. Songeons que nous ne connaissons
rien du tout que par l'expérience. Sans le toucher nous n'aurions
point d'idée de l'étendue des corps: sans les yeux, nous n'aurions pu
deviner la lumiere: si nous n'avions jamais éprouvé de mouvement,
nous n'aurions jamais cru la matiere mobile; un très-petit nombre
de sens que Dieu nous a donnés, sert à nous découvrir un très-petit
nombre de proprietés de la matiere. Le raisonnement supplée aux sens
qui nous manquent, & nous apprend encore que la matiere a d'autres
attributs, comme l'attraction, la gravitation; elle en a probablement
beaucoup d'autres qui tiennent à sa nature, & dont peut-être un jour la
Philosophie donnera quelques idées aux hommes.
[Illustration]


[Illustration]
CHAPITRE QUINZE.
_Premieres idées touchant la pesanteur & les loix de la gravitation:
Que la matiere subtile, les tourbillons & le plein doivent être
rejettés._

UN Lecteur sage qui aura vu avec attention ces merveilles de la
lumiere, convaincu par l'expérience qu'aucune impulsion connue ne les
opére, sera sans doute impatient d'observer cette puissance nouvelle
dont nous avons parlé sous le nom d'attraction, qui doit agir sur
tous les autres corps plus sensiblement que sur celui de la lumiere.
Que les noms encore une fois ne nous effarouchent point; examinons
simplement les faits.
[Attraction.]
Je me servirai toujours indifféremment des termes d'_attraction_ & de
_gravitation_ en parlant des corps, soit qu'il tendent sensiblement
les uns vers les autres, soit qu'ils tournent dans des orbes immenses,
autour d'un contre commun, soit qu'ils tombent sur la Terre, soit
qu'ils s'unissent pour composer des corps solides, soit qu'ils
s'arondissent en goutes pour former des liquides. Entrons en matiere.
Tous les corps connus pesent, & il y a long-tems que la legéreté
spécifique a été comptée parmi les erreurs reconnues d'Aristote & de
ses Sectateurs.
Depuis que la fameuse Machine pneumatique fut inventée, on a été plus à
portée de connoître la pesanteur des corps, car lorsqu'ils tombent dans
l'air, les parties de l'air retardent sensiblement la chûte de ceux
qui ont beaucoup de surface & peu de volume; mais dans cette Machine
privée d'air, les corps abandonnés à la force, telle qu'elle soit, qui
les précipite sans obstacle, tombent selon tout leur poids.
[Expérience qui démontre le vuide & les effets de la gravitation.]
La Machine pneumatique inventée par Ottoguerike, fut bien-tôt
perfectionnée par Boyle; on fit ensuite des récipiens de verre beaucoup
plus longs, qui furent entiérement purgés d'air. Dans un de ces longs
récipiens composé de quatre tubes, le tout ensemble aïant huit pieds
de hauteur, on suspendit en haut, par un ressort, des pièces d'or,
des morceaux de papier, des plumes; il s'agissoit de savoir ce qui
arriveroit, quand on détendroit le ressort. Les bons Philosophes
prévoioient, que tout cela tomberoit en même-tems: le plus grand nombre
assûroit que les corps les plus massifs tomberoient bien plus vîte que
les autres; ce grand nombre, qui se trompe presque toujours, fut bien
étonné, quand il vit dans toutes les expériences, l'or, le plomb, le
papier & la plume tomber également vîte, & arriver au fond du récipient
en même-tems.
Ceux qui tenoient encore pour le _Plein_ de Descartes, & pour les
prétendus effets de la matiere subtile, ne pouvoient rendre aucune
bonne raison de ce fait; car les faits étoient leurs écuëils. Si tout
étoit plein, quand on leur accorderoit qu'il pût y avoir alors du
mouvement, (ce qui est absolument impossible) au moins cette prétendue
matiere subtile rempliroit éxactement tout le récipient: elle y seroit
en aussi grande quantité que de l'eau, ou du mercure, qu'on y auroit
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