Elémens de la philosophie de Neuton: Mis à la portée de tout le monde - 13

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des Cometes. Cependant Mr. Cassini, le Pere, avoit déja trouvé avant
lui le moyen de prédire leur situation apparente, lorsqu'elles ne
sont pas trop près du Soleil. Car, quoiqu'il sût très-bien que leur
mouvement est curviligne, il ne laissa pas d'en supposer la courbure
si peu sensible, qu'on pouvoit la regarder comme une ligne droite; & à
l'aide de cette supposition il parvint à un calcul qui ne différe que
peu ou point de celui de Neuton, puisque plus des segmens égaux d'une
Parabole s'éloignent de son sommet, plus ils approchent d'une ligne
droite.
Quand Neuton a inventé l'Hypothèse du mouvement parabolique
des Cometes, pour en rendre le calcul plus Géométrique & moins
embarrassant, il n'a pas cru pour cela que les courbes de leurs
trajets soient de véritables Paraboles. Au contraire, dans la XLII.
Proposition du III. Livre de sa Philosophie il nous enseigne le
moyen de trouver par approximation les grands axes de leurs orbites
elliptiques, avec cette restriction néanmoins que ces orbites sont
d'une figure si oblongue que nous ne saurions les voir toutes entiéres.
Nous ne voyons donc les Cometes que lorsqu'elles sont près de leurs
périhélies, parce que tout le reste de leur cours se fait dans des
Régions si éloignées, que notre vûe ne peut porter jusque-là. Ce que
nous voyons d'une orbite Cométique n'est souvent pas la centième partie
de ce que nous n'en voyons point. Car comme les Cometes ne commencent
à paroître ordinairement que quand elles sont à une distance du
Soleil plus petite que celle de Jupiter, & plus grande que celle de
Mars; lorsqu'elles passent dans les Régions supérieures & qu'elles
se trouvent à une distance du Soleil égale à celle de Jupiter, leur
lumiére est si foible qu'à peine peut-elle être apperçue.
Comme la Parabole n'est qu'une Ellipse, dont le centre est infiniment
éloigné de son foyer, on s'en sert, suivant les règles de Neuton, au
lieu de l'Ellipse, quand on ne sait pas précisément la mesure des
deux axes, pourvû que le grand axe excéde du moins 20 fois le petit.
Autrement ce seroit non-seulement une faute considérable de prolonger
le mouvement parabolique au-delà des distances où les Cometes sont
visibles; mais l'on se priveroit encore par-là de l'espérance de les
revoir jamais.
[Pourquoi les Cometes & les Planetes ne tombent point sur le Soleil
dans leurs périhélies.]
Ainsi le mouvement des Cometes autour du Soleil ressemble tellement à
celui des Planetes ordinaires, que quoique les premiéres approchent
beaucoup plus près de cet Astre que les autres, elles ne sont pas
exposées à tomber sur lui, lorsque la courbe de leur mouvement devient
perpendiculaire à sa distance. Car la force centripète étant plus
petite que la troisième proportionnelle à la distance du Soleil & à la
vîtesse du périhélie, la Planete ou la Comete n'est pas plutôt parvenue
à sa plus grande proximité du Soleil, qu'elle commence à s'en éloigner.
L'Atmosphére, la durée, la queue & le retour d'une Comete est ce qu'il
y a de plus remarquable.
L'Atmosphére d'une Comete différe de celle d'une Planete ordinaire en
ce que son noyau est beaucoup plus petit. Il y en a qui ont 15 fois
plus de diametre que les corps des Cometes. Aussi une même Atmosphére
n'est-elle pas toujours d'une égale extension, vû qu'elle diminue &
s'aggrandit par reprises.
On ne sait pas bien encore si ces diminutions & ces accroissemens
se font réguliérement aux mêmes distances du Soleil & du périhélie.
Car selon les Observations d'Hevelius, alleguées par Neuton, ces
Atmosphéres diminuent à mesure qu'elles approchent du Soleil, &
augmentent à mesure qu'elles s'en éloignent. Au contraire Mr. de Mairan
assûre, qu'elles grossissent à l'approche du Soleil par les parties de
l'Atmosphére Solaire qu'elles emportent avec elles en passant. L'un &
l'autre de ces sentimens paroissent fondés sur ce que les Atmosphéres
des Cometes peuvent diminuer jusqu'à la rencontre de celle du Soleil,
dans laquelle elles puisent de nouvelles matiéres. De plus ces
Atmosphéres contenant un air semblable au nôtre, elles doivent toujours
occuper plus d'espace en descendant vers le Soleil qu'en remontant;
parce que cet air se rarefie extrêmement lorsqu'elles descendent, & se
condense de même, lorsqu'elles remontent.
La durée des Cometes se prouve, selon le raisonnement de Neuton,
par les degrés de chaleur excessifs qu'elles subissent dans leurs
périhélies. Ce Philosophe a calculé que la Comete de l'année 1680,
qui passa au-dessus de la surface du Soleil jusqu'à un sixième de son
diametre, dut sentir une chaleur 2000 fois plus grande que celle d'un
fer rouge. D'où il a conclu que ce corps devoit être bien compacte
& aussi ancien que le monde, puisqu'il fut si près du Soleil & qu'il
résista si long-tems à ses rayons, sans s'évaporer.
Comme le sentiment de Neuton est une espèce de Paradoxe pour ceux qui
ne sont pas bien au fait de ces matiéres, il est bon de voir surquoi
il est appuyé. La ligne comprise entre le centre du Soleil & la Comete
en question dans son périhélie, étoit au rayon de l'orbite de la Terre
comme 600 sont à 100000. La chaleur qui se fait sentir à la Terre fut
donc alors à celle de la Comete comme 360000 sont à 10000000000, ou
comme 1 est à 28000. Or comme la plus grande chaleur de l'Eté n'est à
celle de l'eau bouillante que comme 1 est à 3 1/2; & que cette derniére
est encore quatre fois moindre que celle d'un fer rouge, il a trouvé
que cette chaleur est à celle de la Comete comme 14 sont à 28000, ou
comme 1 est à 2000.
Si une balle de fer rougie au feu perd sa chaleur en une heure, & que
le tems qu'il faut pour refroidir des Sphéres échauffées soit comme
leurs diametres & leurs degrés de chaleur, il faudra 108 millions
d'années pour refroidir le corps de cette Comete, s'il est égal à notre
Terre.
[Pourquoi les Orbites des Cometes sont si excentriques.]
Cette réflexion nous découvre & nous fait également admirer la
sagesse du Créateur. Rien ne pourroit subsister dans les Cometes,
si elles n'avoient pas une chaleur suffisante pour la conservation
de leur matiére. La Nature, afin de leur en donner autant qu'elles
en avoient besoin, même dans les Régions les plus reculées, où un
mouvement circulaire, ou peu excentrique, les auroit privés de la
chaleur du Soleil, a augmenté si considérablement leurs excentricités,
que l'embrasement qu'elles souffrent pendant très-peu de tems, fait
qu'elles jouïssent d'une chaleur tempérée pendant le reste de leur
révolution. Mais si d'un autre côté il y a des Créatures animées dans
les Cometes, comme Mr. Huygens a prouvé qu'il y en a dans les Planetes,
il faut absolument qu'elles se retirent dans les cavités intérieures
de ces Cometes, pour se garantir de cet incendie général qui se fait à
leurs surfaces extérieures.
A considérer la figure irréguliére de quelques Cometes, on juge
qu'elles ne tournent point autour de leur axe; parce qu'elles ne
sauroient avoir cette rotation sans avoir en même tems une figure
sphérique, ou sphéroïde, & un seul noyau enfermé dans leur atmosphére.
Mais on en a vu quelques-unes, qui n'étoient ni exactement sphériques,
ni sphéroïdes: d'autres qui paroissoient un amas de plusieurs noyaux
de figures & de grandeurs différentes; ce qui ne convient nullement à
un mouvement journalier, & rend la position de leur axe extrêmement
variable. Outre cela leurs queues, qui sont très-inégales, & qui
changent presqu'à tous momens, devoient ou retarder sensiblement, ou
arrêter tout-à-fait le tournoyement dont est question, ce qu'on n'a
point encore remarqué.
Mais si les Cometes ne tournent point autour d'elles-mêmes, il faut
qu'avant & après leur embrasement la même partie soit presque toujours
exposée au Soleil; & qu'il n'y ait par conséquent qu'une moitié de
leurs Sphéres qui soit habitable, puisqu'elle voit toujours le Soleil,
& que l'autre est ensévelie dans une nuit de plusieurs années, ou de
plusieurs siècles; ce qui n'empêche pourtant pas que cet hémisphére
n'ait autant de chaleur que celui qui est éclairé. Pour expliquer cette
espèce de Paradoxe nous ajouterons à ce qui a été dit page 375, que la
chaleur qu'elles peuvent recevoir du Soleil dans leurs aphélies n'est
pas la 10000me. partie de celle qui se sent aux Poles de la Terre, &
que celle qui reste après qu'elles ont passé leurs périhélies doit être
égale par toute leur surface.
La fumée qui sort des Cometes, & qui se disperse dans les Régions du
Ciel qu'elles traversent, compose leurs queues. Elles commencent à se
former un peu avant que les Cometes arrivent à leurs périhélies, & dès
que la chaleur du Soleil est assez forte pour enflammer les matiéres
combustibles de leurs surfaces, & pour que la fumée fasse brêche à
leurs atmosphéres. Il est pourtant vrai que cet incendie commence un
peu avant qu'on en voye la fumée; mais nous ne considérons ici que le
moment où nous commençons à appercevoir leurs queues.
Elles ne sont jamais plus longues que quand les Cometes sortent de
leurs périhélies, après quoi elles diminuent toujours, lors même
qu'elles s'approchent de la Terre. C'est par ces degrés d'augmentation
& de diminution que le savant Neuton a connu que les queues des Cometes
n'étoient que des fumées. Cela se confirme encore par leur direction
qui s'étend toujours vers les parties opposées au Soleil. On ne
sauroit donner une comparaison plus sensible de la chose, que celle
qu'en a donné ce Philosophe, quoiqu'elle ait besoin d'être un peu plus
circonstanciée.
Figurons-nous donc une torche allumée dont le lumignon soit renversé,
& qui par un mouvement projectile tourne autour de la Terre; toute sa
fumée montera en haut, & tendra à s'éloigner du centre de la Terre
malgré ce renversement. De plus cette fumée se courbera tellement vers
les Régions contraires à la direction du mouvement de la torche, que la
partie supérieure semblera se mouvoir moins vîte que l'inférieure. Et
ce qu'il y a encore de plus remarquable, c'est que la fumée paroîtra
plus large en haut qu'en bas, comme on le voit par celle qui au sortir
des cheminées occupe toujours plus d'espace qu'elle n'en occupoit
auparavant. Tout cela quadre parfaitement avec les Phénomênes de ces
queues. La partie embrasée d'une Comete, qui est tournée vers le
Soleil, pousse sa fumée à l'opposite de cet Astre.
Cette fumée a toujours quelque courbure à son extrémité, qui est
d'autant plus reclinée, c'est-à-dire, panchée en arriére, que la queue
est plus longue; & la même extrémité se trouve aussi plus large que
celle qui adhére au corps de la Comete. Cette comparaison est si juste
qu'elle ne laisse aucun lieu de douter que la queue des Cometes ne soit
une véritable fumée que cause leur embrasement à l'approche du Soleil.
Voici une autre cause que Mr. de Mairan assigne fort ingénieusement à
la queue des Cometes, & que nous allons tâcher de concilier, autant
qu'il est possible, avec celle que Neuton vient de nous fournir.
Il remarque que les Cometes en passant par l'Atmosphére Solaire en
ramassent non-seulement des parties qui font corps avec elles, comme il
a été dit page 373; mais encore d'autres qui ne peuvent d'abord suivre
la Comete, & s'en détachent pour former derriére elle une espèce de
Cone. Cette figure, selon ce grand Philosophe, poussée par la matiére
céleste, prend une route contraire à celle de la Comete, comme la
chevelure d'une tête, que l'on porteroit contre le vent, prendroit une
direction contraire à cette tête.
Cette comparaison n'est bonne que pour les queues naissantes des
Cometes, qui n'ont pas encore atteint leurs périhélies. Car les amas
coniques de l'Atmosphére Solaire que les Cometes traînent après elles
& le commencement de leurs fumées étant deux causes différentes,
qui ne laissent pas de produire les mêmes apparences, les uns & les
autres doivent faire les mêmes effets sur notre vûe. Mais au-delà de
leurs périhélies la matiére céleste dirige vers le Soleil celle qui
s'accroche aux Cometes. Ainsi l'on ne doit pas s'étonner si leurs
fumées s'observent beaucoup plus facilement que ce petit amas de
matiére qu'elles emportent avec elles.
La révolution périodique des Cometes fait aujourd'hui le principal
objet de l'attention de plusieurs Philosophes. Le retour de celle qui
parut en 1682 pourroit se prédire, selon Neuton, pour l'année 1757, ou
1758. Il y a tout lieu de croire que c'est la même qui fut vue en 1607;
car il se trouve si peu de différence entre la vîtesse, les nœuds &
l'inclinaison de l'une & de l'autre, qu'on peut la regarder comme un
pur effet de l'attraction des Planetes & des autres Cometes.
Mr. Cassini a trouvé que presque tous ces Corps passagers ont une
route différente de celle des Planetes. On a ignoré jusqu'ici de
quelle conséquence sont ce nouveau Zodiaque & ce retour périodique
des Cometes, pour la conservation du Genre Humain. Imaginez-vous, par
exemple, que ce sont des Corps fortuits, qui se trouvent par hazard
dans notre Ecliptique; quel desastre ne seroit-ce pas pour notre Terre,
si malheureusement elle venoit à se trouver au même point? L'idée de
deux bombes qui créveroient en se choquant en l'air, est infiniment
au-dessous de celle qu'on en doit avoir. Heureusement pour nous, on a
découvert que la plûpart des Cometes dans les nœuds de leurs orbites
sont bien moins éloignées du Soleil, que ne sont notre Terre, Venus
& Mercure. C'est ce qui fait toute notre sûreté, & qui nous fait
connoître combien nous avons de graces à rendre à Dieu pour un si grand
bienfait.
Les Cometes par leurs retours inopinés produisent quelquefois des
Phénomênes tout-à-fait surprenans, quand on en ignore la cause. Telle
est, selon Whiston, l'éclipse extraordinaire de Soleil dont parle
Hérodote, & qui arriva au Printems de l'année 4334 de la Période
Julienne, lorsque Xerxès partit de Sardes, Capitale de la Lydie, où il
avoit passé l'Hyver. Telle est aussi selon Wolff, celle de Lune, qui
arriva dans le XVme. Siècle, puisque ce célèbre Mathématicien dans ses
Elémens de Physique dit, après George Phranza, que ce Phénomêne n'a pu
arriver naturellement, la Lune étant alors dans une de ses quadratures.
Enfin, il en est de même de celui dont Grégoire Abulpharache, Auteur
Arabe, fait mention dans son Histoire des Dynasties Orientales, où
il marque, que sous l'Empereur Héraclius le Soleil parut par tout le
Monde, pendant trois jours, rouge comme du sang; ce qui toutefois a pu
arriver par l'interposition de la queue d'une Comete.

DES FIXES.
[Contradiction apparente du Systême de Neuton à l'égard des Fixes.]
Comme le Systême de Neuton paroît se contredire à l'égard des Fixes,
qui, selon lui, se tirent les unes les autres, & demeurent pourtant
immobiles, il faut commencer par éclaircir son sentiment, & faire voir
qu'il n'implique aucune contradiction.
La distance qu'il y a d'une Fixe à l'autre est si immense, que leur
chûte ne feroit pas seulement une lieue en un an. C'est ce qu'on va
voir par le calcul suivant. 1º. Selon nos supputations pages 280 & 281.
les corps pesants, en comptant rondement, tombent sur la surface du
Soleil de 1260000 pieds, tout au moins, pendant la premiére minute. 2º.
Selon Huygens les Fixes les plus proches du Soleil en sont éloignées de
28000 sémi-diametres de l'orbite de la Terre, ou environ, c'est-à-dire,
de plus de 5600000 sémi-diametres Solaires, dont le quarré est
313600,0000,0000. Donc la Fixe la plus proche de cet Astre s'avance
vers lui de 1260000/31360000000000 d'un pied, pendant la premiére
minute. Mais si au lieu de cette fraction l'on compte 1/25000000 d'un
pied, l'on trouvera pour la premiére année 11000 pieds, à peu de chose
près, eu égard à la somme totale.
Neuton a démontré dans la XII. Proposition du III. Livre de sa
Philosophie, que le centre commun de gravité de notre Systême
Planétaire seroit eloigné de celui du Soleil même, d'un de ses
sémi-diametres, c'est-à-dire, de 4000,000,000 pieds, ou à peu près, si
toutes les Planetes étoient d'un côté & cet astre de l'autre. Quelle
disproportion donc entre le dérangement du Soleil, causé par les
Planetes qui l'environnent, & celui qui vient de l'attraction de la
Fixe qui en est plus près; j'entends, entre 11000 & 4000000000 pieds?
Or comme le Soleil se trouve tantôt d'un côté du centre universel de
son propre Systême, tantôt de l'autre, & que la même chose arrive à
chaque Fixe à l'égard des Planetes inconnues qui l'environnent, l'on
voit clairement que ces corps lumineux s'attirent réciproquement
par des forces beaucoup plus foibles que celles qui les éloignent
quelquefois les uns des autres. Ces vicissitudes d'approchement &
d'éloignement sont donc ce qui retient toujours les Fixes dans leur
assiette naturelle, sans qu'elles puissent jamais tomber les unes sur
les autres.
Comme quelques Fixes, qui, selon les observations de Montanaro,
ont disparu depuis quelques années, n'ont pas empêché celles qui
sont restées, d'être stables, il faut voir quelles peuvent être les
causes de leur disparition. Le célèbre Wolff en spécifie trois dans
sa Physique. 1º. Elles peuvent, selon lui, acquérir du mouvement &
par-là se dérober à nôtre vûe: 2º. En retombant dans le Chaos elles
peuvent créver & s'évaporer entiérement; Et 3º. elles peuvent ou perdre
tout-à-fait leur lumiére, ou en perdre du moins assez pour nous devenir
invisibles.
La premiére de ces causes paroît d'autant moins vraisemblable,
que l'attraction de la Fixe, qui disparoîtroit, deviendroit plus
forte & précipiteroit, les unes sur les autres, toutes celles qui
l'environneroient. La seconde n'est pas plus recevable, vû que cette
prétendue dissolution changeroit la gravitation réciproque des Etoiles
les plus voisines de celle qui s'évanouïroit, & qu'elles n'auroient
plus rien qui les tiendroit en équilibre. Ainsi nous adopterons la
troisième, parce qu'en supposant la stabilité de la Fixe, elle conserve
toute sa force attractive.
Il faut faire le même jugement des retours périodiques d'apparition &
de disparition des Etoiles, qu'on a observées dans les Constellations
de la Baleine, du Cigne & de l'Hydre. Car quoique la partie qui
nous regarde soit plus ou moins lumineuse, & que nous les perdions
quelquefois tout-à-fait de vûe, elles ne quittent pas pour cela leurs
places, & leur attraction ne laisse pas de tenir l'Univers en équilibre.
Il s'ensuit de tout ce raisonnement, que la gravitation réciproque de
deux Fixes ne diminue pas précisément en raison inverse des quarrés des
distances, sur-tout aux environs du centre commun de leur pesanteur. Il
s'ensuit aussi que la loi de la gravitation peut varier, comme on le
peut voir sur la fin du Chapitre VII. où il est parlé des différentes
sortes d'attraction. L'action de l'Aiman sur le Fer en raison inverse
des cubes de ses distances, & celle des corps transparens sur les
rayons, ou les atomes de la lumiére, nous prouvent la réalité
aussi-bien que la possibilité de la chose.


[Illustration]
CHAPITRE VINGT-CINQ
_Des secondes inégalités du mouvement des Satellites, & des Phénomênes
qui en dépendent._

APrès avoir rapporté au Chapitre XXI. diverses particularités du
mouvement de la Lune, pour établir la nécessité de l'attraction, il
nous reste à faire voir dans celui-ci que la Théorie de ces inégalités,
causées par ce méchanisme, est entiérement conforme aux Observations.
Neuton assigne trois causes à ces sortes d'irrégularités. Il prétend:
1º. Que la force qui tire la Lune vers la Terre, est moindre que celle
qui tire ces deux Planetes vers le Soleil: 2º. Qu'en considérant les
orbites comme exactement circulaires, la force qui tire la Terre vers
le Soleil est toujours égale, au lieu que celle qui tire la Lune vers
cet Astre est plus grande dans sa Conjonction que dans son Opposition;
Et 3º. Que les lignes d'attraction, qui tendent vers le Soleil se
resserrent à mesure qu'elles en approchent, & augmentent toujours la
gravitation de la Lune vers la Terre, surtout lorsque cette Planete est
dans ses Quadratures.
Si l'on suppose, par exemple, que la Lune soit en Conjonction avec le
Soleil, on verra que, par sa seule gravitation vers la Terre, elle
décrira en 10 heures 20 min. un petit arc de 100 parties, dont 1000
composent le rayon de son orbite, & 336000 font sa distance du Soleil.
Or si pendant ce tems-là la Lune parcourt 100 parties de son rayon, il
faut que (suivant la règle du mouvement circulaire dont nous avons fait
mention page 372 lignes 3 & 4) comme 1000 parties de ce dit rayon sont
à 100 (corde qui différe très-peu de l'arc en question,) de même le
nombre de 100 soit à 10, chûte (_uniforme_) de la Lune vers la Terre.
Mais si l'on veut déterminer les chûtes de la Terre & de la Lune vers
le Soleil, il faut se conformer aux règles données pages 268 & 269,
en disant par cette opération abregée: 1º. Comme 1. (distance de la
Lune à la Terre) divisé par le quarré d'un mois périodique, est à 337
divisés par le quarré d'une année, ainsi 10 (chûte de la Lune vers la
Terre) sont à 19, chûte de la Terre vers le Soleil; 2º. Comme le quarré
de 336000 est au quarré de 337000, ainsi 19 (chûte de la Terre vers le
Soleil) sont à 19 19/168, chûte de la Lune vers cet Astre. Il y a donc
19/168 d'une seule partie du rayon de la Lune, qu'il faut ôter de 10
parties du même rayon, pour trouver sa véritable chûte vers la Terre,
qui sera seulement de 9 149/168, au lieu qu'elle seroit de 10, sans
l'action particuliére du Soleil sur ce Satellite. Par la même raison,
la distance de la Lune à la Terre, qui étoit de 1000 parties, se
trouvera de 1000 19/168; ce qui contribuera encore plus à la diminution
de sa pesanteur.
Tandis que la Lune est encore si peu éloignée de sa Conjonction,
la force qui la pousse vers la ligne des Syzygies n'a rien de
considérable; mais elle augmente à mesure que cette Planete approche de
son Quartier. Lorsqu'au contraire elle y est parvenue, cette seconde
force, qui agit en même sens que sa pesanteur vers la Terre, la pousse
toujours vers notre Globe, jusqu'à ce qu'étant dans son Opposition elle
ne s'en trouve plus éloignée que de 1000 parties.
Par le mêlange de ces deux forces, l'éloignement de la Lune à la Terre,
dans ses Quadratures, sera de 1023 à 1024 parties, en continuant
le calcul que nous avons ébauché ci-dessus, & en se souvenant de
l'obliquité naissante de la configuration de ce Satellite avec le
Soleil. Au reste nous n'admettons point encore ici d'excentricité,
autrement l'orbite seroit toujours ovale, quoique de largeur & de
figure différentes, selon la capacité de l'angle compris entre les
deux lignes des apsides & des conjonctions. Car en supposant cet angle
_Zero_, l'excentricité devient plus grande que s'il étoit de 90
degrés, puisque le grand axe au premier cas est de 2000 & au second
de 2047. Il est vrai que nos dimensions ne sont pas les mêmes que
celles de Neuton; mais comme ce grand Homme reconnoît, sur la fin de
sa Préface, que sa Théorie Lunaire a ses imperfections, nous avons cru
qu'il suffisoit de nous attacher à ses Principes, sans nous assujettir
à ses mesures.
Quant aux Satellites qui composent l'anneau de Saturne, on trouvera,
par un pareil calcul, que le grand axe de leur Orbite est au petit
comme 1000 sont à 1000 1/94, & que par conséquent cette même Orbite est
2250 fois moins ovale que celle de la Lune.
Mais pour rassûrer ceux qui pourroient douter que notre calcul soit
conforme aux Observations, revenons aux excentricités, que nous
n'avons fait qu'indiquer ci-devant, & faisons voir, par une nouvelle
supputation, qu'elles s'accordent avec les diametres apparens & les
mouvemens horaires de la Lune.
Lorsque les Apsides tombent dans les Syzygies, la plus grande
excentricité de l'Orbite étant, selon les plus fameux Astronomes, à la
distance médiocre de la Lune comme 67 sont à 1000, on conçoit bien que
l'Apogée est éloigné de 1067 de la Terre, & le Périgée de 933. Par la
même raison, quand les apsides sont aux quadratures, l'excentricité en
question n'étant que de 44, & la distance médiocre de 1024, celle de
l'Apogée à la Terre doit être de 1068, & celle du Périgée de 980.
Or le diametre apparent de la Lune dans son Apogée est, (à compter
rondement) de 29 min. 40 sec. & ne varie jamais qu'entre 1067 & 1068.
Au contraire il varie toujours dans son Périgée depuis 34 min. jusqu'à
32 1/2, c'est à-dire en raison inverse de 933 à 980. Donc les distances
de l'Apogée & du Périgée sont précisément, suivant notre calcul, en
raison inverse des diametres apparens, qu'on a trouvés jusqu'ici par
les Observations.
Le mouvement horaire ne prouve pas moins l'exactitude de ces rapports.
Car tant que les aires décrites sont égales, ces mouvemens sont
par-tout en raison inverse des quarrés des distances. Ainsi comme le
quarré de 933 est à 29 min. 20 sec. (horaire de l'Apogée) de même le
quarré de 1067 est, selon les Observations, à 38 minutes, horaire du
Périgée dans les Syzygies. Et si le quarré de 980 donne 29 min. 20
sec., celui de 1067 en donnera, conformément aux Observations, 35
d'horaire du Périgée dans les Quadratures.
On voit aussi que, par les mêmes loix de la gravitation vers le Soleil,
la Lune qui n'est pas dans l'Ecliptique, s'en doit approcher jusqu'aux
Syzygies; parce que, selon l'angle de son orbite avec la nôtre, sa
Latitude devient toujours moindre qu'elle ne devroit être. Cet angle
diminue donc à chaque instant, & au lieu que dans les Quadratures, près
des nœuds, il étoit de 5 degrés 18 min. il n'est que de 5 degrés dans
les Conjonctions comme dans les Oppositions; ce qui rend la surface
de l'orbite curviligne. Si au contraire les nœuds se trouvent dans
les Syzygies, l'action du Soleil ne diminue point les Latitudes,
l'angle en question demeure toujours le même, & l'orbite devient une
surface plane. Quant à leur mouvement, il est alors d'une extrême
lenteur, parce que l'action du Soleil, qui est, pendant un tems assez
considérable, presque parallèle à la distance de la Lune & de la Terre,
ne se ralentit guère; mais il n'en est pas de même des Quadratures, où
ils rétrogradent considérablement. Car la Lune les rencontre chaque
mois environ trois heures plutôt, sur-tout au milieu de son Croissant
aussi-bien que de son Decours, où la différence de sa gravitation &
de celle de la Terre vers le Soleil augmente & diminue plus vîte que
par-tout ailleurs.
[Mouvement des Poles de la Terre, p. 295.]
La précession des Equinoxes est encore aussi-bien que la rétrogradation
des nœuds un effet de ces inégalités, quoique beaucoup plus lente,
parce que la quantité de la matiére terrestre, qui est sous l'Equateur,
différe très-peu de celle des Méridiens, & que ce petit excédant, sous
l'Equinoxiale, tient la place d'un Satellite, ou d'un anneau tel que
celui de Saturne.
Il y a quelques autres causes qui rendent le mouvement des Satellites
un peu irrégulier, mais dont l'effet n'est guére considérable que par
rapport à eux. On a remarqué que l'Apogée du premier & du quatrième
Satellites de Jupiter est constamment le même que celui de cette
Planete, & que ce n'est qu'après plusieurs révolutions de celle-ci que
l'orbite du troisième se retrouve à la même inclinaison. Aussi les
nœuds de ces quatre petites Etoiles n'ont-ils point varié, du moins
depuis plus de cent ans qu'il y a qu'on les observe. En un mot, toutes
ces inégalités n'approchent pas de celles de la Lune, sans parler de sa
rotation, qui différe considérablement de celle qu'on a cru appercevoir
dans les autres Satellites.
Après avoir parcouru tous ces différens mouvemens, nous ne pouvons
guère nous dispenser d'en indiquer la cause. Elle n'est pas si obscure
que bien des gens pourroient se l'imaginer. La voici en peu de mots:
le nombre & la proximité des Satellites font que leur attraction
réciproque l'emporte beaucoup sur l'action du Soleil. Par là il est
aisé de juger que l'anneau de Saturne doit extrêmement déranger les
Satellites qui font leurs revolutions autour de lui, sur-tout les
plus petits & les plus excentriques. On conçoit pareillement que
l'attraction de cet anneau doit retarder considérablement la chûte des
corps sur la surface de Saturne. Enfin, l'exemple du flux & du reflux
de la Mer ne nous permet pas de douter de cette vérité. Car il s'ensuit
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