Elémens de la philosophie de Neuton: Mis à la portée de tout le monde - 10

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Soleil surpassant un million de fois la Terre en grosseur, & la courbe
A, E. qu'il décrira étant un million de fois plus petite que celle que
décrit la Terre, ce centre commun est nécessairement presqu'au milieu
du Soleil.
Il est démontré encore par-là que la Terre & les Planetes tournent
autour de cet Astre; & cette démonstration est d'autant plus belle &
plus puissante, qu'elle est indépendante de toute observation, & fondée
sur la Mécanique primordiale du Monde.
[Grosseur du Soleil.]
Si l'on fait le Diametre du Soleil égal à cent Diametres de la Terre, &
si par conséquent il surpasse un million de fois la Terre en grosseur,
il est 760. fois plus gros que toutes les Planetes ensemble, en ne
comptant ni les Satellites de Jupiter ni l'Anneau de Saturne. Il
gravite vers les Planetes & les fait graviter toutes vers lui; c'est
cette gravitation qui les fait circuler en les retirant de la tangente,
& l'attraction que le Soleil exerce sur elles, surpasse celles qu'elles
exercent sur lui, autant qu'il les surpasse en quantité de matiere. Ne
perdez jamais de vûe que cette attraction réciproque n'est autre chose
que la loi des mobiles gravitants tous & tournants tous vers un centre
commun.
[Il tourne sur lui-même autour du centre commun du Monde planétaire.]
Le Soleil tourne donc sur ce centre commun, c'est-à-dire sur lui-même
en 25. jours & 1/2. son point de milieu est toujours un peu éloigné
de ce centre commun de gravité, & le corps du Soleil s'en éloigne à
proportion que plusieurs Planetes en conjonction l'attirent vers elles;
mais quand toutes les Planetes se trouveroient d'un côté & le Soleil
d'un autre, le centre commun de gravité du Monde Planétaire sortiroit à
peine du Soleil, & leurs forces réunies pourroient à peine déranger &
remuer le Soleil d'un Diametre entier.
[Il change toujours de place.]
Il change donc réellement de place à tout moment, à mesure qu'il est
plus ou moins attiré par les Planetes: & ce petit approchement du
Soleil rétablit le dérangement que les Planetes opérent les unes sur
les autres; ainsi le dérangement continuel de cet Astre entretient
l'ordre de la Nature.
Quoiqu'il surpasse un million de fois la Terre en grosseur, il n'a pas
un million plus de matiere, comme on l'a déja dit.
S'il étoit en effet un million de fois plus solide, plus plein que
la Terre, l'ordre du Monde ne seroit pas tel qu'il est; car les
révolutions des Planetes & leurs distances à leur centre dépendent
de leur gravitation, & leur gravitation dépend en raison directe de
la quantité de la matiere du Globe où est leur centre; donc si le
Soleil surpassoit à un tel excès notre Terre & notre Lune en matiere
solide, ces Planetes seroient beaucoup plus attirées, & leurs Ellipses
très-dérangées.
[Sa densité.]
En second lieu la matiere du Soleil ne peut-être comme sa grosseur;
car ce Globe étant tout en feu, la rarefaction est nécessairement fort
grande, & la matiere est d'autant moindre que la rarefaction est plus
forte.
Par les loix de la gravitation il paroît que le Soleil n'a que 250000.
fois plus de matiere que la Terre; or le Soleil un million plus gros
n'étant que le quart d'un million plus matériel, la Terre un million de
fois plus petite aura donc à proportion 4. fois plus de matiere que le
Soleil, & sera quatre fois plus dense.
Le même corps en ce cas, qui pese fur la surface de la Terre comme une
livre, peseroit sur la surface du Soleil comme 25. livres; mais cette
proportion est de 24. à l'unité, parce que la Terre n'est pas en effet
4. fois plus dense, & que le diametre du Soleil surpasse seulement 97
fois & demi celui de la Terre.
[En quelle proportion les corps tombent sur le Soleil.]
Le même corps qui tombe ici de 15. pieds dans la 1ere. seconde, tombera
d'environ 350. pieds sur la surface du Soleil, toutes choses d'ailleurs
égales.
Le Soleil perd toujours, selon Neuton, un peu de sa substance, & seroit
dans la suite des siècles réduit à rien, si les Cometes, qui tombent
de tems en tems dans sa Sphére, ne servoient à réparer ses pertes; car
tout s'altére & tout se répare dans l'Univers.

MERCURE.
Depuis le Soleil jusqu'à onze à douze millions de nos lieues ou
environ, il ne paroît aucun Globe.
A 11. ou 12. millions de nos lieues du Soleil est Mercure dans sa
moyenne distance. C'est la plus excentrique de toutes les Planetes:
elle tourne dans une Ellipse qui la met dans son périhélie près d'un
tiers plus près que dans son aphélie; telle est à-peu-près la courbe
qu'elle décrit.
[Illustration]
Mercure est à-peu-près 27. fois plus petit que la Terre; il tourne
autour du Soleil en 88. jours, ce qui fait son année.
[Idée de Neuton sur la densité du corps de Mercure.]
Sa révolution sur lui-même qui fait son jour est inconnue; on ne
peut assigner ni sa pesanteur, ni sa densité. On sait seulement que
si Mercure est précisément une Terre comme la nôtre, il faut que la
matiere de ce Globe soit environ 8. fois plus dense que la nôtre, pour
que tout n'y soit pas dans un degré d'effervescence qui tueroit en
un instant des Animaux de notre espèce, & qui feroit évaporer toute
matiere de la consistence de eaux de notre Globe.
Voici la preuve de cette assertion. Mercure reçoit environ 7. fois plus
de lumiere que nous, à raison du quarré des distances, parce qu'il est
environ 2. fois 2/3 plus près du centre de la lumiere & de la chaleur;
donc il est 7. fois plus étouffé, toutes choses égales. Or sur notre
Terre la grande chaleur de l'Eté étant augmentée environ 7. à 8. fois,
fait incontinent bouillir l'eau à gros bouillons; donc il faudroit que
tout fût environ 7. fois plus dense qu'il n'est, pour résister à 7. ou
8. fois plus de chaleur que le plus brûlant Eté n'en donne dans nos
Climats; donc Mercure doit être au moins 7. fois plus dense que notre
Terre, pour que les mêmes choses qui sont dans notre Terre puissent
subsister dans le Globe de Mercure, toutes choses égales. Au reste, si
Mercure reçoit environ 7. fois plus de rayons que notre Globe, parce
qu'il est environ 2. fois 2/3 plus près du Soleil, par la même raison
le Soleil paroît, de Mercure, environ 7. fois plus grand, que de notre
Terre.

VENUS.
Après Mercure est Venus à 21. ou 22. millions de lieues du Soleil
dans sa distance moyenne; elle est grosse comme la Terre, son année
est de 224. jours. On ne sait pas encore ce que c'est que son jour,
c'est-à-dire, sa révolution sur elle-même. De très-grands Astronomes
croyent ce jour de 23. heures, d'autres le croyent de 25. de nos
jours. On n'a pas pu encore faire des observations assez sûres pour
savoir de quel côté est l'erreur; mais cette erreur, en tout cas, ne
peut-être qu'une méprise des yeux, une erreur d'observation, & non de
raisonnement.
L'Ellipse que Venus parcourt dans son année est moins excentrique que
celle de Mercure; on peut se former quelqu'idée du chemin de ces 2.
Planetes autour du Soleil par cette figure.
[Illustration]
[Prédiction de Copernic sur les Phases de Venus.]
Il n'est pas hors de propos de remarquer ici que Venus & Mercure
ont par rapport à nous des Phases différentes ainsi que la Lune. On
reprochoit autrefois à Copernic, que dans son Systême ces Phases
devoient paroître, & on concluoit que son Systême étoit faux, parce
qu'on ne les appercevoit pas. Si Venus & Mercure, lui disoit-on,
tournent autour du Soleil, & que nous tournions dans un plus grand
cercle, nous devons voir Mercure & Venus, tantôt pleins tantôt en
croissant, &c.; mais c'est ce que nous ne voyons jamais. C'est pourtant
ce qui arrive, leur disoit Copernic, & c'est-ce que vous verrez, si
vous trouvez jamais un moyen de perfectionner votre vûe. L'invention
des Telescopes & les observations de Galilée servirent bien-tôt à
accomplir la prédiction de Copernic. Au reste, on ne peut rien
assigner sur la masse de Venus & sur la pesanteur des corps dans cette
Planete.

LA TERRE.
Après Venus est notre Terre placée à 30. millions de lieues du Soleil,
ou environ, au moins dans sa moyenne distance.
Elle est à-peu-près un million de fois plus petite que le Soleil: elle
gravite vers lui, & tourne autour de lui dans une Ellipse en 365.
jours, 5. heures & 48. minutes; & fait au moins 180. millions de lieues
par an. L'Ellipse qu'elle parcourt est très-dérangée par l'action de la
Lune sur elle, & tandis que le centre commun de la Terre & de la Lune
décrit une Ellipse véritable, la Terre décrit en effet cette courbe à
chaque Lunaison.
[Illustration]
[Quelle est la cause de la rotation journaliére de la Terre.]
Son mouvement de rotation sur son axe d'Occident en Orient constitue
son jour de 23. heures, 56. minutes. Ce mouvement n'est point l'effet
de la gravitation. Il paroît sur-tout impossible de recourir ici à
cette raison suffisante dont parle le grand Philosophe Leibnitz.
Il faut absolument avouer que les Planetes & le Soleil pouvoient
tourner d'Orient en Occident; donc il faut convenir que cette rotation
d'Occident en Orient est l'effet de la volonté libre du Créateur, & que
cette volonté libre est l'unique raison suffisante de cette rotation.
La Terre a un autre mouvement que ses Poles achevent en 25920. années:
c'est la gravitation vers le Soleil & vers la Lune qui cause évidemment
ce mouvement; ce que nous prouverons dans le Chapitre XXV.
La Terre éprouve encore une révolution beaucoup plus étrange, dont
la cause est plus cachée, dont la longueur étonne l'imagination, &
qui sembleroit promettre au Genre Humain une durée que l'on n'oseroit
concevoir. Cette période est selon toutes les apparences d'un million
neuf cens quarante-quatre mille ans. C'est ici le lieu d'insérer ce
qu'on fait de cette étonnante découverte avant que de finir le Chapitre
de la Terre.

DIGRESSION
_Sur la Période de 1944000. ans nouvellement découverte._
L'Egypte & une partie de l'Asie, d'où nous sont venues toutes les
Sciences qui semblent circuler dans l'Univers, conservoient autrefois
une Tradition immémoriale, vague, incertaine, mais qui ne pouvoit être
sans fondement. On disoit qu'il s'étoit fait des changemens prodigieux
dans notre Globe, & dans le Ciel par rapport à notre Globe. La seule
inspection de la Terre donnoit un grand poids à cette opinion.
On voit que les Eaux ont successivement couvert & abandonné les lits
qui les contiennent; des Végétaux, des Poissons des Indes, trouvés dans
les pétrifications de notre Europe, des Coquillages entassés sur des
Montagnes, rendent assez témoignage à cette ancienne Vérité.
Ovide en exposant la Philosophie de Pithagore, & en faisant parler ce
Philosophe instruit par les Sages de l'Asie, parloit au nom de tous les
Philosophes d'Orient, lorsqu'il disoit:
_Nil equidem durare diu sub imagine eâdem
Crediderim; sic ad ferrum venistis ab auro
Sæcula, sic toties versa est fortuna locorum.
Vidi ego quod fuerat quondam solidissima Tellus
Esse Fretum: vidi factas ex Æquore Terras:
Et procul à pelago Conchæ jacuere marinæ:
Quodque fuit Campus Vallem decursus aquarum
Fecit; & eluvie Mons est deductus in Æquor,
Eque paludosa siccis humus aret arenis._
On peut rendre ainsi le sens de ces Vers.
Le Tems qui donne à tout le mouvement & l'être,
Produit, acroît, détruit, fait mourir, fait renaître,
Change tout dans les Cieux, sur la Terre & dans l'Air;
L'Age d'Or à son tour suivra l'Age de Fer:
Flore embellit des Champs l'aridité sauvage:
La Mer change son lit, son flux & son rivage:
Le limon qui nous porte est né du sein des Eaux:
Le Caucase est semé du débris des Vaisseaux:
Bien-tôt la main du Tems applanit les Montagnes,
Il creuse les Vallons, il étend les Campagnes;
Tandis que l'Eternel, le Souverain des tems,
Est seul inébranlable en ces grands changemens.
Voilà quelle étoit l'opinion de l'Orient, & ce n'est pas lui faire tort
de la rapporter en vers, ancien langage de la Philosophie.
A ces témoignages que la Nature donne de tant de révolutions qui
ont changé la face de la Terre, se joignoit cette idée des anciens
Egyptiens, Peuple autrefois Géometre & Astronome, avant que la
Superstition & la Mollesse en eussent fait un Peuple méprisable.
Cette idée étoit que le Soleil s'étoit levé pendant des Siècles à
l'Occident; il est vrai que c'étoit une Tradition aussi obscure que
les Hiéroglyphes. Hérodote, qu'on peut regarder comme un Auteur trop
récent, & par conséquent de trop peu de poids à l'égard de telles
Antiquités, rapporte au Livre d'Euterpe que, selon les Prêtres
Egyptiens, le Soleil dans l'espace de onze mille trois cens quarante
ans, (& les années des Egyptiens étoient de 365. jours) s'étoit levé
deux fois où il se couche, & s'étoit couché deux fois où il se leve,
sans qu'il y eût eu le moindre changement en Egypte, malgré cette
variation du cours du Soleil.
Ou les Prêtres qui avoient raconté cet Evénement à Hérodote, s'étoient
bien mal expliqués, ou Hérodote les avoit bien mal entendus. Car que
le Soleil eût changé son cours, c'étoit une Tradition qui pouvoit être
probable pour des Philosophes; mais qu'en onze mille & quelques années,
les Points cardinaux eussent changé deux fois, cela étoit impossible.
Ces deux révolutions, comme nous l'allons voir, ne pourroient s'opérer
qu'en près de quatre millions d'années. La révolution entiére des Poles
de l'Ecliptique ou de l'Equateur s'acheve en près de 1944000. années, &
cette révolution de l'Ecliptique & de l'Equateur peut seule, à l'aide
du mouvement journalier de la Terre, tourner notre Globe successivement
à l'Orient, au Midi, à l'Occident, au Septentrion. Ainsi ce n'est que
dans une Période de deux fois 1944000. années que notre Globe peut voir
deux fois le Soleil se coucher à l'Occident, & non pas en 110. Siècles
seulement, selon le rapport vague des Prêtres de Thèbes, & d'Hérodote,
le Pere de l'Histoire & du mensonge.
Il est encore impossible que ce changement se fût fait sans que
l'Egypte s'en fût ressentie; car si la Terre en tournant journellement
sur elle-même eût successivement fourni son année d'Occident en
Orient, puis du Nord au Sud, d'Orient en Occident, du Sud au Nord en
se relevant sur son axe, on voit clairement que l'Egypte eût changé de
position comme tous les Climats de la Terre. Les pluyes qui tombent
aujourd'hui depuis si long-tems du Tropique du Capricorne, & qui
fertilisent l'Egypte en grossissant le Nil, auroient cessé. Le terrain
de l'Egypte se fût trouvé dans une Zone glaciale, le Nil & l'Egypte
auroient disparu.
Platon, Diogène de Laërce & Plutarque ne parlent pas plus
intelligiblement de cette révolution; mais enfin ils en parlent, ils
sont des témoins qui restent encore d'une Tradition presque perdue.
Voici quelque chose de plus frappant & de plus circonstancié. Les
Philosophes de Babylone comptoient, au tems de l'entrée d'Aléxandre
dans leur Ville, quatre cens trente mille ans depuis leurs premiéres
Observations Astronomiques, l'Année Babylonienne n'étant que de 360.
jours; mais cette Epoque de 403000. ans a été regardée comme un
Monument de la vanité d'une Nation vaincue, qui vouloit, selon la
coutume de tous les Peuples & de tous les Particuliers, regagner par
son antiquité la gloire qu'elle perdoit par sa foiblesse.
Enfin les Sciences ayant été apportées parmi nous, & s'étant peu-à-peu
cultivées, le Chevalier de Louville, distingué parmi la foule de ceux
qui ont fait honneur au Siècle de Louïs XIV. alla exprès à Marseille
en 1714. pour voir si l'obliquité de l'Ecliptique y paroissoit la même
qu'elle avoit été observée & fixée par Pitheas, il y avoit plus de
2000. ans. Il trouva cette obliquité de l'Ecliptique, c'est-à-dire,
l'angle formé par l'axe de l'Equateur & par l'axe de l'Ecliptique,
moindre de 20. minutes que Pitheas ne l'avoit trouvé. Quel rapport de
cet angle diminué de 20. minutes avec l'opinion de l'ancienne Egypte?
avec les 403000. ans dont se vantoit Babylone? avec une Période du
Monde de près de deux millions d'années, & même, selon l'Observation du
Chevalier de Louville, de plus de deux millions? Il faut voir l'usage
qu'il en fit, & comment il en doit résulter un jour une Astronomie
toute nouvelle.
Si l'angle que l'axe de l'Equateur fait avec l'axe de l'Ecliptique est
plus petit aujourd'hui de 20. minutes, qu'il ne l'étoit il y a 2000.
ans, l'axe de la Terre en se relevant sur le Plan de l'Ecliptique, s'en
approche d'un degré entier en 6000. ans.
Que cet angle, P. E. soit, par exemple, d'environ 23. degrés & 1/2.
aujourd'hui, & qu'il décroisse toujours jusqu'à ce qu'il devienne
nul, & qu'il recommence ensuite pour accroître & décroître encore,
il arrivera certainement que dans 23. fois & 1/2. six mille ans,
c'est-à-dire, dans 141000. années, notre Ecliptique & notre Equateur
coïncideront dans tous leurs points: le Soleil sera dans l'Equateur,
ou du-moins s'en éloignera très-peu pendant plusieurs Siècles; les
Jours, les Nuits, les Saisons seront égaux sur toute la Terre. Il se
trouve selon le calcul de l'Astronome Français, calcul un peu réformé
depuis, que l'axe de l'Ecliptique avoit été perpendiculaire à celui
de l'Equateur, il y a environ 399000. de nos années, supposé que le
Monde eût existé alors. Otez de ce nombre le tems qui s'est écoulé
depuis l'entrée triomphante d'Aléxandre dans Babylone, on verra avec
étonnement que ce calcul se rapporte assez juste avec les 403000.
années de 360. jours que comptoient les Babyloniens: on verra qu'ils
commençoient ce compte précisément au point où le Pole de la Terre
avoit regardé le Bélier, & où la Terre dans sa course annuelle avoit
été du Midi au Nord; enfin où le Soleil se levoit & se couchoit aux
Régions du Ciel où sont aujourd'hui les Poles.
Il y a quelque apparence que les Astronomes Chaldéens avoient fait la
même opération, & par conséquent le même raisonnement que le Philosophe
Français: ils avoient mesuré l'obliquité de l'Ecliptique, ils l'avoient
trouvée décroissante: & remontant par leurs calculs jusqu'à un Point
Cardinal, ils avoient compté du point où l'Ecliptique & l'Equateur
avoient fait un angle de 90. degrés; point qu'on pourroit considérer
comme le commencement, ou la fin, ou la moitié, ou le quart de cette
Période énorme.
Par-là l'Enigme des Egyptiens étoit débrouillée, le compte des
Chaldéens justifié, le rapport d'Hérodote éclairci, & l'Univers flatté
d'un long avenir, dont la durée plaît à l'imagination des hommes;
quoique cette comparaison fasse encore paroître notre vie plus courte.
On s'opposa beaucoup à cette découverte du Chevalier de Louville, &
parce qu'elle étoit bien étrange, & parce qu'elle ne sembloit pas
encore assez constatée. Un Académicien avoit, dans un Voyage en Egypte,
mesuré une Pyramide: il en avoit trouvé les 4. faces exposées aux 4.
Points Cardinaux; donc les Méridiens, disoit-on, n'avoient pas changé
depuis tant de Siècles; donc l'obliquité de l'Ecliptique, qui par sa
diminution eût du changer tous les Méridiens, n'avoit pas en effet
diminué. Mais ces Pyramides n'étoient point une Barriére invincible à
ces découvertes nouvelles; car étoit-on bien sûr que les Architectes
de la Pyramide ne se fussent pas trompés de quelques minutes? La plus
insensible aberration, en posant une pierre, eût suffi seule pour
opérer cette erreur. D'ailleurs, l'Académicien n'avoit-il pas négligé
cette petite différence, qui peut se trouver entre les Points où le
Soleil doit marquer les Equinoxes & les Solstices sur cette Pyramide,
supposé que rien n'ait changé, & les Points où il les marque en effet?
N'auroit-il pas pu se tromper dans les fables de l'Egypte où il opéroit
par pure curiosité, puisque Ticho-Brahé lui-même s'étoit trompé de 18.
minutes dans la position de la Méridienne d'_Uranibourg_, de sa Ville
du Ciel, où il rapportoit toutes ses Observations; mais Ticho-Brahé
s'étoit-il en effet trompé de 18. minutes, comme on le prétend? Ne se
pouvoit-il pas encore, que cette différence trouvée entre la vraye
Méridienne d'_Uranibourg_ & celle de Ticho-Brahé, vint en partie du
changement même du Ciel, & en partie des erreurs presqu'inévitables,
commises & par Ticho-Brahé & par ceux qui l'ont corrigé?
Mais aussi le Chevalier de Louville s'étoit pu tromper lui-même, &
avoir vu un décroissement d'obliquité qui n'existe point. Pitheas
sur-tout étoit vraisemblablement la source de toutes ces erreurs: il
avoit observé comme la plûpart des Anciens avec peu d'exactitude: il
étoit donc de la prudence, avec laquelle on procéde aujourd'hui en
Physique, d'attendre de nouveaux éclaircissemens; ainsi le petit nombre
qui peut juger de ce grand différend demeura dans le silence.
Enfin, en 1734. M. Godin (l'un des Philosophes que l'amour de la Vérité
vient de conduire au Pérou) reprit le fil de ces découvertes: il ne
s'agit plus ici de l'examen d'une Pyramide sur laquelle il restera
toujours des difficultés; il faut partir de la fameuse Méridienne
tracée en 1655. par Dominique Cassini dans l'Eglise de St. Pétrone,
avec une précision dont on est plus sûr que de celle des Architectes
des Pyramides. L'obliquité de l'Ecliptique qui en résultoit est de
23. d. 29´. 15´´. mais on ne peut plus douter par les dernieres
Observations, que cet angle de l'Ecliptique & de l'Equateur ne soit à
présent de 23. d. 28´. 20´´. à-peu-près, à moins que les réfractions,
qui entrent dans la détermination de la hauteur du Pole faite par
l'Etoile Polaire, & par conséquent aussi dans celle de l'élévation
de l'Equateur & de l'obliquité de l'Ecliptique, ne soient un peu
changées depuis ce tems: changement qu'on commence à soupçonner
par la différence des élévations du Pole, trouvées dans les mêmes
Villes après quelque espace de tems, comme dans celles de Londres,
d'Amsterdam & de Coppenhague; quoique ces Observations ne suffisent
pas encore pour nous assûrer entiérement, que de siècle en siècle
l'air se trouve tantôt plus, tantôt moins transparent. Il est vrai
qu'on a découvert depuis peu, & démontré infailliblement, que les
réfractions de deux endroits, même à très-peu de distance l'un de
l'autre, peuvent différer quelquefois au delà de l'opinion; ce qui
oblige à présent un Observateur exact de bien déterminer, avant toutes
choses, les réfractions de son Horizon, s'il veut que ses observations
soient accréditées; mais l'on sait aussi que, selon l'expérience de
Mr. Huygens, en laissant une Lunette dans une situation constante,
& dirigée vers la pointe de quelque Clocher élevé, depuis midi
jusqu'au soir, l'on y verra cette pointe toujours plus élevée sur le
déclin du jour, qu'à midi, & que par conséquent l'air peut changer
de transparence. Cependant comme tout cela ne contribue rien à un
changement, tel que celui qu'on pourroit soupçonner de se mêler au
Phénomêne de cette question, on auroit tort d'admettre un fait aussi
douteux, vû qu'on n'en a point encore de preuves convaincantes, ni de
raisons Physiques.
A l'égard des Pyramides d'Egypte, & de la constance des Méridiens,
qui semble contraire à cette mobilité des Poles de l'Equateur, il
est à propos de remarquer encore, qu'en supposant la figure de la
Terre, non pas sphéroïde, comme elle l'est véritablement, mais
exactement sphérique, ce mouvement du Plan de l'Equateur & de ses
Poles, se peut concevoir de deux manieres. Car, ou la plûpart des
Places, situées à présent sous l'Equateur, auront après quelques
siècles une Latitude Méridionale ou Septentrionale, l'Equateur les
ayant quittées pour s'approcher de l'Ecliptique, (auquel cas tous
les Méridiens seront dérangés, & deux Villes quelconques, sans avoir
changé de place, de distance, ni de leur premiére situation sur la
Terre, auront pourtant changé de _Rumb_, l'une à l'égard de l'autre);
ou l'Equateur n'abandonnera jamais les Places, qui ont été de tout
tems situées sous lui, mais son Plan tournera avec elles autour de
l'Ecliptique, sans qu'il se fasse jamais aucun changement dans les
Méridiens, leur constance ne prouvant pas la même chose contre le
mouvement de l'Equateur que dans la premiére supposition. Au contraire
reprenant la figure sphéroïde de la Terre, qui est la véritable, il
est clair que ses parties solides se soutenant & ne se pouvant pas
quitter les unes les autres, les plus éloignées du Centre de la Terre
demeureront toujours dans le même éloignement, & que par conséquent
la circonférence de l'Equateur, qui les a une fois environnées,
ne les quittera jamais; de sorte que le Plan de l'Equateur, tant
mobile qu'immobile, ne sauroit jamais apporter aucun dérangement aux
Méridiens. On voit par là que, quoique les Architectes Egyptiens ayent
eu ordre d'asseoir les Pyramides parallèlement aux quatre Points
Cardinaux du Monde, & qu'ils ayent exécuté cet ordre avec la derniere
exactitude, cela n'empêche pas que l'angle de l'intersection de
l'Equateur & de l'Ecliptique ne puisse toujours varier autant que l'on
voudra.
Rien ne fait plus de plaisir que de voir rétablir le crédit des Vérités
les plus respectables par leur ancienneté, après avoir été mises en
contestation dans des Siècles aussi circonspects & aussi peu crédules
qu'est le nôtre; mais il faut avouer néanmoins, que si les Egyptiens
& les Babyloniens ont été les premiers à découvrir le décroissement
de cette obliquité, ils l'ont découvert par des raisonnemens bien
moins fondés, que ne sont ceux par lesquels nous leur attribuons
cette découverte. Hérodote publia son Histoire environ cent ans après
qu'Anaximandre de Milet eut trouvé, le premier, le moyen de mesurer
l'obliquité de l'Ecliptique: & cette invention ayant passé peu après
en Egypte par les Voyages de Cléostrate, d'Harpale & d'Eudoxe, les
Egyptiens, qui ne manquérent pas de trouver cette obliquité plus
petite que ne l'avoit trouvée Anaximandre, s'en prévalurent pour en
faire honneur à leur Nation; comme si la diminution & par conséquent
la mesure de l'obliquité de l'Ecliptique avoient été connues chez eux
pendant des milliers d'années, dans le tems que cette derniére venoit
seulement d'être découverte parmi les Grecs. Nous avons dit ci-dessus
à-peu-près la même chose des Babyloniens, qui également jaloux des
Egyptiens & des Grecs, ont remonté, par un pareil calcul, jusqu'à une
antiquité incomparablement plus absurde que n'est celle des Egyptiens.
Mais, soit que ce mouvement de l'Equateur existe, soit qu'il n'existe
pas, il est toujours certain, qu'il ne peut-être produit par aucun
méchanisme de ceux qui sont tombés dans la pensée du savant Newton.
Le mouvement qui ressemble plus naturellement à celui de l'axe de
la Terre, est la variation de l'inclinaison de l'Orbe de la Lune,
qui est de 5. deg. 18. ou 19. min. quand les Nœuds de la Lune se
trouvent en conjonction, ou en opposition avec le Soleil, & de 5. deg.
seulement, quand ces mêmes Nœuds sont dans les Quadratures. Il est
vrai que, par une analogie naturelle, ce grand Philosophe attribue à
l'axe de la Terre un petit mouvement alternatif, par lequel l'angle de
l'intersection de l'Ecliptique & de l'Equinoxiale se trouvant dans les
Equinoxes, par exemple, de 23. deg. 29. min. s'étrecit en approchant
des Solstices, & s'élargit derechef depuis les Solstices jusqu'aux
Equinoxes; de sorte qu'aux Solstices, cet angle, dans sa plus petite
dimension, est de 23. deg. 29. min. moins quelques secondes.
Mais ces alternatives de diminution & d'accroissement ne produisent
point de mouvement circulaire du Plan de l'Equinoxiale, d'un Pole de
l'Ecliptique à l'autre. Il faut donc, que cette circulation dépende
de quelqu'autre raison inconnue jusqu'à présent, qu'il faut tâcher de
découvrir, au cas que ce Phénomêne soit réel.
Pour que la diminution de cet angle égale toujours son accroissement,
il faut que le centre absolu de pesanteur de toute la masse de la
Terre soit le même que le centre géométrique de sa figure sphéroïde;
mais il se peut bien faire que cela ne soit pas. Car, si la Terre est
tant soit peu plus matérielle du côté Boréal de l'Equateur, que du
côté Méridional, & qu'il arrive au dedans de cette Planete, ou à sa
surface, quelque changement, qui diminue la quantité de matiére dans un
endroit & qui l'augmente dans un autre, il est évident, que la surface
extérieure de la Terre & le centre commun de la pesanteur de toute sa
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