Elémens de la philosophie de Neuton: Mis à la portée de tout le monde - 12

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réguliérement sa révolution autour du Soleil, par exemple, à 600.
millions de lieues de distance du Centre universel de notre Systême,
de quoi lui serviroit la lumiére & la chaleur de cet Astre, dans une
distance où il ne paroîtroit pas plus grand que ne nous paroissent
Jupiter & Venus? J'ai supposé 600. millions de lieues de distance
moyenne de ce prétendu corps au Soleil, parce que si cette distance
étoit moindre, les Planetes se tireroient & s'embarrasseroient trop par
leurs gravitations réciproques.
[Calcul de la pesanteur des corps qui tombent sur la surface de
Saturne.]
Le diametre de Saturne est près de 10. fois plus grand que celui de
la Terre. Par ce moyen on peut calculer la proportion de la pesanteur
sur Saturne à celle que nous éprouvons sur notre Terre. Son dernier
Satellite étant éloigné de lui de 53 à 54. de ses sémi-diametres,
c'est-à-dire, le rayon de son orbite étant 53 ou 54. fois plus grand
que le sémi-diametre de Saturne, sa révolution doit se faire en 79.
jours 22. heures, qui font 1918. heures. Je dis donc que comme 157464,
cube de 54 sémi-diametres de Saturne, est à l'unité, ou au cube d'un
seul sémi-diametre du même Saturne, ainsi 3678724, quarré de 1918.
heures, est à 23 2/5, à-peu-près; d'où tirant la racine quarrée, l'on
trouve pour le tems périodique de cette révolution 4 heures & 5/6, ou
4 heures 50 minutes. Donc un corps qui feroit le tour de la surface de
Saturne, sans baisser jamais par sa pesanteur, le feroit, comme nous
venons de voir, en 4 heures 50 minutes.
Pour trouver, à-présent, de combien de pieds les corps pesants tombent
sur Saturne pendant la premiére seconde de tems, je dis que, comme 1.
sémi-diametre de la Terre, divisé par le quarré de 84. min. & 2/5, que
nous avons trouvées page 320, est à 9 1/2 sémi-diametres de la Terre,
ou à un seul sémi-diametre de Saturne, divisé par le quarré de 290.
minutes, que nous venons de trouver; ainsi 15. pieds parcourus par la
chûte d'une seconde de tems vers la Terre, sont à 12. pieds de chûte
vers Saturne pendant la premiére seconde, & quelque peu davantage.
Mais cette pesanteur des corps vers le centre de Saturne souffre une
diminution considérable par leur gravitation, en sens contraire, vers
la cavité de son anneau, comme nous l'allons montrer dans la suite.
Les Figures suivantes nous représentent les différentes configurations
de Saturne: 1. Sa phase ronde avec une seule bande obscure au milieu,
causée par l'ombre de l'anneau, & par sa partie obscure, qui ne reçoit
point de rayons du Soleil: 2. Cette même phase ronde avec d'autres
bandes encore, telles qu'on les a vues en 1715: 3. La phase de son
anneau, qui se perd de vûe, & qui reparoît après avoir été quelque tems
invisible; & 4. Cet anneau dans sa plus grande largeur, avec des bandes
qui environnent le disque de Saturne, comme cela s'est vu en 1696.
[Illustration]
Le diametre extérieur de l'anneau de Saturne, pris d'un bout à l'autre,
est au diametre de cette Planete, comme 9 sont à 4, selon la mesure
de Mr. Huygens, ou comme 11 sont à 5, selon celle de Mr. Cassini. Le
diametre intérieur, compris entre les deux cavités opposées, est à
celui de Saturne comme 6 1/2 sont à 4; car depuis le corps de Saturne
jusqu'à la cavité de son anneau, il y a autant d'espace, que depuis
cette cavité jusqu'à sa circonférence extérieure. Si Saturne lui-même
a 30000 lieues de diametre, il y aura depuis sa surface, jusqu'à la
cavité en question, 9375 lieues, & delà jusqu'au bout, aussi 9375, au
lieu desquelles on en compte ordinairement 8000. de largeur.
La quatrième Figure nous représente cet anneau dans sa plus grande
ouverture, lorsque sa largeur de B, en C, ou de D en F, nous paroît la
moitié de sa longueur A, E. C'est par cette proportion de longueur & de
largeur que l'on a calculé l'angle que fait cet anneau avec l'orbite
de sa Planete, savoir de 30 à 31 degrés. Il est à remarquer qu'au
milieu de sa largeur apparente, on observe une ligne obscure, telle
qu'on la voit marquée par la ligne pointillée. La couleur de sa partie
intérieure, qui est plus près du corps de la Planete, paroît plus vive
& plus lumineuse, que celle de sa partie extérieure, & la ligne noire,
dont nous venons de parler, en fait la séparation. Ainsi toutes les
fois que cet anneau disparoît, c'est sa partie extérieure qui se perd
la premiére; car l'autre ne disparoît que quelques jours après.
Dans les années 1714 & 1715, où l'on a vu cet anneau disparoître &
reparoître deux fois, on a observé que sa partie Orientale se perdoit
de vûe un jour ou deux plutôt que sa partie Occidentale, & que cette
même partie Occidentale se découvroit au contraire un jour ou deux
plutôt que sa partie Orientale. En 1671. Mr. Cassini, le Pere, avoit
déja observé quelque chose de semblable; ce qui lui fit juger avec
raison que les parties de cet anneau, qui sont du même côté, par
exemple, A, B, & D, E, de la troisième Figure, ne sont pas dans le même
plan, & que par conséquent il est plus mince ou plus pointu par ses
extrémités A & E, que vers la cavité intérieure B, C, ou D, F.
[Raisons de la disparition de l'anneau de Saturne.]
Il y a deux causes différentes, qui nous font perdre cet anneau de vûe.
La premiére est que son plan venant à passer par le centre du Soleil,
ses deux côtés ne reçoivent ses rayons que fort obliquement de part &
d'autre; ce qui fait que sa lumiére devient trop foible pour frapper
nos yeux. Cela arrive lorsque Saturne, à l'égard du Soleil, est au
19 degré 45 min. des Poissons ou de la Vierge. Quand il n'y a point
d'autre cause qui produit la phase ronde de Saturne, que celle-là,
elle ne dure guères au-delà d'un mois, comme on le prouve par les
Observations des années 1685 & 1701. Vers la fin de cette phase, on
s'apperçoit plus clairement de l'ombre de l'anneau sur le corps de
Saturne, qui paroît un peu au-dessus ou au-dessus du milieu de son
disque, comme cela se voit Fig. 1.
La seconde cause qui nous rend l'anneau invisible, est la coïncidence
de sa partie éclairée avec le rayon visuel, qui passe du côté de celle
qui ne l'est pas. Cette apparence a des termes moins limités que celle
dont il a été parlé ci-devant; cependant on est toujours assûré de la
voir deux fois, quand Saturne, apperçu du Soleil au 19 degré 45 min.
des Poissons ou de la Vierge, est retrograde par rapport à nous. Sa
Latitude étant observée de la Terre, ne peut différer chaque fois que
de fort peu de chose; mais ce peu de chose ne laisse pas d'être assez
sensible, pour avancer ou proroger ces termes. En 1671, il y eut plus
de six mois entre les deux disparitions des anses, à compter depuis la
fin du mois de Mai jusqu'au 8 de Décembre. Le lieu de Saturne, étant
vu du Soleil, se trouvoit la premiére fois au 13 degré des Poissons,
& la seconde au commencement du vingtième. En 1714. le 12 Octobre,
jour auquel les anses disparurent, Saturne se voyoit du Soleil au
commencement du 17e. degré de la Vierge, & le 22e. de Mars. En 1715.
jour moyen de la seconde disparition, il étoit déja à 21 degrés & demi
du même Signe à l'égard du Soleil; mais le tems qui s'écoula entre ces
deux disparitions, n'est que de 5 mois & quelques jours. Ainsi les
phases rondes vers le commencement de Juillet 1744, & au mois de Mars
1760. ne se redoubleront point; & il faudra par conséquent laisser à la
Postérité l'observation du retour de ce Phénomêne.
Bien des gens sont curieux de savoir si cet anneau est un corps continu
ou solide, ou si ce ne sont que des Satellites, qui sont si près les
uns des autres, que notre vûe ne peut les distinguer. La derniére
de ces deux conjectures me paroît plus vraisemblable. Car si l'on
m'objecte que le mouvement de tous ces Satellites, dans une orbite
commune, ne pourroit se faire, sans qu'ils se choquassent les uns les
autres, s'il y avoit tant soit peu d'excentricité; il me suffira de
répondre que ce mouvement n'est point du tout excentrique. Si l'on dit
aussi que les Satellites supérieurs ne pourroient pas achever leurs
périodes en même tems que les inférieurs, parce que la pesanteur, ou
la force centripète de leur mouvement circulaire, diminue en raison
quarrée de leur éloignement du centre de Saturne: je réponds encore,
qu'à la vérité cette différence de leurs périodes est telle que l'on
prétend; mais que la ressemblance exacte de tous les Satellites d'un
même ordre nous fait regarder cet assemblage de Satellites séparez
comme un corps continu.
Il reste pourtant encore une petite difficulté à lever. Cette orbite,
dira-t-on, loin de pouvoir être exactement circulaire, est elliptique,
son grand axe étant toujours perpendiculaire à une ligne tirée du
centre du Soleil à celui de Saturne; parce que tous les Satellites ne
sont que des Lunes, qui pour cette raison doivent obéïr aux mêmes loix
de la gravitation que la nôtre. Or comme l'orbite de la Lune doit un
peu s'applatir dans les conjonctions, de même que dans les oppositions,
& avoir plus de courbure aux quadratures, ainsi que nous l'avons
prouvé au Chapitre XXII. il s'ensuit nécessairement que le même
changement arrivera dans celle des autres Satellites. La chose dépend
donc uniquement de la différence de la gravitation de Saturne sur le
Soleil, & de celle de ses Satellites sur lui-même; & c'est de cette
différence que nous donnerons la mesure au Chap. XXV.
Les bandes de Saturne, dont le parallèlisme avec son anneau fait voir,
que ce qui les cause est élevé au-dessus de la surface de cette Planete
à une assez grande distance, pour que leur courbure ne soit que peu ou
point sensible, prouvent indubitablement, que Saturne est environné
d'une Atmosphére beaucoup plus vaste que la nôtre. Mais en supposant,
comme ci-dessus, que cet anneau n'est composé, que d'une infinité
de Satellites, il ne sera pas nécessaire de l'étendre jusque-là.
Cependant quelque vaste que soit cette Atmosphére, il faut qu'elle soit
incomparablement plus transparente que la nôtre, puisque les Fixes
que l'on voit quelquefois entre les anses & le corps de Saturne, n'y
souffrent jamais ni réfraction, ni changement de figure, comme dans
les autres Atmosphéres.
C'est une chose fort remarquable, que parmi les 5 Satellites de
Saturne, il y en a quatre, qui font leurs révolutions dans le plan
même de son anneau, & que le cinquième est le seul, qui suive une
route particuliére. Ce dernier n'a que 15 à 16 degrés d'inclinaison
de son orbite à celle de Saturne, au lieu que les 4 autres circulent
dans un plan incliné à celui de leur Planete principale de 30 deg.
ou davantage. Aussi ses nœuds sont-ils un peu différens de ceux des
autres. Ceux-ci ont les mêmes nœuds, que l'anneau, savoir au 19 degré
45 min. des Poissons & de la Vierge; mais le dernier coupe l'orbite
de Saturne environ quinze degrés plutôt, savoir au quatrième, ou au
cinquième degré des mêmes Signes.
[Ralentissement du mouvement de Saturne.]
Avant que de quitter Saturne, il faut remarquer une autre particularité
de son mouvement qu'on n'a point encore observée à l'égard des autres
Planetes. Toutes les plus anciennes Observations étant comparées
entr'elles, ainsi qu'avec les modernes, nous donnent son moyen
mouvement annuel de 12 degrés 13 minutes, & 33 à 36 secondes, au plus.
Mais les modernes seules, comparées les unes avec les autres, donnent
ce même mouvement diminué de quelques secondes, savoir de 12 degrés 13
min. & 20 à 29 secondes par an. On a encore observé d'autres petites
inégalitez dans le mouvement de Saturne depuis Tycho-Brahé; mais qui
ne laissent pas de s'accorder toutes à nous faire voir, que son moyen
mouvement est moins prompt à présent, que du tems des Chaldéens & des
Egyptiens. Mr. Cassini a prouvé cela incontestablement, en comparant
les observations modernes, ainsi que celles de Ptolomée, avec une
observation fort ancienne faite le 1. Mars de l'année 4485 de la
Période Julienne, dans un Mémoire présenté à l'Académie le 10. Janvier
1728.
Quoique Neuton ait prouvé que, lorsque Jupiter est le plus près de
Saturne qu'il est possible, il dérange sensiblement le mouvement de
cette Planete, néanmoins le ralentissement du mouvement de celui-ci
est trop sensible, & d'une nature trop différente de ce qu'elle devroit
être, pour en accuser seulement Jupiter. En effet, s'il n'y avoit pas
d'autres corps qui y contribuassent, comment se pourroit-il faire que,
dans les plus grandes proximités de ces Planetes, le mouvement de
Saturne fût tantôt accéléré, & tantôt retardé, comme le démontrent les
observations rapportées par Mr. Cassini?
Je crois donc que le ralentissement du mouvement qu'éprouve Saturne
beaucoup plus sensiblement que toutes les autres Planetes, est causé
par l'attraction de plusieurs Cometes, qui font leurs traverses dans
les immenses Régions de l'Univers au-delà de lui. Leur nombre & leur
grandeur sont assez considérables pour pouvoir être sensible à l'égard
de la pesanteur de Saturne sur le Soleil, qui n'est que la 90me.
partie de l'attraction de la Terre vers le centre de notre Systême.
Aussi les inégalités de ce ralentissement s'expliquent-elles bien plus
commodément par les différentes proximités des Cometes, que par toute
autre cause; & si les Planetes inférieures se sentent moins que Saturne
de leur approchement, c'est parce que la force attractive du Soleil est
bien plus forte que celle des Cometes dans les Régions inférieures, que
dans celle de Saturne, comme nous l'avons déja dit.
[Illustration]


[Illustration]
CHAP. VINGT-QUATRE.
_De la Lumiére Zodiacale, des Cometes, & des Fixes._

_De la Lumiére Zodiacale._
LA principale raison qui nous engage à faire ici mention de la Lumiére
Zodiacale, est que certaines Hypothèses, par lesquelles on explique
ce Phénomêne, semblent contraires aux Démonstrations de Neuton sur le
mouvement des corps dans des milieux résistans; & c'est ce qu'il faut
tâcher d'éclaircir.
La lumiére zodiacale est une clarté semblable à celle de la _Voye
Lactée_, & quelquefois meme plus claire, qui s'étend presque le long du
Zodiaque à 50, 60, 70, 80, 90, & quelquefois à 100 degrés & davantage
du lieu du Soleil, de part & d'autre. Ainsi ses pointes & une grande
partie de son arc lumineux, quand elle n'est pas enveloppée, ou mêlée
de notre crépuscule, paroissent avoir un mouvement annuel & journalier
autour de la Terre, pareil à celui que le Vulgaire attribue au Soleil.
Selon les savantes remarques de Mr. de Mairan, tirées des Observation
de Mrs. Cassini, Eimmart, Kirch & d'autres, c'est sur la fin de
l'Hyver, & au commencement du Printems, que le soir est plus propre
dans nos Climats pour bien observer cette Lumiére; & le matin vers la
fin de l'Eté & le commencement de l'Automne. Cette différence est un
effet de la différente position de l'Ecliptique sur l'Horizon, qui fait
tomber la pointe de la lumiére en question, quelquefois plus haut,
quelquefois plus bas.
L'angle de sa pointe, où les deux côtés se réunissent, est fort inégal.
On l'a vu quelquefois de 20 degrés, & quelquefois de huit seulement.
Mr. de Mairan rapporte encore des observations de Mr. Cassini, qui
l'avoit trouvée d'une figure irréguliére, & courbée comme une faucille;
il en rapporte aussi de Mr. Fatio de Duilliers, où les deux côtés ont
eu des points qu'on appelle en Géométrie points de rebroussement, ou
d'inflexion contraire, semblables à ceux de deux conchoïdes sur une
même asymptote.
Une connoissance des plus essentielles de ce Phénomêne, dont nous
sommes redevables à la grande sagacité de Mr. de Mairan, est que la
section du milieu de cette lumiére, ou de la matiére qui la réfléchit
vers nous, est la même que le plan de l'équateur du Soleil, ayant tous
deux les mêmes nœuds avec notre Ecliptique, & faisant avec elle un
angle de 7 degrés & demi. Cela prouve fort vraisemblablement, que cette
matiére appartient naturellement au Soleil; aussi n'est-ce pas sans
raison, qu'on lui a donné le nom d'Atmosphére Solaire, quoiqu'il ne
faille pas la confondre avec celle qui l'environne de plus près, & dans
laquelle nagent les taches Solaires, qui font avec elle leur révolution
périodique en 25 jours & demi.
La Figure de cette Atmosphére extérieure est une Sphéroïde fort platte,
dont le grand diametre est souvent 5, ou 8 à 9 fois plus grand, que
celui qu'on imagine d'un Pole à l'autre. Son étendue est en différens
tems si inégale, que sa pointe supérieure est quelquefois bien
au-dessous de l'orbite de la Terre, & va quelquefois bien au-delà.
C'est ce qui a porté, Mr. de Mairan à croire, que cette Sphéroïde étoit
fort excentrique, & que ses apsides avoient un mouvement bien plus
prompt, & peut-être moins régulier, que celles des orbites planétaires.
Il faudroit donc que l'aphélie de cette Sphéroïde s'étendît jusqu'entre
les orbites de Mars & de la Terre, & que son périhélie se terminât
au-dessus de l'orbite de Vénus, sans atteindre celle de la Terre.
Sur cela on auroit raison de demander comment il se peut faire, que la
Terre & la Lune, qui entrent toutes deux dans cette Atmosphére Solaire,
ne sentent pas la résistance d'une matiére, qui doit nécessairement
avoir quelque densité? Pourquoi la vîtesse de leur mouvement ne se
ralentit point? Et pourquoi enfin l'orbite de la Terre ne devient
pas plus petite de siècle en siècle, comme cela devroit arriver
infailliblement, si ce mouvement se faisoit dans un milieu résistant?
C'est une vérité incontestable, & démontrée par Neuton dans la IV.
Section du Livre II. de sa Philosophie, que la densité du milieu étant
posée en raison inverse des distances du centre du mouvement, & la
pesanteur en double raison inverse de ces mêmes distances, le mouvement
circulaire doit se changer en celui de spirale; & que cette spirale
est précisément celle que Descartes & le R. P. Mersène ont connue
les premiers; je veux dire, celle qui coupe tous les rayons partans
d'un seul centre, sous un angle toujours égal. Donc, si l'Atmosphére
Solaire enveloppe la Terre & la Lune, les années doivent toujours
devenir plus courtes, parce que l'Orbite devient plus étroite: la
vîtesse de mouvement annuel & journalier diminuera toujours: le
diametre apparent du Soleil nous paroîtra toujours plus grand; & la
chaleur augmentera à la fin jusqu'à faire périr tout ce qu'il y a de
vivant sur la Terre.
Voici la maniére, dont je crois pouvoir résoudre cette difficulté.
Toutes les parties les plus petites de cette Atmosphére sont autant de
petites Planetes, qui tournent autour du Soleil, à peu près de la même
maniére & dans le même sens, que les grandes qu'on a connues jusqu'ici
sous ce nom. Cela fait qu'elles ont elles-mêmes par-tout des vîtesses
fort peu différentes de celles de la Terre dans les mêmes distances du
Soleil.
On voit bien qu'un amas de particules, qui tournent avec la même
rapidité qu'un corps d'une grandeur considérable, qui en est environné,
ne peut faire aucune résistance au mouvement que ce corps fait dans le
même sens. On voit aussi que, si les vîtesses de cet assemblage de
petites Planetes résistent quelquefois un peu à une plus grande qui
se trouve parmi elles, les vîtesses du côté opposé, qui doivent être
plus grandes, lui font bien-tôt regagner, ce qu'elle en avoit perdu
auparavant.
C'est particuliérement au célèbre Fatio de Duilliers que nous avons
l'obligation de cette idée. Quoique ce grand Géométre n'ait pas prévu
l'inconvénient, qui naîtroit de la résistance de cette matiére par
rapport au mouvement de la Terre, de la Lune, de Vénus & de Mercure;
il est cependant le premier, qui nous ait averti, que cette lumiére
pourroit bien être un amas sphéroïde de petites Planetes, comme la
_Voye Lactée_ n'est qu'un nombre infini de Fixes si petites, qu'on ne
peut les appercevoir.
[Premiére Objection contre le sentiment de Mr. de Duilliers.]
Mais, quoi, dira-t-on, vous avez détruit au Chapitre XVI. les
Tourbillons de Descartes, & maintenant vous en établissez un autre
entiérement contraire à vos principes? Cette Atmosphére, qui, selon
vous, doit tourner incessamment autour du Soleil, & dont le mouvement
s'étend jusqu'au-delà de l'orbite de la Terre, n'est-elle pas un
nouveau Tourbillon, par lequel vous prétendez remplacer celui que
vous vous êtes tant efforcé d'anéantir en faveur de la Philosophie de
Neuton? Et, tourbillon pour tourbillon, pourquoi ne pas adopter plutôt
celui de Descartes?
A cela je réponds, que les Tourbillons de Descartes sont bien différens
du mouvement circulaire ou elliptique des petites Planetes de cette
Atmosphére, auquel je consens qu'on donne, si l'on veut, le nom de
Tourbillon, pourvû que l'on m'accorde que celui-ci ne ressemble
point à ceux de Descartes. Il n'est pas nécessaire de répéter tous
les inconvéniens des Tourbillons que nous avons examinés dans les
Chapitres précédens; nous nous contenterons de parler d'une seule chose
en quoi ils différent de celui dont il s'agit. En effet, pour que
les Tourbillons de Descartes ayent assez de force pour emporter les
Planetes, qui y nagent, il est nécessaire qu'elles n'ayent jamais ni
plus, ni moins de matiére, que la partie du Tourbillon qui les met en
mouvement, ce qui est contraire à l'expérience. Car leur mouvement dans
leurs aphélies est plus lent, que dans leurs périhélies, & cependant la
quantité de matiére, qu'elles contiennent, est toujours égale. Ce qui
les fait tourner, n'est donc point une force qui leur est imprimée par
une matiére étrangere, autrement cette même matiére étant plus vaste
dans leurs aphélies, & plus resserrée dans leurs périhélies, produiroit
un effet tout-à-fait contraire. Mais notre Tourbillon ne doit pas se
prendre pour un premier ressort du mouvement planétaire, puisque nous
considérons la pesanteur ou l'attraction vers le Soleil, comme sa cause
véritable & primitive. En effet, nous ne le posons que pour ne pas
retarder le mouvement de la Terre & des Planetes inférieures, ce qui
est bien différent de leur imprimer du mouvement, comme devroient faire
ceux de Descartes.
[Seconde Objection.]
On pourroit faire une objection bien plus réelle sur la nature du
mouvement circulaire ou curviligne, causé par quelque corps central
vers lequel tous les autres sont attirés. On ne doute point que le
centre des forces ne doive toujours être dans le même plan où se fait
le mouvement; car c'est une suite nécessaire des Démonstrations,
par lesquelles nous avons prouvé au Chap. XIX. l'égalité des aires
décrites en tems égaux. Comment donc, dira-t-on, se peut-il faire que
deux corps ou plusieurs, dont la circulation se commence dans des
plans différens, mais à égale distance du Soleil, ne se choquent pas
quelque part, avant que d'achever seulement leur premiére révolution;
puisqu'il est impossible que deux plans circulaires différens & qui
ont pourtant le même centre, ne se coupent pas en deux points de leurs
périphéries? Néanmoins nous ne voyons pas que cela arrive à la matiére
qui produit la lumiére zodiacale, puisqu'un choc comme celui-là,
la réduiroit bien-tôt en une seule masse, & en feroit une nouvelle
Planete, selon les théorêmes du mouvement causé par la percussion,
démontré si clairement par Mrs. Mariotte, Huygens & Herman. Quoique
certains petillements de cette lumiére, observés par Mrs. Cassini &
de Duilliers, prouvent assez visiblement que le choc des corpuscules
qui composent cette matiére, est quelque chose de fort commun, cela
ne l'empêche pas de subsister toujours, & d'avoir ses vicissitudes de
diminution & d'accroissement. Mais un choc dans l'intersection de deux,
ou de plusieurs Plans, tel que celui dont nous venons de parler ligne
7 & suiv. p. 364, n'a jamais été remarqué, & ne le sera certainement
jamais.
Pour résoudre cette difficulté, il faut voir ce qui arriveroit, s'il
y avoit une seconde Terre de la même figure & de la même grandeur que
la nôtre, & si ces deux Terres se touchoient tellement aux deux Poles
de leur orbite commune, que le Pole Méridional de l'une fût appliqué
immédiatement au Pole Septentrional de l'autre. Il est clair que le
centre de l'une ou de l'autre décriroit une orbite particuliére, dont
le plan non-seulement ne passeroit pas par le centre du Soleil; mais en
seroit même éloigné du demi-diametre de chacune des deux.
Je dis plus. Si au lieu de ces deux Terres j'en suppose quatre, six,
huit, ou davantage, il en faudra nécessairement revenir au même
raisonnement; & la multiplication de ces corps de part & d'autre ne
produira que la multiplication des centres particuliers des orbites
particuliéres. Mais le centre commun de gravité de toutes ces Terres
jointes ensemble, situé au point du contact des deux Poles du milieu,
décrira pareillement une orbite qui tiendra le milieu de toutes les
autres, & passera immanquablement par le centre du Soleil.
Pour revenir aux petits corpuscules qui composent cette Atmosphére,
figurons-nous que tous ceux qui sont à la même distance du Soleil
se touchent; il n'y a pas de doute qu'ils ne s'accompagnassent
éternellement, comme feroit une rangée de plusieurs Terres, qui
auroient toutes des révolutions égales autour du Soleil. Il est vrai
qu'un autre ordre supérieur ou inférieur de ces corpuscules feroit une
révolution particuliére dans un tems périodique différent de celui de
la précédente; mais ce seroit toujours de compagnie, & sans que les
corpuscules d'une même rangée se quittassent jamais. Il importe peu que
des rangées différentes supérieures & inférieures se touchent, ou ne
se touchent pas, pourvû qu'il n'y ait ni inégalité, ni friction, qui
puisse en retarder le mouvement.
[Troisième Objection.]
Voici encore une objection qu'on pourroit faire contre le mouvement de
l'Atmosphére Solaire, tel que nous l'imaginons. Le tems périodique des
taches du Soleil & par conséquent de la partie la plus basse de cette
Atmosphére, avec laquelle ces taches font visiblement leur révolution,
est de 25 jours & demi, que l'on compte depuis qu'une partie de cette
Atmosphére a été sous une Fixe quelconque, jusqu'à son retour sous la
même Fixe.
Comparons maintenant le tems périodique du sédiment de l'Atmosphére
Solaire avec celui qu'employent ses parties situées à une élévation
égale à celle de la Terre. Pour cet effet nous commencerons par
établir que toutes les Planetes, tant grandes que petites, font leurs
révolutions dans la même Région du Ciel en tems égaux; car il n'y
a personne qui puisse le nier, sans contredire l'expérience même,
qui prouve que la disproportion des masses de Jupiter, de Mars & de
Mercure, ne dérange rien à la proportion de leurs tems périodiques.
Les corpuscules planétaires de cette Atmosphére étant à une distance
égale à celle de notre Terre feront donc leur révolution en une année;
mais pour bien expliquer la chose il faut avoir recours à cette Règle
de _Kepler_: Comme le cube de 213 sémi-diametres du Soleil, qui font
la distance moyenne de la Terre à cet Astre, est au quarré de 525949
minutes, ou d'une année, de même le cube d'un seul sémi-diametre du
Soleil est au quarré de 169 à 170 minutes. Le fond ou le sédiment de
l'Atmosphére Solaire devroit donc tourner en 169 ou 170 minutes; mais
l'expérience nous apprend qu'il fait sa révolution en 25 jours & demi,
comme on l'a vu ci-dessus, ce qui fait une disproportion trop sensible.
Pour faire voir que cette objection a plus de brillant que de solide,
il nous suffira de dire que l'Atmosphére Solaire est séparée en deux
parties différentes par un vuide assez grand, pour que la partie
supérieure n'ait aucune communication avec l'inférieure. Or comme cette
séparation fait que l'Atmosphére inférieure peut suivre le mouvement
du Soleil autour de son axe, & avoir le même tems périodique, elle
nous met en droit de soutenir que la partie supérieure, pour ne pas
tomber sur l'inférieure, a besoin d'un mouvement planétaire, dont les
forces centrifuges contrebalancent les centripètes. On ne peut donc
s'empêcher de nous accorder que cette Atmosphére supérieure doit avoir
différens degrés de vîtesse dans ses différentes parties, autrement
les plus basses tomberoient toujours vers le Soleil, & les plus hautes
pourroient s'élever même au-delà de Saturne.

DES COMETES.
Neuton est le premier qui nous ait donné la véritable idée du mouvement
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