Elémens de la philosophie de Neuton: Mis à la portée de tout le monde - 11

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masse changeront de position, l'un à l'égard de l'autre; & comme le
centre géométrique de sa surface sphéroïde extérieure demeure toujours
le même, il est nécessaire que ce centre change aussi de position, à
l'égard de celui de pesanteur, dès que quelque raison constante, ou non
constante, ôte quelque peu de matiere en quelqu'endroit, pour le porter
ailleurs. Or les deux centres, savoir le géométrique de la figure ovale
de la Terre & celui de sa pesanteur générale, doivent nécessairement
être dans le même axe de son tournoyement, si ce tournoyement doit être
égal & uniforme pendant 24. heures, sans s'accélérer & se retarder par
reprises; ce qui seroit contraire à l'expérience.
Pour effectuer donc ce mouvement du Plan de l'Equateur, il suffit
qu'il y ait, au-dedans de la Terre, une matiere, qui en circulant
continuellement, mais lentement, déplace toujours le centre commun de
pesanteur, par rapport à la surface de la Terre, parce que l'axe du
tournoyement suivra toujours le même chemin de ce centre.
Si cette matiere ne circule pas, mais qu'elle ait un mouvement
irrégulier & très-petit, le Plan de l'Equateur changera aussi de
position avec l'Ecliptique, mais sans règle certaine, & pourra être
tantôt plus près, tantôt plus loin d'elle; ce qui seroit peut-être plus
vraisemblable qu'une circulation parfaite. Mais tout ce raisonnement
n'aura lieu que lorsqu'il sera démontré d'une maniere tout-à-fait
incontestable, que l'approchement de l'Equateur & de l'Ecliptique, dont
les plus habiles Observateurs prétendent s'appercevoir aujourd'hui, est
réel: & qu'il n'y a point d'illusion, ni de la part des réfractions,
ni des Instrumens, dans une affaire qui est encore si delicate, & si
peu sensible dans les observations modernes, où il ne s'agit encore que
de quelques secondes de diminution; de sorte que ce ne sera qu'après
plusieurs Siècles d'observations continuées, que l'on pourra dire, avec
une pleine certitude, si l'obliquité est variable, ou comment elle
l'est.
Le moyen le plus court & le plus sûr de terminer cette question, seroit
de mesurer exactement l'élévation du Pole des ruïnes de l'ancienne
Ville de Syène en Egypte. L'on sait, au rapport de Strabon dans
le dernier Livre de sa Géographie, que cette Ville étoit située
précisément sous le Tropique du Cancer, & qu'il y avoit un Puits
très-profond, dans lequel on ne voyoit jamais l'image du Soleil, qu'au
point de Midi, aux Solstices d'Eté, le Soleil donnant verticalement sur
la surface Horizontale de l'eau, au bas du Puits. Strabon ajoute au
même endroit, qu'en partant de la Gréce, cette Ville étoit la premiére
que l'on rencontroit, où les _Gnomons_, ou des Colomnes érigées
verticalement n'eussent point d'ombre Méridienne une fois dans l'année,
savoir au Solstice d'Eté; de sorte que voilà deux preuves différentes,
qui nous assûrent que du tems de Strabon, ou quelque tems avant lui, le
Tropique du Cancer a passé par le point vertical de cette Ville.
Or si en mesurant à présent la Latitude de l'endroit, où a été
autrefois cette Place, on y trouvoit le Pole Septentrional élevé de 23.
deg. 49. min. ou davantage, ce seroit une preuve indubitable que Mr.
le Chevalier de Louville avoit trouvé la vérité, & que l'obliquité de
l'Ecliptique étoit diminuée de 20. min. pendant près de 18. siècles. Je
dis de 23. deg. 49. min. ou davantage, car la Tour de Syène étant déja
renommée, à cause de la propriété dont nous venons de parler, du tems
du Prophête Ezéchiel, qui en fait mention au Chap. 29. de sa Prophétie,
il est apparent que si l'obliquité de l'Ecliptique étoit variable, elle
auroit encore diminué de 5. à 6. minutes, dans la même proportion,
depuis le tems de ce Prophête jusqu'à celui de Strabon, pendant plus
de cinq Siècles, sans compter ce qu'il pourroit y avoir de diminution
depuis la fondation de cette Tour jusqu'au tems de ce Prophête.
Mais si au contraire on n'y trouvoit le Pole élevé que de 23. deg. &
demi, ou environ, il faudroit conclure, sans hésiter, que, pendant
toute cette suite de Siècles, l'obliquité en question a été constamment
la même, ou que sa diminution n'a rien eu de considérable; & que
l'espace compris entre l'Equinoxiale & l'Ecliptique ne s'est que
peu, ou point rétreci. Toute la difficulté ne consisteroit qu'à bien
découvrir la situation de cette ancienne Ville au voisinage du Nil &
de l'Isle Eléphantine. Ce seroit le moyen de prévenir les soins de la
Postérité, & de se faire un mérite auprès d'elle, en lui présentant
des Démonstrations achevées d'une vérité, dont l'éclaircissement pourra
lui coûter plusieurs siècles.
Le dénombrement que nous avons entrepris de faire ici des principales
particularités qui regardent la Terre, par rapport au rang qu'elle
tient parmi les Planetes, nous engage à examiner les preuves de sa
figure sphéroïde que nous avons supposée véritable, & de faire voir
l'impossibilité du changement des Méridiens. Nous en avons déja
donné une idée générale au Chapitre XVIII. lorsque, par rapport à
l'étendue & aux divers degrés de la pesanteur, nous avons fait mention
de l'inondation des Eaux vers les Régions de l'Equateur, qui devoit
résulter nécessairement du tournoyement de la Terre autour de son axe,
si elle étoit exactement sphérique. Mais comme ce n'étoit pas là le
lieu de prouver que cette différence étoit assez sensible pour pouvoir
être mesurée, nous allons faire voir ici ce qui en est.
Les preuves, dont nous nous servirons, sont tirées en partie des
raisonnemens de Physique, & en partie de l'Expérience même. Les
raisonnemens de Physique, qui nous prouvent la nécessité de cette
figure, ne supposent pour tout Principe, que le mouvement journalier
de la Terre, de 23. heures 56. minutes. Si la Terre est exactement
sphérique, la vîtesse du tournoyement de tous les Corps pesants sous
l'Equateur diminuera leur pesanteur, ou la vîtesse de leur chûte, à
mesure qu'elle différera moins de celle qu'il faudroit pour faire
circuler tous les corps pesants sous l'Equateur, sans pouvoir jamais
tomber, ou s'approcher du centre de la Terre; ou pour faire que tout
ce qu'il y a de corps sous l'Equateur, fussent autant de Satellites,
qui tournassent par leur mouvement journalier dans la circonférence
de l'Equateur, comme fait la Lune dans son Orbite. Or en disant
par une Règle de _Trois_: Comme le cube de la distance de la Lune,
de 60. sémi-diametres de la Terre, est au cube d'un seul de ces
sémi-diametres, de même le quarré de 39343 minutes, qui font un mois
périodique de la Lune, est au quarré des minutes de la révolution des
Satellites, ou des corps pesants, dans la circonférence de l'Equateur
terrestre, si l'on vouloit que la force centrifuge contrebalançât
exactement la pesanteur. On trouve pour le résultat de ce calcul
84. 2/5 de minutes de révolution; de sorte que si le jour des Etoiles
étoit de 84 2/5 de minutes, au lieu qu'il est de 23. heures 56. min.
qui est 17. fois plus grand, il n'y auroit sous l'Equateur, ni chûte,
ni poids des corps.
On trouve le même nombre de 84 2/5 de minutes, sans se servir de la
Lune, en suivant le Théorême de Mr. Huygens, par lequel il a trouvé
qu'un corps, pour tourner circulairement, d'une force centrifuge
égale à son propre poids, doit faire tout le tour du Cercle en autant
de tems, qu'un Pendule, de la longueur du rayon du même Cercle,
employeroit à faire deux vibrations. Or pour faire l'application de ce
Théorême au Cercle de l'Equateur, & au sémi-diametre de la Terre, il
faut seulement dire: Comme 3. pieds, & 17/288 d'un pied, longueur du
Pendule d'une seconde, sont au quarré d'une seconde, ainsi 19615800
pieds du sémi-diametre de la Terre, selon la mesure de Mr. Picart,
sont à 6412430, qui est le quarré de 2532. secondes, ou de 42. min.
12. secondes. Un Pendule de la longueur du sémi-diametre de la Terre,
feroit donc chaque vibration en 42. min. 12. secondes; & par conséquent
pour égaler la pesanteur à la force centrifuge de la rotation
journalière sous l'Equateur, il faudroit que cette rotation s'achevât
en 84. min. 24. secondes.
Mais, comme elle se trouve 17. fois plus lente, il est évident qu'en
supposant la surface de la Terre exactement sphérique, la pesanteur
sous l'Equateur excéde sa diminution, ou la force centrifuge, 17. fois
17 fois, c'est-à-dire 289. fois, & par-là la vîtesse de la chûte des
corps, sous l'Equateur, seroit à celle de leur chûte sous les Poles,
comme 288 sont à 289; & un Pendule d'une seconde, qui feroit sous
le Pole 86400. vibrations pendant un jour Solaire, n'en feroit sous
l'Equateur qu'environ 86250. tout de même que le Pendule d'une seconde
de Paris, étant transporté sous l'Equateur, & y faisant ses chûtes
curvilignes, ou ses vibrations un peu plus lentes qu'ici, retarderoit
par jour de 2. min. 5. secondes, ou environ.
L'expérience de Mr. _Richer_ faite dans l'Isle de Caïenne, celle de Mr.
Halley dans l'Isle de _Ste. Hélène_, & celles de ceux dont on peut voir
les noms à la page 227. de cette Edition, ayant vérifié, à quelques
circonstances près, cette diminution de la pesanteur sous l'Equateur,
qui est une conséquence nécessaire & indubitable du mouvement
journalier de la Terre; il nous reste à voir le dérangement que
causeroient sur sa surface les forces centrifuges de ce même mouvement
sous les Cercles parallèles de l'Equateur, si la Terre étoit exactement
sphérique.
Tout le monde sait qu'une Balance exacte étant suspendue par son
milieu, & demeurant en repos, les Bassins, ou des Poids égaux suspendus
par des cordelettes à ses deux extrémités, font prendre à ces
cordelettes, ou plutôt à leurs milieux, des situations perpendiculaires
à leurs Horizons, & qui tendent directement au centre de la Terre.
Mais si l'on donne à cette Balance un mouvement circulaire, dont le
centre soit le point de suspension de la Balance, on verra d'abord
que les Bassins, ou les poids, s'éloigneront de la perpendiculaire,
à proportion de la vîtesse du mouvement circulaire; de sorte que les
cordelettes ne suivront plus la direction ordinaire de la pesanteur
vers le centre de la Terre.
Figurons-nous à présent une grande Balance curviligne, dont le milieu
soit suspendu à l'un des Poles de la Terre, & dont les deux extrémités
s'étendent jusqu'à égale élévation du même Pole, de part & d'autre;
il est évident que si la figure sphérique de la Terre (qui est-ce que
nous examinons) tourne autour de son axe, & qu'elle emporte en même
tems cette Balance curviligne, par un mouvement circulaire autour du
même axe, les poids qui étant en repos devroient converger vers le
centre de la Terre, s'éloigneront un peu de cette convergence & des
perpendiculaires, de part & d'autre. Ainsi le Sinus du petit angle de
déviation, compris entre la perpendiculaire & la nouvelle direction du
poids, sera bien près de 1/289 du produit du Sinus, & du Co-Sinus de
l'élévation du Pole, divisé par le rayon.
On voit clairement que sans imaginer cette Balance curviligne, ce
raisonnement peut également s'appliquer à toutes les lignes à plomb,
qui se trouvent sur la surface de la Terre. C'est de cette maniére
qu'on trouve qu'à Paris, & en cent autres endroits de même Latitude,
qu'un Pendule en repos ne tendroit pas perpendiculairement à l'Horizon,
mais feroit avec la perpendiculaire un angle de près de six minutes,
ce qui seroit assez sensible, si la Terre étoit exactement sphérique;
cependant comme en nul endroit du Monde on ne trouve aucune déviation,
c'est une preuve suffisante que la face de la Terre est telle,
qu'il faut qu'elle soit, pour que la direction de la pesanteur soit
perpendiculaire, ce qui ne se peut que dans une figure sphéroïde.
Cette figure sphéroïde produit encore un autre changement à l'égard
de la pesanteur, mais de peu de conséquence. L'on sait que, sans
considérer la diminution de la pesanteur, dont nous venons de parler,
la pesanteur elle-même varie encore selon la diversité des distances du
centre de la Terre, quand même il n'y auroit point de rotation. C'est
ce qui fait que les expériences des Pendules transportés en différens
Climats, ne répondent pas dans la derniére précision au calcul que nous
avons donné ci-dessus, quoiqu'elles prouvent toutes en général que la
pesanteur différe sensiblement, & qu'elle est toujours moins forte
vers l'Equateur, que vers les Poles. C'est aussi ce qui partage les
sentimens des plus grands Géométres sur la proportion de l'axe de la
rotation de la Terre au diametre de son Equateur. Mr. Huygens & après
lui Jaques Herman dans son excellent Ouvrage de la _Phoronomie_, ont
déterminé cette proportion, comme de 577. à 578.; mais Neuton nous la
donne de 229. à 230, environ triple de la précédente. La différence
de ces mesures ne provient que de ce que Mr. Huygens n'a considéré la
pesanteur que comme une force qui pousse les corps vers un seul centre;
au lieu que Neuton l'a considérée comme une force par laquelle tous les
corps & toutes les particules de la Terre, jusqu'aux plus petites, sont
tirées les unes vers les autres.

MARS.
La quatrième Planete de notre Systême est Mars. Sa moyenne distance
du Soleil est de 46. millions de lieues. De toutes les Planetes
supérieures, c'est celle qui a la plus grande excentricité, aussi
n'en connoît-on point parmi tous les Corps célestes, dont la grandeur
apparente soit plus variable; de sorte que sa plus grande Phase excéde
jusqu'à 7. fois la plus petite. Au mois d'Août 1719. Mars étant opposé
au Soleil, à 2 ou 3 degrés seulement de distance de son périhélie,
l'on se souvient encore que plusieurs personnes, qui n'avoient aucune
teinture d'Astronomie, furent étonnées de le voir, & le prirent pour
une Comete, ou un nouvel Astre, qui venoit de naître dans le Ciel,
comme on a fait de Vénus l'année derniere, lorsqu'au mois de Mai ayant
atteint sa plus grande hauteur Méridienne au commencement du Cancer, &
étant encore assez loin du Soleil pour n'être point éclipsée par son
éclat, elle lança ses rayons par le chemin le plus court de la partie
Boréale de l'Atmosphére.
Comme la grande excentricité de Mars rend son mouvement apparent fort
inégal, c'est de lui principalement que _Kepler_ s'est servi, pour
examiner & vérifier la découverte qu'il avoit faite de l'égalité des
aires parcourues par chaque Planete en particulier, en tems égaux;
& c'est aussi par lui, qu'il a reconnu & prouvé la nécessité qu'il
y avoit de n'admettre par tout le Ciel que des excentricités plus
petites, environ de la moitié de celles qui avoient été établies par
les Anciens.
De toutes les Planetes, Mars est encore celle qui a la plus grande
Atmosphére, à proportion de son noyau, du moins à ce qu'on en connoît
jusqu'à présent; ce qui se prouve par le changement de couleur d'une
Fixe observée par Mr. Römer, en approchant & en quittant le disque de
Mars, laquelle pâlit sensiblement à l'approche de ce disque, étant
encore éloignée de lui des deux tiers du diametre du même disque, &
qui étant sortie de derriére le corps opaque de Mars, ne recouvra la
vivacité naturelle & ordinaire de sa lumiére qu'à la distance des deux
tiers du même diametre.
Sans l'Etoile de Mars nous ignorerions tout-à-fait l'éloignement & la
véritable grandeur des Corps célestes; & c'est le célèbre Mr. Cassini
le Pere, qui s'est avisé le premier, de se servir des distances
apparentes de cette Planete d'avec les Fixes prochaines, lorsqu'elle
est opposée au Soleil, pour trouver la véritable dimension de notre
Systême. Sa parallaxe horizontale, qui dans cette situation est assez
grande pour être observée & calculée sans qu'il y ait à craindre aucune
erreur trop sensible, savoir de 26 à 27. secondes dans son périhélie,
nous donne le moyen de calculer les parallaxes horizontales du Soleil &
des autres Planetes, qui ne peuvent être observées par elles-mêmes, à
cause de leur petitesse. Par les taches de Mars, que nous représentons
ici de la maniere, dont elles ont apparu en 1719. l'on a découvert &
l'on s'est convaincu, qu'il tourne autour d'un axe toujours parallèle à
lui-même, (comme celui de la Terre) en 24 heures, 40 minutes;
[Illustration]
Ou que 36 révolutions de Mars autour de son axe égalent 37 révolutions
de la Terre autour du sien.
[Remarques sur les taches de Mars.]
Les taches de cette Planete semblent être plus variables que celles
de toutes les autres. Les bandes obscures qu'on a observées en 1704.
1717. & 1719. ne conviennent point entr'elles, ni par rapport à leur
situation, ni par rapport à leur figure. En 1704. & 1717. on a vu
une bande obscure occupant plus d'un hémisphére de Mars, avec cette
différence qu'en 1704. elle avoit au milieu une pointe, qui ne s'y
trouvoit point en 1717. & qu'en 1717. elle étoit plus éloignée de
l'équateur de Mars, & plus près de son pole Méridional qu'en 1704. En
1719. on a trouvé une bande coudée, formée seulement après le mois de
Juillet, dont la partie la plus Méridionale, par rapport à nos yeux,
s'étendoit obliquement sur la moitié de l'hémisphére de Mars, & égaloit
environ un quart de Cercle, prenant son commencement entre le pole
Méridional & l'équateur de Mars, & finissant entre son équateur & son
pole Septentrional, où les deux parties de cette bande, en se joignant,
faisoient un angle, comme cela se voit Figure 2. Le 13. de Juillet
d'auparavant on n'avoit observé qu'une seule bande obscure rectiligne,
telle qu'on la voit Figure 1.
Outre ces bandes obscures, on avoit découvert des taches confuses de
figure fort irréguliére, comme dans les Fig. 3. & 4. qui n'étoient
aussi que temporaires, & qui n'avoient presque rien de commun avec
celles qu'on avoit observées auparavant, que leur inconstance.
Mais les taches les plus considérables de cette Planete sont celles,
qui s'observent proche de ses deux poles, dont cependant on n'en
voit jamais qu'une à la fois, & qui sont ordinairement plus claires
que le reste du corps. Il y a près de 70 ans, que ces taches-là sont
connues, & qu'on en voit presque toujours l'une ou l'autre, ce qui
prouve qu'elles sont permanentes, & que les vicissitudes d'apparition
& d'occultation qu'elles subissent, procédent seulement de quelque
changement de l'atmosphére de Mars, semblable à celui de la nôtre,
causé en partie par la différente constitution de l'air en Eté & en
Hyver, & en partie par la différente quantité de pluye, & de beau tems
en différens endroits du même Climat. C'est ainsi que depuis le 17.
Mai jusqu'au mois de Novembre 1719. le Pole, qui est à notre égard le
Méridional, se trouvant éclairé par le Soleil, & par conséquent l'Eté y
régnant, & l'Atmosphére y étant rarefiée autant qu'elle l'a pu être, la
lumiere éclatante de cette Zone déliée a pu frapper notre vûe, dans le
tems que celle du Pole opposé, qui avoit paru aux Observateurs en 1704
& 1717. avec le même éclat que la derniére, se déroboit alors à nos
yeux à la faveur des nuages & des vapeurs congelées, qui y changeoient
l'Atmosphére, & la rendoient moins transparente. La différence de la
clarté de cette Zone, dont une moitié conserva constamment le même
degré de lumiére, & dont l'autre au contraire diminua, disparut, puis
reparut, ne ressemble pas mal à la différence du tems qu'il fait aux
Andes du Pérou, où il ne pleut jamais, & à Borneo où il pleut presque
tous les jours. Il se peut qu'il y ait encore d'autres raisons qui
puissent produire cet effet; mais il est toujours constant que cette
diversité d'apparences vient de la diverse constitution de l'Atmosphére.

JUPITER.
Jupiter la plus grande de toutes les Planetes de notre Systême,
parcourt en 4331 jours, ou 12 ans, en comptant rondement, une Orbite,
dont le demi-diametre, en sa moyenne quantité, ou la distance moyenne
du Soleil, est de 156. millions de lieues. Son diametre est dix fois
plus grand que celui de la Terre. La pesanteur des corps qui tendent
vers le centre de cette Planete, ou l'espace qu'ils parcourent en
tombant directement sur elle, se peut calculer.
[Maniére de calculer la pesanteur des corps qui tombent sur la surface
de Jupiter.]
Pour cet effet, l'on cherche premiérement le tems périodique d'un
Satellite qui raseroit la surface de Jupiter, ce qui se trouve par
cette règle: Comme le cube de 25 1/3 de demi-diametres de Jupiter,
(qui font la distance du quatrième Satellite), est au quarré de son
tems périodique, qui est de 16 2/3 de jours; ainsi le cube d'un seul
sémi-diametre de Jupiter est au quarré du tems périodique qu'on
cherche. On trouve par-là qu'un tel Satellite acheveroit sa période
autour de Jupiter, près de sa surface, en 193 à 194 minutes.
Comme toutes sortes de pesanteurs sont en raison directe des rayons
des cercles que décrivent les corps pesants, sans tomber, & en raison
inverse des quarrés des tems périodiques, on détermine la quantité
de la pesanteur de ces corps sur Jupiter de cette maniére: Comme 1
sémi-diametre de la Terre est à 10 1/2 des mêmes sémi-diametres, qui
sont la mesure de celui de Jupiter; ainsi 15 1/12 de pieds de chûte
sur la Terre, pendant la premiére seconde, sont à 158 3/8 de pieds de
chûte sur Jupiter pendant la premiére seconde, si les tems périodiques
des Satellites aux surfaces de Jupiter & de la Terre sont égaux. Mais
ayant trouvé ci-dessus que le tems périodique d'un Satellite de la
Terre, auprès de sa surface, est de 84 2/5 de minutes, il en faut venir
à cette derniére règle: Comme le quarré de 193 1/2 de minutes est au
quarré de 84 2/5 de minutes; ainsi 158 3/8 de pieds de chûte, (si les
deux périodes sont égales) sont à 30 pieds de chûte véritable sur
Jupiter. Le pendule à secondes sera donc en Jupiter de 7 pieds & 1/2.
Ces mêmes considérations nous font aussi voir que le diametre polaire,
ou l'axe de rotation de Jupiter, est plus petit que celui de son
équateur, & que cette différence doit être bien plus sensible sur
la surface de Jupiter, que sur celle de la Terre. La révolution
journaliére de Jupiter est de 9 heures 56 minutes; & la révolution
du plus bas Satellite, qui pourroit être autour de lui, ayant été
trouvée de 194 minutes, qui n'est quasi que le tiers de sa révolution
journaliére, sa pesanteur restante, c'est-à-dire, diminuée par les
forces centrifuges sous l'équinoxiale de Jupiter, sera à la pesanteur
primitive (en supposant la figure de Jupiter exactement sphérique)
comme 8 sont à 9. C'est ce qui donne la proportion du petit axe au
grand, à peu de chose près, comme 17 sont à 18, en dressant le calcul
selon les principes de Mrs. Huygens & Herman, & comme 7 à 8, en suivant
ceux de Neuton, fondés sur la gravitation mutuelle de toutes les
parties intérieures de la Planete. Le sentiment de Neuton semble être
appuyé par les Observations de Mr. Cassini, le Pere, rapportées à la
fin de la XIX. Proposition du III. Livre de sa Philosophie, où il est
dit, que le diametre de Jupiter d'Orient en Occident est visiblement
plus grand que celui du Sud au Nord.
Les bandes obscures de Jupiter, couchées le long de son disque, &
toujours parallèles, à-peu-près, à son équateur, sont représentées par
les deux Figures suivantes.
[Illustration]
Cet équateur ne fait avec l'orbite de Jupiter qu'une obliquité de 2.
deg. 55. min. au lieu que la nôtre est de 23. deg. & demi. Ces bandes
semblent n'être que des exhalaisons, qui, en s'élevant & se joignant
ensemble, prennent une figure circulaire. Il est vrai qu'elles ne se
produisent jamais toutes entiéres à la fois, témoin surtout cette
bande Méridionale, qui renaît quasi de six en six ans, & qui nous
ramene toujours une tache noire, située à son bord Septentrional, comme
cela est arrivé aux années 1665. 1677. 1713. au mois de Septembre, &
aux années 1672. & 1708. au mois d'Avril. En comparant les anciennes
Observations avec celles qui ont été faites en dernier lieu, on
remarque que ces bandes, qui avoient d'abord paru subir des changemens
tout-à-fait bizarres, & ne suivre aucune règle, ne laissent pas d'avoir
des retours assez réguliers, qui nous mettront peut-être un jour en
état de prédire leurs apparences avec la même certitude qu'on peut
calculer les Eclipses.
[Remarque sur la tache noire de Jupiter.]
La bande dont nous venons de parler, accompagnée de la tache noire,
se présente ordinairement, quand Jupiter est aux derniers degrés de
la Vierge & des Poissons, vers le tems qu'il a été en opposition avec
cet Astre. Ce qu'il y a de plus particulier, c'est que ces apparences
suivent plutôt le vrai mouvement de Jupiter que le moyen; car on voit
bien que depuis l'opposition de cette Planete avec le Soleil au Signe
des Poissons jusqu'à celle qui se fait au Signe de la Vierge, il se
passe 6 ans & demi, & 5 seulement & demi de celle-ci au retour de
la premiére, le tout faisant ensemble 12 années, pendant lesquelles
s'acheve la révolution de Jupiter. Ceci fait voir que, si l'on pouvoit
marquer tous les changemens qui surviennent à ces bandes, & qui sont
sans doute affectés à certains Signes du Zodiaque, aussi-bien que le
Phénomêne de la tache noire, on auroit lieu d'espérer, que l'ordre de
leur retour se pourroit prédire, comme celui de cette tache.
C'est principalement à cette même tache que nous sommes redevables
de la connoissance que nous avons de la révolution journaliére de
Jupiter, dont la vîtesse nous surprendroit, sans doute, par rapport à
la grandeur de son corps, si Mr. de Mairan n'en avoit pas démontré la
possibilité, dans un savant Mémoire inséré dans ceux de l'Académie de
l'Année 1729. où il démontre que la différence qu'il y a entre le poids
de la partie inférieure d'une Planete, qui est tournée vers le Soleil,
& celui de la supérieure qui ne l'est pas, est capable de produire sa
rotation d'Occident en Orient.
Cette tache est aussi connue aux Astronomes, que la situation d'une
célèbre Ville aux Géographes; & on en a déterminé la Latitude
Méridionale sur la surface de Jupiter d'environ 16. degrés, comme l'on
détermine celle de quelque Place remarquable sur la Terre. Il est vrai
qu'en observant ses révolutions au milieu de son parallèle exposé
vers nous, on a trouvé qu'elles n'étoient pas tout-à-fait les mêmes, &
qu'elles différoient de quelques secondes, quoiqu'il soit très-naturel
de les supposer toujours égales entr'elles, comme sont celles de la
Terre; mais cela n'est pas de conséquence, & dans une recherche de
cette nature, bien loin de blâmer les Astronomes, on doit admirer leur
sagacité, & leur savoir bon gré de ne différer entr'eux qu'en secondes.
[Pourquoi les Satellites de Jupiter semblent quelquefois moins grands.]
Les Satellites de Jupiter, & sur-tout le quatrième, étant tournés vers
nous, ont des taches obscures, qui les font paroître quelquefois bien
plus petits qu'ils ne sont ordinairement; ce qui fait que le quatrième
disparoît quelquefois entiérement, lorsqu'il est bien éloigné du
corps & de l'ombre de Jupiter. Mais on n'a point encore déterminé,
si ces taches naissent subitement, ou si c'est le tournoyement des
Satellites autour d'eux-mêmes, qui nous montre ces taches dans un tems,
& nous les cache dans un autre; quoiqu'il y ait bien à parier pour ce
tournoyement, à cause des circonstances périodiques qu'on prétend avoir
observées dans le quatrième Satellite. Il se pourroit aussi, que les
ombres mêmes des Satellites fissent entr'eux de petites Eclipses, dont
on ne pourroit s'appercevoir que par la diminution de leur éclat; mais
c'est ce qui n'a point encore été examiné.

SATURNE.
Saturne parcourt son orbe autour du Soleil en 29 ans & demi. Si, en
comptant rondement, la distance moyenne de la Terre au Soleil est,
comme nous l'avons dit par-tout ailleurs, de trente millions de nos
lieues, il s'ensuit par la même raison, que la distance médiocre de
Saturne à cet Astre est de 285. à 286. millions des mêmes lieues. C'est
la derniére Planete, & la plus éloignée du Soleil qui nous soit connue;
du moins n'a-t-on point encore découvert au-delà aucun corps dans
de Ciel, qui ait une orbite constante, & qui tourne circulairement.
Il est vrai que les Cometes font leurs cours dans des Régions bien
plus éloignées que ne fait Saturne; mais comme leur excentricité est
beaucoup plus grande que celles des Planetes ordinaires, elles ne
font point partie du Systême planétaire que nous considérons dans
ce Chapitre. Car quand même on en supposeroit quelqu'une qui feroit
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