Elémens de la philosophie de Neuton: Mis à la portée de tout le monde - 08

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| | | la deuxième. | |
+-----------+----------+---------------------+-------------------+
| | | | Cinq fois |
| | | Le quarré de 3. | 15. pieds; |
| | | secondes est neuf: | ainsi la |
| 3me. | Le | or neuf fois 15. | progression |
| Seconde | Corps | font 135; donc le | est visiblement |
| trois | parcourt | corps a parcouru | selon |
| vîtesses. | 75. | dans les trois | les nombres |
| | pieds. | secondes | impairs |
| | | 135. pieds. | 1. 3. 5. &c. |
+-----------+----------+---------------------+-------------------+
Il est clair d'abord qu'à chaque instant infiniment petit, le mobile
reçoit un mouvement accéléré, puisque, par l'énoncé même de la
proposition & par l'expérience, ce mouvement augmente continuellement.
Par cette petite Table un coup d'œil démontrera, qu'au bout d'une
minute le mobile aura parcouru cinquante-quatre mille pieds, car 54000.
pieds font le quarré de soixante secondes, multiplié par quinze;
or quinze multiplié par le quarré de soixante, qui est 3600. donne
cinquante-quatre mille.
De ces Expériences il naissoit une nouvelle conjecture, à la
vérité bien fondée, mais qui requéroit pourtant une démonstration
particuliére. Car, voyant qu'un corps, par une pesanteur toujours
égale, faisoit soixante fois autant de chemin au bout de 60 minutes,
qu'il en faisoit pendant la premiére minute, on présuma que la
pesanteur elle-même devoit varier en raison quelconque des distances du
centre de la Terre.
Cela fit aussi soupçonner deslors à quelques grands Génies, qui
cherchoient une route nouvelle, & entr'autres au fameux Bacon
Chancelier d'Angleterre, qu'il y avoit une gravitation, une attraction
des Corps au centre de la Terre, & de ce centre aux Corps. Il proposoit
dans son excellent Livre _Novum Scientiarum Organum_, qu'on fît
des expériences avec des Pendules sur les plus hautes Tours & aux
profondeurs les plus grandes; car, disoit-il, si les mêmes Pendules
font de plus rapides vibrations au fond d'un Puits que sur une Tour, il
faut conclure que la pesanteur, qui est le principe de ces vibrations,
sera beaucoup plus forte au centre de la Terre, dont ce Puits est plus
proche. Il essaya aussi de faire descendre des mobiles de différentes
élévations, & d'observer s'ils descendroient de moins de quinze pieds
dans la premiére seconde; mais il ne parut jamais de variation dans ces
expériences, les hauteurs & les profondeurs où on les faisoit étant
trop petites.
On restoit donc dans l'incertitude, & l'idée de cette force agissant du
centre de la Terre demeuroit un soupçon vague.
Descartes en eut connoissance: il en parle même en traitant de la
pesanteur; mais les expériences qui devoient éclaircir cette grande
question manquoient encore. Le Systême des tourbillons entraînoit ce
Génie sublime & vaste: il vouloit en créant son Univers, donner la
direction de tout à sa Matiere subtile: il en fit la dispensatrice de
tout mouvement & de toute pesanteur; petit à petit l'Europe adopta son
Systême faute de mieux.
[Expérience faite par des Académiciens, laquelle conduit à cette
découverte.]
Enfin en 1672. Mr. Richer dans un Voyage à la Cayenne près de la Ligne,
entrepris par ordre de Louïs XIV. sous les auspices de Colbert le Pere
de tous les Arts: Richer, dis-je, parmi beaucoup d'observations, trouva
que le Pendule de son Horloge ne faisoit plus ses oscillations, ses
vibrations aussi fréquentes que dans la Latitude de Paris, & qu'il
falloit absolument racourcir le Pendule d'une ligne & de plus d'un
quart.
La Physique & la Géométrie n'étoient pas alors, à beaucoup près, si
cultivées qu'elles le sont aujourd'hui. Quel homme eût pu croire que
de cette remarque si petite en apparence, & que d'une ligne de plus ou
de moins, pussent sortir les plus grandes vérités Physiques? On trouva
d'abord, qu'il falloit nécessairement que la pesanteur fût moindre sous
l'Equateur, que dans notre Latitude, puisque la seule pesanteur fait
l'oscillation d'un pendule.
[La Terre plus haute à proportion à l'Equateur qu'au Pole.]
On vit par conséquent que, puisque la pesanteur des Corps étoit
d'autant moins forte, que ces Corps sont plus éloignés du centre de la
Terre, il falloit absolument que la Région de l'Equateur fût beaucoup
plus élevée que la nôtre, plus éloignée du centre, & qu'ainsi la
Terre ne pouvoit être une Sphére. Beaucoup de Philosophes firent à
propos de ces découvertes ce que font tous les hommes, à qui il faut
changer d'opinion; ils combattirent la Vérité nouvelle. Une partie des
Docteurs jusqu'au XV. Siècle avoit cru la Terre plate, plus longue
d'Orient en Occident que du Midi au Septentrion, & couverte du Ciel
comme d'une Tente en demi-voute. Leur opinion leur paroissoit d'autant
plus sûre qu'ils la croyoient fondée sur la Bible. Peu de tems avant
la découverte de l'Amérique, un Evêque d'Avila traitoit l'opinion de
la rondeur de la Terre, d'impieté, & d'absurdité. Enfin la Raison
& le Voyage de Christophe Colomb rendirent à la Terre son ancienne
forme sphérique, que les Chaldéens & les Egyptiens lui avoient donnée.
Alors on passa d'une extrémité à l'autre; on crut la Terre une Sphére
parfaite, comme on croyoit que les Etoiles faisoient leur révolution
dans un vrai cercle.
Cependant du moment que l'on commença à bien savoir que notre Globe
tourne sur lui-même en vingt-quatre heures, on auroit du juger de cela
seul, qu'une forme entiérement ronde ne peut lui appartenir. On n'avoit
qu'à considerer que le mouvement de rotation en vingt-quatre heures
doit élever les Eaux de la Mer: que ces Eaux élevées plus que le reste
du Globe devroient à tout moment retomber sur _les Terres_ de la Région
de l'Equateur & les inonder: or elles n'y retombent pas; donc la Terre
solide y doit être élevée comme les Eaux. Ce raisonnement si simple,
si naturel, étoit échapé aux plus grands Génies; preuve certaine
du préjugé qui n'avoit pas même permis ce leger examen. On contesta
encore l'expérience même de Richer: on prétendit que nos Pendules ne
faisoient leurs vibrations si promptes vers l'Equateur, que parce que
la chaleur allongeoit ce métal: on vit que la chaleur du plus brûlant
Eté l'allonge d'une ligne sur trente pieds de longueur; & il s'agissoit
ici d'une ligne & un quart, d'une ligne & demie, ou même de deux lignes
sur une verge de fer longue de 3 pieds 8 lignes.
Quelques années après, Mrs. Deshayes, Varin, Feuillée, Couplet,
repétérent vers l'Equateur la même expérience du Pendule; il le
fallut toujours racourcir, quoique la chaleur fût très-souvent moins
grande sous la Ligne même, qu'à quinze ou vingt degrès de la Ligne
Equinoxiale. Cette expérience vient d'être confirmée de nouveau par les
Académiciens qui sont à présent au Pérou; & on apprend dans le moment
que vers Quito, dans un tems où il geloit, il a fallu racourcir le
Pendule à secondes d'environ deux lignes.
Tandis qu'on trouvoit ainsi de nouvelles vérités sous la Ligne, Mr.
Picart par les mêmes ordres avoit donné en 1669 une mesure de la Terre,
en traçant une petite partie de la Méridienne de la France. Elle ne
donnoit pas à la vérité une mesure aussi exacte de notre Globe qu'on
l'auroit eue, si l'on en avoit mesuré des degrés en France, & vers
l'Equateur & vers le Cercle Polaire; mais cette différence sera trop
petite pour être comptée dans les choses dont nous allons parler.
Ces découvertes étoient nécessaires pour fonder la Théorie de Neuton.
On se croit obligé ici de rapporter sur ces découvertes & sur cette
Théorie une Anecdote qui ne sera pas sans utilité dans l'Histoire de
l'Esprit humain, & qui servira à faire connoître combien l'exactitude
est nécessaire dans les Sciences & combien Neuton cherchoit sincérement
la Vérité.
[Anecdote sur ces découvertes.]
Il avoit jetté dès l'année 1666 les fondemens de son admirable Systême
de la gravitation; mais il falloit pour que ce Systême se trouvât
vrai dans toutes ses parties, & sur-tout pour tirer du mouvement de la
Lune les conclusions que nous allons voir; il falloit, dis-je, que les
degrés de Latitude fussent chacun environ de vingt-cinq lieues communes
de France, & de près de soixante & dix milles d'Angleterre.
Dès l'année 1636: Norwood Mathématicien Anglais avoit fait, par pure
curiosité, depuis Londres jusqu'à Yorck, vers le Nord d'Angleterre,
les mêmes opérations que les bienfaits du Ministère de France firent
entreprendre depuis par Picart en 1669, vers le Nord de Paris, dans un
moindre espace de terrain.
Les degrés de Norwood se trouvoient, à très-peu de chose près, de
70 milles d'Angleterre, & de 25 lieues communes de France; c'étoit
précisément la mesure que Neuton avoit devinée par sa Théorie, & qui
pouvoit seule la justifier.
Mais ce qui paroîtra étonnant, c'est qu'en 1666, & même plusieurs
années après, Neuton ne savoit rien des mesures de Norwood, prises
plus de 30 ans auparavant. Les malheurs qui avoient affligé l'Angleterre,
avoient été aussi funestes aux Sciences qu'à l'Etat. La découverte
de Norwood étoit ensévelie dans l'oubli; on s'en tenoit à la mesure
fautive des Pilotes, qui par leur estime vague comptoient 60 milles
seulement pour un degré de Latitude. Neuton retiré à la Campagne
pendant la peste de 1666, n'étant point à portée d'être instruit des
mesures de Norwood, s'en tenoit à cette fausse mesure des 60 milles.
Ce fut par cette fausse mesure qu'il rechercha, comme nous l'allons
dire, si le même pouvoir qui fait graviter ici les corps vers le centre
de la Terre, retient la Lune dans son Orbite. Il se trouva assez loin
des conclusions, où il seroit parvenu avec une mesure plus exacte de la
Terre, & il eut la bonne foi d'abandonner sa recherche.
Il la reprit quelques années après, sur les mesures de Picart, & il
s'y confirma encore davantage en 1683. par les mesures plus exactes
de Cassini, la Hire, Chazelles & Varin, qui encouragés par Colbert
embrassérent un plus grand terrain que Picart.
Ces Académiciens poussérent la Méridienne jusqu'en Auvergne; mais
Colbert étant mort, Louvois, qui lui succéda dans le Département de
l'Académie, & non dans son goût pour les Sciences, interrompit un peu
ce grand travail.
Ce ne fut guère que vers ce tems-là que Neuton eut connoissance des
opérations de Norwood; il vit avec étonnement que ces mesures étoient
les mêmes que celles de Picart & de Cassini, à cela près, que le
degré mesuré par Norwood surpassoit celui de Picart de 240 toises,
& ne surpassoit celui de Cassini que de huit. Neuton attribuoit ce
petit excédant de huit toises par degré à la figure de la Terre,
qu'il croyoit être celle d'un Sphéroïde applati vers les Poles; & il
jugeoit que Norwood en tirant sa Méridienne dans des Régions plus
Septentrionales que la nôtre, avoit du trouver ses degrés plus grands
que ceux de Cassini, puisqu'il supposoit la courbe du terrain mesurée
par Norwood plus longue. Quoi qu'il en soit, voici la sublime Théorie
qu'il tira de ces mesures, & des découvertes du grand Galilée.
[Théorie tirée de ces découvertes.]
La pesanteur sur notre Globe est en raison réciproque des quarrés des
distances des corps pesants du centre de la Terre; ainsi plus ces
distances augmentent, plus la pesanteur diminue.
La force qui fait la pesanteur ne dépend point des tourbillons de
Matiere subtile, dont l'existence est démontrée fausse.
Cette force, telle qu'elle soit, agit sur tous les corps, non selon
leurs surfaces; mais selon leurs masses. Si elle agit à une distance,
elle doit agir à toutes les distances; si elle agit en raison inverse
du quarré de ces distances, elle doit toujours agir suivant cette
proportion sur les corps connus, quand ils ne sont pas au point de
contact, je veux dire, le plus près qu'il est possible d'être, sans
être unis.
Si, suivant cette proportion, cette force fait parcourir sur notre
Globe 54000 pieds en 60 secondes, un corps qui sera environ à soixante
rayons du centre de la Terre, devra en 60 secondes tomber seulement de
quinze pieds de Paris ou environ.
[La même cause qui fait tomber les corps sur la Terre, dirige la Lune
autour de la Terre.]
La Lune dans son moyen mouvement est éloignée du centre de la Terre
d'environ soixante rayons du Globe de la Terre: or par les mesures
prises en France on connoît combien de pieds contient l'Orbite que
décrit la Lune; on sait par-là que dans son moyen mouvement elle décrit
187961 pieds de Paris en une minute.
[Illustration]
La Lune dans son moyen mouvement, est tombée de A, en B, elle a donc
obéï à la force de projectile, qui la pousse dans la tangente A, C, &
à la force, qui la feroit descendre suivant la ligne A, D. égale à B,
C: ôtez la force qui la dirige de A, en C, restera une force qui pourra
être évaluée par la ligne C, B: cette ligne C, B. est égale à la ligne
A, D; mais il est démontré que la courbe A, B. valant 187961. pieds, la
ligne A, D. ou C, B. en vaudra seulement quinze; donc que la Lune soit
tombée en B, ou en D, c'est ici la même chose, elle auroit parcouru 15.
pieds en une minute de C, en B; donc elle auroit parcouru 15. pieds
aussi de A, en D. en une minute. Mais en parcourant cet espace en une
minute, elle fait précisément 3600 fois moins de chemin qu'un mobile
n'en feroit ici sur la Terre: 3600. est juste le quarré de sa distance;
donc la gravitation qui agit ici sur tous les corps, agit aussi entre
la Terre & la Lune précisément dans ce rapport de la raison inverse du
quarré des distances.
Mais si cette puissance qui anime les corps, dirige la Lune dans son
Orbite, elle doit aussi diriger la Terre dans le sien, & l'effet
qu'elle opére sur la Planete de la Lune, elle doit l'opérer sur la
Planete de la Terre. Car ce pouvoir est par-tout le même: toutes
les autres Planetes doivent lui être soumises, le Soleil doit aussi
éprouver sa loi: & s'il n'y a aucun mouvement des Planetes les unes à
l'égard des autres, qui ne soit l'effet nécessaire de cette puissance,
il faut avouer alors que toute la Nature la démontre; c'est ce que nous
allons observer plus amplement.
[Illustration]


[Illustration]
CHAPITRE DIX-NEUF.
_Que la gravitation & l'attraction dirigent toutes les Planetes dans
leurs Cours._

[Comment on doit entendre, la Théorie de la pesanteur chez Descartes.]
PResque toute la Théorie de la pesanteur chez Descartes est fondée sur
cette loi de la Nature, que tout corps qui se meut en ligne courbe,
tend à s'éloigner de son centre en une ligne droite, qui toucheroit la
courbe en un point. Telle est la fronde qui en s'échapant de la main au
point B, suivroit cette ligne B, C.
[Illustration]
Tous les corps en tournant avec la Terre font ainsi un effort pour
s'éloigner du centre; mais la Matiere subtile faisant un bien plus
grand effort repousse, disoit-on, tous les autres corps.
Il est aisé de voir que ce n'étoit point à la Matiere subtile à faire
ce plus grand effort, & à s'éloigner du centre du tourbillon prétendu,
plutôt que les autres corps; au contraire c'étoit sa nature (supposé
qu'elle éxistât) d'aller au centre de son mouvement, & de laisser aller
à la circonférence tous les corps qui auroient eu plus de masse.
C'est en effet ce qui arrive sur une table qui tourne en rond, lorsque
dans un tube pratiqué dans cette table, on a mêlé plusieurs poudres &
plusieurs liqueurs de pesanteurs spécifiques différentes; tout ce qui
a plus de masse s'éloigne du centre, tout ce qui a moins de masse s'en
approche. Telle est la loi de la Nature; & lorsque Descartes a fait
circuler à la circonférence sa prétendue Matiere subtile, il a commencé
par violer cette loi des forces centrifuges, qu'il posoit pour son
premier principe. Il a eu beau imaginer que Dieu avoit créé des dés
tournans les uns sur les autres: que la raclure de ces dés qui faisoit
sa Matiere subtile, s'échapant de tous les côtés, acquéroit par-là plus
de vîtesse: que le centre d'un tourbillon s'encroutoit, &c.; il s'en
falloit bien que ces imaginations rectifiassent cette erreur.
Sans perdre plus de tems à combattre ces Etres de raison, suivons les
loix de la Mécanique qui opére dans la Nature. Un corps qui se meut
circulairement, prend en cette maniere, à chaque point de la courbe
qu'il décrit, une direction qui l'éloigneroit du Cercle, en lui faisant
suivre une ligne droite.
[Illustration]
Cela est vrai. Mais il faut prendre garde que ce corps ne s'éloigneroit
ainsi du centre, que par cet autre grand Principe: que tout corps étant
indifférent de lui-même au repos & au mouvement, & ayant cette inertie
qui est un attribut de la Matiere, suit nécessairement la ligne dans
laquelle il est mu. Or tout corps qui tourne autour d'un centre, suit
à chaque instant une ligne droite infiniment petite, qui deviendroit
une droite infiniment longue, s'il ne rencontroit point d'obstacle.
Le résultat de ce principe, réduit à sa juste valeur, n'est donc autre
chose, sinon qu'un corps qui suit une ligne droite, suivra toujours une
ligne droite; donc il faut une autre force pour lui faire décrire une
courbe; donc cette autre force, par laquelle il décrit la courbe le
feroit tomber au centre à chaque instant, en cas que ce mouvement de
projectile en ligne droite cessât. A la vérité de moment en moment ce
corps iroit en A, en B, en C. s'il s'échapoit;
[Illustration]
[Ce que c'est que la force centrifuge, & la force centripète.]
Mais aussi de moment en moment il retomberoit de A, de B, de C.
au centre; parce que son mouvement est composé de deux sortes de
mouvemens, du mouvement de projectile en ligne droite, & du mouvement
imprimé aussi en ligne droite par la force centripète, force par
laquelle il iroit au centre. Ainsi de cela même que le corps décriroit
ces tangentes A, B, C. il est démontré qu'il y a un pouvoir qui le
retire de ces tangentes à l'instant même qu'il les commence. Il faut
donc absolument considerer tout corps se mouvant dans une courbe, comme
mu par deux puissances, dont l'une est celle qui lui feroit parcourir
des tangentes, & qu'on nomme la force centrifuge, ou plutôt la force
d'inertie, d'inactivité, par laquelle un corps suit toujours une droite
s'il n'en est empêché; & l'autre force qui retire le corps vers le
centre, laquelle on nomme la force contripète, & qui est la véritable
force.
C'est ainsi qu'un corps mu selon la ligne horisontale G, E. & selon
la ligne perpendiculaire G, F. obéït à chaque instant à ces deux
puissances en parcourant la diagonale G, H.
[Illustration]
De l'établissement de cette force centripète, il résulte d'abord cette
démonstration, que tout mobile qui se meut dans un cercle, ou dans une
ellipse, ou dans une courbe quelconque, se meut autour d'un centre
auquel il tend.
Il suit encore que ce mobile, quelques portions de courbe qu'il
parcoure, décrira dans ses plus grands arcs & dans ses plus petits
arcs, des aires égales en tems égaux. Si, par exemple, un mobile en
une minute borde l'espace A, C, B. qui contiendra cent milles d'aire,
il doit border en deux minutes un autre espace B, C, D. de deux cens
milles.
[Illustration]
Cette Loi inviolablement observée par toutes les Planetes, & inconnue à
toute l'Antiquité, fut découverte il y a près de 150. ans par Kepler,
qui a mérité le nom de _Législateur_ en Astronomie, malgré ses erreurs
Philosophiques. Il ne pouvoit savoir encore la raison de cette règle
à laquelle les corps célestes sont assujettis. L'extrême sagacité de
Kepler trouva l'effet dont le génie de Neuton a trouvé la cause.
Je vais donner ici la substance de la Démonstration de Neuton: elle
sera aisément comprise par tout Lecteur attentif; car les hommes
ont une Géométrie naturelle dans l'esprit, qui leur fait saisir les
rapports, quand ils ne sont pas trop compliqués. On trouvera la
Démonstration plus étendue en Notes[1] [2].
[1] DÉMONSTRATION.
_Que tout mobile attiré par une force centripète décrit dans une ligne
courbe des aires égales en tems égaux_.
[Illustration]
Tout corps se meut d'un mouvement uniforme, quand il n'y a point de
force accélératrice; donc le corps A. mu en ligne droite dans le
premier tems de A, en B. ira en pareil tems de B, en C. de C, en Z.
Ces espaces conçus égaux, la force centripète dans le second tems
donne à ce corps en B. un mouvement quelconque, & le corps au lieu
d'aller en C. va en H.; quelle direction a-t-il eue différente de B,
C.? Tirez les 4. lignes C, H. G, B. C, B. G, H. le mobile a suivi la
diagonale B, H. de ce parallélogramme.
Or les 2. côtés B, C. B, G. du parallélogramme sont dans le même plan
que le triangle A, B, S. donc les forces sont dirigées vers G, S. &
vers la droite A, B, C, Z.
Les triangles S, H, B. S, C, B. sont égaux, puisqu'ils sont sur la
même base S, B. & entre les parallelles H, C. G, B; mais S, B, A. S,
C, B. sont égaux, ayant même base & même hauteur; donc S, B, A. S, H,
B. sont aussi égaux.
Il faut en dire autant des triangles S, T, H. S, D, H; donc tous ces
triangles sont égaux. Diminuez la hauteur à l'infini, le corps à
chaque moment infiniment petit décrira la courbe, de laquelle toutes
les lignes tendent au point S.; donc dans tous les cas les aires de
ces triangles sont proportionelles aux tems.
[2] DÉMONSTRATION.
_Que tout corps dans une courbe décrivant des triangles égaux autour
d'un point, est mu par la force contripète autour de ce point_.
[Illustration]
Que cette courbe soit divisée en parties égales A, B. B, H. H, F.
infiniment petites, décrites en tems égaux; soit conçue la force agir
aux points B, H, F. soit A, B. prolongée en C. soit B, H. prolongée
en T. le triangle S, A, B. sera égal au triangle S, B, H. car A, B.
est égal à B, C; donc S, B, H. est égal à S, B, C; donc la force en
B, G. est parallelle à C, H; mais cette ligne B, G. parallelle à
C, H. est la ligne B, G, S. tendante au centre. Le corps en H. est
dirigé par la force centripète selon une ligne parallelle à F, T. de
même qu'au point B. il étoit dirigé par cette même force dans une
ligne parallelle à C, H. Or la ligne parallelle à C, H. tend en S.;
donc la ligne parallelle à F, T. tendra aussi en S.; donc toutes les
lignes ainsi tirées tendront au point S.
Concevez maintenant en S. des triangles semblables à ceux ci-dessus;
plus ces triangles ci-dessus seront petits, plus les triangles en S.
approcheront d'un point Physique, lequel point S. sera le centre des
forces.
[Illustration]
Que le corps A. soit mu en B. en un espace de tems très-petit: au
bout d'un pareil espace, un mouvement également continué (car il n'y
a ici nulle accélération) le feroit venir en C; mais en B. il trouve
une force qui le pousse dans la ligne B, H, S.; il ne suit donc ni ce
chemin B, H, S. ni ce chemin A, B, C; tirez ce parallélogramme C, D.
B, H. alors le mobile étant mu par la force B, C. & par la force B, H.
s'en va selon la diagonale B, D. Or cette ligne B, D. & cette ligne B,
A. conçues infiniment petites sont les naissances d'une courbe, &c.;
donc ce corps se doit mouvoir dans une courbe.
[Cette démonstration prouve que le Soleil est le centre de l'Univers &
non la Terre.]
Il doit border des espaces égaux en tems égaux, car l'espace du
triangle S, B, A. est égal à l'espace du triangle S, B, D.: ces
triangles sont égaux; donc ces aires sont égales; donc tout corps
qui parcourt des aires égales en tems égaux dans une courbe, fait
sa révolution autour du centre des forces auquel il tend; donc les
Planetes tendent vers le Soleil, tournent autour du Soleil, & non
autour de la Terre. Car en prenant la Terre pour centre, leurs aires
sont inégales par rapport aux tems, & en prenant le Soleil pour centre,
ces aires se trouvent toujours proportionnelles aux tems; si vous en
exceptez les petits dérangemens causés par la gravitation même des
Planétes.
Pour bien entendre encore ce que c'est que ces aires proportionnelles
aux tems, & pour voir d'un coup d'œil l'avantage que vous tirez de
cette connoissance, regardez la Terre emportée dans son ellipse autour
du Soleil S. son centre. Quand elle va de B, en D. elle ballaye un
aussi grand espace que quand elle parcourt ce grand arc H. K: le
Secteur H, K. regagne en largeur ce que le Secteur B, S, D. a en
longueur. Pour faire l'aire de ces Secteurs égale en tems égaux, il
faut que le corps vers H, K. aille plus vîte que vers B, D. Ainsi la
Terre & toute Planéte se meut plus vîte dans son périhélie, qui est la
courbe la plus voisine du Soleil S, que dans son aphélie, qui est la
courbe la plus éloignée de ce même foyer S.
[Illustration]
[C'est pour les raisons précédentes que nous avons plus d'Eté que
d'Hyver.]
On connoît donc quel est le centre d'une Planéte, & quelle figure elle
décrit dans son orbite par les aires qu'elle parcourt; on connoît
que toute Planéte, lorsqu'elle est plus éloignée du centre de son
mouvement, gravite moins vers ce centre. Ainsi la Terre étant plus
près du Soleil d'un trentième, c'est-à-dire, d'un million de lieues,
pendant notre Hyver que pendant notre Eté, est plus attirée aussi en
Hyver; ainsi elle va plus vîte alors par la raison de sa courbe; ainsi
nous avons huit jours & demi d'Eté plus que d'Hyver, & le Soleil paroît
dans les Signes Septentrionaux huit jours & demi de plus que dans les
Méridionaux. Puis donc que toute Planéte suit, par rapport au Soleil,
son centre, cette Loi de gravitation que la Lune éprouve par rapport
à la Terre, & à laquelle tous les corps sont soumis en tombant sur la
Terre, il est démontré que cette gravitation, cette attraction, agit
sur tous les corps que nous connoissons.
Mais une autre puissante Démonstration de cette Vérité, est la Loi que
suivent respectivement toutes les Planétes dans leurs cours & dans
leurs distances; c'est ce qu'il faut bien examiner.
[Illustration]


[Illustration]
CHAPITRE VINGT.
_Démonstration des loix de la gravitation, tirée des règles de Kepler;
qu'une de ces loix de Kepler démontre le mouvement de la Terre._

[Grande règle de Kepler.]
KEPLER trouva encore cette admirable règle, dont je vais donner un
exemple avant que de donner la définition, pour rendre la chose plus
sensible & plus aisée.
Jupiter a 4. Satellites qui tournent autour de lui: le plus proche est
éloigné de 2. Diamétres de Jupiter & 5. sixièmes, & il fait son tour en
42. heures: le dernier tourne autour de Jupiter en 402. heures; je veux
savoir à quelle distance ce dernier Satellite est du centre de Jupiter.
Pour y parvenir, je fais cette règle. Comme le quarré de 42. heures,
révolution du 1er. Satellite, est au quarré de 402. heures, révolution
du dernier; ainsi le cube de deux Diamétres & 5/6 est à un 4e. terme.
Ce 4e. terme étant trouvé, j'en extrais la racine cube, cette racine
cube se trouve 12. 2/3.; ainsi je dis que le 4e. Satellite est éloigné
du centre de Jupiter de 12. Diamétres de Jupiter & 2/3.
Je fais la même règle pour toutes les Planétes qui tournent autour du
Soleil. Je dis: Venus tourne en 224. jours, & la Terre en 365; la Terre
est à 30000000. de lieues du Soleil, à combien de lieues sera Venus? Je
dis: comme le quarré de l'année de la Terre est au quarré de l'année de
Venus, ainsi le cube de la distance moyenne de la Terre est à un 4e.
terme dont la racine cubique sera environ 21700000. de lieues, qui font
la distance moyenne de Venus au Soleil; j'en dis autant de la Terre &
de Saturne, &c.
Cette loi est donc, que le quarré d'une révolution d'une Planete est
toujours au quarré des révolutions des autres Planetes, comme le cube
de sa distance est aux cubes des distances des autres, au centre commun.
[Raisons indignes d'un Philosophe données par Kepler de cette loi
admirable.]
Kepler qui trouva cette proportion, étoit bien loin d'en trouver
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