Eureka - 9

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groupe. La période de révolution pour notre propre système a même été
évaluée à 117 millions d'années.
On a longtemps soupçonné que notre Soleil opérait un mouvement dans
l'espace, indépendamment de sa rotation, et une révolution autour du
centre de gravité du système. Ce mouvement, en admettant qu'il existe,
devrait se manifester par la perspective. Les étoiles, dans cette
partie du firmament que nous sommes censés avoir laissée derrière
nous, devraient, pendant une longue série d'années, s'accumuler en
foule; celles comprises dans le côté opposé devraient avoir l'air de
s'éparpiller. Or, par l'histoire de l'Astronomie, nous apprenons d'une
manière vague que quelques-uns de ces phénomènes se sont manifestés.
A ce sujet on a déclaré que notre système se mouvait vers un point
du ciel diamétralement opposé à l'étoile Zêta Herculis;--mais c'est
là peut-être le maximum de ce que nous avons logiquement le droit de
conclure en cette matière. Madler, néanmoins, est allé jusqu'à désigner
une étoile particulière,--Alcyone, l'une des Pléiades,--comme marquant
juste, ou à peu de chose près, le point autour duquel s'accomplirait
une révolution générale.
Or, puisque c'est _l'analogie_ qui nous a tout d'abord entraînés vers
ces rêves, il est naturel et convenable de nous servir de la même
analogie pour en poursuivre le développement; et cette analogie qui
nous a suggéré l'idée de révolution nous suggère en même temps l'idée
d'un vaste globe central autour duquel elle devrait s'accomplir;
--jusque-là le raisonnement de l'astronome est logique. Dynamiquement,
il faudrait toutefois que cet astre central fût plus gros que tous
les astres réunis qui l'entourent. Or, ils sont au nombre de 100
millions environ. «Pourquoi donc», a-t-on demandé très-naturellement,
«ne voyons-nous pas ce vaste soleil central, au moins égal par sa
masse à 100 millions de soleils semblables au notre? Pourquoi ne le
voyons-nous pas, _nous_ particulièrement, qui occupons la région
moyenne du groupe,--le lieu même près duquel, en tout cas, doit être
situé cet astre incomparable?» On répondit prestement: «Il faut qu'il
soit non lumineux comme sont nos planètes.» Ici, pour s'accommoder
au but, l'analogie se laissait torturer. On pouvait dire: «Nous
savons qu'il existe positivement des soleils non lumineux, mais non
pas dans de telles conditions.» Il est vrai que nous avons quelque
raison d'en supposer de tels, mais nous n'avons certainement aucune
raison pour supposer qu'il y a des soleils non lumineux entourés
de soleils lumineux, ces derniers étant à leur tour environnés de
planètes non lumineuses; tout cela est précisément ce dont Madler est
sommé de trouver l'analogue dans les cieux; car il imagine tout cela
justement à propos de la Galaxie. En admettant que la chose soit telle
qu'il le dit, nous ne pouvons nous empêcher de penser combien cette
question: «Pourquoi les choses sont-elles ainsi?» serait cruellement
embarrassante pour les philosophes _à priori._
Mais si, en dépit de l'analogie et de toute autre raison, nous
reconnaissons la non-luminosité de ce grand astre central, nous
pouvons toujours demander comment ce globe si énorme n'est pas rendu
visible, grâce à cette effusion de lumière versée sur lui par les
100 millions de splendides soleils qui brillent dans tous les sens
autour de lui. Devant cette embarrassante question, l'idée d'un soleil
central positivement solide semble avoir été jusqu'à un certain point
abandonnée; et l'esprit spéculatif s'est contenté d'affirmer que les
systèmes du groupe accomplissaient leurs révolutions autour d'un
centre immatériel de gravité qui leur était commun à tous. Ici encore,
l'analogie a fait fausse route, pour se prêter à une théorie. Les
planètes de notre système tournent, il est vrai, autour d'un centre
commun de gravité; mais elles agissent ainsi conjointement avec un
soleil matériel qui les entraîne, et dont la masse fait plus que
contre-balancer le reste du système.
La circonférence mathématique est une courbe composée d'une infinité de
lignes droites. Mais cette idée de la circonférence, idée qui, au point
de vue de toute la géométrie ordinaire, n'en est que l'idée purement
mathématique, mise en opposition de l'idée pratique, est aussi, en
stricte réalité, la seule conception pratique que nous puissions
façonner à notre usage pour l'intelligence de cette circonférence
majestueuse à laquelle nous avons affaire, au moins en imagination,
quand nous supposons notre système tournant autour d'un point situé
au centre de la Galaxie. Que l'imagination la plus vigoureuse essaye
seulement de faire un pas, un seul, vers la compréhension d'une courbe
aussi inexprimable! Sans commettre un paradoxe, on pourrait dire
qu'un éclair même, qui suivrait éternellement la circonférence de cet
inexprimable cercle, ne ferait que parcourir éternellement une ligne
droite. Qu'en décrivant une telle orbite, notre Soleil pût selon une
appréciation humaine, dévier de la ligne droite à un degré quelconque,
si petit qu'on le suppose, c'est là une idée inadmissible; cependant
nous sommes priés de croire qu'une courbure est devenue apparente
pendant la très-courte période de notre histoire astronomique, durant
ce simple point, durant ce parfait néant de deux ou trois mille ans.
On pourrait dire que Madler a réellement vérifié une courbure dans
le sens de la marche, maintenant bien tracée, de notre système à
travers l'Espace. Admettant, s'il le faut, que ce fait soit réel, je
maintiens qu'il n'y a dans ce cas, qu'un seul fait démontré, c'est
la réalité d'une courbure. Pour l'_entière_ vérification du fait,
il faudrait des siècles, et quand même elle serait faite, elle ne
servirait qu'à indiquer un rapport binaire ou tout autre rapport
multiple quelconque entre notre Soleil et une ou plusieurs des étoiles
les plus rapprochées. Quoi qu'il en soit, je ne hasarde rien en
prédisant qu'après une période de plusieurs siècles, tous les efforts
pour déterminer la marche de notre Soleil à travers l'Espace seront
abandonnés comme vains et inutiles. Cela est facile à concevoir quand
nous considérons l'infinité de perturbations que cette marche doit
subir, par suite du changement perpétuel des rapports du Soleil avec
les autres astres, pendant ce rapprochement simultané de tous vers le
noyau de la Galaxie.
Mais, en examinant d'autres nébuleuses que la Voie Lactée, en
considérant dans leur généralité les groupes dont est parsemé le
firmament, trouvons-nous, oui ou non, une confirmation de l'hypothèse
de Madler? _Nous ne la trouvons pas._ Les formes des groupes sont
excessivement variées quand on les regarde accidentellement; mais par
un examen plus minutieux, à travers de puissants télescopes, nous
reconnaissons très-distinctement que la sphère est la forme dont ils se
rapprochent le plus,--leur constitution étant en général en désaccord
avec l'idée d'une révolution autour d'un centre commun.
«Il est difficile, dit sir John Herschell,--de former une conception
quelconque de l'état dynamique de tels systèmes. D'un côté, sans un
mouvement rotatoire et une force centrifuge, il est presque impossible
de ne pas les considérer comme soumis à une condition de _rapprochement
progressif;_ d'un autre côté, en admettant un tel mouvement et une
telle force, nous ne trouvons pas moins difficile de concilier leurs
formes avec la rotation de tout le système (il veut dire groupe) autour
d'un seul axe, sans lequel une collision intérieure nous apparaît comme
chose inévitable.»
Quelques observations sur les _nébuleuses,_ récemment faites par le
Docteur Nichol, quoique faites à un point de vue cosmique absolument
différent de tous ceux adoptés dans le présent Discours, s'appliquent
d'une manière très-particulière au point qui est actuellement en
question. Il dit:
«Quand nous dirigeons sur les nébuleuses nos plus grands télescopes,
nous voyons que celles que nous avions d'abord considérées comme
irrégulières ne le sont réellement pas; elles se rapprochent plutôt
de la forme d'un globe. Il y en a une qui semblait ovale; mais le
télescope de lord Rosse l'a transformée pour nous en un cercle...
Or, il se présente une très-remarquable circonstance relativement à
ces masses circulaires de nébuleuses qui semblent, par comparaison,
douées de mouvement. Nous découvrons qu'elles ne sont pas absolument
circulaires, mais que, bien au contraire, tout autour d'elles et de
tous côtés, il y a des colonnes d'étoiles, _qui semblent s'étendre au
loin comme si elles se précipitaient vers une grande masse centrale en
vertu de quelque énorme puissance_[1].»
Si j'avais à décrire, à ma guise, la condition actuelle nécessaire
des nébuleuses, dans l'hypothèse, suggérée par moi, que toute matière
s'achemine vers l'Unité originelle, je copierais simplement, et presque
mot à mot, le langage qu'a employé le Docteur Nichol sans soupçonner le
moins du monde cette prodigieuse vérité, qui est la clef de tous les
phénomènes relatifs aux nébuleuses.
Et qu'il me soit permis ici de fortifier ma position par le témoignage
de quelqu'un qui est plus grand que Madler,--de quelqu'un pour
qui toutes les données de Madler étaient depuis longtemps choses
familières, soigneusement et entièrement examinées. Relativement aux
calculs minutieux d'Argelander, lesquels forment la base de l'idée de
Madler, Humboldt, dont la faculté généralisatrice n'a peut-être jamais
été égalée, fait l'observation suivante:
«Quand nous considérons le mouvement propre, réel et non perspectif
des étoiles, _nous voyons plusieurs groupes marchant dans des
directions opposées;_ et les données que nous avons acquises jusqu'à
présent ne nous forcent pas à imaginer que les systèmes composant
la Voie Lactée, ou les groupes composant généralement l'Univers,
tournent autour de quelque centre inconnu, lumineux ou non lumineux.
Ce n'est que le désir propre à l'Homme de posséder une Cause Première
fondamentale, qui persuade à son intelligence et à son imagination
d'adopter une telle hypothèse.»
Le phénomène dont il est ici question, c'est-à-dire de _plusieurs
groupes se dirigeant dans des sens opposés,_ est tout à fait
inexplicable dans l'hypothèse de Madler, mais surgit comme conséquence
nécessaire de l'idée qui forme la base de ce Discours. En même temps
que la direction purement générale de chaque atome, de chaque lune,
planète, étoile ou groupe, serait, dans mon hypothèse, absolument
rectiligne; en même temps que la route générale suivie par tous
les corps serait une ligne droite conduisant au centre de tout, il
est clair que cette direction rectiligne serait composée de ce que
nous pouvons appeler, sans exagération, une infinité de courbes
particulières, résultat des différences continuelles de position
relative parmi ces masses innombrables, à mesure que chacune progresse
dans son pèlerinage vers l'Unité finale.
Je citais tout à l'heure le passage suivant de sir John Herschell,
appliqué aux groupes: «D'un côté, sans un mouvement rotatoire et une
force centrifuge, il est presque impossible de ne pas les considérer
comme soumis à une condition de _rapprochement progressif.»_ Le fait
est qu'en examinant les nébuleuses avec un télescope très-puissant,
il est absolument impossible, quand une fois on a conçu cette idée de
rapprochement, de ne pas ramasser de tous les côtés des témoignages
qui la confirment. Il y a toujours un noyau apparent dans la direction
duquel les étoiles semblent se précipiter, et ces noyaux ne peuvent pas
être pris pour de purs phénomènes de perspective;--les groupes sont
réellement plus denses vers le centre, plus clairs vers les régions
extrêmes. En un mot, nous voyons toutes choses comme nous les verrions
si un rapprochement universel avait lieu; mais, en général, je crois
que s'il est naturel, quand nous examinons ces groupes, d'accueillir
_l'idée d'un mouvement orbitaire autour d'un centre,_ ce n'est qu'à
la condition d'admettre l'existence _possible,_ dans les domaines
lointains de l'espace, de lois dynamiques qui nous seraient totalement
inconnues.
De la part d'Herschell, il y a évidemment répugnance à supposer que les
nébuleuses soient dans un état de rapprochement progressif. Mais si les
faits, si même les apparences justifient cette supposition, pourquoi,
demandera-t-on peut-être, répugne-t-il à l'admettre? Simplement à cause
d'un préjugé; simplement parce que cette supposition contredit une idée
préconçue et absolument sans base,--celle de l'étendue infinie et de
l'éternelle stabilité de l'Univers.

[Footnote 1: On doit comprendre que ce que je nie spécialement dans
l'Hypothèse de Madler, c'est la partie qui concerne le mouvement
circulaire. S'il n'existe pas _maintenant_ dans notre groupe un grand
globe central, naturellement il en existera un plus tard. Dans quelque
temps qu'il existe, il sera simplement le _noyau_ de la consolidation.]

XIV

Si les propositions de ce Discours sont logiquement déduites, cette
_condition de rapprochement progressif_ est précisément la seule dans
laquelle nous puissions légitimement considérer toutes les choses de
la création; et je confesse ici, avec une parfaite humilité, que,
pour ma part, il m'est impossible de comprendre comment toute autre
interprétation de la condition actuelle des choses a jamais pu se
glisser dans un cerveau humain. _La tendance au rapprochement_ et
_l'attraction de la gravitation_ sont deux termes réciproquement
convertibles. En nous servant de l'un ou de l'autre, nous voulons
parler de la réaction de l'Acte primordial. 11 ne fut jamais rien
de si inutile que de supposer la Matière pénétrée d'une qualité
indestructible faisant partie de son essence,--qualité ou instinct à
jamais inséparable d'elle, principe inaliénable en vertu duquel chaque
atome est perpétuellement poussé à rechercher l'atome son semblable.
Jamais il n'y eut rien de moins nécessaire que d'adopter cette idée
anti-philosophique. Allant au delà de la pensée vulgaire, il faut que
nous comprenions, métaphysiquement, que le principe de la gravitation
n'appartient à la matière que _temporairement,_ pendant qu'elle est
éparpillée;--pendant qu'elle existe sous la forme de la Pluralité au
lieu d'exister sous celle de l'Unité;--lui appartient seulement en
vertu de son état d'irradiation;--appartient, en un mot, non pas à la
Matière elle-même le moins du monde, mais uniquement à la _condition_
actuelle où elle se trouve. D'après cette idée, quand l'irradiation
sera retournée vers sa source,--quand la réaction sera devenue
complète,--le principe de la gravitation aura cessé d'exister. Et, en
fait, bien que les astronomes ne soient jamais arrivés à l'idée que
nous émettons ici, il semble toutefois qu'ils s'en soient rapprochés
en affirmant que _s'il n'y avait qu'un seul corps dans l'Univers, il
serait impossible de comprendre comment le principe de la gravitation
pourrait s'établir;_ c'est-à-dire qu'en considérant la matière telle
qu'elle se présente à leurs yeux, ils en tirent la conclusion à
laquelle je suis arrivé par voie de déduction. Qu'une suggestion aussi
féconde soit restée si longtemps sans porter ses fruits, c'est là un
mystère que je ne saurais approfondir.
C'est peut-être, en grande partie, notre tendance naturelle vers
l'idée de perpétuité, vers l'analogie; et plus particulièrement, dans
le cas présent, vers la symétrie, qui nous a entraînés dans une fausse
route. En réalité, le sentiment de la symétrie est un instinct qui
repose sur une confiance presque aveugle. C'est l'essence poétique de
l'Univers, de cet Univers qui, dans la perfection de sa symétrie, est
simplement le plus sublime des poëmes. Or, symétrie et consistance sont
des termes réciproquement convertibles; ainsi la Poésie et la Vérité ne
font qu'un. Une chose est consistante en raison de sa vérité,--vraie
en raison de sa consistance. _Une parfaite consistance, je le répète,
ne peut être qu'une absolue vérité._ Nous admettrons donc que l'Homme
ne peut pas rester longtemps dans l'erreur, ni se tromper de beaucoup,
s'il se laisse guider par son instinct poétique, instinct de symétrie,
et conséquemment véridique, comme je l'ai affirmé. Cependant il doit
prendre garde qu'en poursuivant à l'étourdie une symétrie superficielle
de formes et de mouvements, il ne perde de vue la réelle et essentielle
symétrie des principes qui les déterminent et les gouvernent.
Que tous les corps stellaires doivent finalement se fondre en un
seul, que toutes choses doivent enfin grossir la substance _d'un
prodigieux globe central déjà existant,--_c'est là une idée qui,
depuis quelque temps déjà, semble d'une manière vague, indéterminée,
avoir pris possession de l'imagination humaine. De fait, cette idée
appartient à la classe des choses _excessivement évidentes._ Elle naît
instantanément de l'observation, même superficielle, des mouvements
circulaires et en apparence _giratoires_ ou _tourbillonnants_ de
ces portions de l'Univers qui, très-rapprochées de nous, s'offrent
immédiatement à notre attention. Il n'existe peut-être pas un seul
homme, d'une éducation ordinaire et d'une faculté de méditation
moyenne, à qui, dans une certaine mesure, l'idée en question ne
se soit présentée, comme spontanée, instinctive, et portant tout
le caractère d'une conception profonde et originale. Toutefois,
cette conception, si généralement répandue, n'est jamais née, à ma
connaissance, du moins, d'une série de considérations abstraites. Au
contraire, elle a toujours été suggérée, comme je l'ai dit, par les
mouvements tourbillonnant autour des centres, et c'est dans le même
ordre de faits, c'est-à-dire dans ces mêmes mouvements circulaires, que
naturellement on a cherché une raison qui expliquât cette idée, une
_cause_ qui pût amener cette agglomération de tous les globes en un
seul, _lequel était déjà supposé existant._
Ainsi quand on proclama la diminution, progressive et régulière,
observée dans l'orbite de la comète d'Encke, à chacune de ses
révolutions autour de notre Soleil, les astronomes furent presque
unanimes pour dire que la cause en question était trouvée,--qu'un
principe était découvert, suffisant pour expliquer, physiquement,
cette finale et universelle agglomération, à laquelle, déterminé par
son instinct analogique, symétrique ou poétique, l'homme avait donné
créance plus qu'à une simple hypothèse.
On affirma que cette cause, cette raison suffisante de l'agglomération
finale, existait dans un agent intermédiaire, excessivement rare,
mais cependant matériel, qui pénétrait tout l'espace; lequel, en
retardant la marche de la comète, affaiblissait perpétuellement sa
force tangentielle et augmentait en même temps la force centripète, qui
naturellement rapprochait davantage la comète à chaque révolution et
devait finalement la précipiter sur le Soleil.
Tout cela était strictement logique, une fois qu'on avait admis ce
médium ou cet éther; mais il n'y avait aucune raison d'admettre
l'éther, si ce n'est qu'on n'avait pu découvrir aucun autre moyen
d'expliquer la diminution observée dans l'orbite de la comète;--comme
si de l'impossibilité de trouver un autre mode d'explication il
s'ensuivait qu'il n'en existât réellement pas d'autre. Il est clair
que d'innombrables causes combinées pouvaient amener la diminution
de l'orbite, sans que nous pussions même en découvrir une seule.
D'ailleurs, on n'avait jamais bien démontré pourquoi le retard
occasionné par les bords extrêmes de l'atmosphère du Soleil, à travers
lesquels la comète passe à son périhélie, ne suffît pas pour expliquer
le phénomène. Que la comète d'Encke sera absorbée par le Soleil, c'est
probable; que toutes les comètes du système seront absorbées, c'est
plus que possible; mais, dans un tel cas, le principe de l'absorption
doit être cherché dans l'excentricité de l'orbite des comètes et dans
leur rapprochement extrême du Soleil à leur périhélie; et ce n'est pas
un principe qui puisse affecter les lourdes et solides _sphères_ qui
doivent être considérées comme les vrais matériaux constituants de
l'Univers. Relativement aux comètes en général, permettez-moi de dire
en passant que nous avons le droit de les considérer comme les _éclairs
du Ciel cosmique._
L'idée d'un éther ralentissant et servant à amener l'agglomération
finale de toutes choses nous a semblé une seule fois confirmée par
une diminution positive observée dans l'orbite de la lune. Si nous en
référons aux éclipses enregistrées il y a 2,500 ans, nous voyons que
la vélocité de la révolution du satellite était alors bien moindre
qu'elle n'est aujourd'hui et que, en supposant que son mouvement dans
son orbite soit en accord constant avec la loi de Kepler, et ait été
alors, il y a 2,500 ans, soigneusement déterminé, elle est aujourd'hui,
relativement à la position qu'elle devrait occuper, en avance de 9,000
milles environ. L'accroissement de vélocité prouvait, naturellement,
une diminution de l'orbite, et les astronomes inclinaient fortement à
croire à l'existence d'un éther, quand Lagrange vint à la rescousse.
Il démontra que, grâce à la configuration des sphéroïdes, le petit axe
de leur ellipse est sujet à varier de longueur, tandis que le grand
axe reste le même, et que cette variation est continue et vibratoire,
de sorte que chaque orbite est dans un état de transition, soit du
cercle à l'ellipse, soit de l'ellipse au cercle. Le petit axe de la
lune étant dans sa période de décroissance, l'orbite passe du cercle
à l'ellipse et, conséquemment, décroît aussi; mais, après une longue
série de siècles, l'excentricité extrême sera atteinte; alors le petit
axe commencera à augmenter jusqu'à ce que l'orbite se transforme en un
cercle; puis la période de raccourcissement aura lieu de nouveau,--et
ainsi de suite à tour de rôle. Dans le cas de la Terre, l'orbite va
se transformant d'ellipse en cercle. Les faits ainsi démontrés ont
naturellement détruit la prétendue nécessité de supposer un éther et
toute appréhension relative à l'instabilité du système, laquelle était
attribuée à l'éther.
On se souvient que j'ai moi-même supposé quelque chose d'analogue et
que nous pouvons appeler un éther. J'ai parlé d'une _influence_ subtile
accompagnant partout la matière, bien qu'elle ne se manifeste que par
l'hétérogénéité de la matière. A cette _influence,_ dont je ne veux
ni ne puis en aucune façon définir la mystérieuse et terrible nature,
j'ai attribué les phénomènes variés d'électricité, de chaleur, de
magnétisme, et même de vitalité, de conscience et de pensée,--en un
mot, de spiritualité. On voit tout de suite que l'éther, compris de
cette façon, est radicalement distinct de l'éther des astronomes; le
leur est _matière_ et le mien ne l'est pas.
L'abolition de l'éther matériel semble impliquer aussi la disparition
absolue de cette idée d'agglomération universelle, si longtemps
préconçue par l'imagination poétique de l'humanité;--agglomération à
laquelle une sage Philosophie aurait pu légitimement prêter créance,
au moins jusqu'à un certain point, si elle avait été préconçue
uniquement par cette imagination poétique, sans aucune autre raison
déterminante. Mais, jusqu'à présent, l'Astronomie et la Physique n'ont
rien su trouver qui permette d'assigner une fin à l'Univers. Quand même
on eût pu, par une cause aussi accessoire et indirecte que l'éther,
démontrer cette fin, l'instinct qui révèle à l'Homme la Puissance
Divine d'adaptation se serait révolté contre cette démonstration.
Nous eussions été forcés de regarder l'Univers avec ce sentiment
d'insatisfaction que nous éprouvons en contemplant un ouvrage d'art
humain inutilement compliqué. La création nous aurait affectés comme
un plan imparfait dans un roman, où le dénouement est gauchement
amené par l'interposition d'incidents externes et étrangers au sujet
principal, au lieu de jaillir du fond même du thème,--du cœur de
l'idée dominante;--au lieu de naître comme résultat de la proposition
première, comme partie intégrante, inséparable et inévitable, de la
conception fondamentale du livre.
On comprendra maintenant plus clairement ce que j'entends par symétrie
purement superficielle. C'est simplement la séduction de cette symétrie
qui nous a induits à accepter cette idée générale dont l'hypothèse de
Madler n'est qu'une partie,--l'idée de l'attraction tourbillonnante
des globes. Si nous écartons cette conception trop crûment physique,
la véritable symétrie de principe nous fait voir la fin de toutes
choses métaphysiquement impliquée dans l'idée d'un commencement,
nous fait chercher et trouver dans cette origine de toutes choses
les _rudiments_ de cette fin, et enfin concevoir l'impiété qu'il y
aurait à supposer que cette fin pût être amenée moins simplement,
moins directement, moins clairement, moins artistiquement que par _la
réaction de l'Acte originel et créateur._

XV

Remontons donc vers une de nos suggestions antécédentes et concevons
les systèmes, concevons chaque soleil, avec ses planètes-satellites,
comme un simple atome titanique existant dans l'espace avec la
même inclination vers l'Unité, qui caractérisait, au commencement,
les véritables atomes après leur irradiation à travers la Sphère
universelle. De même que ces atomes originels se précipitaient
l'un vers l'autre selon des lignes généralement droites, de même
nous pouvons concevoir comme généralement rectilignes les chemins
qui conduisent les systèmes-atomes vers leurs centres respectifs
d'aggrégation;--et dans cette attraction directe, qui rassemble les
systèmes en groupes, et dans celle, analogue et simultanée, qui
rassemble les groupes eux-mêmes, à mesure que s'opère la consolidation,
nous trouvons enfin le grand Maintenant,--le terrible Présent,--la
condition actuellement existante de l'Univers.
Une analogie rationnelle peut nous aider à former une hypothèse
relativement à l'Avenir, encore plus effrayant. L'équilibre entre
les forces, centripète et centrifuge, de chaque système, étant
nécessairement détruit quand il arrive à se rapprocher, jusqu'à un
certain point, du noyau du groupe auquel il appartient, il en doit
résulter, un jour, une précipitation chaotique, ou telle en apparence,
des lunes sur les planètes, des planètes sur les soleils, et des
soleils sur les noyaux; et le résultat général de cette précipitation
doit être l'agglomération des myriades d'étoiles, existant actuellement
dans le firmament, en un nombre presque infiniment moindre de sphères
presque infiniment plus vastes. En devenant immensément moins nombreux,
les mondes de cette époque seront devenus immensément plus gros que
ceux de la notre. Alors, parmi d'incommensurables abîmes, brilleront
des soleils inimaginables. Mais tout cela ne sera qu'une magnificence
climatérique présageant la grande Fin. La nouvelle genèse indiquée ne
peut être qu'une des étapes vers cette Fin, un des ajournements encore
nombreux. Par ce travail d'agglomération, les groupes eux-mêmes, avec
une vitesse effroyablement croissante, se sont précipités vers leur
centre général,--et bientôt, avec une vélocité mille fois plus grande,
une vélocité électrique, proportionnée à leur grosseur matérielle et à
la véhémence spirituelle de leur appétit pour l'Unité, les majestueux
survivants de la race des Étoiles s'élancent enfin dans un commun
embrassement. Nous touchons enfin à la catastrophe inévitable.
Mais cette catastrophe, quelle peut-elle être? Nous avons vu
s'accomplir la conglomération, la moisson des mondes. Désormais,
devrons-nous considérer ce _globe des globes,_ ce _globe matériel
unique,_ comme constituant et remplissant l'Univers? Une telle idée
serait en contradiction complète avec toutes les propositions émises
dans ce Discours.
J'ai déjà parlé de cette absolue _réciprocité d'adaptation_ qui est
la grande caractéristique de l'Art divin,--qui est la signature
divine. Arrivé à ce point de nos réflexions, nous avons regardé
l'influence électrique comme une force répulsive qui seule rendait
la Matière capable d'exister dans cet état de diffusion nécessaire
à l'accomplissement de ses destinées;--là, en un mot, nous avons
considéré l'influence en question comme instituée pour le salut
de la Matière, pour sauvegarder les buts de toute matérialité.
Réciproquement, il nous est permis de considérer la Matière comme
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