Un Cadet de Famille, v. 2/3 - 10

Süzlärneñ gomumi sanı 4547
Unikal süzlärneñ gomumi sanı 1644
36.2 süzlär 2000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
48.4 süzlär 5000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
54.6 süzlär 8000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
Härber sızık iñ yış oçrıy torgan 1000 süzlärneñ protsentnı kürsätä.
Le vaisseau était si bien placé pour échapper aux regards, que je ne
l'aperçus qu'après avoir doublé un bras de mer. Un homme de
l'équipage, placé en vigie sur la rive, donna le signal de notre
approche, et en voguant avec rapidité j'atteignis promptement le
vaisseau, sur le pont duquel Zéla était en observation, un télescope à
la main.
Franchissant d'un bond le plat-bord du schooner, je tombai presque
agenouillé auprès de ma chère Zéla, et mes mains frémissantes
voulurent se croiser, comme autrefois, autour de sa taille d'abeille,
mais la belle enfant n'avait déjà plus la frêle ceinture d'une jeune
fille. Je pris donc dans mes bras mon précieux trésor, et je
l'emportai dans ma cabine.
Le contre-maître, qui attendait des questions ou des ordres, m'avait
silencieusement suivi.
--Avez-vous vu des étrangers dans la largue, Strang? lui demandai-je.
--Les bateaux du pays, et rien de plus, capitaine.
--Bien! Faites lever l'ancre, nous allons diriger notre course vers
l'est.
Le contre-maître remonta sur le pont, et, à la prière de Zéla, je
consentis à accorder un peu d'attention aux blessures que j'avais
reçues.
Les grands et nombreux plis de mon abbah, fait en drap de poil de
chameau, et les châles qui entouraient mes reins m'avaient préservé de
l'atteinte du poignard; mais mes yeux étaient noircis par le coup que
j'avais reçu sur le front, et mon poignet gauche me faisait
cruellement souffrir.
La vieille Kamalia me mit une compresse sur la tête, enveloppa
soigneusement mon poignet, et ma jeune et belle Arabe parfuma mes
tempes et frotta mes membres roidis avec de l'huile et du camphre.
Les remèdes employés pour soulager mes douleurs, remèdes qui les
guérirent et d'une manière presque radicale, furent l'huile chaude, le
magnétisme d'une main charmante, un poulet rôti, du vin de Bordeaux,
du café, une pipe et deux lèvres roses. Lequel de ces remèdes a le
mieux opéré, je l'ignore; je sais seulement qu'ils me rendirent la
santé. Mon bras seul résista au charme de ces applications externes et
internes, car je fus obligé de le garder pendant longtemps enveloppé
dans une écharpe; je crois même qu'il n'a jamais reconquis sa force
première.
En me quittant, de Ruyter m'avait dit:
--Quand j'aurai franchi les détroits de la Sonde, je m'arrêterai à
Java, dirigez-vous vers Bornéo.
Je traversai les détroits de Drion, et je ne ralentis plus la rapidité
de ma course pour aborder les vaisseaux du pays dont je faisais
journellement la rencontre.
Un matin cependant j'abordai un vaisseau d'un aspect étrange.
Singulièrement construit, encore plus singulièrement équipé, ce
vaisseau, qui, selon les apparences, était de cent tonneaux, avait
deux mâts. Ses cordages étaient faits avec une herbe d'une couleur
sombre, et ses voiles, en coton blanc mélangé de violet, ne me
révélaient, ni par leur nuance ni par leur forme, à quelle nation il
appartenait. Très-élevé hors de l'eau, le corps du navire avait une
teinte d'un gris blanchâtre aussi terne que triste; en outre, il était
si mal gouverné, qu'il allait d'un côté et de l'autre avec la plus
surprenante irrégularité.
J'envoyai un coup de mousquet à l'inconnu, dans l'intention de le
forcer à s'arrêter, car nous pouvions à peine nous tenir éloignés de
lui.
À cet ordre, il mit en panne, mais en s'y prenant d'une façon si
inhabile et si gauche, qu'il fut presque démâté.
Alors apparut à mes yeux un fantastique équipage, entièrement composé
de sauvages nus et tatoués de la tête aux pieds. Les uns, groupés sur
le pont, nous regardaient d'un air stupide; les autres, suspendus aux
agrès, semblaient attendre notre approche avec la stupeur et l'effroi.
Quand j'eus hissé un drapeau anglais, ils répondirent à cette
politesse par l'exhibition d'un morceau de drap peint et en lambeaux.
Il était impossible de deviner d'où venait ce vaisseau, à quelle
nation il appartenait, où il allait; tout cela était un mystère. En
outre de cet extérieur fabuleux, le pauvre vaisseau était si fracassé,
il avait à sa carcasse tant d'ouvertures qu'on pouvait voir du dehors
tout ce qui se passait à l'intérieur.
Ces visibles marques de décrépitude, le bizarre accoutrement des gens
qui encombraient le pont en désordre, donnaient à ce vaisseau l'air
d'avoir été construit avant le déluge, et je trouvais un véritable
miracle dans son apparition sur l'eau; comment avait-il la force de
s'y maintenir?
Le capitaine de ce vaisseau fantôme essaya de mettre à l'eau, afin de
passer à notre bord, un vieux débris de canot; mais n'ayant ni la
patience, ni le temps d'attendre la fin de la difficile opération, et,
de plus, désirant examiner l'étranger, plutôt par curiosité que dans
un espoir de conquête, je fis descendre un bateau de notre poupe, et
je me dirigeai vers lui.
Vu de près, le triste bâtiment était encore d'un aspect plus
sauvagement bizarre, et lorsque j'eus grimpé sur ses côtés saillants,
il m'apparut dans toute sa fabuleuse étrangeté.
Le pont supérieur était couvert d'un paillasson, et ses sauvages
habitants, coiffés avec des feuilles de palmier, n'avaient point
d'autres vêtements. À mon approche, un homme mince, osseux et d'une
haute taille, vint au-devant de moi.
Cet homme se distinguait de son farouche entourage par la blancheur de
sa peau et par la différence de son accoutrement. Avant de lui
adresser la parole j'examinai un instant sa figure. Je vis que des
traits saillants et réguliers, des cheveux blonds, un visage ovale
avaient fait de cet homme un être d'une beauté réelle, beauté qu'il
eût conservée si un tatouage extraordinaire et grotesque n'avait point
effacé la délicatesse du teint et grossi le modelé des formes. Ce
hideux tatouage couvrait la figure, les bras, la poitrine, et l'image
peinte d'un affreux serpent était enlacée autour de la gorge, de
manière à faire croire que, non content d'étrangler sa victime, le
reptile voulait encore se précipiter dans sa bouche, car une tête
armée d'une langue rouge et pointue était dessinée sur la lèvre
inférieure. L'oeil vert et la langue effilée du serpent étaient si
bien rendus, qu'en voyant l'homme agiter sa mâchoire il semblait que
l'affreuse bête se mît en mouvement.
Ce tatouage d'une sauvagerie inouïe faisait ressortir le front calme
et les yeux pensifs de l'étranger. Mon rapide examen avait embrassé
tous les détails dans l'ensemble, et il était achevé quand le
capitaine me demanda d'une voix douce et d'un ton aussi affable que
poli:
--Vous êtes Anglais, monsieur?
--Oui, monsieur. Et vous?
--Moi, je suis de l'île de Zaoo.
--De l'île de Zaoo? Où est-elle située? Je n'en ai jamais entendu
parler.
--Dans la direction de l'archipel de Sooloo.
--Tout cela est étrange, lui dis-je, car je ne connais ni l'île dont
vous me parlez, ni l'archipel où elle se trouve. Mais êtes-vous de ces
îles?
--Oui, monsieur.
--Natif?
--Non, monsieur.
--Et de quel pays êtes-vous?
Le capitaine hésita un instant à me répondre, puis il me dit:
--Je suis Anglais, monsieur.
--Vraiment! et comment diable se fait-il que vous vous trouviez sur un
pareil vaisseau, et arrangé d'une aussi inconcevable façon?
--Si vous voulez descendre dans ma cabine, monsieur, je vous le dirai,
mais j'ai peur de n'avoir pas de rafraîchissement à vous offrir.
En approchant des écoutilles, j'entendis les cris d'une femme.
Le capitaine s'arrêta.
--J'avais oublié, me dit-il, que nous ne pouvons pas descendre là.
--Quelqu'un est malade!
--Oui, monsieur, une de mes femmes est en couches, et, je crois, avant
terme, car les douleurs de l'enfantement ont été occasionnées par le
mal de mer; la pauvre créature souffre beaucoup.
--La nourrice de ma femme, dis-je à l'étranger, connaît un peu la
science médicale, je vais l'envoyer chercher.
Le capitaine me remercia, et la vieille Arabe fut bientôt installée
auprès de la malade. Pour ne pas gêner les femmes, nous nous
installâmes sur le pont auprès de la poupe, et l'étranger me dit:
--Il y a si longtemps que je n'ai parlé l'idiome de ma jeunesse, et
tant d'années se sont écoulées depuis l'époque où les événements que
je vais vous raconter ont eu lieu, que j'ai grand'peur, monsieur, de
ne pouvoir me faire comprendre.
--Le temps est calme, capitaine, vous n'avez pas besoin de vous
presser; faites-moi donc tranquillement le récit de vos malheurs, et
comme vous ne semblez pas très-bien fourni en provisions de bouche,
permettez-moi d'envoyer chercher des choses qui rafraîchiront votre
mémoire en dégageant votre esprit.
À ma demande, le schooner nous envoya du boeuf, du jambon, du vin de
Bordeaux et de l'eau-de-vie.
Les Anglais se détestent jusqu'à ce qu'ils aient mangé ensemble.
En mangeant, nous nous traitâmes de compatriotes, et au choc des
verres, nos coeurs s'ouvrirent avec l'abandon d'une vieille
camaraderie.
Le seul témoignage de civilisation que donnât encore cet Européen
transformé en sauvage était un goût prononcé pour le tabac, et, en
véritable gentleman, il fumait du matin au soir.
Quand le capitaine eut dégusté un dernier verre d'eau-de-vie, quand
l'odorante fumée du tabac eut tracé autour de nous un vaporeux nuage,
il commença le récit de son histoire. Mais ce récit fut fait dans un
idiome si bizarre, il le suspendit tant de fois pour l'entremêler
d'étonnantes réflexions, qu'afin d'éviter à mes lecteurs la peine que
j'ai eue à deviner le sens des mots, le fond de l'idée, l'ensemble du
tout, je vais prendre la liberté de corriger la phraséologie de ce
capricieux narrateur.


LXXIV

«J'ai quitté l'Angleterre, il y a sept ou huit ans, avec un vaisseau
de la compagnie des Indes orientales, protégé par un convoi, et qui se
rendait à Canton. Le premier officier du bord, qui avait opéré avec
mon père des transactions mercantiles, et qui lui devait pour une
livraison de marchandises considérablement d'argent, eut l'esprit de
persuader à mon père de lui fournir encore une grande quantité
d'objets. Comme mon père ne s'était point rendu aux désirs de
l'officier sans une vive et longue discussion, il fut convenu en
dernier ressort, et pour contenter les deux parties, que
j'accompagnerais l'officier à bord en qualité de midshipman.
À l'époque où ce marché eut lieu, j'étais employé comme premier commis
dans la maison de mon père, et les traités de l'affaire me parurent si
avantageux pour ma famille et pour moi, que j'y donnai de grand coeur
mon adhésion. Voici quelles étaient les clauses de ce marché: je
devais faire le voyage en passager, et recevoir pour le compte de mon
père la moitié du bénéfice des ventes qui seraient opérées par
l'officier. Si la carrière maritime me convenait, je devais la suivre;
sinon, au retour du vaisseau, je m'installais de nouveau dans la
maison de mon père.
Je n'ai pas besoin de vous exprimer, monsieur, avec quel plaisir
(j'avais quinze ans) je quittai le comptoir paternel, les livres de
facture, les livres de compte, pour aller voir un pays dont j'avais
entendu faire de merveilleuses descriptions. Au curieux désir qui
accompagne tous les voyageurs se joignait l'orgueilleuse joie de
prendre place parmi les aspirants de marine, qui étaient si fiers et
qui semblaient si heureux lorsqu'ils étaient sur terre. Je ne savais
pas à cette époque que la cause de leur joie était leur délivrance
momentanée d'un assujettissement tyrannique. Je l'ignorais, mais j'en
eusse été instruit que ma satisfaction serait restée la même, tant il
me semblait que, sous la protection d'un premier officier, mon
initiation au service devait être aussi facile qu'agréable.
Mes illusions se dissipèrent vite, et dès que nous eûmes quitté les
downs ma situation devint insupportable. Outre les fonctions serviles
et abjectes que mes camarades et moi nous étions obligés de remplir,
le premier contre-maître, mon patron, ajouta à ces ennuis le tourment
de sa haine. Un jour, étant de faction avec lui, il m'injuria, et, non
content d'une méchanceté de paroles que je n'avais point provoquée, il
m'accabla de coups. Trop faible et trop timide pour me défendre, je
fus dès lors en butte à ses moqueries et à ses mauvais traitements.
Une autre fois, et toujours sans cause, l'officier me dit:
--Votre usurier de père vous a fourré auprès de moi pour lui servir
d'espion, pour me voler mes profits. Ce vieux juif ne s'est pas
contenté de ma parole, il lui a fallu un écrit; mais je veux bien être
damné si je ne fais pas de vous un domestique, un esclave.
Ma vie devint de jour en jour plus triste et plus misérable.
Notre capitaine vivait à bord comme une espèce de demi-dieu, et je
suis bien certain qu'il se croyait supérieur à l'humanité entière. Il
ne fréquentait que deux ou trois des passagers qui appartenaient à la
noblesse, et tous ses ordres étaient transmis à l'équipage par le
premier officier.
Une nuit, nous étions à la hauteur de Madère, et le vent soufflait
avec violence, un homme placé en vigie cria:
--Une voile étrangère à notre gauche!
--Très-bien, répondis-je, je vais avertir.
Mais avant de remplir ma mission, je jetai un coup d'oeil sur la mer,
où je ne vis qu'un énorme nuage noir. Je trouvai l'officier de
faction endormi sur la glissoire d'une caronade. La vue de ce sommeil
si calme au moment de la tempête fit naître en moi le premier
sentiment de haine et de vengeance qui eût jamais entr'ouvert les
replis de mon coeur.»
--Bien! m'écriai-je en interrompant le capitaine, vous avez poignardé
le coquin et jeté sa carcasse dans la mer?
«--Non, monsieur, non. J'étais jeune, et ma rancune n'avait encore que
la malice de l'enfance. Si je rencontrais aujourd'hui cet homme sans
âme, j'agirais peut-être avec plus de vaillance que je ne l'ai fait à
cette époque. Je ne troublai point le sommeil de mon ennemi; je
descendis doucement auprès du capitaine, que je réveillai en lui
disant:
--Il y a un grand vaisseau de notre côté, sous le vent.
--Où est l'officier de quart? me demanda le capitaine en sautant hors
de son lit.
--Je l'ai inutilement cherché, monsieur.
--Il n'est pas à son poste! s'écria le capitaine en se précipitant sur
le pont.
L'officier dormait toujours; le capitaine courut jusqu'à lui et
l'appela par son nom.
En entendant la voix bien connue de son sévère commandant, l'officier
épouvanté se dressa sur ses pieds et balbutia quelques excuses.
Mais, sans lui répondre, le capitaine s'éloigna de l'échelle, car on
ne pouvait perdre le temps en paroles; un ouragan terrible se
préparait, la mer était violente, et la masse noire et remuante que
j'avais prise pour un nuage apparaissait sous la forme effrayante d'un
énorme vaisseau démâté, lancé vers nous avec une vélocité
extraordinaire.
--Abaissez le gouvernail, mettez tous les hommes à l'ouvrage! cria le
capitaine d'une voix forte.
Tout s'agita.
Une voix humaine, qui essayait de se faire entendre au milieu de la
rumeur des éléments bouleversés, nous héla, et cette voix semblait
descendre des hauteurs d'une tour, car l'énorme vaisseau, poussé par
le vent et emporté par les vagues gigantesques qui l'élevaient
au-dessus de nous, paraissait avoir des proportions énormes.
Les lumières bleues qui brûlaient sur son gaillard d'avant se
réfléchissaient dans notre voile de perroquet, bien carguée. Il
paraissait inévitable qu'au moment où l'étranger allait être replongé
dans l'auge profonde où nous étions placés, sa descente nous
écraserait ou nous couperait en deux. Nos voiles se frappaient contre
les mâts avec un bruit pareil au roulement du tonnerre, et l'équipage,
en chemise, à moitié endormi, se précipitait pêle-mêle hors des
écoutilles et jetait des cris horribles en voyant le vaisseau
s'avancer vers nous.
Paralysés par l'épouvante, nous restions inactifs, le regard et
l'esprit suspendus aux mouvements du vaisseau que la mer et le vent
faisaient tournoyer sur lui-même. Cette scène effrayait les plus
hardis; les faibles tombaient à genoux, se tordaient les bras ou se
précipitaient la tête la première dans les écoutilles. Quoique cet
affreux spectacle n'eût duré qu'un moment, cet instant d'angoisse
avait eu assez de puissance pour me transformer d'enfant en vieillard.
Une voix forte et distincte nous héla avec une trompette et nous dit:
--Tribord votre gouvernail, si vous ne voulez pas être écrasés!
Au même moment une vague nous éleva en l'air, et l'étranger nous
frappa. Ce choc fut suivi d'un craquement horrible: nos hommes
répondirent à ce fracas par de désolantes clameurs; je crus tout
perdu, et, les mains convulsivement pressées contre les haubans,
j'attendis la mort.
Mes yeux étaient fixés sur le vaisseau étranger: je crus le voir
passer au-dessus de nous et rester dans l'air comme un rocher
gigantesque. Le vent mugissait avec furie dans nos haubans, et la mer
inondait de ses lames froides le pont de notre vaisseau.
Après cette pause terrifiante, la confusion, le bruit du vent et des
vagues, le murmure des voix me rendirent la raison. L'étranger avait
atteint notre quartier, enlevé le bateau de la poupe, ainsi que notre
grand mât, mais rien de plus, et nous étions hors de danger. Après
avoir hélé une troisième fois, le vaisseau nous demanda notre nom, et
nous ordonna de rester auprès de lui toute la nuit, ajoutant à cette
demande qu'il appartenait à Sa Majesté Britannique et qu'il s'appelait
_la Victoire_.
Le capitaine n'adressa aucun reproche au premier officier, mais il fut
provisoirement mis en prison.
La frayeur causée par la fatale rencontre de ce vaisseau avait été si
grande que chacun semblait avoir l'esprit sous la domination d'un
mauvais enchantement, et notre capitaine, ainsi que les officiers,
n'accomplissaient leur devoir qu'à l'aide des fréquents signaux de _la
Victoire_, qui veillait sur elle et sur nous, tant elle avait peur de
nous voir fuir.
Le lendemain je me rendis sur le pont, et je m'aperçus que nous avions
perdu notre convoi, et que _la Victoire_ nous faisait signe qu'il
fallait la prendre en touage. Pour effectuer ce difficile travail sans
mettre un bateau à la mer, qui était très-agitée, nous jetâmes dans
l'eau un tonneau vide, ayant une corde que le vaisseau devait prendre
à son bord. Ils l'attrapèrent et attachèrent des aussières aussi
grandes que nos câbles à la corde; nous les tirâmes à bord et elles
furent attachées à un mât; puis, chargés de toutes nos voiles, nous
nous dirigeâmes vers l'île de Madère.
Cette entreprise de sauvetage rendait notre situation très-périlleuse;
car, malgré l'immense longueur des aussières avec lesquelles nous
touâmes, le poids et la grandeur de _la Victoire_, qui était à cette
époque le plus grand vaisseau du monde, nous donnaient des secousses
terribles, surtout quand nous étions élevés sur la crête des vagues et
qu'elle s'enfonçait auprès de nous dans l'abîme de la mer. Quelquefois
les cordes de touage, en dépit de leur grosseur, qui était celle d'un
corps humain, cassaient en deux comme un fil d'Écosse, et nous étions
obligés de recommencer la tâche dangereuse et difficile de l'attacher
à notre bord. Heureusement le vent diminua de violence; car s'il
avait gardé sa force première, nous eussions infailliblement échoué.
Le poids de _la Victoire_ était si lourd, qu'outre le danger
d'emporter notre mât, il avait fait entr'ouvrir les joints du
vaisseau, et la mer débordait sur nous en emportant tout ce qu'elle
rencontrait.
Notre capitaine héla _la Victoire_ et lui montra les difficultés
insurmontables de notre situation.
--Si vous coupez les cordes de touage, répondit le capitaine du
vaisseau royal, nous vous ferons couler à fond.
À bord de _la Victoire_, ils avaient allégé le poids du vaisseau en
jetant dans la mer tous les canons de son pont supérieur, et en
plaçant des voiles d'orage sur les troncs des mâts inférieurs, et par
tous les moyens qui se trouvaient en leur pouvoir.
Le lendemain le vent diminua, mais la mer fut encore très-agitée.
Nous rencontrâmes un grand vaisseau des Indes orientales faisant route
pour Madère, nous le fîmes arrêter, et il fut contraint de prendre
notre place.
Alors notre capitaine se rendit à bord du vaisseau de feu l'amiral
Nelson, et son commandant, après avoir grondé le nôtre pour sa
négligence, lui pardonna sa faute en considération du service qu'il
avait rendu à la Grande-Bretagne en sauvant le plus précieux de tous
les vaisseaux anglais, celui qui portait le corps de Nelson et son
triomphant drapeau.
Le commandant de _la Victoire_ donna à notre capitaine un certificat
sur lequel étaient détaillés tous les incidents de sa belle conduite.
Ce témoignage de satisfaction calma un peu notre fier commandant, dont
la colère contre le coupable officier avait disparu avec le danger.
Cette indulgence était naturelle; un lien de parenté unissait les deux
hommes, et ils portaient l'un et l'autre le nom de Patterson. Vous
savez, monsieur, que les Écossais ont des clans, et qu'il leur importe
fort peu que tout le monde soit détruit si leur propre clan est sauvé,
ou s'il gagne par la perte générale. Mais je vous demande pardon,
monsieur, peut-être y a-t-il parmi eux des hommes très-dignes,
très-honnêtes et très-bons.»


LXXV

«--Le premier officier, reprit le capitaine après une pause de
quelques secondes, connut bientôt l'auteur de la disgrâce qu'il avait
encourue, et je crois fort inutile de vous dire, monsieur, que cette
découverte n'adoucit pas à mon égard les cruels procédés de mon chef.
J'étais déjà fort misérable, je le devins plus encore; et souvent,
bien souvent, je me suis surpris à envier l'existence orageuse du
vagabond, et celle du mendiant, sans pain et sans asile. L'un et
l'autre n'étaient-ils pas mille fois plus heureux que moi? Mais
pardon, monsieur, tout cela est fort peu intéressant pour vous, et
cette narration, que votre courtoisie daigne écouter, vous paraît bien
insipide et bien longue.»
--Non, non, mon cher capitaine, votre histoire n'est ni dépourvue
d'intérêt, ni trop étendue; je l'écoute avec plaisir et avec
attention. Continuez-en donc le récit; je suis tout à vous.
Et mes paroles étaient vraies, car chaque mot de ce pauvre homme
faisait vibrer en moi un tendre souvenir, souvenir triste et qui
mettait devant mes yeux la pâle et mélancolique figure de mon ami
Walter. N'existait-il pas en effet entre ce narrateur à demi sauvage
et mon pauvre compagnon d'infortune une similitude étrange?
Tous deux, forcément jetés dans une carrière antipathique à leurs
goûts, avaient été les victimes d'une haine brutale sans cause, et
partant sans excuse. Ce rapport, si poignant pour moi et qui
remplissait mon coeur d'une douloureuse compassion, m'attira vers le
capitaine.
Sa parole lente, sa voix douce, son regard pensif, me firent oublier
les affreuses caricatures qui souillaient son corps, et je ne vis plus
ses traits qu'au travers de mes souvenirs ou, pour mieux dire, que
dans la beauté de son âme.
«--Enfin, reprit le conteur en me remerciant de mon attention par un
bienveillant sourire, nous entrâmes dans la mer de la Chine.
Une nuit le vaisseau était amarré près d'une île (j'ai oublié pour
quelle raison), on m'ordonna d'aller me coucher dans le bateau qui
était derrière le bâtiment, afin de le garder. J'obéis avec joie, car
en entendant cet ordre, l'idée que je pouvais saisir cette occasion
pour me sauver me traversa l'esprit. Sans craindre ni même réfléchir
sur les dangereux hasards d'une pareille entreprise, je m'abandonnai à
l'impulsion rapide qui se faisait la maîtresse de ma conduite.
Je trouvai dans le bateau un mât, une voile et un petit baril d'eau,
car la veille on s'en était servi pour aller explorer l'île. La
trouvaille inattendue de ces différents objets me persuada que la
Providence, après m'avoir inspiré, veillait encore sur moi; ma
détermination fut dès lors complétement arrêtée.
Pauvre insensé que j'étais! il ne me vint pas même à l'esprit qu'il me
manquait les choses les plus indispensables, et surtout la première de
toutes: du pain.
Mon repas du soir était dans ma poche, et il se composait de biscuit
et d'un morceau de boeuf. Quant au lendemain, Dieu y pourvoirait, ou,
pour mieux dire, je ne songeais ni à mes besoins futurs ni aux
difficultés inouïes que j'allais avoir à surmonter.
La nuit était sombre; une brise fraîche soufflait hors du golfe, et la
nuit était assez calme.
Quand tout fut tranquille sur le pont, je dénouai le câble qui
attachait le bateau, et, après quelques minutes d'anxieuse attente,
j'élevai le mât; je virai, et ma légère embarcation se trouva bientôt
loin du vaisseau.
Une heure s'écoula, et cette heure eut pour mon coeur palpitant la
durée d'un siècle. J'avais si grand'peur d'être vu et par conséquent
arrêté dans ma fuite! Les hommes de quart découvrirent l'enlèvement du
bateau, car une lanterne fut hissée et je vis distinctement une
lumière bleue.
Ce signal m'épouvanta, et je me dirigeai vers l'île de manière à
gagner son côté opposé au vent, pour m'y cacher jusqu'à l'entière
disparition du vaisseau.
Grâce à mon penchant pour les voyages sur mer, grâce encore à
l'intérêt d'enfant et de jeune homme que j'avais pris à examiner les
bateaux dans les chantiers du port de Londres, je savais très-bien en
gouverner la marche.
Veuillez, monsieur, réfléchir pendant quelques secondes sur l'étrange
métamorphose non-seulement de mon esprit, mais encore de mes vues
et de mon caractère. Né au milieu du confort d'une existence heureuse,
j'avais été, dans l'espace de quelques mois, de fils de famille
aimé et libre dans la maison paternelle, transformé en misérable,
en domestique, en esclave, et à ce changement déplorable en
succédait un peut-être plus déplorable encore, mais dont mon esprit
n'approfondissait pas les inévitables douleurs.
Le lendemain de ma fuite, j'entrevis l'abandon réel de ma position, et
j'eus peur en me voyant seul, sans vivres, sans carte, sans boussole,
sur un petit bateau, frêle planche de salut, pour m'aider à franchir
cet abîme immense qu'on appelle l'Océan. Je vous avoue franchement que
j'aurais été heureux de reprendre ma chaîne sur le vaisseau. Je
pleurai amèrement, et mes mains défaillantes abandonnèrent le
gouvernail.
La vie me devint odieuse, et mes yeux aveuglés suivirent d'un regard
morne la marche du bateau, qui voguait à la grâce du vent et des
flots.
Les cruels tiraillements de la faim m'empêchèrent de dormir. Cependant
le besoin de repos est si impérieux pour un corps jeune, qu'après
avoir bu quelques gouttes d'eau mes yeux se fermèrent et une
somnolence agitée m'étendit, faible et sans courage, dans le fond de
ma barque.
Je dormis, et quand je m'éveillai, le jour était resplendissant. Je
tendis ma voile au souffle de la brise, et je naviguai avec le vent en
cherchant à découvrir dans quelle latitude je me trouvais.
À en juger par la direction du vent et par la position de l'étoile du
Nord, je marchais vers les îles de l'archipel de Sooloo, et la terre
élevée que j'avais aperçue en m'éveillant était Bornéo. Je naviguai
vers le sud, pensant que l'île de Paraguai, près de laquelle j'avais
laissé le vaisseau, se trouvait derrière moi.
La brise se maintint douce et fraîche. Nul vaisseau n'apparaissait sur
la nappe d'azur de l'Océan, et ma barque volait sur l'eau comme une
mouette effrayée.
Je voulais gagner Bornéo, mais le vent changea, et je fus contraint,
ne pouvant lutter avec lui, de continuer ma course au gré de son
caprice.
La crainte de mourir de faim me donnait d'affreux tiraillements
d'estomac. Je surmontai cette douleur, plutôt morale que réelle, et je
m'occupai de la course de mon léger bâtiment. Le vent doublait de
force, et j'étais sûr d'arriver bientôt à une des nombreuses îles
dont je voyais les formes devant moi, et j'étais bien déterminé à
descendre sur le premier rivage qui s'offrirait à mes regards.
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  • Büleklär
  • Un Cadet de Famille, v. 2/3 - 01
    Süzlärneñ gomumi sanı 4704
    Unikal süzlärneñ gomumi sanı 1573
    39.1 süzlär 2000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    50.7 süzlär 5000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    56.8 süzlär 8000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    Härber sızık iñ yış oçrıy torgan 1000 süzlärneñ protsentnı kürsätä.
  • Un Cadet de Famille, v. 2/3 - 02
    Süzlärneñ gomumi sanı 4600
    Unikal süzlärneñ gomumi sanı 1648
    36.7 süzlär 2000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    49.9 süzlär 5000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    56.1 süzlär 8000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    Härber sızık iñ yış oçrıy torgan 1000 süzlärneñ protsentnı kürsätä.
  • Un Cadet de Famille, v. 2/3 - 03
    Süzlärneñ gomumi sanı 4636
    Unikal süzlärneñ gomumi sanı 1747
    33.7 süzlär 2000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    47.0 süzlär 5000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    53.5 süzlär 8000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    Härber sızık iñ yış oçrıy torgan 1000 süzlärneñ protsentnı kürsätä.
  • Un Cadet de Famille, v. 2/3 - 04
    Süzlärneñ gomumi sanı 4657
    Unikal süzlärneñ gomumi sanı 1690
    37.3 süzlär 2000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    49.6 süzlär 5000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    56.6 süzlär 8000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    Härber sızık iñ yış oçrıy torgan 1000 süzlärneñ protsentnı kürsätä.
  • Un Cadet de Famille, v. 2/3 - 05
    Süzlärneñ gomumi sanı 4606
    Unikal süzlärneñ gomumi sanı 1700
    36.4 süzlär 2000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    49.4 süzlär 5000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    54.0 süzlär 8000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    Härber sızık iñ yış oçrıy torgan 1000 süzlärneñ protsentnı kürsätä.
  • Un Cadet de Famille, v. 2/3 - 06
    Süzlärneñ gomumi sanı 4627
    Unikal süzlärneñ gomumi sanı 1729
    37.5 süzlär 2000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    50.8 süzlär 5000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    56.7 süzlär 8000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    Härber sızık iñ yış oçrıy torgan 1000 süzlärneñ protsentnı kürsätä.
  • Un Cadet de Famille, v. 2/3 - 07
    Süzlärneñ gomumi sanı 4712
    Unikal süzlärneñ gomumi sanı 1599
    38.6 süzlär 2000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    49.6 süzlär 5000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    55.0 süzlär 8000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    Härber sızık iñ yış oçrıy torgan 1000 süzlärneñ protsentnı kürsätä.
  • Un Cadet de Famille, v. 2/3 - 08
    Süzlärneñ gomumi sanı 4683
    Unikal süzlärneñ gomumi sanı 1643
    37.1 süzlär 2000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    49.1 süzlär 5000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    55.0 süzlär 8000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    Härber sızık iñ yış oçrıy torgan 1000 süzlärneñ protsentnı kürsätä.
  • Un Cadet de Famille, v. 2/3 - 09
    Süzlärneñ gomumi sanı 4617
    Unikal süzlärneñ gomumi sanı 1653
    37.1 süzlär 2000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    49.3 süzlär 5000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    55.0 süzlär 8000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    Härber sızık iñ yış oçrıy torgan 1000 süzlärneñ protsentnı kürsätä.
  • Un Cadet de Famille, v. 2/3 - 10
    Süzlärneñ gomumi sanı 4547
    Unikal süzlärneñ gomumi sanı 1644
    36.2 süzlär 2000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    48.4 süzlär 5000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    54.6 süzlär 8000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    Härber sızık iñ yış oçrıy torgan 1000 süzlärneñ protsentnı kürsätä.
  • Un Cadet de Famille, v. 2/3 - 11
    Süzlärneñ gomumi sanı 4632
    Unikal süzlärneñ gomumi sanı 1637
    36.0 süzlär 2000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    49.0 süzlär 5000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    55.0 süzlär 8000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    Härber sızık iñ yış oçrıy torgan 1000 süzlärneñ protsentnı kürsätä.
  • Un Cadet de Famille, v. 2/3 - 12
    Süzlärneñ gomumi sanı 4659
    Unikal süzlärneñ gomumi sanı 1754
    33.7 süzlär 2000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    46.5 süzlär 5000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    51.8 süzlär 8000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    Härber sızık iñ yış oçrıy torgan 1000 süzlärneñ protsentnı kürsätä.
  • Un Cadet de Famille, v. 2/3 - 13
    Süzlärneñ gomumi sanı 4686
    Unikal süzlärneñ gomumi sanı 1620
    34.8 süzlär 2000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    48.0 süzlär 5000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    53.9 süzlär 8000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    Härber sızık iñ yış oçrıy torgan 1000 süzlärneñ protsentnı kürsätä.
  • Un Cadet de Famille, v. 2/3 - 14
    Süzlärneñ gomumi sanı 4718
    Unikal süzlärneñ gomumi sanı 1629
    36.9 süzlär 2000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    51.2 süzlär 5000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    56.4 süzlär 8000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    Härber sızık iñ yış oçrıy torgan 1000 süzlärneñ protsentnı kürsätä.
  • Un Cadet de Famille, v. 2/3 - 15
    Süzlärneñ gomumi sanı 4641
    Unikal süzlärneñ gomumi sanı 1580
    37.0 süzlär 2000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    51.6 süzlär 5000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    57.9 süzlär 8000 iñ yış oçrıy torgan süzlärgä kerä.
    Härber sızık iñ yış oçrıy torgan 1000 süzlärneñ protsentnı kürsätä.