Le Côté de Guermantes - Troisième partie - 03

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souper; et parmi ceux-ci des jeunes gens du Jockey qui, à cause du
caractère anormal du jour, n'hésitèrent pas à s'installer à deux tables
dans la grande salle, et se trouvèrent ainsi fort près de moi. Tel le
cataclysme avait établi même de la petite salle à la grande, entre tous
ces gens stimulés par le confort du restaurant, après leurs longues
erreurs dans l'océan de brume, une familiarité dont j'étais seul exclu,
et à laquelle devait ressembler celle qui régnait dans l'arche de Noé.
Tout à coup, je vis le patron s'infléchir en courbettes, les maîtres
d'hôtel accourir au grand complet, ce qui fit tourner les yeux à tous
les clients. «Vite, appelez-moi Cyprien, une table pour M. le marquis de
Saint-Loup», s'écriait le patron, pour qui Robert n'était pas seulement
un grand seigneur jouissant d'un véritable prestige, même aux yeux du
prince de Foix, mais un client qui menait la vie à grandes guides et
dépensait dans ce restaurant beaucoup d'argent. Les clients de la grande
salle regardaient avec curiosité, ceux de la petite hélaient à qui mieux
mieux leur ami qui finissait de s'essuyer les pieds. Mais au moment où
il allait pénétrer dans la petite salle, il m'aperçut dans la grande.
«Bon Dieu, cria-t-il, qu'est-ce que tu fais là, et avec la porte ouverte
devant toi», dit-il, non sans jeter un regard furieux au patron qui
courut la fermer en s'excusant sur les garçons: «Je leur dis toujours de
la tenir fermée.»
J'avais été obligé de déranger ma table et d'autres qui étaient devant
la mienne, pour aller à lui. «Pourquoi as-tu bougé? Tu aimes mieux dîner
là que dans la petite salle? Mais, mon pauvre petit, tu vas geler. Vous
allez me faire le plaisir de condamner cette porte, dit-il au patron.--A
l'instant même, M. le Marquis, les clients qui viendront à partir de
maintenant passeront par la petite salle, voilà tout.» Et pour mieux
montrer son zèle, il commanda pour cette opération un maître d'hôtel et
plusieurs garçons, et tout en faisant sonner très haut de terribles
menaces si elle n'était pas menée à bien. Il me donnait des marques de
respect excessives pour que j'oubliasse qu'elles n'avaient pas commencé
dès mon arrivée, mais seulement après celle de Saint-Loup, et pour que
je ne crusse pas cependant qu'elles étaient dues à l'amitié que me
montrait son riche et aristocratique client, il m'adressait à la dérobée
de petits sourires où semblait se déclarer une sympathie toute
personnelle.
Derrière moi le propos d'un consommateur me fit tourner une seconde la
tête. J'avais entendu au lieu des mots: «Aile de poulet, très bien, un
peu de champagne; mais pas trop sec», ceux-ci: «J'aimerais mieux de la
glycérine. Oui, chaude, très bien.» J'avais voulu voir quel était
l'ascète qui s'infligeait un tel menu. Je retournai vivement la tête
vers Saint-Loup pour ne pas être reconnu de l'étrange gourmet. C'était
tout simplement un docteur, que je connaissais, à qui un client,
profitant du brouillard pour le chambrer dans ce café, demandait une
consultation. Les médecins comme les boursiers disent «je».
Cependant je regardais Robert et je songeais à ceci. Il y avait dans ce
café, j'avais connu dans la vie, bien des étrangers, intellectuels,
rapins de toute sorte, résignés au rire qu'excitaient leur cape
prétentieuse, leurs cravates 1830 et bien plus encore leurs mouvements
maladroits, allant jusqu'à le provoquer pour montrer qu'ils ne s'en
souciaient pas, et qui étaient des gens d'une réelle valeur
intellectuelle et morale, d'une profonde sensibilité. Ils
déplaisaient--les Juifs principalement, les Juifs non assimilés bien
entendu, il ne saurait être question des autres--aux personnes qui ne
peuvent souffrir un aspect étrange, loufoque (comme Bloch à Albertine).
Généralement on reconnaissait ensuite que, s'ils avaient contre eux
d'avoir les cheveux trop longs, le nez et les yeux trop grands, des
gestes théâtraux et saccadés, il était puéril de les juger là-dessus,
ils avaient beaucoup d'esprit, de coeur et étaient, à l'user, des gens
qu'on pouvait profondément aimer. Pour les Juifs en particulier, il en
était peu dont les parents n'eussent une générosité de coeur, une largeur
d'esprit, une sincérité, à côté desquelles la mère de Saint-Loup et le
duc de Guermantes ne fissent piètre figure morale par leur sécheresse,
leur religiosité superficielle qui ne flétrissait que les scandales, et
leur apologie d'un christianisme aboutissant infailliblement (par les
voies imprévues de l'intelligence uniquement prisée) à un colossal
mariage d'argent. Mais enfin chez Saint-Loup, de quelque façon que les
défauts des parents se fussent combinés en une création nouvelle de
qualités, régnait la plus charmante ouverture d'esprit et de coeur. Et
alors, il faut bien le dire à la gloire immortelle de la France, quand
ces qualités-là se trouvent chez un pur Français, qu'il soit de
l'aristocratie ou du peuple, elles fleurissent--s'épanouissent serait
trop dire car la mesure y persiste et la restriction--avec une grâce
que l'étranger, si estimable soit-il, ne nous offre pas. Les qualités
intellectuelles et morales, certes les autres les possèdent aussi, et
s'il faut d'abord traverser ce qui déplaît et ce qui choque et ce qui
fait sourire, elles ne sont pas moins précieuses. Mais c'est tout de
même une jolie chose et qui est peut-être exclusivement française, que
ce qui est beau au jugement de l'équité, ce qui vaut selon l'esprit et
le coeur, soit d'abord charmant aux yeux, coloré avec grâce, ciselé avec
justesse, réalise aussi dans sa matière et dans sa forme la perfection
intérieure. Je regardais Saint-Loup, et je me disais que c'est une jolie
chose quand il n'y a pas de disgrâce physique pour servir de vestibule
aux grâces intérieures, et que les ailes du nez soient délicates et d'un
dessin parfait comme celles des petits papillons qui se posent sur les
fleurs des prairies, autour de Combray; et que le véritable _opus
francigenum_, dont le secret n'a pas été perdu depuis le XIIIe siècle,
et qui ne périrait pas avec nos églises, ce ne sont pas tant les anges
de pierre de Saint-André-des-Champs que les petits Français, nobles,
bourgeois ou paysans, au visage sculpté avec cette délicatesse et cette
franchise restées aussi traditionnelles qu'au porche fameux, mais encore
créatrices.
Après être parti un instant pour veiller lui-même à la fermeture de la
porte et à la commande du dîner (il insista beaucoup pour que nous
prissions de la «viande de boucherie», les volailles n'étant sans doute
pas fameuses), le patron revint nous dire que M. le prince de Foix
aurait bien voulu que M. le marquis lui permît de venir dîner à une
table près de lui. «Mais elles sont toutes prises, répondit Robert en
voyant les tables qui bloquaient la mienne.--Pour cela, cela ne fait
rien, si ça pouvait être agréable à M. le marquis, il me serait bien
facile de prier ces personnes de changer de place. Ce sont des choses
qu'on peut faire pour M. le marquis!--Mais c'est à toi de décider, me
dit Saint-Loup, Foix est un bon garçon, je ne sais pas s'il t'ennuiera,
il est moins bête que beaucoup.» Je répondis à Robert qu'il me plairait
certainement, mais que pour une fois où je dînais avec lui et où je m'en
sentais si heureux, j'aurais autant aimé que nous fussions seuls. «Ah!
il a un manteau bien joli, M. le prince», dit le patron pendant notre
délibération. «Oui, je le connais», répondit Saint-Loup. Je voulais
raconter à Robert que M. de Charlus avait dissimulé à sa belle-soeur
qu'il me connût et lui demander quelle pouvait en être la raison, mais
j'en fus empêché par l'arrivée de M. de Foix. Venant pour voir si sa
requête était accueillie, nous l'aperçûmes qui se tenait à deux pas.
Robert nous présenta, mais ne cacha pas à son ami qu'ayant à causer avec
moi, il préférait qu'on nous laissât tranquilles. Le prince s'éloigna en
ajoutant au salut d'adieu qu'il me fit, un sourire qui montrait
Saint-Loup et semblait s'excuser sur la volonté de celui-ci de la
brièveté d'une présentation qu'il eût souhaitée plus longue. Mais à ce
moment Robert semblant frappé d'une idée subite s'éloigna avec son
camarade, après m'avoir dit: «Assieds-toi toujours et commence à dîner,
j'arrive», et il disparut dans la petite salle. Je fus peiné d'entendre
les jeunes gens chics, que je ne connaissais pas, raconter les histoires
les plus ridicules et les plus malveillantes sur le jeune grand-duc
héritier de Luxembourg (ex-comte de Nassau) que j'avais connu à Balbec
et qui m'avait donné des preuves si délicates de sympathie pendant la
maladie de ma grand'mère. L'un prétendait qu'il avait dit à la duchesse
de Guermantes: «J'exige que tout le monde se lève quand ma femme passe»
et que la duchesse avait répondu (ce qui eût été non seulement dénué
d'esprit mais d'exactitude, la grand'mère de la jeune princesse ayant
toujours été la plus honnête femme du monde): «Il faut qu'on se lève
quand passe ta femme, cela changera de sa grand'mère car pour elle les
hommes se couchaient.» Puis on raconta qu'étant allé voir cette année sa
tante la princesse de Luxembourg, à Balbec, et étant descendu au Grand
Hôtel, il s'était plaint au directeur (mon ami) qu'il n'eût pas hissé le
fanion de Luxembourg au-dessus de la digue. Or, ce fanion étant moins
connu et de moins d'usage que les drapeaux d'Angleterre ou d'Italie, il
avait fallu plusieurs jours pour se le procurer, au vif mécontentement
du jeune grand-duc. Je ne crus pas un mot de cette histoire, mais me
promis, dès que j'irais à Balbec, d'interroger le directeur de l'hôtel
de façon à m'assurer qu'elle était une invention pure. En attendant
Saint-Loup, je demandai au patron du restaurant de me faire donner du
pain. «Tout de suite, monsieur le baron.--Je ne suis pas baron, lui
répondis-je.--Oh! pardon, monsieur le comte!» Je n'eus pas le temps de
faire entendre une seconde protestation, après laquelle je fusse
sûrement devenu «monsieur le marquis»; aussi vite qu'il l'avait annoncé,
Saint-Loup réapparut dans l'entrée tenant à la main le grand manteau de
vigogne du prince à qui je compris qu'il l'avait demandé pour me tenir
chaud. Il me fit signe de loin de ne pas me déranger, il avança, il
aurait fallu qu'on bougeât encore ma table ou que je changeasse de place
pour qu'il pût s'asseoir. Dès qu'il entra dans la grande salle, il monta
légèrement sur les banquettes de velours rouge qui en faisaient le tour
en longeant le mur et où en dehors de moi n'étaient assis que trois ou
quatre jeunes gens du Jockey, connaissances à lui qui n'avaient pu
trouver place dans la petite salle. Entre les tables, des fils
électriques étaient tendus à une certaine hauteur; sans s'y embarrasser
Saint-Loup les sauta adroitement comme un cheval de course un obstacle;
confus qu'elle s'exerçât uniquement pour moi et dans le but de m'éviter
un mouvement bien simple, j'étais en même temps émerveillé de cette
sûreté avec laquelle mon ami accomplissait cet exercice de voltige; et
je n'étais pas le seul; car encore qu'ils l'eussent sans doute
médiocrement goûté de la part d'un moins aristocratique et moins
généreux client, le patron et les garçons restaient fascinés, comme des
connaisseurs au pesage; un commis, comme paralysé, restait immobile avec
un plat que des dîneurs attendaient à côté; et quand Saint-Loup, ayant à
passer derrière ses amis, grimpa sur le rebord du dossier et s'y avança
en équilibre, des applaudissements discrets éclatèrent dans le fond de
la salle. Enfin arrivé à ma hauteur, il arrêta net son élan avec la
précision d'un chef devant la tribune d'un souverain, et s'inclinant, me
tendit avec un air de courtoisie et de soumission le manteau de vigogne,
qu'aussitôt après, s'étant assis à côté de moi, sans que j'eusse eu un
mouvement à faire, il arrangea, en châle léger et chaud, sur mes
épaules.
--Dis-moi pendant que j'y pense, me dit Robert, mon oncle Charlus a
quelque chose à te dire. Je lui ai promis que je t'enverrais chez lui
demain soir.
--Justement j'allais te parler de lui. Mais demain soir je dîne chez ta
tante Guermantes.
--Oui, il y a un gueuleton à tout casser, demain, chez Oriane. Je ne
suis pas convié. Mais mon oncle Palamède voudrait que tu n'y ailles pas.
Tu ne peux pas te décommander? En tout cas, va chez mon oncle Palamède
après. Je crois qu'il tient à te voir. Voyons, tu peux bien y être vers
onze heures. Onze heures, n'oublie pas, je me charge de le prévenir. Il
est très susceptible. Si tu n'y vas pas, il t'en voudra. Et cela finit
toujours de bonne heure chez Oriane. Si tu ne fais qu'y dîner, tu peux
très bien être à onze heures chez mon oncle. Du reste, moi, il aurait
fallu que je visse Oriane, pour mon poste au Maroc que je voudrais
changer. Elle est si gentille pour ces choses-là et elle peut tout sur
le général de Saint-Joseph de qui ça dépend. Mais ne lui en parle pas.
J'ai dit un mot à la princesse de Parme, ça marchera tout seul. Ah! le
Maroc, très intéressant. Il y aurait beaucoup à te parler. Hommes très
fins là-bas. On sent la parité d'intelligence.
--Tu ne crois pas que les Allemands puissent aller jusqu'à la guerre à
propos de cela?
--Non, cela les ennuie, et au fond c'est très juste. Mais l'empereur est
pacifique. Ils nous font toujours croire qu'ils veulent la guerre pour
nous forcer à céder. Cf. Poker. Le prince de Monaco, agent de Guillaume
II, vient nous dire en confidence que l'Allemagne se jette sur nous si
nous ne cédons pas. Alors nous cédons. Mais si nous ne cédions pas, il
n'y aurait aucune espèce de guerre. Tu n'as qu'à penser quelle chose
comique serait une guerre aujourd'hui. Ce serait plus catastrophique que
le _Déluge_ et le _Götter Dämmerung_. Seulement cela durerait moins
longtemps.
Il me parla d'amitié, de prédilection, de regret, bien que, comme tous
les voyageurs de sa sorte, il allât repartir le lendemain pour quelques
mois qu'il devait passer à la campagne et dût revenir seulement
quarante-huit heures à Paris avant de retourner au Maroc (ou ailleurs);
mais les mots qu'il jeta ainsi dans la chaleur de coeur que j'avais ce
soir-là y allumaient une douce rêverie. Nos rares tête-à-tête, et
celui-là surtout, ont fait depuis époque dans ma mémoire. Pour lui,
comme pour moi, ce fut le soir de l'amitié. Pourtant celle que je
ressentais en ce moment (et à cause de cela non sans quelque remords)
n'était guère, je le craignais, celle qu'il lui eût plu d'inspirer. Tout
rempli encore du plaisir que j'avais eu à le voir s'avancer au petit
galop et toucher gracieusement au but, je sentais que ce plaisir tenait
à ce que chacun des mouvements développés le long du mur, sur la
banquette, avait sa signification, sa cause, dans la nature individuelle
de Saint-Loup peut-être, mais plus encore dans celle que par la
naissance et par l'éducation il avait héritée de sa race.
Une certitude du goût dans l'ordre non du beau mais des manières, et qui
en présence d'une circonstance nouvelle faisait saisir tout de suite à
l'homme élégant--comme à un musicien à qui on demande de jouer un
morceau inconnu--le sentiment, le mouvement qu'elle réclame et y adapter
le mécanisme, la technique qui conviennent le mieux; puis permettait à
ce goût de s'exercer sans la contrainte d'aucune autre considération,
dont tant de jeunes bourgeois eussent été paralysés, aussi bien par peur
d'être ridicules aux yeux des autres en manquant aux convenances, que de
paraître trop empressés à ceux de leurs amis, et que remplaçait chez
Robert un dédain que certes il n'avait jamais éprouvé dans son coeur,
mais qu'il avait reçu par héritage en son corps, et qui avait plié les
façons de ses ancêtres à une familiarité qu'ils croyaient ne pouvoir que
flatter et ravir celui à qui elle s'adressait; enfin une noble
libéralité qui, ne tenant aucun compte de tant d'avantages matériels
(des dépenses à profusion dans ce restaurant avaient achevé de faire de
lui, ici comme ailleurs, le client le plus à la mode et le grand favori,
situation que soulignait l'empressement envers lui non pas seulement de
la domesticité mais de toute la jeunesse la plus brillante), les lui
faisait fouler aux pieds, comme ces banquettes de pourpre effectivement
et symboliquement trépignées, pareilles à un chemin somptueux qui ne
plaisait à mon ami qu'en lui permettant de venir vers moi avec plus de
grâce et de rapidité; telles étaient les qualités, toutes essentielles à
l'aristocratie, qui derrière ce corps non pas opaque et obscur comme eût
été le mien, mais significatif et limpide, transparaissaient comme à
travers une oeuvre d'art la puissance industrieuse, efficiente qui l'a
créée, et rendaient les mouvements de cette course légère que Robert
avait déroulée le long du mur, intelligibles et charmants ainsi que ceux
de cavaliers sculptés sur une frise. «Hélas, eût pensé Robert, est-ce la
peine que j'aie passé ma jeunesse à mépriser la naissance, à honorer
seulement la justice et l'esprit, à choisir, en dehors des amis qui
m'étaient imposés, des compagnons gauches et mal vêtus s'ils avaient de
l'éloquence, pour que le seul être qui apparaisse en moi, dont on garde
un précieux souvenir, soit non celui que ma volonté, en s'efforçant et
en méritant, a modelé à ma ressemblance, mais un être qui n'est pas mon
oeuvre, qui n'est même pas moi, que j'ai toujours méprisé et cherché à
vaincre; est-ce la peine que j'aie aimé mon ami préféré comme je l'ai
fait, pour que le plus grand plaisir qu'il trouve en moi soit celui d'y
découvrir quelque chose de bien plus général que moi-même, un plaisir
qui n'est pas du tout, comme il le dit et comme il ne peut sincèrement
le croire, un plaisir d'amitié, mais un plaisir intellectuel et
désintéressé, une sorte de plaisir d'art?» Voilà ce que je crains,
aujourd'hui que Saint-Loup ait quelquefois pensé. Il s'est trompé, dans
ce cas. S'il n'avait pas, comme il avait fait, aimé quelque chose de
plus élevé que la souplesse innée de son corps, s'il n'avait pas été si
longtemps détaché de l'orgueil nobiliaire, il y eût eu plus
d'application et de lourdeur dans son agilité même, une vulgarité
importante dans ses manières. Comme à Mme de Villeparisis il avait fallu
beaucoup de sérieux pour qu'elle donnât dans sa conversation et dans ses
Mémoires le sentiment de la frivolité, lequel est intellectuel, de même,
pour que le corps de Saint-Loup fût habité par tant d'aristocratie, il
fallait que celle-ci eût déserté sa pensée tendue vers de plus hauts
objets, et, résorbée dans son corps, s'y fût fixée en lignes
inconscientes et nobles. Par là sa distinction d'esprit n'était pas
absente d'une distinction physique qui, la première faisant défaut,
n'eût pas été complète. Un artiste n'a pas besoin d'exprimer directement
sa pensée dans son ouvrage pour que celui-ci en reflète la qualité; on a
même pu dire que la louange la plus haute de Dieu est dans la négation
de l'athée qui trouve la création assez parfaite pour se passer d'un
créateur. Et je savais bien aussi que ce n'était pas qu'une oeuvre d'art
que j'admirais en ce jeune cavalier déroulant le long du mur la frise de
sa course; le jeune prince (descendant de Catherine de Foix, reine de
Navarre et petite-fille de Charles VII) qu'il venait de quitter à mon
profit, la situation de naissance et de fortune qu'il inclinait devant
moi, les ancêtres dédaigneux et souples qui survivaient dans l'assurance
et l'agilité, la courtoisie avec laquelle il venait disposer autour de
mon corps frileux le manteau de vigogne, tout cela n'était-ce pas comme
des amis plus anciens que moi dans sa vie, par lesquels j'eusse cru que
nous dussions toujours être séparés, et qu'il me sacrifiait au contraire
par un choix que l'on ne peut faire que dans les hauteurs de
l'intelligence, avec cette liberté souveraine dont les mouvements de
Robert étaient l'image et dans laquelle se réalise la parfaite amitié?
Ce que la familiarité d'un Guermantes--au lieu de la distinction qu'elle
avait chez Robert, parce que le dédain héréditaire n'y était que le
vêtement, devenu grâce inconsciente, d'une réelle humilité morale--eût
décelé de morgue vulgaire, j'avais pu en prendre conscience, non en M.
de Charlus chez lequel les défauts de caractère que jusqu'ici je
comprenais mal s'étaient superposés aux habitudes aristocratiques, mais
chez le duc de Guermantes. Lui aussi pourtant, dans l'ensemble commun
qui avait tant déplu à ma grand'mère quand autrefois elle l'avait
rencontré chez Mme de Villeparisis, offrait des parties de grandeur
ancienne, et qui me furent sensibles quand j'allai dîner chez lui, le
lendemain de la soirée que j'avais passée avec Saint-Loup.
Elles ne m'étaient apparues ni chez lui ni chez la duchesse, quand je
les avais vus d'abord chez leur tante, pas plus que je n'avais vu le
premier jour les différences qui séparaient la Berma de ses camarades,
encore que chez celle-ci les particularités fussent infiniment plus
saisissantes que chez des gens du monde, puisqu'elles deviennent plus
marquées au fur et à mesure que les objets sont plus réels, plus
concevables à l'intelligence. Mais enfin si légères que soient les
nuances sociales (et au point que lorsqu'un peintre véridique comme
Sainte-Beuve veut marquer successivement les nuances qu'il y eut entre
le salon de Mme Geoffrin, de Mme Récamier et de Mme de Boigne, ils
apparaissent tous si semblables que la principale vérité qui, à l'insu
de l'auteur, ressort de ses études, c'est le néant de la vie de salon),
pourtant, en vertu de la même raison que pour la Berma, quand les
Guermantes me furent devenus indifférents et que la gouttelette de leur
originalité ne fut plus vaporisée par mon imagination, je pus la
recueillir, tout impondérable qu'elle fût.
La duchesse ne m'ayant pas parlé de son mari, à la soirée de sa tante,
je me demandais si, avec les bruits de divorce qui couraient, il
assisterait au dîner. Mais je fus bien vite fixé car parmi les valets de
pied qui se tenaient debout dans l'antichambre et qui (puisqu'ils
avaient dû jusqu'ici me considérer à peu près comme les enfants de
l'ébéniste, c'est-à-dire peut-être avec plus de sympathie que leur
maître mais comme incapable d'être reçu chez lui) devaient chercher la
cause de cette révolution, je vis se glisser M. de Guermantes qui
guettait mon arrivée pour me recevoir sur le seuil et m'ôter lui-même
mon pardessus.
--Mme de Guermantes va être tout ce qu'il y a de plus heureuse, me
dit-il d'un ton habilement persuasif. Permettez-moi de vous débarrasser
de vos frusques (il trouvait à la fois bon enfant et comique de parler
le langage du peuple). Ma femme craignait un peu une défection de votre
part, bien que vous eussiez donné votre jour. Depuis ce matin nous nous
disions l'un à l'autre: «Vous verrez qu'il ne viendra pas.» Je dois dire
que Mme de Guermantes a vu plus juste que moi. Vous n'êtes pas un homme
commode à avoir et j'étais persuadé que vous nous feriez faux bond.
Et le duc était si mauvais mari, si brutal même, disait-on, qu'on lui
savait gré, comme on sait gré de leur douceur aux méchants, de ces mots
«Mme de Guermantes» avec lesquels il avait l'air d'étendre sur la
duchesse une aile protectrice pour qu'elle ne fasse qu'un avec lui.
Cependant me saisissant familièrement par la main, il se mit en devoir
de me guider et de m'introduire dans les salons. Telle expression
courante peu claire dans la bouche d'un paysan si elle montre la
survivance d'une tradition locale, la trace d'un événement historique,
peut-être ignorés de celui qui y fait allusion; de même cette politesse
de M. de Guermantes, et qu'il allait me témoigner pendant toute la
soirée, me charma comme un reste d'habitudes plusieurs fois séculaires,
d'habitudes en particulier du XVIIIe siècle. Les gens des temps passés
nous semblent infiniment loin de nous. Nous n'osons pas leur supposer
d'intentions profondes au delà de ce qu'ils expriment formellement; nous
sommes étonnés quand nous rencontrons un sentiment à peu près pareil à
ceux que nous éprouvons chez un héros d'Homère ou une habile feinte
tactique chez Hannibal pendant la bataille de Cannes, où il laissa
enfoncer son flanc pour envelopper son adversaire par surprise; on
dirait que nous nous imaginons ce poète épique et ce général aussi
éloignés de nous qu'un animal vu dans un jardin zoologique. Même chez
tels personnages de la cour de Louis XIV, quand nous trouvons des
marques de courtoisie dans des lettres écrites par eux à quelque homme
de rang inférieur et qui ne peut leur être utile à rien, elles nous
laissent surpris parce qu'elles nous révèlent tout à coup chez ces
grands seigneurs tout un monde de croyances qu'ils n'expriment jamais
directement mais qui les gouvernent, et en particulier la croyance qu'il
faut par politesse feindre certains sentiments et exercer avec le plus
grand scrupule certaines fonctions d'amabilité.
Cet éloignement imaginaire du passé est peut-être une des raisons qui
permettent de comprendre que même de grands écrivains aient trouvé une
beauté géniale aux oeuvres de médiocres mystificateurs comme Ossian. Nous
sommes si étonnés que des bardes lointains puissent avoir des idées
modernes, que nous nous émerveillons si, dans ce que nous croyons un
vieux chant gaélique, nous en rencontrons une que nous n'eussions
trouvée qu'ingénieuse chez un contemporain. Un traducteur de talent n'a
qu'à ajouter à un Ancien qu'il restitue plus ou moins fidèlement, des
morceaux qui, signés d'un nom contemporain et publiés à part,
paraîtraient seulement agréables: aussitôt il donne une émouvante
grandeur à son poète, lequel joue ainsi sur le clavier de plusieurs
siècles. Ce traducteur n'était capable que d'un livre médiocre, si ce
livre eût été publié comme un original de lui. Donné pour une
traduction, il semble celle d'un chef-d'oeuvre. Le passé non seulement
n'est pas fugace, il reste sur place. Ce n'est pas seulement des mois
après le commencement d'une guerre que des lois votées sans hâte peuvent
agir efficacement sur elle, ce n'est pas seulement quinze ans après un
crime resté obscur qu'un magistrat peut encore trouver les éléments qui
serviront à l'éclaircir; après des siècles et des siècles, le savant qui
étudie dans une région lointaine la toponymie, les coutumes des
habitants, pourra saisir encore en elles telle légende bien antérieure
au christianisme, déjà incomprise, sinon même oubliée au temps
d'Hérodote et qui dans l'appellation donnée à une roche, dans un rite
religieux, demeure au milieu du présent comme une émanation plus dense,
immémoriale et stable. Il y en avait une aussi, bien moins antique,
émanation de la vie de cour, sinon dans les manières souvent vulgaires
de M. de Guermantes, du moins dans l'esprit qui les dirigeait. Je devais
la goûter encore, comme une odeur ancienne, quand je la retrouvai un peu
plus tard au salon. Car je n'y étais pas allé tout de suite.
En quittant le vestibule, j'avais dit à M. de Guermantes que j'avais un
grand désir de voir ses Elstir. «Je suis à vos ordres, M. Elstir est-il
donc de vos amis? Je suis fort marri car je le connais un peu, c'est un
homme aimable, ce que nos pères appelaient l'honnête homme, j'aurais pu
lui demander de me faire la grâce de venir, et le prier à dîner. Il
aurait certainement été très flatté de passer la soirée en votre
compagnie.» Fort peu ancien régime quand il s'efforçait ainsi de l'être,
le duc le redevenait ensuite sans le vouloir. M'ayant demandé si je
désirais qu'il me montrât ces tableaux, il me conduisit, s'effaçant
gracieusement devant chaque porte, s'excusant quand, pour me montrer le
chemin, il était obligé de passer devant, petite scène qui (depuis le
temps où Saint-Simon raconte qu'un ancêtre des Guermantes lui fit les
honneurs de son hôtel avec les mêmes scrupules dans l'accomplissement
des devoirs frivoles du gentilhomme) avait dû, avant de glisser jusqu'à
nous, être jouée par bien d'autres Guermantes pour bien d'autres
visiteurs. Et comme j'avais dit au duc que je serais bien aise d'être
seul un moment devant les tableaux, il s'était retiré discrètement en me
disant que je n'aurais qu'à venir le retrouver au salon.
Seulement une fois en tête à tête avec les Elstir, j'oubliai tout à fait
l'heure du dîner; de nouveau comme à Balbec j'avais devant moi les
fragments de ce monde aux couleurs inconnues qui n'était que la
projection, la manière de voir particulière à ce grand peintre et que ne
traduisaient nullement ses paroles. Les parties du mur couvertes de
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