Victor Hugo à vingt ans: Glanes romantiques - 10

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[Note 151: Adolphe de Saint-Valry.]
Nous désespérons presque, cher papa, d'avoir le bonheur de t'y voir
cette année, puisque la saison s'avance sans t'amener. Cependant M.
Lambert t'avait presque promis à tous tes amis de Paris.
Il est malheureusement impossible de rien faire pour le professeur
dont tu m'envoies une lettre. J'ai beaucoup moins de crédit qu'on
ne m'en suppose et j'ai dû dernièrement employer le peu d'influence
que je puis avoir sur M. l'évêque d'Hermopolis[152] pour obtenir une
bourse à l'un de nos cousins Trébuchet. Le succès n'est même pas
encore décidé. Tu sens que toutes mes forces doivent être dirigées
vers ce but, si important pour notre malheureux oncle Trébuchet, et
que je ne pourrais occuper le ministre d'une autre affaire sans nuire
à la sienne. Qui trop embrasse mal étreint.
[Note 152: Denis, comte de Frayssinous, évêque _in partibus_
d'Hermopolis, né à Curières (Aveyron) en 1765, mort en 1841. Après
ses retentissantes conférences à la chapelle des Carmes et en
l'église Saint-Sulpice, fut le 1er juin 1822 nommé grand maître
de l'Université, puis, le 26 août 1824, ministre des affaires
ecclésiastiques, portefeuille, créé pour lui, qu'il conserva, sous le
ministère Martignac, jusqu'au 3 mars 1828.]
Nous avons trouvé ici à mon retour les 200 cartes commandées pour
toi: elles me paraissent fort belles. C'est un petit cadeau qu'Adèle
veut faire à ta femme, indique-moi un moyen de le lui faire parvenir.
Adieu, cher papa, toute la famille Foucher, Abel, Adolphe, tous nos
cousins embrassent ta femme et toi de tout cœur, et ne font en cela
que se joindre à nous.
Ton fils tendre et respectueux,
Victor.
C'est, enfin, un an plus tard presque, la naissance d'un second
fils,--ce sera Charles Hugo[153],--«qui vient remplacer le petit ange»
dont les _Odes et Ballades_ conservent le souvenir. Le jour même,
Victor en fait part à son père:
[Note 153: Charles-Victor Hugo, né à Paris le 3 novembre 1829,
mort à Bordeaux d'une congestion le 13 mars 1871, trois jours après la
séance de l'Assemblée nationale qui avait amené la démission de Victor
Hugo. Outre sa collaboration à l'_Événement_ et au _Rappel_, on doit
au père de Georges et de Jeanne: _Le Cochon de saint Antoine_ (1857),
_La Bohème dorée_ (1859), _La Chaise de paille_ (1859), _Une Famille
tragique_ (1862). Il avait écrit une comédie: _Je vous aime_ (1868) et,
enfin, avait tiré des _Misérables_ un drame souvent représenté.]
Paris, le 3 novembre.
Mon cher papa,
Tu vois que la nouvelle ne se fait pas attendre. Mon Adèle est
accouchée cette nuit à cinq heures moins vingt minutes du matin d'un
garçon fort bien portant. Cette pauvre amie a cruellement souffert.
Je t'écris en ce moment près de son lit; elle se trouve assez bien,
cependant elle croit avoir quelque fièvre et je lui recommande de ne
pas parler.
Nos bons parents recevront sans doute avec bien de la joie ce
nouveau venu qui vient remplacer le petit ange que nous avons si
douloureusement perdu il y a trois ans. Votre bonheur ajoute au nôtre.
Je ne t'en écris pas davantage aujourd'hui, cher papa, embrasse pour
nous ta femme; fais part de la naissance de ton petit-fils à tous nos
amis de Blois, MM. Brousse, de Féraudy, de Béthune, Driollet, etc.,
Mmes Brousse, etc., ma femme prie la tienne de dire à la jeune
dame les choses les plus affectueuses en son nom.
Abel et Mélanie, femme de Pierre Foucher, seront les parrains du
nouveau-né dont nous ignorons encore le nom. Il a déjà fort bien tété.
Ton fils tendre et respectueux,
Victor.
Est-ce que vous n'arriverez pas bientôt à Paris? Nous vous
attendrions pour le baptême. Ce serait double fête.


VIII
Le général Hugo à Paris.--Sa mort et ses obsèques.--Une succession
difficile.--Un tailleur qui entend le petit jeu des intérêts.--La vente
du mobilier, à Blois et à la Miltière.--Les œuvres dédicacées du fils
au père.--La mort de la veuve d'Almeg.

Cette lettre est la dernière en date que possède la Bibliothèque de
Blois.
D'autres existeraient, m'a-t-on assuré, jointes à quelque dossier, dans
les cartons d'une étude blaisoise. Elles seraient curieuses également à
consulter et éclairciraient, sans doute, les mobiles de la résolution
que n'allait point tarder à prendre le général Hugo.
Six ou sept mois plus tard, en effet, vers juin 1827,--l'ennui de la
province ou les liens l'unissant à la veuve d'Almeg étaient-ils devenus
plus lourds à supporter?--il quitta Blois, et, tout en continuant à y
conserver son domicile réel, venait se fixer à Paris, dans le voisinage
de ses enfants.
Dans un quartier n'ayant guère à envier à celui du Foix comme
tranquillité, au 9 de la rue Monsieur, le général loua et meubla, dans
la même maison que son fils Abel, un petit appartement, composé d'une
chambre à coucher, d'un cabinet de travail, d'une salle à manger, d'un
salon, d'un cabinet de toilette et d'une chambre de domestique[154].
[Note 154: La note du tapissier s'élevant à 3.792 fr. 65, n'avait
pas encore été réglée lors de la mort du général et figure sur les
comptes de la liquidation.]
Il s'occupa, ces derniers mois, d'affaires financières, et figurait, au
moment de son décès, parmi les administrateurs de la «Société d'avances
mutuelles sur garanties» et de la «Banque Lambert». Peut-être, était-ce
sous deux noms différents, la même société?
Une attaque d'apoplexie l'enleva soudainement dans la nuit du 29 au
30 janvier 1828. Le _Moniteur Universel_ paru à la date du 30 janvier
annonçait brièvement sa mort.
On remarquera dans ce «communiqué» une formule aujourd'hui courante.
Elle devait, alors, être nouvelle:
M. le lieutenant général, comte Hugo, est mort la nuit dernière
frappé d'une apoplexie foudroyante. Ses obsèques auront lieu demain
jeudi 31 janvier, en l'église des Missions Étrangères, sa paroisse.
Dans l'impossibilité d'inviter, en tems utile, tous les nombreux
amis du général à cette triste cérémonie, la famille les prie de
considérer le présent avis comme une invitation.
On se réunira dans la maison mortuaire, rue de Monsieur, nº 9, à une
heure et demie.
L'enterrement eut lieu, le surlendemain, non sans éclat; toutes les
troupes de la garnison y étaient représentées. Il ne semble pas que la
comtesse Hugo y assistât.
Les obsèques de M. le lieutenant général Hugo ont eu lieu aujourd'hui
à deux heures, après le service funéraire qui a été célébré dans
l'église des Missions. Ses dépouilles mortelles ont été portées au
cimetière du père La Chaise. Ses deux fils, les parens et un grand
nombre d'amis du défunt accompagnaient le convoi, qui était précédé
et suivi de détachemens de tous les corps de la garnison[155].
[Note 155: _Moniteur Universel_, 1er février 1828.]
Les fils du défunt firent élever à leur père un monument, dont
l'_Illustration_ du 30 mai 1885 a donné la reproduction[156].
[Note 156: Vingt-septième division, chemin Monvoisin.]
Entourée d'une grille, ornée de flammes aux quatre coins et de
palmettes entre les barreaux, une pyramide de marbre blanc veiné se
dresse sur un socle de même matière. Une inscription rappelle, gravée
en creux, les états de service du général.
Le tombeau réunissait le «héros au sourire si doux» et sa première
femme. Eugène, le pauvre dément devait les y rejoindre, et, plus tard,
vinrent s'ajouter à ces dépouilles celles de deux fils du poète,
Charles et François-Victor Hugo[157].
[Note 157: François-Victor Hugo, né en 1828, mort le 26 décembre
1873, après une longue et cruelle maladie. Collabora comme son frère à
l'_Événement_ et au _Rappel_, mais son nom reste surtout attaché à la
remarquable et fidèle traduction qu'il a donnée des _Œuvres complètes
de Shakspeare_ (1860-1864).]
La situation pécuniaire du père n'était pas seulement modeste. Elle
était embarrassée et donna lieu à une liquidation qui fut pénible et
dura fort longtemps.
Les arrérages de sa pension militaire, 4.000 fr., ou plus exactement,
3.800 francs nets, déduction faite du prélèvement de 5 % pour les
Invalides[158], formaient le principal revenu du général.
[Note 158: Louis Belton: _Victor Hugo et son père, le général Hugo
à Blois_, p. 16.]
Les créanciers étaient nombreux. Certains se montrèrent pressants ou
excessifs.
Au bout de douze ans ils n'étaient pas, il est vrai, encore réglés,
et, du dossier qu'a bien voulu me communiquer M. Louis Belton,
je détache ce mémoire du tailleur Moreau «fournisseur de Leurs
Altesses Sérénissimes les Princes de Holstein-Augustenbourg, rue
Neuve-des-Petits-Champs, à Paris».

Vendu à M. le Comte Hugo.
+==========+======================================+====+===+
| _1827_ | |FR. |C. |
+----------+---------------------------------+----+---+----|
|Juill. 12 |Un habit en poil de chèvre |100 | » |
| |Un pantalon poil de chèvre rayé | 36 | » |
| |Un gilet poil de chèvre | 23 | » |
| |Un do poil de chèvre de mode | 23 | » |
| |Un do poil de chèvre rayé | 23 | » |
|Déc. 3 |Une redingotte (_sic_) drap bleu |140 | » |
| |Un pantalon casimir noir | 56 | » |
| |Un gilet velours rayé | 30 | » |
| » 11 |Un do velours soie et argent | 36 | » |
| |Un do piqué blanc anglais | 25 | » |
| |Payé à Lemaignen, avoué, pour | | |
| | frais de port de lettres dans | | |
| | cette affaire | 3 | » |
| | |----|---|
| | |495 | » |
| |Intérêts de ces fournitures après | | |
| | un an de crédit, à raison de | | |
| | 6 % par an; un crédit de | | |
| | douze ans |356 | » |
| | |----|---|
| | Total |851 | » |
+==========+======================================+====+===+
Cet homme entendait trop le petit jeu et le taux des intérêts. La
liquidation en abaissa le montant à de plus justes proportions.
Comme ils pouvaient s'y attendre, les fils trouvèrent Marie-Catherine
Thomas y Saëtoni, veuve pour la seconde fois, intéressée et âpre au
gain.
Ils n'acceptèrent la succession que sous bénéfice d'inventaire[159] et
à cette femme qui avait l'habitude du «maquis» opposèrent la compétence
et la grande honnêteté de leur ami le jurisconsulte Duvergier[160].
[Note 159: Acte au greffe du Tribunal civil de Blois, du 29 août
1829.]
[Note 160: Jean-Baptiste-Marie Duvergier, né à Bordeaux en 1792,
mort en 1877, président de section au Conseil d'État, garde des Sceaux
du 17 juillet 1866 au ministère Ollivier (2 janvier 1870). Duvergier
a publié entre autres ouvrages comme jurisconsulte: _Collection des
lois, décrets, ordonnances, règlements, et avis du Conseil d'État de
1788 à 1824_ (1824-1828) et, reprenant et continuant le manuscrit de
Toullier: _Le Droit civil français suivant l'ordre du Code_, dont les
sept premiers volumes ont seuls paru.]
Le mobilier de Blois fut vendu aux enchères et produisit 3.255 fr.
65[161]. Celui de la Miltière, des meubles de rebut, il est à croire,
atteignit péniblement 681 fr. 04.
[Note 161: D'après l'inventaire dressé les 3, 4, 5 et 6 juin 1828,
par les soins de Me Pardessus, notaire à Blois, à la suite du décès de
M. le comte Hugo, la maison de la rue de Foix comprenait intérieurement:
«Au rez-de-chaussée, une cuisine, garnie des ustensiles nécessaires,
notamment d'un rôtissoir à l'ancienne mode, avec ses cordes et poids.
«Un cabinet servant de chambre de domestique.
«Un salon orné de diverses gravures encadrées de bois doré,
représentant des faits militaires, des vues des bords de la Néva, les
portraits des généraux Kléber et Desaix, des portraits de famille, etc.
«Et le cabinet du général, garni de ses livres et papiers. «Au premier
étage était un autre salon, la chambre à coucher du général éclairée au
midi, et ornée, comme le salon du rez-de-chaussée, de deux vues de la
Néva; une autre chambre et un cabinet de bains.
«Au second étage, une chambre à coucher et deux cabinets.
«L'écurie à la mort du général ne contenait que des débarras; un
cénacle à côté renfermait un tombereau démonté et un équipage de limon.
Sous la remise étaient une carriole et une charrette. Une calèche, que
le général avait achetée 1900 francs, avait été cédée par lui à son
fils Abel.
«Dans la cave il y avait 114 bouteilles de vin rouge.
«Le cabinet de travail du général Hugo, placé au rez-de-chaussée de sa
maison, renfermait ses livres et ses papiers. Les murs étaient ornés
d'un télescope, d'une lunette en cuivre et de six tableaux.»
Louis Belton: _Victor Hugo et son père le général Hugo à Blois_, pp.
8-9.
L'inventaire des 600 volumes composant la bibliothèque du général
Hugo, ne relève les titres d'aucune des œuvres du fils. Cinq d'entre
elles avaient, cependant, déjà été publiées avant le départ du général
pour Paris (_Cromwell_ ne parut que le 7 décembre 1827): _Odes et
Poésies diverses_, 1822; _Han d'Islande_, 1823; _Nouvelles Odes_, 1824;
_Bug-Jargal_, 1826; _Odes_, 1827.
N'était-ce pas, me suis-je demandé, l'édition originale des _Odes et
Poésies diverses_ ce petit livre mal imprimé, en caractères dits à tête
de clous, sur un papier à chandelles, qu'un admirateur du poète avait
déniché sur les quais et lui adressait à Hauteville-House, au lendemain
de l'apparition des _Misérables_?
Cette description ressemble fort au tirage de Pélicier.
Le beau-frère de Victor Hugo donne au «vieux bouquin» la date de 1818,
ce serait 1822 qu'il faudrait lire. Et combien deviendrait alors claire
et lumineuse la dédicace qu'il portait:
«A mon très cher Père, le général Hugo, mes premiers vers imprimés.
«Son fils très respectueux,
«Victor Hugo.»
(_Victor Hugo à Guernesey_, p. 86.)
Sans vouloir mettre en doute la fidélité des souvenirs de M. Paul
Chenay, je sais cependant qu'il se faut méfier des autographes!...
Puis, l'auteur des _Odes_, s'il écrivait bien mon père, se contentait
de signer «Victor» ou V. H...
D'ailleurs, si ces dons du fils au père ne figuraient pas à
l'inventaire de 1828, dont ils avaient été distraits sans doute, par la
veuve Hugo, ils ne sont pas cependant perdus.
La parfaite obligeance d'un de mes amis, M. Pierre Tardieu, à qui
je suis heureux de pouvoir exprimer ici ma sincère gratitude, m'a
permis de retrouver et d'identifier ces volumes, dans la bibliothèque
familiale où ils sont, depuis plus de quarante ans, soigneusement
conservés.
Ce sont:
_Han d'Islande_, seconde édition; Paris, Lecointe et Durey, libraires,
quai des Augustins, nº 49; 1823, 4 in-12, de 244, 285, 268 et 248 pp.
Dédicace:
«A mon Père
Hommage de tendre et respectueux attachement.
Victor.»
_Bug-Jargal_, par l'auteur d'_Han d'Islande_. Paris, Urbain Canel,
libraire, rue Saint-Germain-des-Prés, nº 9, 1826, in-12 de 386 pp.
Frontispice de Devéria, représentant la lutte au-dessus du précipice.
Dédicace non signée--mais l'écriture ne laissant aucun doute--et
massacrée par le relieur qui a odieusement rogné ce volume.
On distingue:
«Hommage et respectueux
A mon noble père»
_Odes_, par Victor Hugo, 3e édition (en deux volumes). A Paris, chez
Ladvocat, libraire de S. A. S. M. le duc de Chartres, MDCCCXXVII.
1er vol., in-12 de 236 pp. Frontispice de Devéria: «La
Chauve-Souris».
Dédicace:
«A mon Bon et Noble Père
Hommage respectueux
V. H.»
2e vol., in-12, de 232 pp. Frontispice de Devéria: «Le Sylphe».
A ces volumes doit être ajouté le recueil d'Abel Hugo, contemporain de
la première édition des _Odes et Poésies diverses_ et publié également
sous la firme de Pélicier:
_Littérature espagnole.--Romances historiques._--A Paris, chez
Pélicier, libraire, place du Palais-Royal, nº 243, 1822, in-12, de 302
pp.
Dédicace:
«A mon Père
Hommage d'amour et d'attachement
A. Hugo.»
Quel trésor à signaler aux Hugophiles!]
Le domaine lui-même, après avoir été longtemps en vente fut payé
20.020 francs et la veuve d'Almeg se fit adjuger pour 1.720 francs la
petite maison portant le nº 71 de la rue du Foix que le général avait
annexée à la maison qu'elle possédait elle-même en propre depuis le 10
février 1816.
Les 50.000 réaux réclamés,--la prétention était plutôt inattendue,--par
la veuve et les enfants du général Marie de Fréhaut, pour le reliquat
de l'achat du couvent des Trinitaires déchaussés de Madrid, ne semble
pas avoir retardé beaucoup la liquidation de la succession. Elle ne se
termina guère, cependant, avant 1845, et dès 1829, Victor Hugo écrivait
à Adolphe de Saint-Valry les ennuis qu'elle lui causait et le peu qu'il
avait à retirer des débris d'une grande fortune:
Mes affaires privées toujours fort embrouillées, l'héritage de mon
père non liquidé, nos biens en Espagne accrochés par Ferdinand VII,
nos indemnités de Saint-Domingue retenues par Boyer, nos sables de
Sologne (la Miltière) à vendre depuis 23 mois, les maisons de Blois
que notre belle-mère nous dispute... par conséquent rien, ou peu de
chose, à retirer dans les débris d'une grande fortune, sinon des
procès et des chagrins...[162].
[Note 162: Victor Hugo: _Correspondance_, 1815-1835. Lettre à
Adolphe de Saint-Valry du 18 décembre 1829, p. 87.]
La comtesse Hugo avait su, il est vrai, retirer son épingle du jeu:
L'_Étrangère_ était devenue l'_Adversaire_.
Trente ans, elle survécut au général, habitant la petite maison, dont,
au loin, aimait à se souvenir l'exilé.
L'on chuchotait sur elle et on la voyait peu. On prête au cœur, même
vieilli, des faiblesses; puis, une femme seule a besoin, pour le
règlement de ses affaires de quelques conseils...
Et vinrent les cheveux blancs et l'oubli...
Cependant que Victor Hugo atteignait le zénith de sa gloire, le
21 avril 1858, Mme Hugo, la seconde, s'éteignait à l'âge de
soixante-treize ans.
Deux voisins, les sieurs Besson, cordonnier, et Fouquet, jardinier,
furent, au bureau de l'état civil de Blois, les témoins de son
décès[163].
[Note 163: Les registres de l'état civil de Blois fournissent,
ainsi que celui du petit Léopold, l'acte de décès de Marie-Catherine
Thomas y Saëtoni, Vve Hugo. En voici la teneur:
«L'an mil huit cent cinquante-huit, le vingt-unième jour du mois
d'avril à trois heures du soir par devant Jean-Claude-Eugène Riffault,
maire de Blois, chevalier de Légion d'honneur, Officier de l'État civil
de la commune de Blois, canton de Blois, département de Loir-et-Cher,
sont comparus Clovis Besson âgé de trente-neuf ans, profession de
cordonnier, domicilié à Blois et Eugène-Frédéric Fouquet, âgé de
quarante-huit ans, profession de jardinier domicilié à Blois.
«Lesquels nous ont déclaré que le vingt et un du mois d'avril, à
dix heures du matin, Marie-Catherine Thomas y Saëtoni, âgée de
soixante-treize ans, profession de rentière, demeurant à Blois,
département de Loir-et-Cher, née à Cervione (Corse), veuve en deuxièmes
noces de Joseph Léopold Sigisbert, comte Hugo, lieutenant général,
officier de la Légion d'honneur, fille de feu... est décédée en notre
commune, en sa maison, rue du Foix.
«Le premier témoin a déclaré être voisin et le second témoin être
voisin de la décédée. Nous nous sommes assurés de l'exactitude de la
déclaration de ces témoins, qui ont signé avec nous le présent acte,
après que lecture leur en a été faite.
«Eug. Riffault.
Fouquet. C. Besson.»
]
Elle mourait dans l'isolement, ignorée de tous, à commencer par la
famille à laquelle la faiblesse du général et les circonstances
l'avaient imposée.
Nul ne se souviendrait de cette veuve d'Almeg, si les actes de l'état
civil ne venaient parfois suppléer à l'insuffisance de notre mémoire.
Le temps, en confondant, au Père-Lachaise, les dépouilles du général
Hugo et de Sophie Trébuchet, sa première femme, la mère intelligente
et exquise, qui, non contente de donner au monde Victor Hugo, avait
façonné son cœur et son esprit, avait depuis longtemps remis les choses
au point.
Son souvenir seul reste associé à celui du père et du fils.
Elle avait été la bonté et la grâce.
Première confidente des essais de ses enfants, elle les avait
encouragés et l'on ne saurait oublier qu'auprès du lit de la malade,
Victor, non encore hors de page, avait composé quelques-unes de ses
meilleures odes.
Sa figure fut pour le poète toujours présente. C'était plus que de
l'amour filial. Il lui avait voué un culte, auquel il ne cessa d'être
fidèle.
Deux femmes,--elles se valurent par le cœur et par
l'intelligence,--éclairent, à l'aube de sa vie, la personnalité du
prodigieux écrivain, dont la renommée, comme «la claire tour» de
Solness, domine la médiocrité, les obscurs labeurs et les luttes
fratricides des hommes, Sophie Trébuchet et Adèle Foucher.
Elles furent les inspiratrices, les bons anges, placés auprès du poète
aux heures des débuts, alors que les mauvais sont, si souvent, les
ordinaires compagnons de l'artiste et endorment de leur poison sa
volonté et sa force.
Toutes deux eurent une part égale dans le libre et harmonieux
développement de son génie, et il est doux, après avoir évoqué un peu
de l'âme de Victor Hugo à vingt ans, de conjoindre leurs noms, et,
en cet été de la Saint-Martin, de couronner des dernières fleurs de
l'automne les tombes sacrées où elles goûtent l'immuable repos.
Blois, 30 octobre 1908.


INDEX ANALYTIQUE ET ALPHABÉTIQUE

A
A.-A.-A.: _Traité du Mélodrame_ (1817), par Abel Hugo, André Malitourne
et Ader: 90 en note.
A.-A. M***. Le général Hugo signe de ce pseudonyme son _Journal du
siège de Thionville_, 13 en note.
Abayma (Un espagnol nommé): Comment il parle du général Hugo, 38.
_Académie des Jeux Floraux._ Succès de Victor Hugo, 20.
Il est nommé maître ès-jeux floraux, 20.
Pension que de ce chef il toucherait bientôt, 57.
Renseignements à ce sujet, 54-55 en note.
Il ne fut jamais mainteneur, 55 en note.
Eugène Hugo y obtient un souci réservé et une mention, 21.
_Académie des Sciences_ (Victor y remet de la part de son père un
exemplaire du _Journal de Thionville_, 41).
_Académie française_ (L') accorde deux mentions au jeune Victor Hugo,
19.
Acte de mariage du général Hugo et de Marie-Catherine Thomas y Saëtoni,
veuve d'Almeg, 23-26.
Acte de mariage de Victor Hugo et d'Adèle Foucher, 60-61.
Acte de décès de Léopold Hugo, 122.
. . . . . de la veuve Hugo, 200-201 en note.
Ader: _Traité du Mélodrame_ (en collaboration avec Abel Hugo et André
Malitourne), 90 en note.
_Adieux poétiques_, par le comte Gaspard de Pons, 70-71.
_A Elle_, par Gaspard de Pons, 69 en note.
Agier (M.), Comment il fait dans le _Conservateur_ l'éloge des frères
Hugo, 18 en note.
_Alfred de Vigny et son temps_, par Léon Séché, 31 en note, 161-162 en
note.
_Allart de Méritens (Hortense)_, par Léon Séché, 138.
Alluye (L'hôtel d'), à Blois, 153.
Alméras (Le lieutenant général), 59.
Amboise (L'hôtel d'), à Blois, 155.
_Amour_, par Gaspard de Pons, 69 en note.
_Amy Robsart_, Victor Hugo en tire un drame avec Paul Foucher: 170 en
note.
Anaclet d'Almeg, premier mari de Marie-Catherine Thomas y Saëtoni;
décédé à La Havane, 24. Sa veuve devient comtesse Hugo, 23.
Ancelot (Jacques-Arsène-François-Polycarpe), ne fut pas témoin du
mariage de Victor Hugo, 61.
Son _Louis Neuf_, 61 en note.
Sa collaboration à la _Muse française_, aux _Annales de la
Littérature et des Arts_. Son œuvre dramatique, 61 en note.
Ancelot vaudevilliste, 62 en note.
Ancelot (Mme), 164 en note.
Andujar (L'ordonnance d'), 140.
Angoulême (Le duc d'). Sa rentrée à Paris après la campagne d'Espagne.
Fêtes données en son honneur, 129, 130.
Aurait lu les _Mémoires du général Hugo_ «avec le plus haut intérêt»
et aurait regretté qu'il n'eût «pas été employé dans la dernière
guerre d'Espagne», 135.
Aurait réservé les inspections générales à des officiers ayant fait
avec lui cette campagne, 136-141.
_Annales (les) de la Littérature et des Arts._
Quelques-uns de leurs collaborateurs:
M. Ancelot, 61 en note.
E. Deschamps, 163 en note.
A. Guiraud, 164 en note.
Abel Hugo, 91 en note.
Adolphe de Saint-Valry, 166 en note.
Le baron d'Eckstein, 165 en note.
_Annales de la Société académique de Nantes_, 69 en note.
_Annales Romantiques_ (Les), 138, 167 en note.
Anne de Bretagne, 153.
Son oratoire, s'y réfugie pendant l'excommunication de Louis XII, 153.
Armes concédées par Joseph, roi d'Espagne, au général Hugo, comte de
Siguenza, 74 en note.
Victor les fait graver sur un cachet commandé pour son père, dont il
scelle souvent ses lettres, 74.
Pair de France, il leur substitue les armes des Hugo, de Lorraine. Ce
sont celles des Hugo de Spitzemberg, 74 en note.
_Armorial général_ de Riestap, 74 en note.
_Armorial du Premier Empire_, par le vicomte A. Révérend, 21 en note.
_Armorial historique de la Noblesse de France_, par Henri J. G. de
Milleville, 75 en note.
_Artiste_ (Le journal l'), 164 en note.
Arvers (Félix), son secret, 69.
Asséline (M.), M. Foucher son beau-frère lui avait cédé son greffe du
Conseil de guerre, 30.
Assiste au mariage de sa nièce, Adèle Foucher avec Victor Hugo, 61.
Asseline (Anne-Victoire), Mme Pierre Foucher.
Aubertin (Général): _Mémoires inédits sur la guerre de Vendée_, 11 en
note.
Augustine (Ce «petit monstre» d'), 184.
Aumale (Le duc) publie l'_Instruction dirigée contre Isabelle de
Limeuil_, 152 en note.
_Avantages de l'Enseignement mutuel_, sujet de concours traité par
Victor Hugo, 20 en note.
_Aventure tyrolienne_ (L'), par le général Hugo, 13 en note.

B
Baudelaire (Une citation de Charles), 68.
Les premiers enthousiasmes, 8.
Beauchêne, tailleur, 172.
Beauregard (Le château de), près Chabris, 24 en note.
_Beaux-Arts_ (Les), Revue, 152 en note.
Belfort (La conspiration de), 33.
Bellune (Victor, duc de), ministre de la Guerre, 59 en note.
Belton (Louis): _Victor Hugo et son père, le général Hugo, à Blois_,
7-14 en note, 22 en note, 169-170 en note, 193, 195-196 en note.
Benoist (J.), témoin à l'état civil de Blois du décès du petit Léopold
Hugo, 119.
Béranger (Le chansonnier), poursuivi, 33.
Berry (duc de), Réaction qui suivit son assassinat, 43 en note.
Ode sur sa mort, 81.
Berry (Duchesse de), Sa recommandation spéciale afin de faire obtenir
à Victor Hugo une pension sur la cassette royale, 55 en note.
Visite Chambord, le 18 juin 1828, et grave son nom sur le mur de
l'escalier de la lanterne, 168 en note.
Besson (Le sieur), cordonnier, témoin dans l'acte de décès de la veuve
Hugo, 200.
Béthune-Sully (Le marquis de), maire de Chabris, procède au mariage du
général Hugo et de Marie-Catherine Thomas y Saëtoni, 22-26. Figure à
Blois parmi les amis du général, 189.
_Bibliographie historique et critique de la presse française_, par
Eugène Hatin, 106 en note.
Bibliothèque de Blois (Les lettres de Victor Hugo à son père conservées
à la), 7.
_Biographie universelle et portative des Contemporains_, 144 en note.
Biré (Edmond): _Victor Hugo avant 1830_, 20, 23 en note, 26, 55 en
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