Trois contes, suivis de mélanges - 20
viendront les primevères, qui sont jaunes, vertes, roses, iris. Elles
garnissent l'herbe des cours. O primevères, mes petites, ne perdez pas
vos graines, que je vous revoie à l'autre printemps.
J'ai laissé le grand mur tapissé de roses et le pavillon au bord de
l'eau. Une touffe de chèvrefeuille pousse en dehors sur le balcon de
fer. A une heure du matin, en juillet, par le clair de lune, il y fait
bon venir voir pêcher les caluyots.
IV
Vous raconter ce qu'on éprouve, à l'instant du départ, et comme votre
cœur se brise à la rupture subite de ses plus tendres habitudes, ce
serait trop long, je saute tout cela.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Entre nous deux, dans le coupé, se tenait, sans mot dire, une dame
d'une cinquantaine d'années, la figure emmitouflée de voiles, le corps
enveloppé dans une pelisse de soie. Une jeune femme et un monsieur
l'avaient conduite jusqu'au bureau. Quand on a tourné la borne de la
rue Saint-Honoré, elle a pleuré. Elle allait en Bourgogne, elle devait
s'arrêter le soir ou dans la nuit. Son voyage finissait dans quelques
heures et elle pleurait. Mais je ne pleurais pas, moi, qui allais plus
loin et qui sans doute quittais plus. Pourquoi m'a-t-elle indigné?
pourquoi m'a-t-elle fait pitié? pourquoi avais-je envie de lui dire des
injures, à cette bonne femme? Serait-ce que notre joie est la seule
joie légitime, notre amour, le seul amour vrai, notre douleur, la seule
douleur?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
A ma droite était un monsieur maigre, en chapeau blanc; à ma gauche,
deux conducteurs de diligence qui, par-dessus leur veste, avaient passé
leur blouse bleue. Le premier, marqué de petite vérole et portant
pour toute barbe une large «mazagran» noire, était notre conducteur
à nous. Son compagnon, gros gaillard à figure réjouie, venait depuis
quelques jours de donner sa démission et s'en allait à Lyon faire un
voyage d'agrément et se livrer à l'exercice de la chasse. Quel mélange
d'idées plaisantes ne s'offre-t-il pas à l'esprit dans la personne du
conducteur? N'y retrouvez-vous pas, comme moi, le souvenir chéri de la
joie bruyante des vacances, le vagabondage de la dix-septième année,
la rêverie au grand air, avec cinq chevaux qui galopent devant vous
sur une belle route et des paysages à l'horizon, la senteur des foins,
du vent sur votre front, et les conversations faciles, les rêves tout
haut, les interminables pipes que l'on rebourre et que l'on rallume,
tout ce que comporte en soi la fraternité du petit verre, sans oublier
non plus ces mystérieuses bourriches inattendues qui entrent chez vous,
vers le jour de l'an, dans votre salle à manger chauffée, le matin,
vers dix heures, pendant que vous êtes à déjeuner? L'avez-vous jamais
talonné de questions sur la longueur de la route, cet homme patient qui
vous écoutait toujours. Dans le coin de votre mémoire, n'y a-t-il pas
le souvenir encore ému d'une montée quelconque dominant un pays désiré?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
V
J'ai souvenir, pendant la première nuit, d'une côte que nous avons
montée. C'était au milieu des bois. La lune, par places, donnait sur la
route. A gauche, il devait y avoir une grande vallée. La lanterne qui
est sur le siège du postillon éclairait la croupe des deux premiers
chevaux. Ma voisine, endormie la bouche ouverte, ronflait sur mon
épaule. Nous ne disions rien; on roulait.
Le soir, vers dix heures, on s'est arrêté à Nangis-le-Franc pour dîner.
Les hommes ont fumé dans la cuisine, autour de la grande cheminée. Des
voyageurs pour le commerce ont causé entre eux. L'un d'eux prétendait
en reconnaître un autre, ce que cet autre niait: «Pourtant il se
souvenait de l'avoir vu chez Goyer, à Clermont. Il y avait bien de
cela dix-huit bonnes années, et même il faisait un fameux tapage
parce qu'on lui avait donné un lit trop court.--Ah! comme vous étiez
en colère.--Oui, pardieu, vous criiez joliment.--C'est possible,
monsieur, je ne nie pas; il se peut, mais je n'ai point souvenance.»
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
VI
Parmi les passagers du bateau de la Saône, nous avons regardé avec
attention une jeune et svelte créature qui portait sur sa capote de
paille d'Italie un long voile vert.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Quant à moi, tourmenté par ma bosse de la causalité, je me promenais de
long en large sur le pont du bateau, cherchant en mon intellect dans
quelle catégorie sociale faire rentrer ces gens, et, de temps à autre,
pour secourir mon diagnostic, jetant un coup d'œil à la dérobée
sur les adresses des caisses, cartons et étuis entassés pêle-mêle au
pied de la cheminée. Car j'ai cette manie de bâtir de suite des livres
sur les figures que je rencontre. Une invincible curiosité me fait me
demander malgré moi quelle peut être la vie du passant que je croise.
Je voudrais savoir son métier, son pays, son nom, ce qui l'occupe à
cette heure, ce qu'il regrette, ce qu'il espère, amours oubliées, rêves
d'à présent, tout, jusqu'à la bordure de ses gilets de flanelle et la
mine qu'il a quand il se purge. Et si c'est une femme (d'âge moyen
surtout), alors la démangeaison devient cuisante. Comme on voudrait
tout de suite la voir nue, avouez-le, et nue jusqu'au cœur. Comme
on cherche à connaître d'où elle vient, où elle va, pourquoi elle
se trouve ici et pas ailleurs. Tout en promenant vos yeux sur elle,
vous lui faites des aventures. Vous lui supposez des sentiments. On
pense à la chambre qu'elle doit avoir. A mille choses encore, et que
sais-je? aux pantoufles rabattues dans lesquelles elle passe son pied
en descendant du lit.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Une diligence de hasard se trouvait là. Nous engloutissons un méchant
dîner, nous sautons dans la guimbarde et un quart d'heure après nous
roulons sur la route de Marseille.
On sent déjà que l'on a quitté le Nord. Les montagnes au coucher du
soleil ont des teintes bleuâtres. La route va toute droite entre des
bordures d'oliviers. L'air est plus transparent et pénétré d'une
lumière claire.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
VII
La première fois que je suis arrivé à Marseille, c'était par un matin
de novembre. Le soleil brillait sur la mer; elle était plate comme
un miroir, tout azurée, étincelante. Nous étions au haut de la côte
qui domine la ville du côté d'Aix. Je venais de me réveiller. Je suis
descendu de voiture pour respirer plus à l'aise et me dégourdir les
jambes. Je marchais. C'était une volupté virile comme je n'en ai plus
retrouvé depuis. Comme je me suis pris d'amour pour cette mer antique
dont j'avais tant rêvé! J'admirais la voilure des tartanes, les larges
culottes des marins grecs, les bas couleur tabac d'Espagne des femmes
du peuple. L'air chaud qui circulait dans les rues sombres entre les
hautes maisons m'apportait au cœur les mollesses orientales et
les grands pavés de la Canebière qui chauffaient la semelle de mes
escarpins, me faisaient tendre le jarret à l'idée des plages brûlantes
où j'aurais voulu marcher.
Un soir j'ai été tout seul à l'école de natation de Lansac, du côté de
la baie des Oursins, où il y a de grandes madragues pour la pêche du
thon, qui sont tendues au fond de l'eau.
J'ai nagé dans l'onde bleue; au-dessous de moi, je voyais les cailloux
à travers et le fond de la mer tapissé d'herbes minces. Avec un calme
plein de joie, j'étendais mon corps dans la caresse fluide de la naïade
qui passait sur moi. Il n'y avait pas de vagues, mais seulement une
large ondulation qui vous berçait avec un murmure.
Pour rejoindre l'hôtel, je suis revenu dans une espèce de cabriolet
à quatre places, avec le directeur des bains et une jeune personne
blonde, dont les cheveux mouillés étaient relevés en tresses sous son
chapeau. Elle tenait sur ses genoux un petit carlin de la Havane,
auquel elle avait fait prendre un bain avec elle. La bête grelottait.
Elle la frottait dans ses mains pour la réchauffer. Le conducteur de la
voiture était assis sur le brancard et avait un grand chapeau de feutre
gris.
Comme il y a longtemps de cela, mon Dieu!
FIN
TABLE
TROIS CONTES
Pages.
Un cœur simple. 3
La légende de saint Julien l'Hospitalier. 55
Hérodias. 99
MÉLANGES
Avis. 151
Préface aux dernières chansons de L. Bouilhet. 158
Lettre à la municipalité de Rouen. 187
ŒUVRES INÉDITES
Par les champs et par les grèves. 205
La danse des morts. 341
Novembre. 354
Rabelais. 361
Smarh. 371
A bord de la «Cange» 386
* * * * *
Liste des modifications:
Page 9: «Pont-Lévêque» remplacé par «Pont-l'Évêque» (et se rendit à
Pont-l'Évêque.)
Page 104: «triomple» par «triomphe» (la joie d'un triomphe éclairait)
Page 135: «Iacim» par «Iaçim» (Iaçim, bien que Juif)
Page 138: ajout de «d'» (et des festons d'anémone)
Page 139: «Machaërous» par «Machærous» (loin de Machærous)
Page 141: «Ioakamann» par «Iaokanann» (et il n'osait tuer Iaokanann!)
Page 198: «méséant» par «messéant» (rien dire de messéant)
Page 202: ajout de «de» (Cette affaire en soi est fort peu de chose)
Page 208: «s'étentendaient» par «s'étendaient» (les lignes de
peupliers s'étendaient)
Page 296: «néanmons» par «néanmoins» (néanmoins fort essoufflé)
Page 307: «auraient» par «aurait» (Elle ... vous aurait bien donné)
Page 328: «poreaux» par «poireaux» (les poireaux languissant de soif)
Page 372: «Seigueur» par «Seigneur» (avec la paix du Seigneur)
Page 381: «disparaissent» par «disparaissaient» (deux ailes ...
disparaissaient)
Page 393: «criez» par «criiez» (Oui, pardieu, vous criiez joliment)
garnissent l'herbe des cours. O primevères, mes petites, ne perdez pas
vos graines, que je vous revoie à l'autre printemps.
J'ai laissé le grand mur tapissé de roses et le pavillon au bord de
l'eau. Une touffe de chèvrefeuille pousse en dehors sur le balcon de
fer. A une heure du matin, en juillet, par le clair de lune, il y fait
bon venir voir pêcher les caluyots.
IV
Vous raconter ce qu'on éprouve, à l'instant du départ, et comme votre
cœur se brise à la rupture subite de ses plus tendres habitudes, ce
serait trop long, je saute tout cela.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Entre nous deux, dans le coupé, se tenait, sans mot dire, une dame
d'une cinquantaine d'années, la figure emmitouflée de voiles, le corps
enveloppé dans une pelisse de soie. Une jeune femme et un monsieur
l'avaient conduite jusqu'au bureau. Quand on a tourné la borne de la
rue Saint-Honoré, elle a pleuré. Elle allait en Bourgogne, elle devait
s'arrêter le soir ou dans la nuit. Son voyage finissait dans quelques
heures et elle pleurait. Mais je ne pleurais pas, moi, qui allais plus
loin et qui sans doute quittais plus. Pourquoi m'a-t-elle indigné?
pourquoi m'a-t-elle fait pitié? pourquoi avais-je envie de lui dire des
injures, à cette bonne femme? Serait-ce que notre joie est la seule
joie légitime, notre amour, le seul amour vrai, notre douleur, la seule
douleur?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
A ma droite était un monsieur maigre, en chapeau blanc; à ma gauche,
deux conducteurs de diligence qui, par-dessus leur veste, avaient passé
leur blouse bleue. Le premier, marqué de petite vérole et portant
pour toute barbe une large «mazagran» noire, était notre conducteur
à nous. Son compagnon, gros gaillard à figure réjouie, venait depuis
quelques jours de donner sa démission et s'en allait à Lyon faire un
voyage d'agrément et se livrer à l'exercice de la chasse. Quel mélange
d'idées plaisantes ne s'offre-t-il pas à l'esprit dans la personne du
conducteur? N'y retrouvez-vous pas, comme moi, le souvenir chéri de la
joie bruyante des vacances, le vagabondage de la dix-septième année,
la rêverie au grand air, avec cinq chevaux qui galopent devant vous
sur une belle route et des paysages à l'horizon, la senteur des foins,
du vent sur votre front, et les conversations faciles, les rêves tout
haut, les interminables pipes que l'on rebourre et que l'on rallume,
tout ce que comporte en soi la fraternité du petit verre, sans oublier
non plus ces mystérieuses bourriches inattendues qui entrent chez vous,
vers le jour de l'an, dans votre salle à manger chauffée, le matin,
vers dix heures, pendant que vous êtes à déjeuner? L'avez-vous jamais
talonné de questions sur la longueur de la route, cet homme patient qui
vous écoutait toujours. Dans le coin de votre mémoire, n'y a-t-il pas
le souvenir encore ému d'une montée quelconque dominant un pays désiré?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
V
J'ai souvenir, pendant la première nuit, d'une côte que nous avons
montée. C'était au milieu des bois. La lune, par places, donnait sur la
route. A gauche, il devait y avoir une grande vallée. La lanterne qui
est sur le siège du postillon éclairait la croupe des deux premiers
chevaux. Ma voisine, endormie la bouche ouverte, ronflait sur mon
épaule. Nous ne disions rien; on roulait.
Le soir, vers dix heures, on s'est arrêté à Nangis-le-Franc pour dîner.
Les hommes ont fumé dans la cuisine, autour de la grande cheminée. Des
voyageurs pour le commerce ont causé entre eux. L'un d'eux prétendait
en reconnaître un autre, ce que cet autre niait: «Pourtant il se
souvenait de l'avoir vu chez Goyer, à Clermont. Il y avait bien de
cela dix-huit bonnes années, et même il faisait un fameux tapage
parce qu'on lui avait donné un lit trop court.--Ah! comme vous étiez
en colère.--Oui, pardieu, vous criiez joliment.--C'est possible,
monsieur, je ne nie pas; il se peut, mais je n'ai point souvenance.»
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
VI
Parmi les passagers du bateau de la Saône, nous avons regardé avec
attention une jeune et svelte créature qui portait sur sa capote de
paille d'Italie un long voile vert.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Quant à moi, tourmenté par ma bosse de la causalité, je me promenais de
long en large sur le pont du bateau, cherchant en mon intellect dans
quelle catégorie sociale faire rentrer ces gens, et, de temps à autre,
pour secourir mon diagnostic, jetant un coup d'œil à la dérobée
sur les adresses des caisses, cartons et étuis entassés pêle-mêle au
pied de la cheminée. Car j'ai cette manie de bâtir de suite des livres
sur les figures que je rencontre. Une invincible curiosité me fait me
demander malgré moi quelle peut être la vie du passant que je croise.
Je voudrais savoir son métier, son pays, son nom, ce qui l'occupe à
cette heure, ce qu'il regrette, ce qu'il espère, amours oubliées, rêves
d'à présent, tout, jusqu'à la bordure de ses gilets de flanelle et la
mine qu'il a quand il se purge. Et si c'est une femme (d'âge moyen
surtout), alors la démangeaison devient cuisante. Comme on voudrait
tout de suite la voir nue, avouez-le, et nue jusqu'au cœur. Comme
on cherche à connaître d'où elle vient, où elle va, pourquoi elle
se trouve ici et pas ailleurs. Tout en promenant vos yeux sur elle,
vous lui faites des aventures. Vous lui supposez des sentiments. On
pense à la chambre qu'elle doit avoir. A mille choses encore, et que
sais-je? aux pantoufles rabattues dans lesquelles elle passe son pied
en descendant du lit.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Une diligence de hasard se trouvait là. Nous engloutissons un méchant
dîner, nous sautons dans la guimbarde et un quart d'heure après nous
roulons sur la route de Marseille.
On sent déjà que l'on a quitté le Nord. Les montagnes au coucher du
soleil ont des teintes bleuâtres. La route va toute droite entre des
bordures d'oliviers. L'air est plus transparent et pénétré d'une
lumière claire.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
VII
La première fois que je suis arrivé à Marseille, c'était par un matin
de novembre. Le soleil brillait sur la mer; elle était plate comme
un miroir, tout azurée, étincelante. Nous étions au haut de la côte
qui domine la ville du côté d'Aix. Je venais de me réveiller. Je suis
descendu de voiture pour respirer plus à l'aise et me dégourdir les
jambes. Je marchais. C'était une volupté virile comme je n'en ai plus
retrouvé depuis. Comme je me suis pris d'amour pour cette mer antique
dont j'avais tant rêvé! J'admirais la voilure des tartanes, les larges
culottes des marins grecs, les bas couleur tabac d'Espagne des femmes
du peuple. L'air chaud qui circulait dans les rues sombres entre les
hautes maisons m'apportait au cœur les mollesses orientales et
les grands pavés de la Canebière qui chauffaient la semelle de mes
escarpins, me faisaient tendre le jarret à l'idée des plages brûlantes
où j'aurais voulu marcher.
Un soir j'ai été tout seul à l'école de natation de Lansac, du côté de
la baie des Oursins, où il y a de grandes madragues pour la pêche du
thon, qui sont tendues au fond de l'eau.
J'ai nagé dans l'onde bleue; au-dessous de moi, je voyais les cailloux
à travers et le fond de la mer tapissé d'herbes minces. Avec un calme
plein de joie, j'étendais mon corps dans la caresse fluide de la naïade
qui passait sur moi. Il n'y avait pas de vagues, mais seulement une
large ondulation qui vous berçait avec un murmure.
Pour rejoindre l'hôtel, je suis revenu dans une espèce de cabriolet
à quatre places, avec le directeur des bains et une jeune personne
blonde, dont les cheveux mouillés étaient relevés en tresses sous son
chapeau. Elle tenait sur ses genoux un petit carlin de la Havane,
auquel elle avait fait prendre un bain avec elle. La bête grelottait.
Elle la frottait dans ses mains pour la réchauffer. Le conducteur de la
voiture était assis sur le brancard et avait un grand chapeau de feutre
gris.
Comme il y a longtemps de cela, mon Dieu!
FIN
TABLE
TROIS CONTES
Pages.
Un cœur simple. 3
La légende de saint Julien l'Hospitalier. 55
Hérodias. 99
MÉLANGES
Avis. 151
Préface aux dernières chansons de L. Bouilhet. 158
Lettre à la municipalité de Rouen. 187
ŒUVRES INÉDITES
Par les champs et par les grèves. 205
La danse des morts. 341
Novembre. 354
Rabelais. 361
Smarh. 371
A bord de la «Cange» 386
* * * * *
Liste des modifications:
Page 9: «Pont-Lévêque» remplacé par «Pont-l'Évêque» (et se rendit à
Pont-l'Évêque.)
Page 104: «triomple» par «triomphe» (la joie d'un triomphe éclairait)
Page 135: «Iacim» par «Iaçim» (Iaçim, bien que Juif)
Page 138: ajout de «d'» (et des festons d'anémone)
Page 139: «Machaërous» par «Machærous» (loin de Machærous)
Page 141: «Ioakamann» par «Iaokanann» (et il n'osait tuer Iaokanann!)
Page 198: «méséant» par «messéant» (rien dire de messéant)
Page 202: ajout de «de» (Cette affaire en soi est fort peu de chose)
Page 208: «s'étentendaient» par «s'étendaient» (les lignes de
peupliers s'étendaient)
Page 296: «néanmons» par «néanmoins» (néanmoins fort essoufflé)
Page 307: «auraient» par «aurait» (Elle ... vous aurait bien donné)
Page 328: «poreaux» par «poireaux» (les poireaux languissant de soif)
Page 372: «Seigueur» par «Seigneur» (avec la paix du Seigneur)
Page 381: «disparaissent» par «disparaissaient» (deux ailes ...
disparaissaient)
Page 393: «criez» par «criiez» (Oui, pardieu, vous criiez joliment)
- Parts
- Trois contes, suivis de mélanges - 01
- Trois contes, suivis de mélanges - 02
- Trois contes, suivis de mélanges - 03
- Trois contes, suivis de mélanges - 04
- Trois contes, suivis de mélanges - 05
- Trois contes, suivis de mélanges - 06
- Trois contes, suivis de mélanges - 07
- Trois contes, suivis de mélanges - 08
- Trois contes, suivis de mélanges - 09
- Trois contes, suivis de mélanges - 10
- Trois contes, suivis de mélanges - 11
- Trois contes, suivis de mélanges - 12
- Trois contes, suivis de mélanges - 13
- Trois contes, suivis de mélanges - 14
- Trois contes, suivis de mélanges - 15
- Trois contes, suivis de mélanges - 16
- Trois contes, suivis de mélanges - 17
- Trois contes, suivis de mélanges - 18
- Trois contes, suivis de mélanges - 19
- Trois contes, suivis de mélanges - 20