Sésame et les lys: des trésors des rois, des jardins des reines - 14

Total number of words is 4517
Total number of unique words is 1573
34.6 of words are in the 2000 most common words
47.1 of words are in the 5000 most common words
51.3 of words are in the 8000 most common words
Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
vous servent et nourrissent, et à ce que la multitude qui vous obéit
soit la multitude de ceux que vous avez délivrés, et non réduits en
captivité.
90. Et ceci, qui est vrai d'une humble domination, de la domination
domestique, est également vrai de la domination de la reine; cette
très haute dignité vous est accessible, si vous voulez accepter aussi
ces très hauts devoirs. Rex et Regina--Roi et Reine--«Bien-Faisants»,
(Right-doers)[203]; ils diffèrent seulement de Lady et de Lord en ceci
que leur pouvoir est le plus haut aussi bien sur l'esprit que sur le
corps; qu'ils ne font pas que nourrir et vêtir, mais dirigent et
enseignent. Hé bien, que vous en ayez ou non conscience, vous avez
toutes, dans plus d'un cœur, des trônes, avec une couronne qu'on ne
dépose pas; reines vous devez toujours être[204], reines pour vos
fiancés, reines pour vos maris et vos fils; reines d'un plus haut
mystère pour le monde plus distant de vous qui s'incline et s'inclinera
toujours devant la couronne de myrte et le sceptre sans tache de la
Femme. Mais, hélas! trop souvent vous êtes de paresseuses et
insouciantes reines, jalouses de votre majesté dans les plus petites
choses, pendant que vous l'abdiquez dans les grandes; et laissant le
désordre et la violence faire librement leur œuvre parmi les hommes,
au mépris de ce pouvoir que vous avez reçu directement en présent du
Prince de toute Paix et que celles d'entre vous qui sont mauvaises
trahissent, pendant que celles qui sont bonnes l'oublient.
91. «Prince de la Paix[205]». Pensez à ce nom. Quand les rois
gouvernent en ce nom, et les nobles, et les juges de la terre, eux
aussi, dans leur étroit domaine et leur humaine mesure, en reçoivent
le pouvoir. Il n'est pas d'autres monarques que ceux-là; toute autre
monarchie que la leur est _an_archie[206]. Ceux qui gouvernent vraiment
«Dei gratia» sont tous princes, oui, princes et princesses de la Paix.
Il n'y a pas une guerre dans le monde, non, pas une injustice, dont
vous, femmes, ne soyez responsables; responsables non de l'avoir
provoquée, mais de ne pas l'avoir empêchée. Les hommes, par nature,
sont enclins à combattre; ils combattront pour n'importe quelle cause
ou pour aucune. C'est à vous de choisir leur cause pour eux, et de les
retenir quand il n'y a pas de cause à défendre. Il n'y a pas de
souffrance, pas d'injustice, pas de misère sur la terre, dont vous ne
soyez coupables. Les hommes peuvent supporter la vue de ces choses, mais
vous ne devriez pas pouvoir la supporter. Les hommes peuvent fouler tout
cela aux pieds sans rien ressentir, car la lutte est leur lot, et
l'homme est pauvre de sympathie et avare d'espérance; vous seules
pouvez sentir la profondeur de la peine et deviner le chemin de la
guérison.
Au lieu de vous efforcer à cette tâche, vous vous en détournez; vous
vous enfermez derrière les murs de vos parcs et les portes de vos
jardins; et vous vous contentez de savoir qu'au delà il y a tout un
monde inculte; un monde dont vous n'osez pas pénétrer les secrets, et
dont vous n'osez pas concevoir la souffrance.
92. Je vous avoue que c'est là, pour moi, le plus confondant de tous
les phénomènes que nous présente l'humanité. Je ne suis pas surpris
des abîmes, où, quand elle est détournée de ce qui fait son honneur,
peut tomber l'humanité. Je ne m'étonne pas de la mort de l'avare, dont
les mains, en se relâchant, laissent pleuvoir l'or. Je ne m'étonne pas
de la vie du débauché, un linceul enroulé autour de ses pieds. Je ne
m'étonne pas du meurtre commis par un seul bras sur une seule victime,
dans l'obscurité du chemin de fer, ou à l'ombre des roseaux du marais.
Je ne m'étonne même pas du meurtre aux myriades de mains, du meurtre
des multitudes, accompli comme une action d'éclat, en plein jour, par
la frénésie des nations, ni des incalculables et inimaginables
forfaits amoncelés de l'enfer au ciel par leurs prêtres et leurs rois.
Mais ce qui m'étonne toujours--oh! combien cela m'étonne!--c'est de
voir parmi vous la femme tendre et délicate, son enfant sur son sein,
douée d'un pouvoir--si seulement elle voulait l'exercer, sur l'enfant
et sur le père,--plus pur que les souffles du ciel et plus fort que les
vagues de la mer--que dis-je, d'un infini de bénédiction que son
époux ne voudrait pas céder contre la terre elle-même, quand même
elle serait faite d'une seule topaze massive et parfaite[207]--de voir
cette femme abdiquer une telle majesté pour jouer à la préséance
avec la voisine de la porte en face. Oui cela m'étonne--oh!
m'étonne--de la voir le matin, dans toute la fraîcheur de son âme
innocente, descendre dans son jardin, jouer avec la frange de ses fleurs
protégées, et relever leurs têtes penchées, un sourire heureux au
visage et sans nuage au front, parce qu'un petit mur entoure sa place de
paix, et cependant elle sait, dans son cœur, si elle voulait seulement
chercher à savoir, qu'au delà de ce petit mur couvert de roses,
l'herbe inculte, jusqu'à l'horizon, est arrachée jusqu'à la racine
par l'agonie des hommes et qu'elle est battue par les flots montants de
leur sang répandu.
93. Avez-vous jamais songé au sens profond qui est caché, ou du moins
que nous pouvons lire, si nous le voulons faire, dans notre coutume de
jeter des fleurs devant ceux que nous estimons les plus heureux?
Pensez-vous que ce soit seulement pour les abuser de l'espérance que
toujours le bonheur tombera ainsi en pluie à leurs pieds? Que partout
où ils passeront, ils fouleront une herbe au suave parfum, et que le
sol rude s'adoucira pour eux, sous l'épaisseur des roses? Dans la
mesure où ils croiront cela, ils auront à marcher sur des herbes
amères et sur des épines, et la seule douceur sous leurs pas sera
celle de la neige. Mais ce n'est pas ce qu'on se proposait de leur dire;
cette vieille coutume comportait un sens meilleur. Le sentier que suit
une femme bonne est certes jonché de fleurs; mais elles viendront
derrière ses pas, non devant eux: «Ses pieds ont touché les prairies
et les marguerites en sont restées roses[208].»
94. Vous pensez que c'est là seulement une rêverie d'amant;--fausse et
vaine[209]! Et si elle était vraie? Peut-être pensez-vous que ceci
aussi est une rêverie de poète:

Même la légère campanule relève sa tête
Qui rebondit sous ses pas aériens[210].

Mais c'est peu de dire d'une femme qu'elle ne détruit pas là où elle
pose le pied. Il faut qu'elle ranime; les campanules doivent fleurir et
non s'affaisser quand elle passe. Vous pensez que je me jette dans de
folles hyperboles. Pardon; pas le moins du monde et je veux vraiment
dire ce que je dis ici en un anglais tranquille, parlant résolument et
sincèrement. Vous avez entendu dire (et je crois qu'il y a plus qu'une
fiction dans ces paroles, mais admettons qu'elles ne soient qu'une
fiction) que les fleurs ne fleurissent bien que dans le jardin de celui
qui les aime. Je sais que vous aimeriez que ce fût vrai; vous penseriez
que c'est une plaisante magie que de pouvoir épanouir plus richement la
floraison de vos fleurs rien qu'en laissant tomber sur elles un regard
de bonté; mieux encore, si votre regard avait le pouvoir non seulement
de les réjouir, mais de les protéger; si vous pouviez ordonner à la
noire nielle de rebrousser chemin et à la chenille annelée
d'épargner,--si vous pouviez ordonner à la rosée de tomber pendant la
sécheresse, et dire au vent du sud au temps des frimas: « Viens, Vent
du sud, et souffle sur mon jardin, que tous ses parfums d'aromates
s'exhalent[211],» ce serait une grande chose, pensez-vous? Et ne
pensez-vous pas que ce serait une chose plus grande encore, que tout
cela (et beaucoup plus que tout cela) vous puissiez le faire pour des
fleurs plus belles que celles-là--des fleurs qui pourraient vous bénir
de les avoir bénies, et qui vous aimeraient de les avoir aimées; des
fleurs qui ont des pensées comme les vôtres, des vies comme les
vôtres, et qui, sauvées une fois, seraient sauvées pour toujours.
Est-ce là un faible pouvoir? Au loin, parmi les landes et les
rochers,--au loin dans l'obscurité des rues terribles, gisent ces
faibles fleurettes, leurs fraîches feuilles déchirées, leurs tiges
brisées; ne descendrez vous jamais auprès d'elles pour les bien
arranger dans leurs petites corbeilles odorantes, pour les abriter,
toutes tremblantes, du vent cruel? Les matins succéderont-ils aux
matins, pour nous, mais non pour elles? L'aube se lèvera-t-elle
seulement pour regarder au loin les frénétiques Danses de la
mort[212]; et ne se lèvera-t-elle jamais pour rafraîchir de son
souffle ces touffes vivantes de violette sauvage, et de chèvrefeuille,
et de rose; ni pour vous appeler, par la fenêtre (ne vous donnant pas
le nom de la Dame du poète anglais, mais le nom de la grande Mathilde
de Dante[213], qui, sur le bord de l'heureux Léthé, se tenait debout,
tressant les fleurs avec les fleurs en guirlandes), disant:

Viens dans le jardin, Maud,
Car cette noire chauve-souris, la nuit, s'est envolée
Et les parfums du chèvrefeuille flottent au loin
Et le musc des roses s'exhale[214].

Ne descendrez-vous pas parmi elles? parmi ces douces choses vivantes,
dont le jeune courage, jailli de la terre avec, sur lui, la couleur
profonde du ciel, s'élance, dans la vigueur des épis joyeux[215], et
dont la pureté, lavée de la poussière, va s'ouvrant, bouton par
bouton, en la fleur de promesse;--et encore elles se tournent vers vous,
et pour vous «le pied d'alouette chuchote: J'entends, j'entends!--et le
lys soupire: J'attends[216]».
95. Avez-vous remarqué que j'ai passé deux lignes quand je vous ai lu
la première stance et pensez-vous que je les aie oubliées?
Écoutez-les maintenant:

Viens dans le jardin, Maud,
Car cette noire chauve-souris, la nuit, s'est envolée,
Viens dans le jardin, Maud,
Je suis sur la porte, tout seul.

Qui est-ce, pensez-vous, qui se tient ainsi sur la porte de ce si doux
jardin, seul, et vous attendant? Avez-vous jamais entendu parler non
d'une Maud, mais d'une Madeleine, qui, descendant à son jardin, à
l'aurore, trouva quelqu'un qui attendait sur la porte, quelqu'un qu'elle
supposa être le jardinier[217]? Ne l'avez-vous pas cherché souvent,
Lui, cherché en vain, toute la nuit, cherché en vain à la porte de
cet ancien jardin où l'Épée flamboyante est plantée[218]?
Là Il n'est jamais; mais à la porte de _ce jardin-ci_ Il attend
toujours--il attend de vous prendre par la main, prêt à descendre voir
avec vous les fruits de la vallée, voir si la vigne a fleuri, et si la
grenade a bourgeonné.
Là vous verrez avec Lui les petites vrilles de la vigne que sa main
conduit; là vous verrez[219] éclater les grenades où sa main a caché
la graine couleur de sang, et plus encore: vous verrez les troupes des
anges gardiens, en remuant leurs ailes, écarter les oiseaux affamés
des sentiers où Il a semé, et, s'appelant l'un l'autre à travers les
rangées des vignes, dire: «Emparons-nous des renards[220], des petits
renards qui pillent nos vignes, parce que nos vignes ont de tendres
grappes de raisins.»
Oh! reines que vous êtes,--ô reines!--dans les collines et les calmes
forêts vertes de ce pays qui est le vôtre, les renards auront-ils des
tanières et les oiseaux de l'air des nids; et dans vos cités
faudra-t-il que les pierres aient à crier contre vous qu'elles sont les
seuls oreillers où le Fils de l'Homme peut reposer sa tête?

[Note 154: La version habituelle est: «Le désert et le lieu aride se
réjouiront et la solitude sera dans l'allégresse et fleurira comme une
rose. Comparez Modern Painters, vol. IV, ch. VII, § 4: «Il faut que la
cruauté des tempêtes frappe les montagnes, que la ronce et les épines
croissent sur elles; mais elles les frappent de façon à amener leurs
rochers aux formes les plus belles; et elles croissent de façon que _le
désert fleurisse comme la rose._» Et aussi Fors Clavigera, vol. IV (ce
dernier passage cité par M. Bardoux): «L'histoire de la vallée aux
roses n'est pas révolue. Les montagnes et les collines rompront le
silence, éclateront en chansons; et autour d'elle, le désert se
réjouira et fleurira comme la rose.» (Note du traducteur.)]
[Note 155: Milton, Paradis perdu, IIe chant, vers 673 (je transcris
cette référence du Bulletin de l'Union pour l'action morale qui m'est
très aimablement communiqué par M. Lucien Fontaine (Bulletin des 1er
et 15 décembre 1895).]
[Note 156: State en anglais signifie aussi majesté. Ruskin dit: a kings
majesty or «state».]
[Note 157: Comparez Mæterlinck: «Ne parlons pas du père de Cordelia,
dont l'inconscience par trop manifeste ne sera contestée par personne;
mais Hamlet, le penseur, est-il sage? Voit-il les crimes d'Elseneur
d'assez haut? (Il les aperçoit des sommets de l'intelligence, mais non
des sommets de la bonté.) Que serait-il advenu s'il avait contemplé
les forfaits d'Elseneur des hauteurs d'où Marc-Aurèle et Fénelon les
eussent contemplés? Vous imaginez-vous une âme puissante et souveraine
au lieu de celle de Hamlet, et que la tragédie suive son cours jusqu'à
la fin? Hamlet pense beaucoup mais n'est guère sage.» (_La Sagesse et
la Destinée._) (Note du traducteur.)]
[Note 158: Comparez «les acteurs s'élancent, tenant en main déjà
leur catastrophe». (Comtesse Mathieu de Noailles, article sur _la Lueur
sur la cime._) (Note du traducteur.)]
[Note 159: «Sa naïveté et sa crédulité de demi-barbare.»
(Mæterlinck.)]
[Note 160: Marchand de Venise, III, 2.]
[Note 161: Comparez Fors Clavigera, lettre 92: «Walter Scott est sans
comparaison possible la plus grande puissance spirituelle en Europe
depuis Shakespeare.» Comparez la haute estime où Scott est également
tenu par Carlyle, par Gœthe, par Emerson. (Note du traducteur.)]
[Note 162: J'aurais dû, pour rendre cette affirmation pleinement
intelligible, indiquer les différentes faiblesses qui abaissent
l'idéal des autres grands caractères masculins, l'égoïsme et
l'étroitesse d'esprit chez Redgauntlet, la médiocrité d'enthousiasme
religieux chez Edouard Glendinning (i) et d'autres analogues; et
j'aurais dû faire observer qu'il a parfois esquissé à l'arrière-plan
des caractères vraiment parfaits--trois d'entre eux (acceptons
joyeusement cette marque de courtoisie adressée à l'Angleterre et à
ses soldats) sont des officiers anglais: Le colonel Gardiner (ii), le
colonel Talbot et le colonel Mannering (iii). (Note de l'auteur.)
(i) Personnage du _Monastère_. Sur le _Monastère_ voir Fiction, Fair
and Foul (publié dans «On the Old Road»), § 26, 113, 114, 117 et
surtout § III et aussi la belle lettre 92 dans Fors Clavigera. (Note du
traducteur.)
(ii) Ce personnage de Wawerley est cité dans le même ouvrage (Fiction,
Fair and Foul) § 113. (Note du traducteur.)
(iii) Voir le même ouvrage § 109 et 119. (Note du traducteur.)]
[Note 163: Dandie Dinmont, personnage de Guy Mannering. Voir le même
ouvrage, § 9, 10, 23, 114, etc. (Note du traducteur.)]
[Note 164: Sur Rob Roy, voir le même ouvrage, § 22, 24, 29, 30, 31,
97, 114. (Note du traducteur.)]
[Note 165: Sur Rose Bradwardine (personnage de «Wawerley»), voir
«Fiction, Fair and Foul» § 20. (Note du traducteur.)]
[Note 166: Sur Catherine Seyton (personnage de «l'Abbé»), voir le
même ouvrage, § 21. (Note du traducteur.)]
[Note 167: Sur Diane Vernon (personnage de «Rob Roy» ), voir le même
ouvrage, § 22. (Note du traducteur.)]
[Note 168: Sur Redgauntlet, voir le même ouvrage, passim.]
[Note 169: Sur ce prénom d'Alice, voir même ouvrage, §19, note 5
(Alice Bridgenorth est un personnage de Peveril du Pic, Alice Lee de
Woodstock). (Note du traducteur.)]
[Note 170: Sur Jenny Deans, voir le même ouvrage, § 113. (Note du
traducteur.)]
[Note 171: Sur cette ascension de Dante à la suite de Béatrice, voir
Lucie Félix-Faure, les Femmes dans l'œuvre de Dante, pp. 226-280.
(Note du traducteur.)]
[Note 172: «Rien ne vaut la douceur de son autorité.» (Baudelaire.)
(Note du traducteur.)]
[Note 173: Les mots «la résurrection d'Alceste» se trouvent plusieurs
fois dans Ruskin. Cf. The Queen of the air, III, 92, Pleasures of
England, IV. (Note du traducteur.)]
[Note 174: Ouvrage de Chaucer imite des Héroïdes d'Ovide et des
hagiographies chrétiennes. Dix-neuf héroïnes devaient prendre place
dans cet ouvrage qui, resté incomplet, n'en comprend que neuf. (Note du
traducteur.)]
[Note 175: Allusions à la «Fairy queen» de Spencer (1589-1596). Le
chevalier de la Croix-Rouge notamment est d'abord par les enchantements
d'Archimagus séparé d'Una. (Note du traducteur.)]
[Note 176: Moïse, Cf. Exode, II. (Note du traducteur.)]
[Note 177: Cf. _Bible d'Amiens_: «L'Égypte fut pour tous les peuples
la mère de la géométrie, de l'astronomie, de l'architecture et de la
chevalerie... Elle fut l'éducatrice de Moïse et l'hôtesse du Christ»
(III, 27) et le beau morceau sur l'Égypte artistique et guerrière dans
la Couronne d'Olivier sauvage, II, la Guerre. (Note du traducteur.)]
[Note 178: Coventry Patmore. Vous ne pourrez jamais le lire assez
souvent ni assez attentivement; autant que je sache il est le seul
poète vivant qui toujours fortifie et épure; les autres quelquefois
assombrissent et presque toujours déprimant et découragent les
imaginations dont ils se sont facilement emparés. (Note de l'auteur.)]
[Note 179: Allusion à Isaïe, XXXII, 2. (Note du traducteur.)]
[Note 180: Allusion à Jérémie, XXII, 14: «Malheur à qui dit: «Je
me bâtirai une grande maison et des étages bien aérés, et qui s'y
perce des fenêtres, qui la lambrisse de cèdre, et qui la peint de
vermillon.» (Note du traducteur.)]
[Note 181: Rigoletto. (Note du traducteur.)]
[Note 182: Walter Scott (Marmion, 6e chant, stance 30). Référence du
Bulletin de l'Union pour l'action morale, n° du 1er janvier 1896. (Note
du traducteur.)]
[Note 183: Wordsworth. Ces mots «exquise vérité» appliqués à
Wordsworth sont commentés par Ruskin lui-même dans «Fiction, Fair and
Foul», § 80 (On the old Road, 3e volume.) (Note du traducteur.)]
[Note 184: Cf., dans la Bible, la Vallée de Bénédiction (II
Chroniques, XX, 26), la vallée de Destruction (Joel, II, 14, etc.).
Mais l'allusion est ici bien plus directe, à la vallée symbolique que
doit traverser _Chrétien_, dans le Pilgrims progress du chaudronnier
Bunyam. Tout est allégorie (un homme perfide, _Sagesse mondaine_, un
homme secourable, _Évangéliste_, tentent de perdre et de sauver
_Chrétien_, tandis que _Maniable_ s'embourbe dans le marais du
_Découragement_, etc.) dans ce livre auquel Ruskin fait souvent
allusion. (Note du traducteur.)]
[Note 185: Allusion au Paradis reconquis de Milton: «Comme des enfants
ramassent des galets sur la grève.» D'où (nous dit la «Library
Edition», cette parole de Newton qu'il «n'était qu'un enfant jouant
sur le rivage de la mer et s'amusant après un galet d'un autre galet,
des coquillages après les coquillages, tandis que le grand océan de
vérité s'étendait au loin, inaccessible.» (Note du traducteur.)]
[Note 186: Allusion à Tennyson: «Dieu qui toujours vit et aime.»
(Note du traducteur.)]
[Note 187: _Prayer book._]
[Note 188: Ces préceptes, Ruskin ne les a peut-être trouvés que dans
son intelligence, ils sont plus émouvants pour nous qui les avons vu
vivre, qui les avons recueillis sacrés et vivants ayant traversé des
générations en passant d'une pensée à une autre pensée (de la
pensée de la mère éducatrice à la fille éduquée) ou ils
s'incorporaient, s'assimilaient, dirigeant et modifiant les fonctions de
la vie spirituelle. Nous les avons recueillis dans le cœur infiniment
pur, dans l'intelligence infiniment noble de femmes qui avaient été
élevées d'après eux par des mères trop pures aussi pour craindre le
mal pour elles-mêmes ou pour leurs filles, trop élevées d'esprit pour
ne pas craindre la frivolité. Il y eut ainsi, à un certain moment,
dans certaines familles de la bourgeoisie française, une sorte
d'ardente religion de l'intelligence transmise à leurs filles par des
mères qui ne redoutaient pour elle qu'un contact dangereux, celui de la
vulgarité. Des mots crus que pouvait renfermer Molière, des situations
hardies que pouvait renfermer George Sand, on n'en avait cure, la mère
sachant que sa fille n'y songerait même pas. L'absence de pudibonderie
n'était que la sainte confiance d'un cœur inaccessible aux curiosités
malsaines, qui ne se disait même pas qu'il y était inaccessible, car
il ne pouvait les concevoir. Par de telles mères, des femmes furent
élevées dont la puissance intellectuelle et la grandeur morale ne
furent jamais dépassées. On ne peut s'empêcher de le dire en
retrouvant, en reconnaissant ici ces mots bénis qui avaient dirigé
leur jeunesse, écarté d'elles la frivolité, entretenu en elles, avec
une simplicité délicieuse, le feu sacré. (Note du traducteur.)]
[Note 189: M. de Montesquieu disait d'un jeune artiste qui, depuis,
l'avait payé d'ingratitude: «Moi qui l'ai taillé comme un if!»]
[Note 190: Wordsworth. Je crois que j'ai donné dans une note de la
traduction de la _Bible d'Amiens_ des extraits (à propos de la
cathédrale de Chartres) du chapitre de Val d'Arno intitulé: Franchise.
À la fin de ce chapitre Ruskin cite ces vers de Wordsworth et associe
l'idéal féminin qu'ils évoquent à la Libertas de la cathédrale de
Chartres, à la Débonnaireté de Westminster, à la Diana Vernon de
Scott, à Antigone et à Alceste, pour les opposer toutes à une moderne
danseuse de cancan, à la «Liberté selon Stuart Mill et Victor Hugo».
(Note du traducteur.)]
[Note 191: «Nous avons convenu avec la marquise que, chaque fois que je
serais de trop au salon, elle me dirait: «Je crois que la pendule
retarde.» (Lettre de Mlle de Saint-Geneix, dans le marquis de Villemer,
cité de mémoire.) Mais la marquise de Villemer était intelligente et
bonne. Je connais en revanche des gens qui se croient très élégants
et d'une culture raffinée, qui ont prié le professeur de français de
leur fille, personne tout à fait remarquable, de passer par l'escalier
de service dans l'après-midi «pour ne pas rencontrer les visites».
(Note du traducteur.)]
[Note 192: «Jeanne d'Arc», d'après l'histoire de France de M.
Michelet. Œuvres de Quincey, vol. III, p. 217. (Note de l'auteur.)]
[Note 193: Psaume CXX. (Note du traducteur.)]
[Note 194: I Rois, 22, 17, dont on peut rapprocher, mais en moins
complète ressemblance avec le texte de Ruskin, Nombres, XXVII, 17. Le
texte des Rois est reproduit dans saint Mathieu, IX, 36. (Note du
traducteur.)]
[Note 195: Exode, XXVII, 6. (Note du traducteur.)]
[Note 196: Actes, XVII, 23. (Note du traducteur.)]
[Note 197: Comparez Lectures on Art, § 39: «Vexilla regis prodeunt.»
Oui, mais _de quel roi_? Il y a deux oriflammes; laquelle
planterons-nous sur les plus lointaines îles,--celle qui flotte dans
les flammes du ciel, ou celle qui pend en son vil tissu d'or
terrestre?» (Note du traducteur.)]
[Note 198: Allusion probable à I Psaumes, 89, 15, et peut-être aussi
à Isaïe, XVI, 5. (Note du traducteur.)]
[Note 199: Je voudrais qu'on instituât, pour la jeunesse anglaise d'une
certaine classe, un véritable ordre de chevalerie dans lequel jeunes
gens et jeunes filles à un âge donné seraient admis, à bon escient,
au rang de chevalier et de dame; rang accessible seulement après un
examen décisif, une épreuve qui porterait à la fois sur le caractère
et sur le talent: et d'où l'on serait déchu si l'on était convaincu,
par ses pairs, d'une action déshonorante. Une telle institution serait
parfaitement possible, et avec elle tous les nobles résultats qu'elle
comporte, chez une nation qui aimerait l'honneur. Le fait qu'elle ne
soit pas possible chez nous, ne peut en rien discréditer ce projet.
(Note de l'auteur.)]
[Note 200: Au cours de Sésame et les Lys (et nous ne pouvions pas le
noter chaque fois) nous voyons ainsi Ruskin faire souvent semblant
d'accorder quelque chose au mal, de concéder aux faiblesses humaines.
Loin de mépriser les sensations, il trouvera que plutôt nous n'en
avons pas assez (§ 27), que les formes de la joie sont plus importantes
encore que celles du devoir (§ 36). À la page précédente, il
exaltait la soif du pouvoir. Et tout à l'heure il va dire que jamais
une femme ne souhaitera assez être grande dame et n'aura jamais d'assez
nombreux vassaux. Mais dès qu'il s'explique, la concession se trouve
retirée: il fallait seulement s'entendre sur le sens des mots. Du
moment que «les passions» signifient l'amour de la vérité, et
l'«ambition mondaine» la charité, le plus sévère médecin de notre
âme, peut nous en permettre l'usage. En réalité, ce qui est défendu
par une morale reste défendu par toutes les autres, parce que ce qui
est défendu c'est ce qui est nuisible et qu'il ne dépend pas du
médecin de l'âme d'en changer la constitution. Les apparences seules
sont renouvelées et le régime tout au plus «aromatisé» au parfum des
choses défendues. Une morale du plaisir est au fond une morale de
devoir. Le nom seul nous est concédé. (Je ne parle ici qu'à propos de
Ruskin, bien entendu, et ne prétends pas méconnaître la profonde
diversité des morales, malgré l'identité des régimes qu'elles nous
prescrivent, et ce qu'elles gardent chacune de diffèrent et qu'elles
tiennent de leur origine, utilitaire, mystique, etc,). Mais ou peut se
demander si la meilleure manière d'habituer un malade à prendre du
lait est d'y mêler une goutte de cognac, et n'est pas plutôt de lui
apprendre tout de suite à aimer le goût même du lait. Ici cette
conception «flatteuse pour l'amour-propre» du devoir social manque en
réalité son but. Quand une femme désire être lady, elle ne se soucie
pas de l'étymologie du mot, mais des privilèges mondains qui y sont
attachés. Et si elle était une «lady» dans le sens que dit Ruskin,
c'est-à-dire si elle souhaitait seulement être femme de bien, elle ne
souhaiterait pas (ou, en elle, ce ne serait pas la même personne qui le
souhaiterait) être appelée «lady».--(Je ne parle pas de celles qui,
de tous temps, ont été «ladies». Chez celles-là, la volonté
d'être appelées «lady» correspond à quelque chose d'absolument
naturel et légitime, et aussi étranger au snobisme que la volonté
d'un général d'être appelé mon général). Lui donner ce petit
appât du titre de lady pour l'aider à faire le bien, c'est cultiver
son amour-propre pour accroître sa charité, c'est-à-dire quelque
chose de contradictoire, comme nous avons déjà vu Ruskin nous
autoriser à être ambitieux pourvu que nous soyons d'abord philosophes.
Une philosophie ou une charité à qui le snobisme sert de seuil ou de
terme, voilà une philosophie et une charité qui ne se conçoivent pas
bien clairement. Sans doute je force ici, et bien grossièrement, la
pensée de Ruskin. Et sans doute le mot «lady» n'a pas ici son sens
strict. Mais enfin malgré tout il en garde quelque chose (il est un peu
un de ces mots «masqués» contre lesquels Ruskin nous met en garde et
ne se met pas assez en garde lui-même) et introduit dans la pensée du
lecteur ces gracieuses confusions ou se plaisent aussi certains
écrivains français quand ils mêlent,--en parlant comme de choses
analogues--la «noblesse» du talent, «la noblesse» de la
«naissance» et du caractère. La noblesse de la naissance, cela veut
dire être duc, etc. Et sans doute dans l'ordre des grandeurs de la
chair et comme facteur social, et pour tous les sentiments que cela met
en jeu... chez les autres, cela est important. Mais c'est un pur
calembour de rapprocher cela de la «noblesse» au sens spirituel; il
est fort utile de se rendre compte du sens des mots, de ne pas tout
mêler et, de tant d'idées confondues, de ne pas faire sortir une
prétendue aristocratie de l'intelligence qui emprunte à l'aristocratie
de naissance son système de filiation par le sang, non par l'esprit,
pour l'appliquer à la noblesse de l'esprit et finalement fait un
«noble» (dans tous les sens du mot qui en réalité alors n'en a plus
alors aucun) du neveu de Michelet. (Inutile de dire que j'ignore s'il
existe un neveu de Michelet et que j'ai pris ce grand nom au hasard.)
(Note du traducteur.)]
[Note 201: «Breadgiver» ou «Loaf giver». Bread est le pain. Loaf
You have read 1 text from French literature.
Next - Sésame et les lys: des trésors des rois, des jardins des reines - 15