Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 07

Total number of words is 4248
Total number of unique words is 1091
43.7 of words are in the 2000 most common words
54.9 of words are in the 5000 most common words
60.2 of words are in the 8000 most common words
Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
cette heure; mais, pour votre punition, vous ne saurez rien du tout.
GEORGE DANDIN.
Comment! qu'est-ce qui se passe?
LUBIN.
Rien, rien. Voilà ce que c'est d'avoir causé, vous n'en tâterez plus,
et je vous laisse sur la bonne bouche.
GEORGE DANDIN.
Arrête un peu.
LUBIN.
Point.
GEORGE DANDIN.
Je ne te veux dire qu'un mot.
LUBIN.
Nennin, nennin. Vous avez envie de me tirer les vers du nez.
GEORGE DANDIN.
Non, ce n'est pas cela.
LUBIN.
Eh! quelque sot[30]... Je vous vois venir.
GEORGE DANDIN.
C'est autre chose. Écoute.
LUBIN.
Point d'affaire. Vous voudriez que je vous dise que monsieur le vicomte
vient de donner de l'argent à Claudine, et qu'elle l'a mené chez sa
maîtresse. Mais je ne suis pas si bête.
GEORGE DANDIN.
De grâce...
LUBIN.
Non.
GEORGE DANDIN.
Je te donnerai...
LUBIN.
Tarare!
[30] Voyez plus haut, tome Ier, p. 86, note quatrième.

SCÈNE VIII.--GEORGE DANDIN.
Je n'ai pu me servir, avec cet innocent, de la pensée que j'avois.
Mais le nouvel avis qui lui est échappé feroit la même chose; et si
le galant est chez moi, ce seroit pour avoir raison aux yeux du père
et de la mère, et les convaincre pleinement de l'effronterie de leur
fille. Le mal de tout ceci, c'est que je ne sais comment faire pour
profiter d'un tel avis. Si je rentre chez moi, je ferai évader le
drôle; et quelque chose que je puisse voir moi-même de mon déshonneur,
je n'en serai point cru à mon serment, et l'on me dira que je rêve. Si,
d'autre part, je vais quérir beau-père et belle-mère, sans être sûr de
trouver chez moi le galant, ce sera la même chose, et je retomberai
dans l'inconvénient de tantôt. Pourrois-je point[31] m'éclaircir
doucement s'il y est encore? (Après avoir été regarder par le trou
de la serrure.) Ah! ciel! il n'en faut plus douter, et je viens de
l'apercevoir par le trou de la porte. Le sort me donne ici de quoi
confondre ma partie; et, pour achever l'aventure, il fait venir à point
nommé les juges dont j'avois besoin.
[31] Pour: ne pourrais-je point. Ellipse.

SCÈNE IX.--MONSIEUR ET MADAME DE SOTENVILLE, GEORGE DANDIN.
GEORGE DANDIN.
Enfin, vous ne m'avez pas voulu croire tantôt, et votre fille l'a
emporté sur moi; mais j'ai en main de quoi vous faire voir comme elle
m'accommode; et, Dieu merci! mon déshonneur est si clair maintenant,
que vous n'en pourrez plus douter.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Comment! mon gendre, vous en êtes encore là-dessus?
GEORGE DANDIN.
Oui, j'y suis; et jamais je n'eus tant de sujet d'y être.
MADAME DE SOTENVILLE.
Vous nous venez encore étourdir la tête?
GEORGE DANDIN.
Oui, madame; et l'on fait bien pis à la mienne.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Ne vous lassez-vous point de vous rendre importun?
GEORGE DANDIN.
Non; mais je me lasse fort d'être pris pour dupe.
MADAME DE SOTENVILLE.
Ne voulez-vous point vous défaire de vos pensées extravagantes?
GEORGE DANDIN.
Non, madame; mais je voudrois bien me défaire d'une femme qui me
déshonore.
MADAME DE SOTENVILLE.
Jour de Dieu! notre gendre, apprenez à parler!
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Corbleu! cherchez des termes moins offensans que ceux-là.
GEORGE DANDIN.
Marchand qui perd ne peut rire.
MADAME DE SOTENVILLE.
Souvenez-vous que vous avez épousé une demoiselle[32].
GEORGE DANDIN.
Je m'en souviens assez, et ne m'en souviendrai que trop.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Si vous vous en souvenez, songez donc à parler d'elle avec plus de
respect.
GEORGE DANDIN.
Mais que ne songe-t-elle plutôt à me traiter plus honnêtement? Quoi!
parce qu'elle est demoiselle, il faut qu'elle ait la liberté de me
faire ce qui lui plaît, sans que j'ose souffler?
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Qu'avez-vous donc, et que pouvez-vous dire? N'avez-vous pas vu, ce
matin, qu'elle s'est défendue de connoître celui dont vous m'étiez venu
parler?
GEORGE DANDIN.
Oui. Mais vous, que pourrez-vous dire si je vous fais voir maintenant
que le galant est avec elle?
MADAME DE SOTENVILLE.
Avec elle?
GEORGE DANDIN.
Oui, avec elle, et dans ma maison.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Dans votre maison?
GEORGE DANDIN.
Oui, dans ma propre maison.
MADAME DE SOTENVILLE.
Si cela est, nous serons pour vous contre elle.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Oui. L'honneur de notre famille nous est plus cher que toute chose;
et, si vous dites vrai, nous la renoncerons pour notre sang, et
l'abandonnerons à votre colère.
GEORGE DANDIN.
Vous n'avez qu'à me suivre.
MADAME DE SOTENVILLE.
Gardez de vous tromper.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
N'allez pas faire comme tantôt.
GEORGE DANDIN.
Mon Dieu; vous allez voir. (Montrant Clitandre, qui sort avec
Angélique.) Tenez, ai-je menti?
[32] Voyez plus haut, p. 83, note deuxième.

SCÈNE X.--ANGÉLIQUE, CLITANDRE, CLAUDINE, MONSIEUR ET MADAME DE
SOTENVILLE, avec GEORGE DANDIN, dans le fond du théâtre.
ANGÉLIQUE, à Clitandre.
Adieu. J'ai peur qu'on vous surprenne ici, et j'ai quelques mesures à
garder.
CLITANDRE.
Promettez-moi donc, madame, que je pourrai vous parler cette nuit.
ANGÉLIQUE.
J'y ferai mes efforts.
GEORGE DANDIN, à monsieur et à madame de Sotenville.
Approchons doucement par derrière, et tâchons de n'être point vus.
CLAUDINE, à Angélique.
Ah! madame, tout est perdu! Voilà votre père et votre mère, accompagnés
de votre mari.
CLITANDRE.
Ah! ciel!
ANGÉLIQUE, bas, à Clitandre et à Claudine.
Ne faites pas semblant de rien, et me laissez faire tous deux. (Haut,
à Clitandre.) Quoi! vous osez en user de la sorte après l'affaire de
tantôt, et c'est ainsi que vous dissimulez vos sentimens! On me vient
rapporter que vous avez de l'amour pour moi, et que vous faites des
desseins de me solliciter; j'en témoigne mon dépit, et m'explique à
vous clairement en présence de tout le monde: vous niez hautement la
chose, et me donnez parole de n'avoir aucune pensée de m'offenser; et
cependant, le même jour, vous prenez la hardiesse de venir chez moi me
rendre visite, de me dire que vous m'aimez, et de me faire cent sots
contes pour me persuader de répondre à vos extravagances: comme si
j'étois femme à violer la foi que j'ai donnée à un mari, et m'éloigner
jamais de la vertu que mes parens m'ont enseignée! Si mon père savoit
cela, il vous apprendroit bien à tenter de ces entreprises! Mais une
honnête femme n'aime point les éclats: je n'ai garde de lui en rien
dire; (Après avoir fait signe à Claudine, d'apporter un bâton.) Et je
veux vous montrer que, toute femme que je suis, j'ai assez de courage
pour me venger moi-même des offenses que l'on me fait. L'action
que vous avez faite n'est pas d'un gentilhomme, et ce n'est pas en
gentilhomme aussi que je veux vous traiter.
Angélique prend le bâton et le lève sur Clitandre, qui se range de
façon que les coups tombent sur George Dandin.
CLITANDRE, criant comme s'il avait été frappé.
Ah! ah! ah! ah! ah! doucement!

SCÈNE XI.--MONSIEUR ET MADAME DE SOTENVILLE, ANGÉLIQUE, GEORGE DANDIN,
CLAUDINE.
CLAUDINE.
Fort, madame! frappez comme il faut.
ANGÉLIQUE, faisant semblant de parler à Clitandre.
S'il vous demeure quelque chose sur le cœur, je suis pour vous répondre.
CLAUDINE.
Apprenez à qui vous vous jouez!
ANGÉLIQUE, faisant l'étonnée.
Ah! mon père, vous êtes là!
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Oui, ma fille; et je vois qu'en sagesse et en courage tu te montres un
digne rejeton de la maison de Sotenville. Viens çà, approche-toi, que
je t'embrasse.
MADAME DE SOTENVILLE.
Embrasse-moi aussi, ma fille. Las! je pleure de joie, et reconnois mon
sang aux choses que tu viens de faire.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Mon gendre, que vous devez être ravi! et que cette aventure est pour
vous pleine de douceurs! Vous aviez un juste sujet de vous alarmer;
mais vos soupçons se trouvent dissipés le plus avantageusement du monde.
MADAME DE SOTENVILLE.
Sans doute, notre gendre; et vous devez maintenant être le plus content
des hommes.
CLAUDINE.
Assurément. Voilà une femme, celle-là! Vous êtes trop heureux de
l'avoir, et vous devriez baiser les pas où elle passe.
GEORGE DANDIN, à part.
Euh! traîtresse!
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Qu'est-ce, mon gendre? Que ne remerciez-vous un peu votre femme de
l'amitié que vous voyez qu'elle montre pour vous?
ANGÉLIQUE.
Non, non, mon père; il n'est pas nécessaire. Il ne m'a aucune
obligation de ce qu'il vient de voir; et tout ce que j'en fais n'est
que pour l'amour de moi-même.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Où allez-vous, ma fille?
ANGÉLIQUE.
Je me retire, mon père, pour ne me voir point obligée de recevoir ses
complimens.
CLAUDINE, à George Dandin.
Elle a raison d'être en colère. C'est une femme qui mérite d'être
adorée, et vous ne la traitez pas comme vous devriez.
GEORGE DANDIN, à part.
Scélérate!

SCÈNE XII.--MONSIEUR ET MADAME DE SOTENVILLE, GEORGE DANDIN.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
C'est un petit ressentiment de l'affaire de tantôt, et cela se passera
avec un peu de caresse que vous lui ferez. Adieu, mon gendre; vous
voilà en état de ne vous plus inquiéter. Allez-vous-en faire la paix
ensemble, et tâchez de l'apaiser par des excuses de votre emportement.
MADAME DE SOTENVILLE.
Vous devez considérer que c'est une jeune fille élevée à la vertu,
et qui n'est point accoutumée à se voir soupçonnée d'aucune vilaine
action. Adieu. Je suis ravie de voir vos désordres finis, et des
transports de joie que vous doit donner sa conduite.

SCÈNE XIII.--GEORGE DANDIN.
Je ne dis mot, car je ne gagnerois rien à parler; et jamais il ne s'est
rien vu d'égal à ma disgrâce. Oui, j'admire mon malheur, et la subtile
adresse de ma carogne de femme pour se donner toujours raison et me
faire avoir tort! Est-il possible que toujours j'aurai du dessous
avec elle; que les apparences toujours tourneront contre moi, et que
je ne parviendrai point à convaincre mon effrontée! O ciel! seconde
mes desseins, et m'accorde la grâce de faire voir aux gens que l'on me
déshonore!


ACTE III

SCÈNE I.--CLITANDRE, LUBIN.
CLITANDRE.
La nuit est avancée, et j'ai peur qu'il ne soit trop tard. Je ne vois
point à me conduire. Lubin!
LUBIN.
Monsieur?
CLITANDRE.
Est-ce par ici?
LUBIN.
Je pense que oui. Morgué! voilà une sotte nuit, d'être si noire que
cela!
CLITANDRE.
Elle a tort, assurément; mais si, d'un côté, elle nous empêche de voir,
elle empêche, de l'autre, que nous ne soyons vus.
LUBIN.
Vous avez raison, elle n'a pas tant de tort. Je voudrois bien savoir,
monsieur, vous qui êtes savant, pourquoi il ne fait point jour la nuit?
CLITANDRE.
C'est une grande question, et qui est difficile. Tu es curieux, Lubin!
LUBIN.
Oui: si j'avois étudié, j'aurois été songer à des choses où on n'a
jamais songé.
CLITANDRE.
Je le crois. Tu as la mine d'avoir l'esprit subtil et pénétrant.
LUBIN.
Cela est vrai. Tenez, j'explique du latin, quoique jamais je ne l'aie
appris! et voyant l'autre jour écrit sur une grande porte _collegium_,
je devinai que cela vouloit dire collége.
CLITANDRE.
Cela est admirable! Tu sais donc lire, Lubin?
LUBIN.
Oui, je sais lire la lettre moulée; mais je n'ai jamais su apprendre à
lire l'écriture.
CLITANDRE.
Nous voici contre la maison. (Après avoir frappé dans ses mains.) C'est
le signal que m'a donné Claudine.
LUBIN.
Par ma foi! c'est une fille qui vaut de l'argent; et je l'aime de tout
mon cœur.
CLITANDRE.
Aussi t'ai-je amené avec moi pour l'entretenir.
LUBIN.
Monsieur, je vous suis...
CLITANDRE.
Chut! j'entends quelque bruit.

SCÈNE II.--ANGÉLIQUE, CLAUDINE, CLITANDRE, LUBIN.
ANGÉLIQUE.
Claudine!
CLAUDINE.
Eh bien?
ANGÉLIQUE.
Laisse la porte entr'ouverte.
CLAUDINE.
Voilà qui est fait.
Scène de nuit. Les acteurs se cherchent les uns les autres dans
l'obscurité.
CLITANDRE, à Lubin.
Ce sont elles. St!
ANGÉLIQUE.
St!
LUBIN.
St!
CLAUDINE.
St!
CLITANDRE, à Claudine, qu'il prend pour Angélique.
Madame!
ANGÉLIQUE, à Lubin, qu'elle prend pour Clitandre.
Quoi?
LUBIN, à Angélique, qu'il prend pour Claudine.
Claudine!
CLAUDINE, à Clitandre, qu'elle prend pour Lubin.
Qu'est-ce?
CLITANDRE, à Claudine, croyant parler à Angélique.
Ah! madame, que j'ai de joie!
LUBIN, à Angélique, croyant parler à Claudine.
Claudine! ma pauvre Claudine!
CLAUDINE, à Clitandre.
Doucement, monsieur.
ANGÉLIQUE, à Lubin.
Tout beau, Lubin.
CLITANDRE.
Est-ce toi, Claudine?
CLAUDINE.
Oui.
LUBIN.
Est-ce vous, madame?
ANGÉLIQUE.
Oui.
CLAUDINE, à Clitandre.
Vous avez pris l'une pour l'autre.
LUBIN, à Angélique.
Ma foi, la nuit, on n'y voit goutte.
ANGÉLIQUE.
Est-ce pas vous, Clitandre?
CLITANDRE.
Oui, madame.
ANGÉLIQUE.
Mon mari ronfle comme il faut; et j'ai pris ce temps pour nous
entretenir ici.
CLITANDRE.
Cherchons quelque lieu pour nous asseoir.
CLAUDINE.
C'est fort bien avisé.
Angélique, Clitandre et Claudine vont s'asseoir dans le fond du théâtre.
LUBIN, cherchant Claudine.
Claudine, où est-ce que tu es?

SCÈNE III.--ANGÉLIQUE, CLITANDRE, CLAUDINE, assis au fond du théâtre;
GEORGE DANDIN, à moitié déshabillé; LUBIN.
GEORGE DANDIN, à part.
J'ai entendu descendre ma femme, et je me suis vite habillé pour
descendre après elle. Où peut-elle être allée? Seroit-elle sortie?
LUBIN, cherchant Claudine, et prenant George Dandin pour Claudine.
Où es-tu donc, Claudine? Ah! te voilà par ma foi, ton maître est
plaisamment attrapé; et je trouve ceci aussi drôle que les coups
de bâton de tantôt, dont on m'a fait récit. Ta maîtresse dit qu'il
ronfle, à cette heure, comme tous les diantres; et il ne sait pas que
monsieur le vicomte et elle sont ensemble, pendant qu'il dort. Je
voudrois bien savoir quel songe il fait maintenant. Cela est tout à
fait risible. De quoi s'avise-t-il aussi, d'être jaloux de sa femme,
et de vouloir qu'elle soit à lui tout seul? C'est un impertinent, et
monsieur le vicomte lui fait trop d'honneur. Tu ne dis mot, Claudine?
Allons, suivons-les, et me donne ta petite menotte, que je la baise.
Ah! que cela est doux! Il me semble que je mange des confitures. (A
George Dandin, qu'il prend toujours pour Claudine, et qui le repousse
rudement.) Tudieu! Comme vous y allez! voilà une petite menotte qui est
un peu bien rude!
GEORGE DANDIN.
Qui va là?
LUBIN.
Personne.
GEORGE DANDIN.
Il fuit, et me laisse informé de la nouvelle perfidie de ma coquine.
Allons, il faut que, sans tarder, j'envoie appeler son père et sa mère,
et que cette aventure me serve à me faire séparer d'elle. Holà! Colin!
Colin!

SCÈNE IV.--ANGÉLIQUE, CLITANDRE, CLAUDINE, LUBIN, assis au fond du
théâtre; GEORGE DANDIN, COLIN.
COLIN, à la fenêtre.
Monsieur!
GEORGE DANDIN.
Allons, vite ici-bas.
COLIN, sautant par la fenêtre.
M'y voilà, on ne peut pas plus vite.
GEORGE DANDIN.
Tu es là?
COLIN.
Oui, monsieur.
Pendant que George Dandin va chercher Colin du côté où il a entendu sa
voix, Colin passe de l'autre et s'endort.
GEORGE DANDIN, se tournant du côté où il croit qu'est Colin.
Doucement. Parle bas. Écoute. Va-t'en chez mon beau-père et ma
belle-mère, et dis que je les prie très-instamment de venir tout à
l'heure ici. Entends-tu? Eh! Colin! Colin!
COLIN, de l'autre côté, se réveillant.
Monsieur!
GEORGE DANDIN.
Où diable es-tu?
COLIN.
Ici.
GEORGE DANDIN.
Peste soit du maroufle qui s'éloigne de moi! (Pendant que George Dandin
retourne du côté où il croit que Colin est resté, Colin, à moitié
endormi, passe de l'autre côté et se rendort.) Je te dis que tu ailles
de ce pas trouver mon beau-père et ma belle-mère, et leur dire que
je les conjure de se rendre ici tout à l'heure. M'entends-tu bien?
Réponds. Colin! Colin!
COLIN, de l'autre côté, se réveillant.
Monsieur!
GEORGE DANDIN.
Voilà un pendard qui me fera enrager! Viens-t'en à moi. (Ils se
rencontrent, et tombent tous deux.) Ah! le traître! il m'a estropié. Où
est-ce que tu es? Approche, que je te donne mille coups. Je pense qu'il
me fuit.
COLIN.
Assurément.
GEORGE DANDIN.
Veux-tu venir!
COLIN.
Nenni, ma foi.
GEORGE DANDIN.
Viens, te dis-je!
COLIN.
Point. Vous me voulez battre.
GEORGE DANDIN.
Eh bien, non, je ne te ferai rien.
COLIN.
Assurément?
GEORGE DANDIN.
Oui; approche. (A Colin, qu'il tient par le bras.) Bon! tu es bien
heureux de ce que j'ai besoin de toi. Va-t'en vite, de ma part, prier
mon beau-père et ma belle-mère de se rendre ici le plus tôt qu'ils
pourront, et leur dis que c'est pour une affaire de la dernière
conséquence; et s'ils faisoient quelque difficulté à cause de l'heure,
ne manque pas de les presser et de leur bien faire entendre qu'il est
très-important qu'ils viennent, en quelque état qu'ils soient. Tu
m'entends bien maintenant?
COLIN.
Oui, monsieur.
GEORGE DANDIN.
Va vite, et reviens de même. (Se croyant seul.) Et moi, je vais rentrer
dans ma maison, attendant que... Mais j'entends quelqu'un. Ne seroit-ce
point ma femme? Il faut que j'écoute, et me serve de l'obscurité qu'il
fait.
George Dandin se range près de la porte de sa maison.

SCÈNE V.--ANGÉLIQUE, CLITANDRE, CLAUDINE, LUBIN, GEORGE DANDIN.
ANGÉLIQUE, à Clitandre.
Adieu. Il est temps de se retirer.
CLITANDRE.
Quoi! sitôt?
ANGÉLIQUE.
Nous nous sommes assez entretenus.
CLITANDRE.
Ah! madame, puis-je assez vous entretenir, et trouver en si peu de
temps toutes les paroles dont j'ai besoin? Il me faudroit des journées
pour me bien expliquer à vous de tout ce que je sens; et je ne vous ai
pas dit encore la moindre partie de ce que j'ai à vous dire.
ANGÉLIQUE.
Nous en écouterons une autre fois davantage.
CLITANDRE.
Hélas! de quel coup me percez-vous l'âme, lorsque vous me parlez
de vous retirer; et avec combien de chagrin m'allez-vous laisser
maintenant!
ANGÉLIQUE.
Nous trouverons moyen de nous revoir.
CLITANDRE.
Oui. Mais je songe qu'en me quittant vous allez trouver un mari. Cette
pensée m'assassine; et les priviléges qu'ont les maris sont des choses
cruelles pour un amant qui aime bien.
ANGÉLIQUE.
Serez-vous assez foible pour avoir cette inquiétude, et pensez-vous
qu'on soit capable d'aimer de certains maris qu'il y a? On les prend
parce qu'on ne s'en peut défendre, et que l'on dépend de parens qui
n'ont des yeux que pour le bien; mais on sait leur rendre justice, et
l'on se moque fort de les considérer au delà de ce qu'ils méritent.
GEORGE DANDIN, à part.
Voilà nos carognes de femmes!
CLITANDRE.
Ah! qu'il faut avouer que celui qu'on vous a donné étoit peu digne de
l'honneur qu'il a reçu, et que c'est une étrange chose que l'assemblage
qu'on a fait d'une personne comme vous avec un homme comme lui!
GEORGE DANDIN, à part.
Pauvres maris! voilà comme on vous traite!
CLITANDRE.
Vous méritez, sans doute, une toute autre destinée; et le ciel ne vous
a point faite pour être la femme d'un paysan.
GEORGE DANDIN.
Plût au ciel! fût-elle la tienne! tu changerois bien vite de langage!
Rentrons; c'en est assez.
George Dandin, étant rentré, ferme la porte en dedans.

SCÈNE VI.--ANGÉLIQUE, CLITANDRE, CLAUDINE, LUBIN.
CLAUDINE.
Madame, si vous avez à dire du mal de votre mari, dépêchez vite, car il
est tard.
CLITANDRE.
Ah! Claudine, que tu es cruelle!
ANGÉLIQUE, à Clitandre.
Elle a raison. Séparons-nous.
CLITANDRE.
Il faut donc s'y résoudre, puisque vous le voulez. Mais, au moins,
je vous conjure de me plaindre un peu des méchans momens que je vais
passer.
ANGÉLIQUE.
Adieu.
LUBIN.
Où es-tu, Claudine, que je te donne le bonsoir?
CLAUDINE.
Va, va, je le reçois de loin, et je t'en renvoie autant.

SCÈNE VII.--ANGÉLIQUE, CLAUDINE.
ANGÉLIQUE.
Rentrons sans faire de bruit.
CLAUDINE.
La porte s'est fermée.
ANGÉLIQUE.
J'ai le passe-partout.
CLAUDINE.
Ouvrez donc doucement.
ANGÉLIQUE.
On a fermé en dedans, et je ne sais comment nous ferons.
CLAUDINE.
Appelez le garçon qui couche là.
ANGÉLIQUE.
Colin! Colin! Colin!

SCÈNE VIII.--GEORGE DANDIN, ANGÉLIQUE, CLAUDINE.
GEORGE DANDIN, à la fenêtre.
Colin! Colin! Ah! je vous y prends donc, madame ma femme, et vous
faites des _escampativos_ pendant que je dors! Je suis bien aise de
cela, et de vous voir dehors à l'heure qu'il est!
ANGÉLIQUE.
Eh bien, quel grand mal est-ce qu'il y a à prendre le frais de la nuit?
GEORGE DANDIN.
Oui, oui. L'heure est bonne à prendre le frais! C'est bien plutôt
le chaud, madame la coquine! et nous savons toute l'intrigue du
rendez-vous et du damoiseau. Nous avons entendu votre galant entretien,
et les beaux vers à ma louange que vous avez dits l'un et l'autre. Mais
ma consolation, c'est que je vais être vengé, et que votre père et
votre mère seront convaincus maintenant de la justice de mes plaintes
et du déréglement de votre conduite. Je les ai envoyé quérir, et ils
vont être ici dans un moment.
ANGÉLIQUE, à part.
Ah! ciel!
CLAUDINE.
Madame!
GEORGE DANDIN.
Voilà un coup, sans doute, où vous ne vous attendiez pas. C'est
maintenant que je triomphe, et j'ai de quoi mettre à bas votre orgueil
et détruire vos artifices. Jusques ici vous avez joué mes accusations,
ébloui vos parens, et plâtré vos malversations. J'ai eu beau voir et
beau dire; et votre adresse toujours l'a emporté sur mon bon droit, et
toujours vous avez trouvé moyen d'avoir raison; mais, à cette fois,
Dieu merci! les choses vont être éclaircies, et votre effronterie sera
pleinement confondue.
ANGÉLIQUE.
Eh! je vous prie, faites-moi ouvrir la porte.
GEORGE DANDIN.
Non, non: il faut attendre la venue de ceux que j'ai mandés, et je veux
qu'il vous trouvent dehors à la belle heure qu'il est. En attendant
qu'ils viennent, songez, si vous voulez, à chercher dans votre tête
quelque nouveau détour pour vous tirer de cette affaire; à inventer
quelque moyen de rhabiller votre escapade; à trouver quelque belle
ruse pour éluder ici les gens et paraître innocente, quelque prétexte
spécieux de pèlerinage nocturne, ou d'amie en travail d'enfant, que
vous veniez de secourir.
ANGÉLIQUE.
Non. Mon intention n'est pas de vous rien déguiser. Je ne prétends
point me défendre, ni vous nier les choses, puisque vous les savez.
GEORGE DANDIN.
C'est que vous voyez bien que tous les moyens vous en sont fermés, et
que, dans cette affaire, vous ne sauriez inventer d'excuse qu'il ne me
soit facile de convaincre de fausseté.
ANGÉLIQUE.
Oui, je confesse que j'ai tort, et que vous avez sujet de vous
plaindre. Mais je vous demande par grâce de ne m'exposer point
maintenant à la mauvaise humeur de mes parens et de me faire
promptement ouvrir.
GEORGE DANDIN.
Je vous baise les mains.
ANGÉLIQUE.
Eh! mon pauvre petit mari, je vous en conjure!
GEORGE DANDIN.
Eh! mon pauvre petit mari! Je suis votre petit mari maintenant, parce
que vous vous sentez prise. Je suis bien aise de cela; et vous ne vous
étiez jamais avisée de me dire ces douceurs.
ANGÉLIQUE.
Tenez, je vous promets de ne vous plus donner aucun sujet de déplaisir,
et de me...
GEORGE DANDIN.
Tout cela n'est rien. Je ne veux point perdre cette aventure; et il
m'importe qu'on soit une fois éclairci à fond de vos déportemens.
ANGÉLIQUE.
De grâce, laissez-moi vous dire. Je vous demande un moment d'audience.
GEORGE DANDIN.
Eh bien, quoi?
ANGÉLIQUE.
Il est vrai que j'ai failli, je vous l'avoue encore une fois; que votre
ressentiment est juste; que j'ai pris le temps de sortir pendant que
vous dormiez, et que cette sortie est un rendez-vous que j'avois donné
à la personne que vous dites. Mais enfin ce sont des actions que vous
devez pardonner à mon âge, des emportemens de jeune personne qui n'a
encore rien vu, et ne fait que d'entrer au monde; des libertés où l'on
s'abandonne sans y penser de mal, et qui sans doute, dans le fond,
n'ont rien de...
GEORGE DANDIN.
Oui: vous le dites, et ce sont des choses qui ont besoin qu'on les
croie pieusement.
ANGÉLIQUE.
Je ne veux point m'excuser, par là, d'être coupable envers vous; et je
vous prie seulement d'oublier une offense dont je vous demande pardon
de tout mon cœur, et de m'épargner, en cette rencontre, le déplaisir
que me pourroient causer les reproches fâcheux de mon père et de ma
mère. Si vous m'accordez généreusement la grâce que je vous demande,
ce procédé obligeant, cette bonté que vous me ferez voir, me gagnera
entièrement; elle touchera tout à fait mon cœur, et y fera naître pour
vous ce que tout le pouvoir de mes parents et les liens du mariage
n'avoient pu y jeter. En un mot, elle sera cause que je renoncerai à
toutes les galanteries, et n'aurai de l'attachement que pour vous. Oui,
je vous donne ma parole que vous m'allez voir désormais la meilleure
femme du monde, et que je vous témoignerai tant d'amitié, tant
d'amitié, que vous en serez satisfait.
GEORGE DANDIN.
Ah! crocodile, qui flatte les gens pour les étrangler!
ANGÉLIQUE.
Accordez-moi cette faveur.
GEORGE DANDIN.
Point d'affaires. Je suis inexorable.
ANGÉLIQUE.
Montrez-vous généreux.
GEORGE DANDIN.
Non.
ANGÉLIQUE.
De grâce!
GEORGE DANDIN.
Point.
ANGÉLIQUE.
Je vous en conjure de tout mon cœur.
GEORGE DANDIN.
Non, non, non! Je veux qu'on soit détrompé de vous, et que votre
confusion éclate.
ANGÉLIQUE.
Eh bien, si vous me réduisez au désespoir, je vous avertis qu'une
femme, en cet état, est capable de tout, et que je ferai quelque chose
ici dont vous vous repentirez.
GEORGE DANDIN.
Et que ferez-vous, s'il vous plaît?
ANGÉLIQUE.
Mon cœur se portera jusqu'aux extrêmes résolutions; et, de ce couteau
que voici, je me tuerai sur la place.
GEORGE DANDIN.
Ah! ah! A la bonne heure!
ANGÉLIQUE.
Pas tant à la bonne heure pour vous que vous vous imaginez. On sait de
tous côtés nos différends et les chagrins perpétuels que vous concevez
contre moi. Lorsqu'on me trouvera morte, il n'y aura personne qui mette
en doute que ce ne soit vous qui m'aurez tuée; et mes parens ne sont
pas gens, assurément, à laisser cette mort impunie, et ils en feront,
sur votre personne, toute la punition que leur pourront offrir et les
You have read 1 text from French literature.
Next - Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 08
  • Parts
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 01
    Total number of words is 3837
    Total number of unique words is 1383
    41.5 of words are in the 2000 most common words
    54.3 of words are in the 5000 most common words
    59.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 02
    Total number of words is 3746
    Total number of unique words is 1138
    44.5 of words are in the 2000 most common words
    54.9 of words are in the 5000 most common words
    60.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 03
    Total number of words is 3643
    Total number of unique words is 1121
    42.1 of words are in the 2000 most common words
    54.8 of words are in the 5000 most common words
    61.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 04
    Total number of words is 3653
    Total number of unique words is 1178
    42.1 of words are in the 2000 most common words
    52.6 of words are in the 5000 most common words
    58.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 05
    Total number of words is 4146
    Total number of unique words is 1330
    41.7 of words are in the 2000 most common words
    53.3 of words are in the 5000 most common words
    59.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 06
    Total number of words is 4277
    Total number of unique words is 1067
    44.3 of words are in the 2000 most common words
    56.0 of words are in the 5000 most common words
    60.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 07
    Total number of words is 4248
    Total number of unique words is 1091
    43.7 of words are in the 2000 most common words
    54.9 of words are in the 5000 most common words
    60.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 08
    Total number of words is 4467
    Total number of unique words is 1406
    39.2 of words are in the 2000 most common words
    52.5 of words are in the 5000 most common words
    57.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 09
    Total number of words is 4183
    Total number of unique words is 1129
    45.2 of words are in the 2000 most common words
    55.9 of words are in the 5000 most common words
    61.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 10
    Total number of words is 4412
    Total number of unique words is 1305
    40.9 of words are in the 2000 most common words
    52.2 of words are in the 5000 most common words
    58.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 11
    Total number of words is 4369
    Total number of unique words is 1155
    43.1 of words are in the 2000 most common words
    55.1 of words are in the 5000 most common words
    60.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 12
    Total number of words is 4218
    Total number of unique words is 1080
    43.1 of words are in the 2000 most common words
    55.2 of words are in the 5000 most common words
    60.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 13
    Total number of words is 4299
    Total number of unique words is 1362
    39.4 of words are in the 2000 most common words
    50.3 of words are in the 5000 most common words
    56.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 14
    Total number of words is 4086
    Total number of unique words is 1133
    44.1 of words are in the 2000 most common words
    54.3 of words are in the 5000 most common words
    58.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 15
    Total number of words is 4096
    Total number of unique words is 1176
    37.8 of words are in the 2000 most common words
    46.9 of words are in the 5000 most common words
    51.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 16
    Total number of words is 4155
    Total number of unique words is 1205
    37.9 of words are in the 2000 most common words
    47.2 of words are in the 5000 most common words
    51.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 17
    Total number of words is 4206
    Total number of unique words is 1385
    38.3 of words are in the 2000 most common words
    50.2 of words are in the 5000 most common words
    55.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 18
    Total number of words is 4091
    Total number of unique words is 1152
    41.6 of words are in the 2000 most common words
    51.1 of words are in the 5000 most common words
    57.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 19
    Total number of words is 4252
    Total number of unique words is 1208
    40.0 of words are in the 2000 most common words
    51.1 of words are in the 5000 most common words
    57.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 20
    Total number of words is 2239
    Total number of unique words is 815
    40.4 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    52.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.