Molière - Œuvres complètes, Tome 4 - 06

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Il y a eu une Mathurine de Sotenville, qui refusa vingt mille écus d'un
favori du roi, qui ne lui demandoit seulement que la faveur de lui
parler.
GEORGE DANDIN.
Oh bien, votre fille n'est pas si difficile que cela; et elle s'est
apprivoisée depuis qu'elle est chez moi.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Expliquez-vous, mon gendre. Nous ne sommes point gens à la supporter
dans de mauvaises actions, et nous serons les premiers, sa mère et moi,
à vous en faire la justice.
MADAME DE SOTENVILLE.
Nous n'entendons point raillerie sur les matières de l'honneur; et nous
l'avons élevée dans toute la sévérité possible.
GEORGE DANDIN.
Tout ce que je puis dire, c'est qu'il y a ici un certain courtisan, que
vous avez vu, qui est amoureux d'elle à ma barbe, et qui lui a fait
faire des protestations d'amour qu'elle a très-humainement écoutées.
MADAME DE SOTENVILLE.
Jour de Dieu! je l'étranglerois de mes propres mains, s'il falloit
qu'elle forlignât[20] de l'honnêteté de sa mère!
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Corbleu! je lui passerois mon épée au travers du corps, à elle et au
galant, si elle avoit forfait[21] à son honneur.
GEORGE DANDIN.
Je vous ai dit ce qui se passe, pour vous faire mes plaintes; et je
vous demande raison de cette affaire-là.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Ne vous tourmentez point: je vous la ferai de tous deux; et je suis
homme pour serrer le bouton à qui ce puisse être. Mais êtes-vous bien
sûr de ce que vous nous dites?
GEORGE DANDIN.
Très-sûr.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Prenez bien garde, au moins; car, entre gentilshommes, ce sont des
choses chatouilleuses; et il n'est pas question d'aller faire ici un
pas de clerc.
GEORGE DANDIN.
Je ne vous ai rien dit, vous dis-je, qui ne soit véritable.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
M'amour, allez-vous-en parler à votre fille, tandis qu'avec mon gendre
j'irai parler à l'homme.
MADAME DE SOTENVILLE.
Se pourroit-il, mon fils, qu'elle s'oubliât de la sorte, après le sage
exemple que vous savez vous-même que je lui ai donné?
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Nous allons éclaircir l'affaire. Suivez-moi, mon gendre, et ne vous
mettez point en peine. Vous verrez de quel bois nous nous chauffons,
lorsqu'on s'attaque à ceux qui nous peuvent appartenir.
GEORGE DANDIN.
Le voici qui vient vers nous.
[20] Pour: se placer hors de lignée. Du latin, _foras a linea_. Vieux
mot de généalogie.
[21] Pour: faire hors de l'honneur. Du latin, _foras facere_. Mot
également féodal.

SCÈNE V.--MONSIEUR DE SOTENVILLE, CLITANDRE, GEORGE DANDIN.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Monsieur, suis-je connu de vous?
CLITANDRE.
Non pas, que je sache, monsieur.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Je m'appelle le baron de Sotenville.
CLITANDRE.
Je m'en réjouis fort.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Mon nom est connu à la cour; et j'eus l'honneur, dans ma jeunesse de me
signaler des premiers à l'arrière-ban[22] de Nancy.
CLITANDRE.
A la bonne heure.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Monsieur mon père, Jean-Gilles de Sotenville, eut la gloire d'assister
en personne au grand siége de Montauban[23].
CLITANDRE.
J'en suis ravi.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Et j'ai un aïeul, Bertrand de Sotenville, qui fut si considéré en son
temps, que d'avoir permission de vendre tout son bien pour le voyage
d'outre-mer[24].
CLITANDRE.
Je le veux croire.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Il m'a été rapporté, monsieur, que vous aimez et poursuivez une jeune
personne, qui est ma fille, pour laquelle je m'intéresse, (Montrant
George Dandin.) et pour l'homme que vous voyez, qui a l'honneur d'être
mon gendre.
CLITANDRE.
Qui? moi?
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Oui; et je suis bien aise de vous parler, pour tirer de vous, s'il vous
plaît, un éclaircissement de cette affaire.
CLITANDRE.
Voilà une étrange médisance! Qui vous a dit cela, monsieur?
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Quelqu'un qui croit le bien savoir.
CLITANDRE.
Ce quelqu'un là en a menti. Je suis honnête homme. Me croyez-vous
capable, monsieur, d'une action aussi lâche que celle-là? Moi, aimer
une jeune et belle personne qui a l'honneur d'être la fille de monsieur
le baron de Sotenville! je vous révère trop pour cela, et je suis trop
votre serviteur. Quiconque vous l'a dit est un sot.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Allons, mon gendre.
GEORGE DANDIN.
Quoi?
CLITANDRE.
C'est un coquin et un maraud.
MONSIEUR DE SOTENVILLE, à George Dandin.
Répondez.
GEORGE DANDIN.
Répondez vous-même.
CLITANDRE.
Si je savois qui ce peut être, je lui donnerois, en votre présence, de
l'épée dans le ventre.
MONSIEUR DE SOTENVILLE, à George Dandin.
Soutenez donc la chose.
GEORGE DANDIN.
Elle est toute soutenue. Cela est vrai.
CLITANDRE.
Est-ce votre gendre, monsieur, qui...
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Oui, c'est lui-même qui s'en est plaint à moi.
CLITANDRE.
Certes, il peut remercier l'avantage qu'il a de vous appartenir; et,
sans cela, je lui apprendrois bien à tenir de pareils discours d'une
personne comme moi.
[22] Convocation de toute la noblesse des États.
[23] En 1621.
[24] Comme faisaient les anciens chevaliers.

SCÈNE VI.--MONSIEUR ET MADAME DE SOTENVILLE, ANGÉLIQUE, CLITANDRE,
GEORGE DANDIN, CLAUDINE.
MADAME DE SOTENVILLE.
Pour ce qui est de cela, la jalousie est une étrange chose! J'amène ici
ma fille pour éclaircir l'affaire en présence de tout le monde.
CLITANDRE, à Angélique.
Est-ce donc vous, madame, qui avez dit à votre mari que je suis
amoureux de vous?
ANGÉLIQUE.
Moi? Et comment lui aurois-je dit? Est-ce que cela est? Je voudrois
bien le voir, vraiment, que vous fussiez amoureux de moi. Jouez-vous-y,
je vous en prie; vous trouverez à qui parler; c'est une chose que je
vous conseille de faire! Ayez recours, pour voir, à tous les détours
des amans: essayez un peu, par plaisir, à m'envoyer des ambassades, à
m'écrire secrètement de petits billets doux, à épier les momens que mon
mari n'y sera pas, ou le temps que je sortirai, pour me parler de votre
amour: vous n'avez qu'à y venir, je vous promets que vous serez reçu
comme il faut.
CLITANDRE.
Eh! là, là, madame, tout doucement, il n'est pas nécessaire de me faire
tant de leçons, et de vous tant scandaliser. Qui vous dit que je songe
à vous aimer?
ANGÉLIQUE.
Que sais-je, moi, ce qu'on me vient conter ici?
CLITANDRE.
On dira ce que l'on voudra; mais vous savez si je vous ai parlé d'amour
lorsque je vous ai rencontrée.
ANGÉLIQUE.
Vous n'aviez qu'à le faire, vous auriez été bien venu!
CLITANDRE.
Je vous assure qu'avec moi vous n'avez rien à craindre, que je ne suis
point homme à donner du chagrin aux belles; et que je vous respecte
trop, et vous et messieurs vos parens, pour avoir la pensée d'être
amoureux de vous.
MADAME DE SOTENVILLE, à George Dandin.
Eh bien, vous le voyez.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Vous voilà satisfait, mon gendre. Que dites-vous à cela?
GEORGE DANDIN.
Je dis que ce sont là des contes à dormir debout; que je sais bien ce
que je sais, et que tantôt, puisqu'il faut parler net, elle a reçu une
ambassade de sa part.
ANGÉLIQUE.
Moi, j'ai reçu une ambassade?
CLITANDRE.
J'ai envoyé une ambassade?
ANGÉLIQUE.
Claudine!
CLITANDRE, à Claudine.
Est-il vrai?
CLAUDINE.
Par ma foi voilà une étrange fausseté!
GEORGE DANDIN.
Taisez-vous, carogne que vous êtes! Je sais de vos nouvelles; et c'est
vous qui tantôt avez introduit le courrier!
CLAUDINE.
Qui? moi?
GEORGE DANDIN.
Oui, vous. Ne faites point tant la sucrée.
CLAUDINE.
Hélas! que le monde aujourd'hui est rempli de méchanceté, de m'aller
soupçonner ainsi, moi qui suis l'innocence même!
GEORGE DANDIN.
Taisez-vous, bonne pièce! Vous faites la sournoise, mais je vous
connois il y a longtemps; et vous êtes une dessalée[25].
CLAUDINE, à Angélique.
Madame, est-ce que...
GEORGE DANDIN.
Taisez-vous, vous dis-je! vous pourriez bien porter la folle enchère de
tous les autres; et vous n'avez point de père gentilhomme.
ANGÉLIQUE.
C'est une imposture si grande, et qui me touche si fort au cœur, que je
ne puis pas même avoir la force d'y répondre. Cela est bien horrible
d'être accusée par un mari, lorsqu'on ne lui fait rien qui ne soit à
faire! Hélas! si je suis blâmable de quelque chose, c'est d'en user
trop bien avec lui.
CLAUDINE.
Assurément.
ANGÉLIQUE.
Tout mon malheur est de le trop considérer, et plût au ciel que je
fusse capable de souffrir, comme il dit, les galanteries de quelqu'un!
je ne serois pas tant à plaindre. Adieu; je me retire, et je ne puis
plus endurer qu'on m'outrage de cette sorte!
[25] Pour: raffinée, qui a perdu sa rusticité. Mot proverbial et
populaire, aujourd'hui passé de mode.

SCÈNE VII.--MONSIEUR ET MADAME DE SOTENVILLE, CLITANDRE, GEORGE DANDIN,
CLAUDINE.
MADAME DE SOTENVILLE, à George Dandin.
Allez, vous ne méritez pas l'honnête femme qu'on vous a donnée.
CLAUDINE.
Par ma foi! il mériteroit qu'elle lui fît dire vrai; et, si j'étois
en sa place, je n'y marchanderois pas. (A Clitandre.) Oui, monsieur,
vous devez, pour le punir, faire l'amour à ma maîtresse. Poussez, c'est
moi qui vous le dis: ce sera fort bien employé; et je m'offre à vous y
servir, puisqu'il m'en a déjà taxée.
Claudine sort.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Vous méritez, mon gendre, qu'on vous dise ces choses-là; et votre
procédé met tout le monde contre vous.
MADAME DE SOTENVILLE.
Allez, songez à mieux traiter une demoiselle bien née; et prenez garde
désormais à ne plus faire de pareilles bévues.
GEORGE DANDIN, à part.
J'enrage de bon cœur d'avoir tort lorsque j'ai raison.

SCÈNE VIII.--MONSIEUR DE SOTENVILLE, CLITANDRE, GEORGE DANDIN.
CLITANDRE, à monsieur de Sotenville.
Monsieur, vous voyez comme j'ai été faussement accusé: vous êtes homme
qui savez les maximes du point d'honneur, et je vous demande raison de
l'affront qui m'a été fait!
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Cela est juste, et c'est l'ordre des procédés. Allons, mon gendre,
faites satisfaction à monsieur.
GEORGE DANDIN.
Comment! satisfaction?
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Oui, cela se doit dans les règles, pour l'avoir à tort accusé.
GEORGE DANDIN.
C'est une chose, moi, dont je ne demeure pas d'accord, de l'avoir à
tort accusé; et je sais bien ce que j'en pense.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Il n'importe. Quelque pensée qui vous puisse rester, il a nié: c'est
satisfaire les personnes; et l'on n'a nul droit de se plaindre de tout
homme qui se dédit.
GEORGE DANDIN.
Si bien donc que si je le trouvois couché avec ma femme, il en seroit
quitte pour se dédire?
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Point de raisonnement. Faites-lui les excuses que je vous dis.
GEORGE DANDIN.
Moi! je lui ferai encore des excuses après...
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Allons, vous dis-je; il n'y a rien à balancer, et vous n'avez que
faire d'avoir peur d'en trop faire, puisque c'est moi qui vous conduis.
GEORGE DANDIN.
Je ne saurois...
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Corbleu! mon gendre, ne m'échauffez pas la bile: je me mettrois avec
lui contre vous. Allons, laissez-vous gouverner par moi.
GEORGE DANDIN, à part.
Ah! George Dandin!
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Votre bonnet à la main, le premier: monsieur est gentilhomme, et vous
ne l'êtes pas.
GEORGE DANDIN, à part, le bonnet à la main.
J'enrage!
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Répétez avec moi: Monsieur...
GEORGE DANDIN.
Monsieur...
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Je vous demande pardon... (Voyant que George Dandin fait difficulté de
lui obéir.) Ah!
GEORGE DANDIN.
Je vous demande pardon...
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Des mauvaises pensées que j'ai eues de vous.
GEORGE DANDIN.
Des mauvaises pensées que j'ai eues de vous.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
C'est que je n'avois pas l'honneur de vous connoître.
GEORGE DANDIN.
C'est que je n'avois pas l'honneur de vous connoître.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Et je vous prie de croire...
GEORGE DANDIN.
Et je vous prie de croire...
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Que je suis votre serviteur.
GEORGE DANDIN.
Voulez-vous que je sois serviteur d'un homme qui me veut faire cocu?
MONSIEUR DE SOTENVILLE, le menaçant encore.
Ah!
CLITANDRE.
Il suffit, monsieur.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Non, je veux qu'il achève, et que tout aille dans les formes: Que je
suis votre serviteur.
GEORGE DANDIN.
Que je suis votre serviteur.
CLITANDRE, à George Dandin.
Monsieur, je suis le vôtre de tout mon cœur; et je ne songe plus à ce
qui s'est passé. (A monsieur de Sotenville.) Pour vous, monsieur, je
vous donne le bonjour, et suis fâché du petit chagrin que vous avez eu.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Je vous baise les mains; et, quand il vous plaira, je vous donnerai le
divertissement de courre un lièvre[26].
CLITANDRE.
C'est trop de grâce que vous me faites.
Clitandre sort.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Voilà, mon gendre, comme il faut pousser les choses. Adieu. Sachez que
vous êtes entré dans une famille qui vous donnera de l'appui, et ne
souffrira point que l'on vous fasse aucun affront.
[26] Pour: d'une chasse au lièvre. Terme de vénerie.

SCÈNE IX.--GEORGE DANDIN.
Ah! que je... Vous l'avez voulu; vous l'avez voulu, George Dandin;
vous l'avez voulu; cela vous sied fort bien, et vous voilà ajusté
comme il faut: vous avez justement ce que vous méritez. Allons, il
s'agit seulement de désabuser le père et la mère; et je pourrai trouver
peut-être quelque moyen d'y réussir.


ACTE II

SCÈNE I.--CLAUDINE, LUBIN.
CLAUDINE.
Oui, j'ai bien deviné qu'il falloit que cela vînt de toi, et que tu
l'eusses dit à quelqu'un qui l'ait rapporté à notre maître.
LUBIN.
Par ma foi! je n'en ai touché qu'un petit mot, en passant, à un homme,
afin qu'il ne dît point qu'il m'avoit vu sortir; et il faut que les
gens, en ce pays-ci, soient de grands babillards!
CLAUDINE.
Vraiment, ce monsieur le vicomte a bien choisi son monde, que de te
prendre pour son ambassadeur; et il s'est allé servir là d'un homme
bien chanceux!
LUBIN.
Va, une autre fois je serai plus fin, et je prendrai mieux garde à moi.
CLAUDINE.
Oui, oui, il sera temps!
LUBIN.
Ne parlons plus de cela. Écoute.
CLAUDINE.
Que veux-tu que j'écoute?
LUBIN.
Tourne un peu ton visage devers moi.
CLAUDINE.
Eh bien, qu'est-ce?
LUBIN.
Claudine.
CLAUDINE.
Quoi?
LUBIN.
Eh! là! ne sais-tu pas bien ce que je veux dire?
CLAUDINE.
Non.
LUBIN.
Morgué! je t'aime.
CLAUDINE.
Tout de bon?
LUBIN.
Oui, le diable m'emporte! Tu me peux croire, puisque j'en jure.
CLAUDINE.
A la bonne heure.
LUBIN.
Je me sens tout tribouiller le cœur quand je te regarde.
CLAUDINE.
Je m'en réjouis.
LUBIN.
Comment est-ce que tu fais pour être si jolie?
CLAUDINE.
Je fais comme font les autres.
LUBIN.
Vois-tu, il ne faut point tant de beurre pour faire un quarteron; si tu
veux, tu seras ma femme, je serai ton mari, et nous serons tous deux
mari et femme.
CLAUDINE.
Tu serois peut-être jaloux comme notre maître.
LUBIN.
Point.
CLAUDINE.
Pour moi, je hais les maris soupçonneux; et j'en veux un qui ne
s'épouvante de rien, un si plein de confiance et si sûr de ma chasteté,
qu'il me vît sans inquiétude au milieu de trente hommes.
LUBIN.
Eh bien, je serai tout comme cela.
CLAUDINE.
C'est la plus sotte chose du monde que de se défier d'une femme, et de
la tourmenter. La vérité de l'affaire est qu'on n'y gagne rien de bon:
cela nous fait songer à mal; et ce sont souvent les maris qui, avec
leur vacarme, se font eux-mêmes ce qu'ils sont.
LUBIN.
Eh bien, je te donnerai la liberté de faire tout ce qu'il te plaira.
CLAUDINE.
Voilà comme il faut faire pour n'être point trompé. Lorsqu'un mari se
met à notre discrétion, nous ne prenons de liberté que ce qu'il nous
en faut; et il en est comme avec ceux qui nous ouvrent leur bourse, et
nous disent: Prenez. Nous en usons honnêtement, et nous nous contentons
de la raison. Mais ceux qui nous chicanent, nous nous efforçons de les
tondre, et nous ne les épargnons point.
LUBIN.
Va, je serai de ceux qui ouvrent leur bourse; et tu n'as qu'à te marier
avec moi.
CLAUDINE.
Eh bien, bien, nous verrons.
LUBIN.
Viens donc ici, Claudine.
CLAUDINE.
Que veux-tu?
LUBIN.
Viens, te dis-je.
CLAUDINE.
Ah! doucement. Je n'aime point les patineurs.
LUBIN.
Eh! un petit brin d'amitié.
CLAUDINE.
Laisse-moi là, te dis-je; je n'entends pas raillerie.
LUBIN.
Claudine!
CLAUDINE, repoussant Lubin.
Hai!
LUBIN.
Ah! que tu es rude à pauvres gens! Fi! que cela est malhonnête de
refuser les personnes! N'as-tu point de honte d'être belle et de ne
vouloir pas qu'on te caresse? Eh! là!
CLAUDINE.
Je te donnerai sur le nez!
LUBIN.
Oh! la farouche! la sauvage! Fi! pouah! la vilaine, qui est cruelle!
CLAUDINE.
Tu t'émancipes trop.
LUBIN.
Qu'est-ce que cela te coûteroit de me laisser un peu faire?
CLAUDINE.
Il faut que tu te donnes patience.
LUBIN.
Un petit baiser seulement, en rabattant sur notre mariage.
CLAUDINE.
Je suis votre servante.
LUBIN.
Claudine, je t'en prie, sur l'et tant moins[27].
CLAUDINE.
Eh! que nenni! J'y ai déjà été attrapée. Adieu. Va-t'en, et dis à
monsieur le vicomte que j'aurai soin de rendre son billet.
LUBIN.
Adieu, beauté rudanière[28].
CLAUDINE.
Le mot est amoureux.
LUBIN.
Adieu, rocher, caillou, pierre de taille, et tout ce qu'il y a de plus
dur au monde!
CLAUDINE, seule.
Je vais remettre aux mains de ma maîtresse... Mais la voici avec son
mari: éloignons-nous, et attendons qu'elle soit seule.
[27] Pour: sur le compte et tant moins de ce que je vous dois.
[28] Pour: qui rudoie. Épithète populaire et triviale.

SCÈNE II.--GEORGE DANDIN, ANGÉLIQUE.
GEORGE DANDIN.
Non, non; on ne m'abuse pas avec tant de facilité, et je ne suis que
trop certain que le rapport que l'on m'a fait est véritable. J'ai de
meilleurs yeux qu'on ne pense, et votre galimatias ne m'a point tantôt
ébloui.

SCÈNE III.--CLITANDRE, ANGÉLIQUE, GEORGE DANDIN.
CLITANDRE, à part, dans le fond du théâtre.
Ah? la voilà; mais le mari est avec elle.
GEORGE DANDIN, sans voir Clitandre.
Au travers de toutes vos grimaces j'ai vu la vérité de ce que l'on
m'a dit, et le peu de respect que vous avez pour le nœud qui nous
joint. (Clitandre et Angélique se saluent.) Mon Dieu! laissez-là votre
révérence; ce n'est pas de ces sortes de respects dont je vous parle,
et vous n'avez que faire de vous moquer.
ANGÉLIQUE.
Moi, me moquer! en aucune façon.
GEORGE DANDIN.
Je sais votre pensée, et connois... (Clitandre et Angélique se saluent
encore.) Encore! Ah! ne raillons point davantage. Je n'ignore pas qu'à
cause de votre noblesse vous me tenez fort au-dessous de vous, et le
respect que je veux dire ne regarde point ma personne; j'entends parler
de celui que vous devez à des nœuds aussi vénérables que le sont ceux
du mariage... (Angélique fait signe à Clitandre.) Il ne faut point
lever les épaules, et je ne dis point de sottises.
ANGÉLIQUE.
Qui songe à lever les épaules?
GEORGE DANDIN.
Mon Dieu! nous voyons clair. Je vous dis, encore une fois, que le
mariage est une chaîne à laquelle on doit porter toutes sortes de
respects; et que c'est fort mal fait à vous d'en user comme vous
faites. (Angélique fait signe de la tête à Clitandre.) Oui, oui, mal
fait à vous; et vous n'avez que faire de hocher la tête, et de me faire
la grimace.
ANGÉLIQUE.
Moi? je ne sais ce que vous voulez dire.
GEORGE DANDIN.
Je le sais fort bien, moi; et vos mépris me sont connus. Si je ne
suis pas né noble, au moins suis-je d'une race où il n'y a point de
reproche; et la famille des Dandin...
CLITANDRE, derrière Angélique, sans être aperçu de George Dandin.
Un moment d'entretien.
GEORGE DANDIN, sans voir Clitandre.
Eh?
ANGÉLIQUE.
Quoi? Je ne dis mot.
George Dandin tourne autour de sa femme, et Clitandre se retire en
faisant une grande révérence à George Dandin.

SCÈNE IV.--GEORGE DANDIN, ANGÉLIQUE.
GEORGE DANDIN.
Le voilà qui vient rôder autour de vous.
ANGÉLIQUE.
Eh bien, est-ce ma faute? Que voulez-vous que j'y fasse?
GEORGE DANDIN.
Je veux que vous y fassiez ce que fait une femme qui ne veut plaire
qu'à son mari. Quoiqu'on en puisse dire, les galans n'obsèdent jamais
que quand on le veut bien. Il y a un certain air doucereux qui les
attire, ainsi que le miel fait les mouches; et les honnêtes femmes ont
des manières qui les savent chasser d'abord.
ANGÉLIQUE.
Moi, les chasser! et par quelle raison? Je ne me scandalise point qu'on
me trouve bien faite et cela me fait du plaisir.
GEORGE DANDIN.
Oui! Mais quel personnage voulez-vous que joue un mari pendant cette
galanterie?
ANGÉLIQUE.
Le personnage d'un honnête homme, qui est bien aise de voir sa femme
considérée.
GEORGE DANDIN.
Je suis votre valet. Ce n'est pas là mon compte; et les Dandin ne sont
point accoutumés à cette mode-là.
ANGÉLIQUE.
Oh! les Dandin s'y accoutumeront s'ils veulent; car, pour moi, je
vous déclare que mon dessein n'est pas de renoncer au monde, et de
m'enterrer toute vive dans un mari. Comment! parce qu'un homme s'avise
de nous épouser, il faut d'abord que toutes choses soient finies pour
nous, et que nous rompions tout commerce avec les vivans! C'est une
chose merveilleuse que cette tyrannie de messieurs les maris; et je
les trouve bons de vouloir qu'on soit morte à tous les divertissemens,
et qu'on ne vive que pour eux! Je me moque de cela, et ne veux point
mourir si jeune.
GEORGE DANDIN.
C'est ainsi que vous satisfaites aux engagemens de la foi que vous
m'avez donnée publiquement?
ANGÉLIQUE.
Moi? je ne vous l'ai point donnée de bon cœur, et vous me l'avez
arrachée. M'avez-vous, avant le mariage, demandé mon consentement, et
si je voulois bien de vous? Vous n'avez consulté, pour cela, que mon
père et ma mère; ce sont eux, proprement, qui vous ont épousé, et c'est
pourquoi vous ferez bien de vous plaindre toujours à eux des torts que
l'on pourra vous faire. Pour moi, qui ne vous ai point dit de vous
marier avec moi, et que vous avez prise sans consulter mes sentimens,
je prétends n'être point obligée à me soumettre en esclave à vos
volontés, et je veux jouir, s'il vous plaît, de quelque nombre de beaux
jours que m'offre la jeunesse, prendre les douces libertés que l'âge me
permet, voir un peu le beau monde, et goûter le plaisir de m'ouïr dire
des douceurs. Préparez-vous-y, pour votre punition; et rendez grâces au
ciel de ce que je ne suis pas capable de quelque chose de pis.
GEORGE DANDIN.
Oui! C'est ainsi que vous le prenez? Je suis votre mari, et je vous dis
que je n'entends pas cela.
ANGÉLIQUE.
Moi, je suis votre femme, et je vous dis que je l'entends.
GEORGE DANDIN, à part.
Il me prend des tentations d'accommoder tout son visage à la compote,
et le mettre en état de ne plaire de sa vie aux diseurs de fleurettes.
Ah! allons, George Dandin; je ne pourrois me retenir, et il vaut mieux
quitter la place.

SCÈNE V.--ANGÉLIQUE, CLAUDINE.
CLAUDINE.
J'avois, madame, impatience qu'il s'en allât, pour vous rendre ce mot
de la part que vous savez.
ANGÉLIQUE.
Voyons.
CLAUDINE, à part.
A ce que je puis remarquer, ce qu'on lui dit ne lui déplaît pas trop.
ANGÉLIQUE.
Ah! Claudine, que ce billet s'explique d'une façon galante! Que, dans
tous leurs discours et dans toutes leurs actions, les gens de cour ont
un air agréable! Et qu'est-ce que c'est, auprès d'eux, que nos gens de
province?
CLAUDINE.
Je crois qu'après les avoir vus, les Dandin ne vous plaisent guère.
ANGÉLIQUE.
Demeure ici: je m'en vais faire la réponse...
CLAUDINE, seule.
Je n'ai pas besoin, que je pense, de lui recommander de la faire
agréable. Mais voici...

SCÈNE VI.--CLITANDRE, LUBIN, CLAUDINE.
CLAUDINE.
Vraiment, monsieur, vous avez pris là un habile messager.
CLITANDRE.
Je n'ai pas osé envoyer de mes gens; mais, ma pauvre Claudine, il faut
que je te récompense des bons offices que je sais que tu m'as rendus.
Il fouille dans sa poche.
CLAUDINE.
Eh! monsieur, il n'est pas nécessaire. Non, monsieur, vous n'avez que
faire de vous donner cette peine-là; et je vous rends service parce que
vous le méritez, et que je me sens au cœur de l'inclination pour vous.
CLITANDRE, donnant de l'argent à Claudine.
Je te suis obligé.
LUBIN, à Claudine.
Puisque nous serons mariés, donne-moi cela, que je le mette avec le
mien.
CLAUDINE.
Je te le garde, aussi bien que le baiser.
CLITANDRE, à Claudine.
Dis-moi, as-tu rendu mon billet à ta belle maîtresse?
CLAUDINE.
Oui. Elle est allée y répondre.
CLITANDRE.
Mais, Claudine, n'y a-t-il pas moyen que je la puisse entretenir?
CLAUDINE.
Oui: venez avec moi, je vous ferai parler à elle.
CLITANDRE.
Mais le trouvera-t-elle bon, et n'y a-t-il rien à risquer?
CLAUDINE.
Non, non. Son mari n'est pas au logis, et puis ce n'est pas lui qu'elle
a le plus à ménager; c'est son père et sa mère, et, pourvu qu'ils
soient prévenus[29], tout le reste n'est point à craindre.
CLITANDRE.
Je m'abandonne à ta conduite.
LUBIN, seul.
Tétiguenne! que j'aurai là une habile femme! Elle a de l'esprit comme
quatre.
[29] Pour: qu'ils aient des préventions en l'honneur de leur fille.

SCÈNE VII.--GEORGE DANDIN, LUBIN.
GEORGE DANDIN, bas, à part.
Voici mon homme de tantôt. Plût au ciel qu'il pût se résoudre à vouloir
rendre témoignage au père et à la mère de ce qu'ils ne veulent point
croire!
LUBIN.
Ah! vous voilà, monsieur le babillard, à qui j'avois tant recommandé
de ne point parler, et qui me l'aviez tant promis! Vous êtes donc un
causeur, et vous allez redire ce que l'on vous dit en secret?
GEORGE DANDIN.
Moi?
LUBIN.
Oui. Vous avez été tout rapporter au mari, et vous êtes cause qu'il
a fait du vacarme. Je suis bien aise de savoir que vous avez de la
langue; et cela m'apprendra à ne vous plus rien dire.
GEORGE DANDIN.
Écoute, mon ami.
LUBIN.
Si vous n'aviez point babillé, je vous aurois conté ce qui se passe à
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