Molière - Œuvres complètes, Tome 2 - 15

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laissent pas de se presser et d'occuper toutes les avenues de la porte.
LA GRANGE.
»Crions nos deux noms à l'huissier, afin qu'il nous appelle.
MOLIÈRE.
»Cela est bon pour toi; mais, pour moi, je ne veux pas être joué par
Molière.
LA GRANGE.
»Je pense pourtant, marquis, que c'est toi qu'il joue dans la
_Critique_.
MOLIÈRE.
»Moi? Je suis ton valet; c'est toi-même en propre personne.
LA GRANGE.
»Ah! ma foi, tu es bon de m'appliquer ton personnage.
MOLIÈRE.
»Parbleu! je te trouve plaisant de me donner ce qui t'appartient.
LA GRANGE, riant.
»Ah! ah! ah! cela est drôle!
MOLIÈRE, riant.
»Ah! ah! ah! cela est bouffon!
LA GRANGE.
»Quoi! tu veux soutenir que ce n'est pas toi qu'on joue dans le marquis
de la _Critique_?
MOLIÈRE.
»Il est vrai, c'est moi. _Détestable, morbleu! détestable! tarte à la
crème!_ C'est moi, c'est moi, assurément c'est moi.
LA GRANGE.
»Oui, parbleu! c'est toi, tu n'as que faire de railler; et, si tu veux,
nous gagerons, et verrons qui a raison des deux.
MOLIÈRE.
»Et que veux-tu gager encore?
LA GRANGE.
»Je gage cent pistoles que c'est toi.
MOLIÈRE.
»Et moi, cent pistoles que c'est toi.
LA GRANGE.
»Cent pistoles comptant?
MOLIÈRE.
»Comptant. Quatre-vingt-dix pistoles sur Amyntas,[194] et dix pistoles
comptant.
LA GRANGE.
»Je le veux.
MOLIÈRE.
»Cela est fait.
LA GRANGE.
»Ton argent court grand risque.
MOLIÈRE.
»Le tien est bien aventuré.
LA GRANGE.
»A qui nous en rapporter?
MOLIÈRE.
»Voici un homme qui nous jugera. (A Brécourt.) Chevalier...
BRÉCOURT.
»Quoi?»
MOLIÈRE.
Bon! voilà l'autre qui prend le ton de marquis! vous ai-je pas dit que
vous faites un rôle où l'on doit parler naturellement?
BRÉCOURT.
Il est vrai.
MOLIÈRE.
Allons donc. «Chevalier...
BRÉCOURT.
»Quoi?
MOLIÈRE.
»Juge-nous un peu sur une gageure que nous avons faite.
BRÉCOURT.
»Et quelle?
MOLIÈRE.
»Nous disputons qui est le marquis de la _Critique_ de Molière; il gage
que c'est moi, et moi je gage que c'est lui.
BRÉCOURT.
»Et moi, je juge que ce n'est ni l'un ni l'autre. Vous êtes fous tous
deux de vouloir vous appliquer ces sortes de choses; et voilà de quoi
j'ouïs l'autre jour se plaindre Molière, parlant à des personnes qui le
chargeoient de même chose que vous. Il disoit que rien ne lui donnoit du
déplaisir comme d'être accusé de regarder quelqu'un dans les portraits
qu'il fait; que son dessein est de peindre les mœurs sans vouloir
toucher aux personnes, et que tous les personnages qu'il représente sont
des personnages en l'air, et des fantômes proprement[195], qu'il habille
à sa fantaisie, pour réjouir les spectateurs; qu'il seroit bien fâché
d'y avoir jamais marqué qui que ce soit; et que, si quelque chose étoit
capable de le dégoûter de faire des comédies, c'étoient les
ressemblances qu'on y vouloit toujours trouver, et dont ses ennemis
tâchoient malicieusement d'appuyer la pensée, pour lui rendre de mauvais
offices auprès de certaines personnes à qui il n'a jamais pensé. Et, en
effet, je trouve qu'il a raison: car pourquoi vouloir, je vous prie,
appliquer tous ses gestes et toutes ses paroles, et chercher à lui faire
des affaires en disant hautement: Il joue un tel, lorsque ce sont des
choses qui peuvent convenir à cent personnes? Comme l'affaire de la
comédie est de représenter en général tous les défauts des hommes, et
principalement des hommes de notre siècle, il est impossible à Molière
de faire aucun caractère qui ne rencontre quelqu'un dans le monde; et,
s'il faut qu'on l'accuse d'avoir songé toutes les personnes où l'on peut
trouver les défauts qu'il peint, il faut, sans doute, qu'il ne fasse
plus de comédies.
MOLIÈRE.
»Ma foi, chevalier, tu veux justifier Molière, et épargner notre ami que
voilà.
LA GRANGE.
»Point du tout. C'est toi qu'il épargne; et nous trouverons d'autres
juges.
MOLIÈRE.
»Soit. Mais, dis-moi chevalier, crois-tu que ton Molière est épuisé
maintenant, et qu'il ne trouvera plus de matière pour...
BRÉCOURT.
»Plus de matière? Eh! mon pauvre marquis, nous lui en fournirons
toujours assez; et nous ne prenons guère le chemin de nous rendre sages
pour[196] tout ce qu'il fait et tout ce qu'il dit.»
MOLIÈRE.
Attendez, il faut marquer davantage tout cet endroit. Écoutez-le dire un
peu. «Et qu'il ne trouvera plus de matière pour...--plus de matière? Eh!
mon pauvre marquis, nous lui en fournirons toujours assez, et nous ne
prenons guère le chemin de nous rendre sages pour tout ce qu'il fait et
tout ce qu'il dit. Crois-tu qu'il ait épuisé dans ses comédies tout le
ridicule des hommes? Et, sans sortir de la cour, n'a-t-il pas encore
vingt caractères de gens où il n'a point touché? N'a-t-il pas, par
exemple, ceux qui se font les plus grandes amitiés du monde, et, qui le
dos tourné, font galanterie de se déchirer l'un l'autre? N'a-t-il pas
ces adulateurs à outrance, ces flatteurs insipides, qui n'assaisonnent
d'aucun sel les louanges qu'ils donnent, et dont toutes les flatteries
ont une douceur fade qui fait mal au cœur à ceux qui les écoutent?
N'a-t-il pas ces lâches courtisans de la faveur, ces perfides adorateurs
de la fortune, qui vous encensent dans la prospérité, et vous accablent
dans la disgrâce? N'a-t-il pas ceux qui sont toujours mécontens de la
cour, ces suivans inutiles, ces incommodes assidus, ces gens, dis-je,
qui, pour services, ne peuvent compter que des importunités, et qui
veulent que l'on les récompense d'avoir obsédé le prince dix ans durant?
N'a-t-il pas ceux qui caressent également tout le monde, qui promènent
leurs civilités à droite et à gauche, et courent à tous ceux qu'ils
voient avec les mêmes embrassades et les mêmes protestations
d'amitié?--Monsieur, votre très-humble serviteur. Monsieur, je suis
tout à votre service. Tenez-moi des vôtres, mon cher. Faites état de
moi, monsieur, comme du plus chaud de vos amis. Monsieur, je suis ravi
de vous embrasser. Ah! monsieur, je ne vous voyois pas! Faites-moi la
grâce de m'employer. Soyez persuadé que je suis entièrement à vous. Vous
êtes l'homme du monde que je révère le plus. Il n'y a personne que
j'honore à l'égal de vous. Je vous conjure de le croire. Je vous supplie
de n'en point douter. Serviteur. Très-humble valet.--Va, va, marquis,
Molière aura toujours plus de sujets qu'il n'en voudra; et tout ce qu'il
a touché jusqu'ici n'est rien que bagatelle au prix de ce qui reste.»
Voilà à peu près comme cela doit être joué.
BRÉCOURT.
C'est assez.
MOLIÈRE.
Poursuivez.
BRÉCOURT.
«Voici Climène et Élise.»
MOLIÈRE, à mesdemoiselles Duparc et Molière.
Là-dessus vous arriverez toutes deux. (A mademoiselle Duparc.) Prenez
bien garde, vous, à vous déhancher comme il faut et à faire bien des
façons. Cela vous contraindra un peu; mais qu'y faire? Il faut parfois
se faire violence.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
«Certes, madame, je vous ai reconnue de loin, et j'ai bien vu à votre
air que ce ne pouvoit être une autre que vous.
MADEMOISELLE DUPARC.
»Vous voyez. Je viens attendre ici la sortie d'un homme avec qui j'ai
une affaire à démêler.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
»Et moi de même.»
MOLIÈRE.
Mesdames, voilà des coffres qui vous serviront de fauteuils.
MADEMOISELLE DUPARC.
«Allons, madame, prenez place, s'il vous plaît.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
»Après vous madame.»
MOLIÈRE.
Bon. Après ces petites cérémonies muettes, chacun prendra et parlera
assis, hors les marquis, qui tantôt se lèveront, et tantôt s'assoiront,
suivant leur inquiétude naturelle. «Parbleu! chevalier, tu devrois faire
prendre médecine à tes canons.
BRÉCOURT.
»Comment?
MOLIÈRE.
»Ils se portent fort mal.
BRÉCOURT.
»Serviteur à la turlupinade!
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
»Mon Dieu! madame, que je vous trouve le teint d'une blancheur
éblouissante, et les lèvres d'une couleur de feu surprenante!
MADEMOISELLE DUPARC.
»Ah! que dites-vous là, madame? Ne me regardez point, je suis du dernier
laid aujourd'hui.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
»Eh! madame, levez un peu votre coiffe.
MADEMOISELLE DUPARC.
»Fi! je suis épouvantable, vous dis-je, et je me fais peur à moi-même.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
»Vous êtes si belle!
MADEMOISELLE DUPARC.
»Point, point.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
»Montrez-vous.
MADEMOISELLE DUPARC.
»Ah! fi donc! je vous prie.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
»De grâce!
MADEMOISELLE DUPARC.
»Mon Dieu, non.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
»Si fait.
MADEMOISELLE DUPARC.
»Vous me désespérez.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
»Un moment.
MADEMOISELLE DUPARC.
»Hai!
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
»Résolûment, vous vous montrerez. On ne peut point se passer de vous
voir.
MADEMOISELLE DUPARC.
»Mon Dieu, que vous êtes une étrange personne! vous voulez furieusement
ce que vous voulez.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
»Ah! madame, vous n'avez aucun désavantage à paroître au grand jour, je
vous jure! Les méchantes gens, qui assuroient que vous mettiez quelque
chose[197]! Vraiment, je les démentirai bien maintenant.
MADEMOISELLE DUPARC.
»Hélas! je ne sais pas seulement ce qu'on appelle mettre quelque chose.
Mais où vont ces dames?
MADEMOISELLE DEBRIE.
»Vous voulez bien, mesdames, que nous vous donnions en passant la plus
agréable nouvelle du monde? Voilà M. Lysidas qui vient de nous avertir
qu'on a fait une pièce contre Molière, que les grands comédiens vont
jouer.
MOLIÈRE.
»Il est vrai, on me l'a voulu lire; et c'est un nommé Br... Brou...
Brossaut qui l'a faite.
DU CROISY.
»Monsieur, elle est affichée sous le nom de Boursault. Mais, à vous dire
le secret, bien des gens ont mis la main à cet ouvrage, et l'on en doit
concevoir une assez haute attente. Comme tous les auteurs et tous les
comédiens regardent Molière comme leur plus grand ennemi, nous nous
sommes tous unis pour le desservir. Chacun de nous a donné un coup de
pinceau à son portrait; mais nous nous sommes bien gardés d'y mettre nos
noms; il lui auroit été trop glorieux de succomber, aux yeux du monde,
sous les efforts de tout le Parnasse; et, pour rendre sa défaite plus
ignominieuse, nous avons voulu choisir tout exprès un auteur sans
réputation.
MADEMOISELLE DUPARC.
»Pour moi, je vous avoue que j'en ai toutes les joies imaginables.
MOLIÈRE.
»Et moi aussi. Par la sambleu! le railleur sera raillé; il aura sur les
doigts, ma foi!
MADEMOISELLE DUPARC.
»Cela lui apprendra à vouloir satiriser tout. Comment! cet impertinent
ne veut pas que les femmes aient de l'esprit! Il condamne toutes nos
expressions élevées, et prétend que nous parlions toujours terre à
terre!
MADEMOISELLE DEBRIE.
»Le langage n'est rien; mais il censure tous nos attachemens, quelque
innocens qu'ils puissent être; et, de la façon qu'il en parle, c'est
être criminelle que d'avoir du mérite.
MADEMOISELLE DU CROISY.
»Cela est insupportable. Il n'y a pas une femme qui puisse plus rien
faire. Que ne laisse-t-il en repos nos maris, sans leur ouvrir les yeux,
et leur faire prendre garde à des choses dont ils ne s'avisent pas?
MADEMOISELLE BÉJART.
»Passe pour tout cela; mais il satirise même les femmes de bien, et ce
méchant plaisant leur donne le titre d'honnêtes diablesses.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
»C'est un impertinent. Il faut qu'il en ait tout le soûl.
DU CROISY.
»La représentation de cette comédie, madame, aura besoin d'être appuyée;
et les comédiens de l'hôtel...
MADEMOISELLE DUPARC.
»Mon Dieu! qu'ils n'appréhendent rien. Je leur garantis le succès de
leur pièce, corps pour corps.
MADEMOISELLE MOLIÈRE
»Vous avez raison, madame. Trop de gens sont intéressés à la trouver
belle. Je vous laisse à penser si tout ceux qui se croient satirisés par
Molière ne prendront pas l'occasion de se venger de lui en
applaudissant à cette comédie.
BRÉCOURT, ironiquement.
»Sans doute; et pour moi je réponds de douze marquis, de six précieuses,
de vingt coquettes et de trente cocus, qui ne manqueront pas d'y battre
les mains.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
»En effet. Pourquoi aller offenser toutes ces personnes-là, et
particulièrement les cocus, qui sont les meilleures gens du monde?
MOLIÈRE.
»Par la sambleu! on m'a dit qu'on le va dauber, lui et toutes ses
comédies, de la belle manière; et que les comédiens et les auteurs,
depuis le cèdre jusqu'à l'hysope, sont diablement animés contre lui.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
»Cela lui sied fort bien. Pourquoi fait-il de méchantes pièces que tout
Paris va voir, et où il peint si bien les gens, que chacun s'y connoît?
Que ne fait-il des comédies comme celles de M. Lysidas? il n'auroit
personne contre lui, et tous les auteurs en diroient du bien. Il est
vrai que de semblables comédies n'ont pas ce grand concours de monde;
mais, en revanche, elles sont toujours bien écrites, personne n'écrit
contre elles, et tous ceux qui les voient meurent d'envie de les trouver
belles.
DU CROISY.
»Il est vrai que j'ai l'avantage de ne point faire d'ennemis, et que
tous mes ouvrages ont l'approbation des savans.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
»Vous faites bien d'être content de vous. Cela vaut mieux que tous les
applaudissements du public, et que tout l'argent qu'on sauroit gagner
aux pièces de Molière. Que vous importe qu'il vienne du monde à vos
comédies, pourvu qu'elles soient approuvées par messieurs vos confrères?
LA GRANGE.
»Mais quand jouera-t-on le _Portrait du Peintre_?
DU CROISY.
»Je ne sais; mais je me prépare fort à paroître des premiers sur les
rangs, pour crier: Voilà qui est beau!
MOLIÈRE.
»Et moi de même, parbleu!
LA GRANGE.
»Et moi aussi, Dieu me sauve!
MADEMOISELLE DUPARC.
»Pour moi, j'y payerai de ma personne comme il faut; et je réponds d'une
bravoure d'approbation qui mettra en déroute tous les jugemens ennemis.
C'est bien la moindre chose que nous devions faire, que d'épauler de nos
louanges le vengeur de nos intérêts!
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
»C'est fort bien dit.
MADEMOISELLE DEBRIE.
»Et ce qu'il nous faut faire toutes.
MADEMOISELLE BÉJART.
»Assurément.
MADEMOISELLE DU CROISY.
»Sans doute.
MADEMOISELLE HERVÉ.
»Point de quartier à ce contrefaiseur de gens.
MOLIÈRE.
»Ma foi, chevalier, mon ami, il faudra que ton Molière se cache.
BRÉCOURT.
»Qui? lui! Je te promets, marquis, qu'il fait dessein d'aller sur le
théâtre rire, avec tous les autres, du portrait qu'on a fait de lui.
MOLIÈRE.
»Parbleu! ce sera donc du bout des dents qu'il rira.
BRÉCOURT.
»Va, va, peut-être qu'il y trouvera plus de sujets de rire que tu ne
penses. On m'a montré la pièce; et comme tout ce qu'il y a d'agréable
sont[198] effectivement les idées qui ont été prises de Molière, la joie
que cela pourra donner n'aura pas lieu de lui déplaire, sans doute; car,
pour l'endroit où l'on s'efforce de le noircir, je suis le plus trompé
du monde si cela est approuvé de personne; et, quant à tous les gens
qu'ils ont tâché d'animer contre lui, sur ce qu'il fait, dit-on, des
portraits trop ressemblans, outre que cela est de fort mauvaise grâce,
je ne vois rien de plus ridicule et de plus mal repris; et je n'avois
pas cru jusqu'ici que ce fût un sujet de blâme pour un comédien que de
peindre trop bien les hommes.
LA GRANGE.
»Les comédiens m'ont dit qu'ils l'attendoient sur la réponse, et que...
BRÉCOURT.
»Sur la réponse? ma foi, je le trouverois un grand fou s'il se mettoit
en peine de répondre à leurs invectives. Tout le monde sait assez de
quel motif elles peuvent partir, et la meilleure réponse qu'il leur
puisse faire, c'est une comédie qui réussisse comme toutes ses autres.
Voilà le vrai moyen de se venger d'eux comme il faut; et, de l'humeur
dont je le connois, je suis fort assuré qu'une pièce nouvelle qui leur
enlèvera le monde les fâchera bien plus que toutes les satires qu'on
pourroit faire de leurs personnes.
MOLIÈRE.
»Mais chevalier...»
MADEMOISELLE BÉJART.
Souffrez que j'interrompe pour un peu la répétition. (A Molière.)
Voulez-vous que je vous dise? Si j'avois été en votre place, j'aurois
poussé les choses autrement. Tout le monde attend de vous une réponse
vigoureuse; et, après la manière dont on m'a dit que vous étiez traité
dans cette comédie, vous étiez en droit de tout dire contre les
comédiens, et vous devriez n'en épargner aucun.
MOLIÈRE.
J'enrage de vous ouïr parler de la sorte, et voilà votre manie, à vous
autres femmes. Vous voudriez que je prisse feu d'abord contre eux, et
qu'à leur exemple, j'allasse éclater promptement en invectives et en
injures. Le bel honneur que j'en pourrois tirer, et le grand dépit que
je leur ferois! Ne se sont-ils pas préparés de bonne volonté à ces
sortes de choses? et lorsqu'ils ont délibéré s'ils joueroient le
_Portrait du Peintre_, sur la crainte d'une riposte, quelques-uns
d'entre eux n'ont-ils pas répondu: «Qu'il nous rende toutes les injures
qu'il voudra, pourvu que nous gagnions de l'argent?» N'est-ce pas là la
marque d'une âme fort sensible à la honte? et ne me vengerois-je pas
bien d'eux, en leur donnant ce qu'ils veulent bien recevoir?
MADEMOISELLE DEBRIE.
Ils se sont fort plaints, toutefois, de trois ou quatre mots que vous
avez dits d'eux dans la _Critique_ et dans vos _Précieuses_.
MOLIÈRE.
Il est vrai, ces trois ou quatre mots sont fort offensans, et ils ont
grande raison de les citer. Allez, allez, ce n'est pas cela: le plus
grand mal que je leur ai fait, c'est que j'ai eu le bonheur de plaire un
peu plus qu'ils n'auroient voulu; et tout leur procédé, depuis que nous
sommes venus à Paris, a trop marqué ce qui les touche. Mais laissons-les
faire tant qu'ils voudront; toutes leurs entreprises ne doivent point
m'inquiéter. Ils critiquent mes pièces, tant mieux; et Dieu me garde
d'en faire jamais qui leur plaisent; ce seroit une mauvaise affaire pour
moi.
MADEMOISELLE DEBRIE.
Il n'y a pas grand plaisir pourtant à voir déchirer ses ouvrages.
MOLIÈRE.
Et qu'est-ce que cela me fait? N'ai-je pas obtenu de ma comédie tout ce
que j'en voulois obtenir, puisqu'elle a eu le bonheur d'agréer aux
augustes personnes à qui particulièrement je m'efforce de plaire?
N'ai-je pas lieu d'être satisfait de sa destinée, et toutes leurs
censures ne viennent-elles pas trop tard? Est-ce moi, je vous prie, que
cela regarde maintenant? et, lorsqu'on attaque une pièce qui a eu du
succès, n'est-ce pas attaquer plutôt le jugement de ceux qui l'ont
approuvée que l'art de celui qui l'a faite?
MADEMOISELLE DEBRIE.
Ma foi, j'aurois joué ce petit monsieur l'auteur, qui se mêle d'écrire
contre des gens qui ne songent pas à lui.
MOLIÈRE.
Vous êtes folle. Le beau sujet à divertir la cour, que M. Boursault! Je
voudrois bien savoir de quelle façon on pourroit l'ajuster pour le
rendre plaisant; et si, quand on le berneroit sur un théâtre, il seroit
assez heureux pour faire rire le monde. Ce lui seroit trop d'honneur que
d'être joué devant une auguste assemblée; il ne demanderoit pas mieux,
et il m'attaque de gaieté de cœur pour se faire connoître, de quelque
façon que ce soit. C'est un homme qui n'a rien à perdre, et les
comédiens ne me l'ont déchaîné que pour m'engager à une sotte guerre, et
me détourner, par cet artifice, des autres ouvrages que j'ai à faire; et
cependant vous êtes assez simples pour donner toutes dans ce panneau.
Mais enfin, j'en ferai ma déclaration publiquement. Je ne prétends faire
aucune réponse à toutes leurs critiques et leurs contre-critiques.
Qu'ils disent tous les maux du monde de mes pièces, j'en suis d'accord.
Qu'ils s'en saisissent après nous; qu'ils les retournent comme un habit
pour les mettre sur leur théâtre, et tâchent à profiter de quelque
agrément qu'on y trouve et d'un peu de bonheur que j'ai, j'y consens,
ils en ont besoin; et je serai bien aise de contribuer à les faire
subsister, pourvu qu'ils se contentent de ce que je puis leur accorder
avec bienséance. La courtoisie doit avoir des bornes; et il y a des
choses qui ne font rire ni les spectateurs, ni celui dont on parle. Je
leur abandonne de bon cœur mes ouvrages, ma figure, mes gestes, mes
paroles, mon ton de voix et ma façon de réciter pour en faire et dire
tout ce qu'il leur plaira, s'ils en peuvent tirer quelque avantage. Je
ne m'oppose point à toutes ces choses, et je serai ravi que cela puisse
réjouir le monde; mais, en leur abandonnant tout cela, ils me doivent
faire la grâce de me laisser le reste, et de ne point toucher à des
matières de la nature de celles sur lesquelles on m'a dit qu'ils
m'attaquoient dans leurs comédies. C'est de quoi je prierai civilement
cet honnête monsieur qui se mêle d'écrire pour eux, et voilà toute la
réponse qu'ils auront de moi.
MADEMOISELLE BÉJART.
Mais enfin...
MOLIÈRE.
Mais enfin, vous me feriez devenir fou. Ne parlons point de cela
davantage; nous nous amusons à faire des discours au lieu de répéter
notre comédie. Où en étions-nous? Je ne m'en souviens plus.
MADEMOISELLE DEBRIE.
Vous en étiez à l'endroit...
MOLIÈRE.
Mon Dieu! j'entends du bruit; c'est le roi qui arrive, assurément; et je
vois bien que nous n'aurons pas le temps de passer outre. Voilà ce que
c'est de s'amuser! Oh! bien, faites donc, pour le reste, du mieux qu'il
vous sera possible.
MADEMOISELLE BÉJART.
Par ma foi, la frayeur me prend; et je ne saurois aller jouer mon rôle,
si je ne le répète tout entier.
MOLIÈRE.
Comment! vous ne sauriez aller jouer votre rôle?
MADEMOISELLE BÉJART.
Non.
MADEMOISELLE DUPARC.
Ni moi, le mien.
MADEMOISELLE DEBRIE.
Ni moi non plus.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
Ni moi.
MADEMOISELLE HERVÉ.
Ni moi.
MADEMOISELLE DU CROISY.
Ni moi.
MOLIÈRE.
Que pensez-vous donc faire? Vous moquez-vous toutes de moi?
[194] Probablement sur son banquier.
[195] Au lieu de: ce sont proprement des fantômes. Transposition
archaïque beaucoup plus expressive que la tournure moderne.
[196] Au lieu de: qu'il fasse et quoi qu'il dise. Sens archaïque
difficile à comprendre aujourd'hui.
[197] Pour: que vous employiez le fard et la céruse.
[198] Pour: les idées prises de Molière sont tout ce qu'il y a
d'agréable. Inversion d'une extrême hardiesse.

SCÈNE IV.--BÉJART, MOLIÈRE, LA GRANGE, DU CROISY, MESDEMOISELLES DUPARC,
BÉJART, DEBRIE, MOLIÈRE, DU CROISY, HERVÉ.
BÉJART.
Messieurs, je viens vous avertir que le roi est venu, et qu'il attend
que vous commenciez.
MOLIÈRE.
Ah! monsieur, vous me voyez dans la plus grande peine du monde; je suis
désespéré à l'heure que je vous parle! Voici des femmes qui s'effrayent
et qui disent qu'il leur faut répéter leurs rôles avant que d'aller
commencer. Nous demandons, de grâce, encore un moment. Le roi a de la
bonté, et il sait que la chose a été précipitée.

SCÈNE V.--MOLIÈRE, LA GRANGE, DU CROISY, MESDEMOISELLES DU PARC, BÉJART,
DEBRIE, MOLIÈRE, DU CROISY, HERVÉ.
MOLIÈRE.
Eh! de grâce, tâchez de vous remettre; prenez courage, je vous prie.
MADEMOISELLE DUPARC.
Vous devez vous aller excuser.
MOLIÈRE.
Comment m'excuser?

SCÈNE VI.--MOLIÈRE, LA GRANGE, DU CROISY, MESDEMOISELLES DUPARC, BÉJART,
DEBRIE, MOLIÈRE, DU CROISY, HERVÉ, UN NÉCESSAIRE[199].
LE NÉCESSAIRE.
Messieurs, commencez donc.
MOLIÈRE.
Tout à l'heure, monsieur. Je crois que je perdrai l'esprit de cette
affaire-ci, et...
[199] Pour: homme qui fait le nécessaire, l'important.

SCÈNE VII.--MOLIÈRE, LA GRANGE, DU CROISY, MESDEMOISELLES DUPARC,
BÉJART, DEBRIE, MOLIÈRE, DU CROISY, HERVÉ, UN NÉCESSAIRE, UN SECOND
NÉCESSAIRE.
LE SECOND NÉCESSAIRE.
Messieurs, commencez donc.
MOLIÈRE.
Dans un moment, monsieur. (A ses camarades.) Eh quoi donc! voulez-vous
que j'aie l'affront?

SCÈNE VIII.--MOLIÈRE, LA GRANGE, DU CROISY, MESDEMOISELLES DUPARC,
BÉJART, DEBRIE, MOLIÈRE, DU CROISY, HERVÉ, UN NÉCESSAIRE, UN SECOND
NÉCESSAIRE, UN TROISIÈME NÉCESSAIRE.
LE TROISIÈME NÉCESSAIRE.
Messieurs, commencez donc.
MOLIÈRE.
Oui, monsieur, nous y allons. Eh! que de gens se font de fête et
viennent dire: Commencez donc, à qui le roi ne l'a pas commandé!

SCÈNE IX.--MOLIÈRE, LA GRANGE, DU CROISY, MESDEMOISELLES DUPARC, BÉJART,
DEBRIE, MOLIÈRE, DU CROISY, HERVÉ, UN NÉCESSAIRE, UN SECOND NÉCESSAIRE,
UN TROISIÈME NÉCESSAIRE, UN QUATRIÈME NÉCESSAIRE.
LE QUATRIÈME NÉCESSAIRE.
Messieurs, commencez donc.
MOLIÈRE.
Voilà qui est fait, monsieur. (A ses camarades.) Quoi donc! recevrai-je
la confusion...

SCÈNE X.--BÉJART, MOLIÈRE, LA GRANGE, DU CROISY, MESDEMOISELLES DUPARC,
BÉJART, DEBRIE, MOLIÈRE, DU CROISY, HERVÉ.
MOLIÈRE.
Monsieur, vous venez pour nous dire de commencer, mais...
BÉJART.
Non, messieurs; je viens pour vous dire qu'on a dit au roi l'embarras où
vous vous trouviez, et que, par une bonté toute particulière, il remet
votre nouvelle comédie à une autre fois, et se contente, pour
aujourd'hui, de la première que vous pourrez donner.
MOLIÈRE.
Ah! monsieur, vous me redonnez la vie! Le roi nous fait la plus grande
grâce du monde de nous donner du temps pour ce qu'il avoit souhaité, et
nous allons tous le remercier des extrêmes bontés qu'il nous fait
paroître.
FIN DE L'IMPROMPTU DE VERSAILLES.


LE MARIAGE FORCÉ
COMÉDIE-BALLET
REPRÉSENTÉE AU LOUVRE LES 29 ET 31 JANVIER 1664, ET SUR LE THÉATRE DU
PALAIS-ROYAL, LE 15 FÉVRIER SUIVANT.

Molière est devenu le maître des cérémonies comiques de Louis XIV. Dès
que le roi veut amuser sa cour, c'est à Molière qu'il s'adresse; à peine
lui laisse-t-il le temps de créer des personnages, de tracer des
caractères, d'inventer une action. Il faut des danses, une comédie, de
la musique, et que tout sorte de terre, improvisé pour ainsi dire. Bien
en prenait à Molière, qui avait alors quarante-deux ans, d'avoir vécu
dans l'observation et l'étude attentive du monde et des hommes, de se
trouver maître absolu d'une troupe excellente, et d'être placé sous la
protection immédiate et vigilante du monarque; il n'aurait pu, dans des
conditions différentes, accomplir les tours de force qui lui étaient
imposés.
Vers la fin de 1663, Louis XIV, devenu l'idole de sa cour et surtout des
femmes, voulut danser un pas de ballet avec ses seigneurs, et, sans
s'inquiéter du reste, il ordonna à Molière d'improviser un ballet.
Molière obéit. Le 29 janvier 1664, le _Ballet du roi_, en trois actes,
fut exécuté sur le théâtre de la cour, au Louvre.
C'est celui que nous donnons plus bas, et qui, divisé en trois actes,
permit au roi, sous le costume d'un Égyptien, de déployer, devant la
cour et mademoiselle de la Vallière elle-même, les grâces de son
élégance naturelle. La célèbre Bergerotta, la première cantatrice de
l'époque, chanta des couplets espagnols en partie avec quatre autres
concertans espagnols et italiens; et un petit grotesque italien, Lulli,
qui devait parcourir une si éclatante carrière, parut à la tête d'une
bande joyeuse et d'un burlesque charivari.
Quand il fallut extraire, au bénéfice du public, une comédie de ce
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