Molière - Œuvres complètes, Tome 2 - 14

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Ma muse, obéissez-moi;
Il faut, ce matin, sans remise,
Aller au lever du roi.
Vous savez bien pourquoi;
Et ce vous est une honte
De n'avoir pas été plus prompte
A le remercier de ses fameux bienfaits.
Mais il vaut mieux tard que jamais;
Faites donc votre compte
D'aller au Louvre accomplir mes souhaits.
Gardez-vous bien d'être en muse bâtie;
Un air de muse est choquant dans ces lieux;
On y veut des objets à réjouir les yeux
Vous en devez être avertie:
Et vous ferez votre cour beaucoup mieux
Lorsqu'en marquis vous serez travestie.
Vous savez ce qu'il faut pour paraître marquis;
N'oubliez rien de l'air ni des habits;
Arborez un chapeau chargé de trente plumes
Sur une perruque de prix;
Que le rabat soit des plus grands volumes,
Et le pourpoint des plus petits.
Mais surtout je vous recommande
Le manteau, d'un ruban sur le dos retroussé;
La galanterie en est grande,
Et parmi les marquis de la plus haute bande
C'est pour être placé.
Avec vos brillantes hardes
Et votre ajustement,
Faites tout le trajet de la salle des gardes;
Et, vous peignant galamment,
Portez de tous côtés vos regards brusquement;
Et ceux que vous pourrez connoître,
Ne manquez pas, d'un haut ton,
De les saluer par leur nom,
De quelque rang qu'ils puissent être.
Cette familiarité
Donne à quiconque en use un air de qualité.
Grattez du peigne à la porte
De la chambre du roi;
Ou si, comme je prévoi,
La presse s'y trouve forte,
Montrez de loin votre chapeau,
Ou montez sur quelque chose
Pour faire voir votre museau,
Et criez sans aucune pause,
D'un ton rien moins que naturel:
Monsieur l'huissier, pour le marquis un tel!
Jetez-vous dans la foule et tranchez du notable,
Coudoyez un chacun, point du tout de quartier;
Pressez, poussez, faites le diable
Pour vous mettre le premier;
Et quand même l'huissier,
A vos désirs inexorable,
Vous trouveroit en face un marquis repoussable,
Ne démordez point pour cela,
Tenez toujours ferme là;
A déboucher la porte il iroit trop du vôtre;
Faites qu'aucun n'y puisse pénétrer,
Et qu'on soit obligé de vous laisser entrer
Pour faire entrer quelque autre.
Quand vous serez entré, ne vous relâchez pas:
Pour assiéger la chaise il faut d'autres combats;
Tâchez d'en être des plus proches,
En y gagnant le terrain pas à pas;
Et, si des assiégeans le prévenant amas,
En bouche toutes les approches,
Prenez le parti doucement
D'attendre le prince au passage;
Il connoîtra votre visage,
Malgré votre déguisement;
Et lors, sans tarder davantage,
Faites-lui votre compliment.
Vous pourriez aisément l'étendre,
Et parler des transports qu'en vous font éclater
Les surprenans bienfaits que, sans les mériter,
Sa libérale main sur vous daigne répandre.
Et des nouveaux efforts où s'en va vous porter
L'excès de cet honneur où vous n'osiez prétendre;
Lui dire comme vos désirs
Sont, après ces bontés qui n'ont point de pareilles,
D'employer à sa gloire, ainsi qu'à ses plaisirs,
Tout votre art et toutes vos veilles,
Et là-dessus lui promettre merveilles.
Sur ce chapitre on n'est jamais à sec.
Les muses sont de grandes prometteuses;
Et, comme vos sœurs les causeuses,
Vous ne manquerez pas, sans doute, par le bec.
Mais les grands princes n'aiment guères
Que les compliments qui son courts;
Et le nôtre surtout a bien d'autres affaires
Que d'écouter tous vos discours.
La louange et l'encens n'est pas ce qui le touche:
Dès que vous ouvrirez la bouche
Pour lui parler de grâce et de bienfait,
Il comprendra d'abord ce que vous voulez dire;
Et, se mettant doucement à sourire
D'un air qui sur les cœurs fait un charmant effet,
Il passera comme un trait;
Et cela vous doit suffire:
Voilà votre compliment fait.


PERSONNAGES
MOLIÈRE, marquis ridicule.
BRÉCOURT, homme de qualité.
LA GRANGE, marquis ridicule.
DU CROISY, poëte.
LA THORILLIÈRE, marquis fâcheux.
BÉJART, homme qui fait le Nécessaire.
Mlle DUPARC, marquise façonnière.
Mlle BÉJART, prude.
Mlle DEBRIE, sage coquette.
Mlle MOLIÈRE, satirique spirituelle.
Mlle DU CROISY, peste doucereuse.
Mlle HERVÉ, servante précieuse.
QUATRE NÉCESSAIRE.
La scène est à Versailles, dans la salle de la comédie.


SCÈNE I.--MOLIÈRE, BRÉCOURT, LA GRANGE, DU CROISY, MESDEMOISELLES
DUPARC, BÉJART, DEBRIE, MOLIÈRE, DU CROISY, HERVÉ.
MOLIÈRE, seul, parlant à ses camarades, qui sont derrière le théâtre.
Allons donc, messieurs et mesdames, vous moquez-vous avec votre
longueur, et ne voulez-vous pas tous venir ici? La peste soit des gens!
Holà, ho! monsieur de Brécourt!
BRÉCOURT, derrière le théâtre.
Quoi?
MOLIÈRE.
Monsieur de la Grange!
LA GRANGE, derrière le théâtre.
Qu'est-ce?
MOLIÈRE.
Monsieur du Croisy!
DU CROISY, derrière le théâtre.
Plaît-il?
MOLIÈRE.
Mademoiselle Duparc!
MADEMOISELLE DUPARC, derrière le théâtre.
Eh bien?
MOLIÈRE.
Mademoiselle Béjart!
MADEMOISELLE BÉJART, derrière le théâtre.
Qu'y a-t-il?
MOLIÈRE.
Mademoiselle Debrie!
MADEMOISELLE DEBRIE, derrière le théâtre.
Que veut-on?
MOLIÈRE.
Mademoiselle du Croisy!
MADEMOISELLE DU CROISY, derrière le théâtre.
Qu'est-ce que c'est?
MOLIÈRE.
Mademoiselle Hervé!
MADEMOISELLE HERVÉ, derrière le théâtre.
On y va.
MOLIÈRE.
Je crois que je deviendrai fou avec tous ces gens-ci! Eh! (Brécourt, la
Grange, du Croisy entrent.) Têtebleu, messieurs! me voulez-vous faire
enrager[182] aujourd'hui?
BRÉCOURT.
Que voulez-vous qu'on fasse? Nous ne savons pas nos rôles, et c'est nous
faire enrager vous-même que de nous obliger à jouer de la sorte.
MOLIÈRE.
Ah! les étranges animaux à conduire que des comédiens!
Mesdemoiselles Béjart, Duparc, Debrie, Molière, du Croisy et Hervé
arrivent.
MADEMOISELLE BÉJART.
Eh bien, nous voilà. Que prétendez-vous faire?
MADEMOISELLE DUPARC.
Quelle est votre pensée?
MADEMOISELLE DEBRIE.
De quoi est-il question?
MOLIÈRE.
De grâce, mettons-nous ici; et, puisque nous voilà tous habillés, et que
le roi ne doit venir de deux heures, employons ce temps à répéter notre
affaire et voir la manière dont il faut jouer les choses.
LA GRANGE.
Le moyen de jouer ce qu'on ne sait pas?
MADEMOISELLE DUPARC.
Pour moi, je vous déclare que je ne me souviens pas d'un mot de mon
personnage.
MADEMOISELLE DEBRIE.
Je sais bien qu'il me faudra souffler le mien d'un bout à l'autre.
MADEMOISELLE BÉJART.
Et moi, je me prépare fort à tenir mon rôle à la main.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
Et moi aussi.
MADEMOISELLE HERVÉ.
Pour moi, je n'ai pas grand'chose à dire.
MADEMOISELLE DU CROISY.
Ni moi non plus; mais, avec cela, je ne répondrois point de ne point
manquer.
DU CROISY.
J'en voudrois être quitte pour dix pistoles.
BRÉCOURT.
Et moi, pour vingt bons coups de fouet, je vous assure.
MOLIÈRE.
Vous voilà tous bien malades, d'avoir un méchant rôle à jouer! Et que
feriez-vous donc si vous étiez en ma place?
MADEMOISELLE BÉJART.
Qui, vous? vous n'êtes pas à plaindre; car, ayant fait la pièce, vous
n'avez pas peur d'y manquer.
MOLIÈRE.
Eh! n'ai-je à craindre que le manquement de mémoire? Ne comptez-vous
pour rien l'inquiétude d'un succès qui ne regarde que moi seul? Et
pensez-vous que ce soit une petite affaire que d'exposer quelque chose
de comique devant une assemblée comme celle-ci? que d'entreprendre de
faire des personnes qui nous impriment le respect et ne rient que quand
elles veulent? Est-il auteur qui ne doive trembler lorsqu'il en vient à
cette épreuve? Et n'est-ce pas à moi de dire que je voudrois en être
quitte pour toutes les choses du monde?
MADEMOISELLE BÉJART.
Si cela vous faisoit trembler, vous prendriez mieux vos précautions, et
n'auriez pas entrepris en huit jours ce que vous avez fait.
MOLIÈRE.
Le moyen de m'en défendre, quand un roi me l'a commandé?
MADEMOISELLE BÉJART.
Le moyen? Une respectueuse excuse fondée sur l'impossibilité de la chose
dans le peu de temps qu'on vous donne; et tout autre, en votre place,
ménageroit mieux sa réputation, et se seroit bien gardé de se commettre
comme vous faites. Où en serez-vous, je vous prie, si l'affaire réussit
mal; et quel avantage pensez-vous qu'en prendront tous vos ennemis?
MADEMOISELLE DEBRIE.
En effet, il falloit s'excuser avec respect envers le roi, ou demander
du temps davantage.
MOLIÈRE.
Mon Dieu! mademoiselle, les rois n'aiment rien tant qu'une prompte
obéissance, et ne se plaisent point du tout à trouver des obstacles. Les
choses ne sont bonnes que dans le temps qu'ils les souhaitent; et leur
en vouloir reculer le divertissement est en ôter pour eux toute la
grâce. Ils veulent des plaisirs qui ne se fassent point attendre, et
les moins préparés leur sont toujours les plus agréables. Nous ne
devons jamais nous regarder dans ce qu'ils désirent de nous; nous ne
sommes que pour leur plaire; et, lorsqu'ils nous ordonnent quelque
chose, c'est à nous à profiter vite de l'envie où ils sont. Il vaut
mieux s'acquitter mal de ce qu'ils nous demandent que de ne s'en
acquitter pas assez tôt; et, si l'on a la honte de n'avoir pas bien
réussi, on a toujours la gloire d'avoir obéi vite à leurs commandemens.
Mais songeons à répéter, s'il vous plaît.
MADEMOISELLE BÉJART.
Comment prétendez-vous que nous fassions, si nous ne savons pas nos
rôles?
MOLIÈRE.
Vous les saurez, vous dis-je; et, quand même vous ne les sauriez pas
tout à fait, ne pouvez-vous pas y suppléer de votre esprit, puisque
c'est de la prose et que vous savez votre sujet?
MADEMOISELLE BÉJART.
Je suis votre servante. La prose est pis encore que les vers.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
Voulez-vous que je vous dise? vous devriez faire une comédie où vous
auriez joué tout seul.
MOLIÈRE.
Taisez-vous, ma femme, vous êtes une bête!
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
Grand merci, monsieur mon mari. Voilà ce que c'est! Le mariage change
bien les gens, et vous ne m'auriez pas dit cela il y a dix-huit mois.
MOLIÈRE.
Taisez-vous, je vous prie!
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
C'est une chose étrange qu'une petite cérémonie soit capable de nous
ôter toutes nos belles qualités, et qu'un mari et un galant regardent la
même personne avec des yeux si différens.
MOLIÈRE.
Que de discours!
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
Ma foi, si je faisois une comédie, je la ferais sur ce sujet, je
justifierois les femmes de bien des choses dont on les accuse, et je
ferois craindre aux maris la différence qu'il y a de leurs manières
brusques aux civilités des galans.
MOLIÈRE.
Ah! laissons cela. Il n'est pas question de causer maintenant; nous
avons autre chose à faire.
MADEMOISELLE BÉJART.
Mais, puisqu'on vous a commandé de travailler sur le sujet de la
critique qu'on a faite contre vous, que n'avez-vous fait cette comédie
des comédiens dont vous nous avez parlé il y a longtemps? C'était une
affaire toute trouvée et qui venoit fort bien à la chose; et d'autant
mieux qu'ayant entrepris de vous peindre, ils[183] vous ouvraient
l'occasion de les peindre aussi, et que cela auroit pu s'appeler leur
portrait, à bien plus juste titre que tout ce qu'ils ont fait ne peut
être appelé le vôtre. Car vouloir contrefaire un comédien dans un rôle
comique, ce n'est pas le peindre lui-même, c'est peindre d'après lui les
personnages qu'il représente, et se servir des mêmes traits et des mêmes
couleurs qu'il est obligé d'employer aux différens tableaux des
caractères ridicules qu'il imite d'après nature; mais contrefaire un
comédien dans des rôles sérieux, c'est le peindre par des défauts qui
sont entièrement de lui, puisque ces sortes de personnages ne veulent ni
les gestes ni les tons de voix ridicules dans lesquels on le reconnoît.
MOLIÈRE.
Il est vrai; mais j'ai mes raisons pour ne pas le faire, et je n'ai pas
cru, entre nous, que la chose en valût la peine, et puis il falloit plus
de temps pour exécuter cette idée. Comme leurs jours[184] de comédie
sont les mêmes que les nôtres, à peine ai-je été les voir que trois ou
quatre fois depuis que nous sommes à Paris; je n'ai attrapé de leur
manière de réciter que ce qui m'a d'abord sauté aux yeux, et j'aurois
eu besoin de les étudier davantage pour faire des portraits bien
ressemblans.
MADEMOISELLE DUPARC.
Pour moi, j'en ai reconnu quelques-uns dans votre bouche.
MADEMOISELLE DEBRIE.
Je n'ai jamais ouï parler de cela.
MOLIÈRE.
C'est une idée qui m'avoit passé une fois par la tête, et que j'ai
laissée là comme une bagatelle, une badinerie, qui peut-être n'auroit
pas fait rire.
MADEMOISELLE DEBRIE.
Dites-la-moi un peu, puisque vous l'avez dite aux autres.
MOLIÈRE.
Nous n'avons pas le temps maintenant.
MADEMOISELLE DEBRIE.
Seulement deux mots.
MOLIÈRE.
J'avois songé une comédie[185] où il y auroit eu un poëte, que j'aurois
représenté moi-même, qui seroit venu pour offrir une pièce à une troupe
de comédiens nouvellement arrivée de la campagne. «Avez-vous, auroit-il
dit, des acteurs et des actrices qui soient capables de bien faire
valoir un ouvrage? car ma pièce est une pièce...--Eh! monsieur, auroient
répondu les comédiens, nous avons des hommes et des femmes qui ont été
trouvés raisonnables partout où nous avons passé.--Et qui fait les rois
parmi vous?--Voilà un acteur qui s'en démêle[186] parfois.--Qui? ce
jeune homme bien fait? Vous moquez-vous? Il faut un roi qui soit gros et
gras comme quatre[187]; un roi, morbleu! qui soit entripaillé[188] comme
il faut; un roi d'une vaste circonférence, et qui puisse remplir un
trône de la belle manière. La belle chose qu'un roi d'une taille
galante! Voilà déjà un grand défaut. Mais que je l'entende un peu
réciter une douzaine de vers.» Là-dessus le comédien auroit récité, par
exemple, quelques vers du roi, de _Nicomède_:
Te le dirai-je, Araspe? il m'a trop bien servi,
Augmentant mon pouvoir...
le plus naturellement qu'il lui auroit été possible. Et le poëte:
«Comment! vous appelez cela réciter? C'est se railler; il faut dire les
choses avec emphase. Écoutez-moi:
Te le dirai-je, Araspe? etc.
Voyez-vous cette posture? Remarquez bien cela. Là, appuyez comme il faut
le dernier vers. Voilà ce qui attire l'approbation, et fait faire le
brouhaha.--Mais, monsieur, auroit répondu le comédien, il me semble
qu'un roi, qui s'entretient tout seul avec son capitaine des gardes,
parle un peu plus humainement, et ne prend guère ce ton de
démoniaque.--Vous ne savez ce que c'est. Allez-vous-en réciter comme
vous faites, vous verrez si vous ferez faire aucun _ah!_ Voyons un peu
une scène d'amant et d'amante.» Là-dessus une comédienne et un comédien
auroient fait une scène ensemble, qui est celle de Camille et du
Curiace,
Iras-tu, ma chère âme? et ce funeste honneur
Te plaît-il aux dépens de tout notre bonheur?
Hélas! je vois trop bien, etc.
tout de même que l'autre, et le plus naturellement qu'ils auroient pu.
Et le poëte aussitôt: «Vous vous moquez, vous ne faites rien qui vaille,
et voici comme il faut réciter cela:
Il imite mademoiselle de Beauchâteau, comédienne de l'hôtel de
Bourgogne.
Iras-tu, ma chère âme? etc.
Non, je te connois mieux, etc.
Voyez-vous comme cela est naturel et passionné! Admirez ce visage riant
qu'elle conserve dans les plus grandes afflictions.» Enfin, voilà
l'idée; et il aurait parcouru de même tous les acteurs et toutes les
actrices.
MADEMOISELLE DEBRIE.
Je trouve cette idée assez plaisante, et j'en ai reconnu[189] là dès le
premier vers. Continuez, je vous prie.
MOLIÈRE, imitant Beauchâteau, comédien de l'hôtel de Bourgogne dans les
stances du Cid.
Percé jusques au fond du cœur, etc.
Et celui-ci, le reconnoîtrez-vous bien dans Pompée, de _Sertorius_?
Il contrefait Hauteroche, comédien de l'hôtel de Bourgogne.
L'inimitié qui règne entre les deux partis
N'y rend pas de l'honneur, etc.
MADEMOISELLE DEBRIE.
Je le reconnois un peu, je pense.
MOLIÈRE.
Et celui-ci?
Imitant de Villiers, comédien de l'hôtel de Bourgogne.
Seigneur, Polybe est mort, etc.
MADEMOISELLE DEBRIE.
Oui, je sais qui c'est; mais il y en a quelques-uns d'entre eux, je
crois, que vous auriez peine à contrefaire.
MOLIÈRE.
Mon Dieu! il n'y en a point qu'on ne pût attraper par quelque endroit,
si je les avois bien étudiés. Mais vous me faites perdre un temps qui
nous est cher. Songeons à nous, de grâce, et ne nous amusons point
davantage à discourir. (A la Grange.) Vous, prenez garde à bien
représenter avec moi votre rôle de marquis.
MADEMOISELLE MOLIÈRE.
Toujours des marquis!
MOLIÈRE.
Oui, toujours des marquis. Qui diable voulez-vous qu'on prenne pour un
caractère agréable de théâtre? Le marquis aujourd'hui est le plaisant de
la comédie; et, comme dans toutes les comédies anciennes on voit
toujours un valet bouffon qui fait rire les auditeurs, de même, dans
toutes nos pièces de maintenant, il faut toujours un marquis ridicule
qui divertisse la compagnie.
MADEMOISELLE BÉJART.
Il est vrai, on ne s'en sauroit passer.
MOLIÈRE.
Pour vous, mademoiselle...
MADEMOISELLE DUPARC.
Mon Dieu! pour moi, je m'acquitterai fort mal de mon personnage, et je
ne sais pas pourquoi vous m'avez donné ce rôle de façonnière[190].
MOLIÈRE.
Mon Dieu! mademoiselle, voilà comme vous disiez lorsque l'on vous donna
celui de la _Critique de l'Ecole des femmes_; cependant vous vous en
êtes acquittée à merveille, et tout le monde est demeuré d'accord qu'on
ne peut pas mieux faire que vous avez fait. Croyez-moi, celui-ci sera de
même, et vous le jouerez mieux que vous ne pensez.
MADEMOISELLE DUPARC.
Comment cela se pourrait-il faire? Car il n'y a point de personne au
monde qui soit moins façonnière que moi.
MOLIÈRE.
Cela est vrai; et c'est en quoi vous faites mieux voir que vous êtes
excellente comédienne, de bien représenter un personnage qui est si
contraire à votre humeur. Tâchez donc de bien prendre, tous, le
caractère de vos rôles, et de vous figurer que vous êtes ce que vous
représentez.
A du Croisy.
Vous faites le poëte, vous, et vous devez vous remplir de ce personnage,
marquer cet air pédant qui se conserve parmi le commerce du beau monde,
ce ton de voix sentencieux et cette exactitude de prononciation qui
appuie sur toutes les syllabes, et ne laisse échapper aucune lettre de
la plus sévère orthographe.
A Brécourt.
Pour vous, vous faites un honnête homme de cour, comme vous avez déjà
fait dans la _Critique de l'Ecole des femmes_, c'est-à-dire que vous
devez prendre un air posé, un ton de voix naturel, et gesticuler le
moins qu'il vous sera possible.
A la Grange.
Pour vous, je n'ai rien à vous dire.
A mademoiselle Béjart.
Vous, vous représentez une de ces femmes qui, pourvu qu'elles ne fassent
point l'amour, croient que tout le reste leur est permis; de ces femmes
qui se retranchent toujours fièrement sur leur pruderie, regardent un
chacun de haut en bas, et veulent que toutes les plus belles qualités
que possèdent les autres ne soient rien en comparaison d'un misérable
honneur dont personne ne se soucie. Ayez toujours ce caractère devant
les yeux, pour en bien faire les grimaces.
A mademoiselle Debrie.
Pour vous, faites une de ces femmes qui pensent être les plus vertueuses
personnes du monde, pourvu qu'elles sauvent les apparences; de ces
femmes qui croient que le péché n'est que dans le scandale, qui veulent
conduire doucement les affaires qu'elles ont sur le pied d'attachement
honnête, et appellent amis ce que les autres nomment galans. Entrez bien
dans ce caractère.
A mademoiselle Molière.
Vous, vous faites le même personnage que dans la _Critique_, et je n'ai
rien à vous dire, non plus qu'à mademoiselle Duparc.
A mademoiselle du Croisy.
Pour vous, vous représentez une de ces personnes qui prêtent doucement
des charités[191] à tout le monde; de ces femmes qui donnent toujours le
petit coup de langue en passant, et seroient bien fâchées d'avoir
souffert qu'on eût dit du bien du prochain. Je crois que vous ne vous
acquitterez pas mal de ce rôle.
A mademoiselle Hervé.
Et pour vous, vous êtes la soubrette de la précieuse, qui se mêle de
temps en temps dans la conversation, et attrape, comme elle peut, tous
les termes de sa maîtresse. Je vous dis tous vos caractères, afin que
vous vous les imprimiez fortement dans l'esprit. Commençons maintenant à
répéter, et voyons comme cela ira. Ah! voici justement un fâcheux! Il ne
nous fallait plus que cela!
[182] Pour: me donner la rage. Mot dont le sens s'est affaibli depuis
le XVIIe siècle.
[183] Les comédiens de l'hôtel de Bourgogne. Voyez plus haut, p. 216.
[184] Le mardi, le vendredi et le dimanche. Les deux troupes jouaient
simultanément et à la même heure.
[185] Pour: à une comédie. Nuance archaïque que nous avons perdue.
Molière n'a pas seulement l'idée passagère d'une comédie, elle est
pour lui tout un rêve.
[186] Se mêler d'une chose.
[187] Monfleury, dont l'abdomen était immense, et que Molière va
parodier tout à l'heure.
[188] Pour: chargé de tripes. Mot burlesque créé par Molière à la
façon de Rabelais.
[189] Pour: j'en ai reconnu quelques-uns là. Ellipse trop forte.
[190] Pour: mignarde, faisant des façons. Mot excellent devenu
vulgaire.
[191] Pour: médire avec douceur, prêter de mauvaises actions à son
prochain, sans doute par charité. Proverbe par antiphrase, d'une
signification très-malicieuse.

SCÈNE II.--LA THORILLIÈRE, MOLIÈRE, BRÉCOURT, LA GRANGE, DU CROISY,
mesdemoiselles DUPARC, BÉJART, DEBRIE, MOLIÈRE, DU CROISY, HERVÉ.
LA THORILLIÈRE.
Bonjour, monsieur Molière.
MOLIÈRE.
Monsieur, votre serviteur. (A part.) La peste soit de l'homme!
LA THORILLIÈRE.
Comment vous en va[192]?
MOLIÈRE.
Fort bien, pour vous servir. (Aux actrices.) Mesdemoiselles, ne...
LA THORILLIÈRE.
Je viens d'un lieu où j'ai bien dit du bien de vous.
MOLIÈRE.
Je vous suis obligé. (A part.) Que le diable t'emporte! (Aux acteurs.)
Ayez un peu de soin...
LA THORILLIÈRE.
Vous jouez une pièce nouvelle aujourd'hui?
MOLIÈRE.
Oui, monsieur. (Aux actrices.) N'oubliez pas...
LA THORILLIÈRE.
C'est le roi qui vous l'a fait faire?
MOLIÈRE.
Oui, monsieur. (Aux acteurs.) De grâce, songez...
LA THORILLIÈRE.
Comment l'appelez-vous?
MOLIÈRE.
Oui, monsieur.
LA THORILLIÈRE.
Je vous demande comment vous la nommez.
MOLIÈRE.
Ah! ma foi, je ne sais. (Aux actrices.) Il faut, s'il vous plaît, que
vous...
LA THORILLIÈRE.
Comment serez-vous habillés?
MOLIÈRE.
Comme vous voyez. (Aux acteurs.) Je vous prie...
LA THORILLIÈRE.
Quand commencerez-vous?
MOLIÈRE.
Quand le roi sera venu. (A part.) Au diantre le questionneur!
LA THORILLIÈRE.
Quand croyez-vous qu'il vienne?
MOLIÈRE.
La peste m'étouffe, monsieur, si je le sais!
LA THORILLIÈRE.
Savez-vous point...
MOLIÈRE.
Tenez, monsieur, je suis le plus ignorant homme du monde. Je ne sais
rien de tout ce que vous pourrez me demander, je vous jure. (A part.)
J'enrage! Ce bourreau vient avec un air tranquille vous faire des
questions, et ne se soucie pas qu'on ait en tête d'autres affaires.
LA THORILLIÈRE.
Mesdemoiselles, votre serviteur.
MOLIÈRE.
Ah! bon, le voilà d'un autre côté!
LA THORILLIÈRE, à mademoiselle de Croisy.
Vous voilà belle comme un petit ange. (En regardant mademoiselle Hervé.)
Jouez-vous toutes deux aujourd'hui?
MADEMOISELLE DE CROISY.
Oui, monsieur.
LA THORILLIÈRE.
Sans vous, la comédie ne vaudroit pas grand'chose.
MOLIÈRE, bas aux actrices.
Vous ne voulez pas faire en aller cet homme-là?
MADEMOISELLE DEBRIE, à la Thorillière.
Monsieur, nous avons ici quelque chose à répéter ensemble.
LA THORILLIÈRE.
Ah! parbleu, je ne veux pas vous empêcher; vous n'avez qu'à poursuivre.
MADEMOISELLE DEBRIE.
Mais...
LA THORILLIÈRE.
Non, non, je serois fâché d'incommoder personne. Faites librement ce que
vous avez à faire.
MADEMOISELLE DEBRIE.
Oui; mais...
LA THORILLIÈRE.
Je suis homme sans cérémonie, vous dis-je; et vous pouvez répéter ce qui
vous plaira.
MOLIÈRE.
Monsieur, ces demoiselles ont peine à vous dire qu'elles souhaiteroient
fort que personne ne fût ici pendant cette répétition.
LA THORILLIÈRE.
Pourquoi? il n'y a point de danger[193] pour moi.
MOLIÈRE.
Monsieur, c'est une coutume qu'elles observent, et vous aurez plus de
plaisir quand les choses vous surprendront.
LA THORILLIÈRE.
Je m'en vais donc dire que vous êtes prêts.
MOLIÈRE.
Point du tout, monsieur; ne vous hâtez pas, de grâce!
[192] Pour: comment va-t-il de votre santé? Expression impersonnelle,
comme il y en a beaucoup chez Molière et dans le vieux style.
[193] Pour: Il n'y a rien à craindre de moi. Expression évidemment
ambiguë.

SCÈNE III.--MOLIÈRE, BRÉCOURT, LA GRANGE, DU CROISY; MESDEMOISELLES
DUPARC, BÉJART, DEBRIE, MOLIÈRE, DU CROISY, HERVÉ.
MOLIÈRE.
Ah! que le monde est plein d'impertinens! Or sus, commençons.
Figurez-vous donc premièrement que la scène est dans l'antichambre du
roi; car c'est un lieu où il se passe tous les jours des choses assez
plaisantes. Il est aisé de faire venir là toutes les personnes qu'on
veut, et on peut trouver des raisons même pour y autoriser la venue des
femmes que j'introduis. La comédie s'ouvre par deux marquis qui se
rencontrent.
A la Grange.
Souvenez-vous bien, vous, de venir, comme je vous ai dit, là, avec cet
air qu'on nomme le bel air, peignant votre perruque, et grondant une
petite chanson entre vos dents. La, la, la, la, la, la. Rangez-vous
donc, vous autres, car il faut du terrain à deux marquis; et ils ne sont
pas gens à tenir leur personne dans un petit espace. (A la Grange.)
Allons, parlez.
LA GRANGE.
«Bonjour, marquis.»
MOLIÈRE.
Mon Dieu! ce n'est point là le ton d'un marquis; il faut le prendre un
peu plus haut; et la plupart de ces messieurs affectent une manière de
parler particulière, pour se distinguer du commun: _Bonjour, marquis_.
Recommencez donc.
LA GRANGE.
«Bonjour, marquis.
MOLIÈRE.
»Ah! marquis; ton serviteur.
LA GRANGE.
»Que fais-tu là?
MOLIÈRE.
»Parbleu! tu vois; j'attends que tous ces messieurs aient bouché la
porte, pour présenter là mon visage.
LA GRANGE.
»Têtebleu! quelle foule! Je n'ai garde de m'y aller frotter, et j'aime
bien mieux entrer des derniers.
MOLIÈRE.
»Il y a là vingt gens qui sont fort assurés de n'entrer point, et qui ne
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