Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 03

Total number of words is 4430
Total number of unique words is 1268
41.2 of words are in the 2000 most common words
51.5 of words are in the 5000 most common words
56.2 of words are in the 8000 most common words
Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
je ne voudrois pas qu'on le vît en ma compagnie, dans la ville où je
suis en quelque réputation. Vous irez le faire sortir quand bon vous
semblera. Je vous donne le bonjour, et suis votre serviteur, etc.
Il feint de s'en aller, et, après avoir mis bas sa robe, rentre dans
la maison par la fenêtre.
GORGIBUS.
Il faut que j'aille délivrer ce pauvre garçon; en vérité, s'il lui a
pardonné, ce n'a pas été sans le bien maltraiter.
Il entre dans sa maison, et en sort avec Sganarelle en habit de
valet.
SGANARELLE.
Monsieur, je vous remercie de la peine que vous avez prise, et de la
bonté que vous avez eue, je vous en serai obligé toute ma vie.
GROS-RENÉ.
Où pensez-vous que soit à présent le médecin?
GORGIBUS.
Il s'en est allé.
GROS-RENÉ, qui a ramassé la robe de Sganarelle.
Je le tiens sous mon bras. Voilà le coquin qui faisoit le médecin, et
qui vous trompe. Cependant qu'il vous trompe et joue la farce chez vous,
Valère et votre fille sont ensemble, qui s'en vont à tous les diables.
GORGIBUS.
Oh! que je suis malheureux! mais tu seras pendu, fourbe, coquin!
SGANARELLE.
Monsieur, qu'allez-vous faire de me pendre? Écoutez un mot, s'il vous
plaît. Il est vrai que c'est par mon invention que mon maître est avec
votre fille; mais, en le servant, je ne vous ai point désobligé: c'est
un parti sortable pour elle, tant pour la naissance que pour les biens.
Croyez-moi, ne faites point un vacarme qui tourneroit à votre confusion,
et envoyez à tous les diables ce coquin-là avec Villebrequin. Mais voici
nos amans.

SCÈNE XVI.--VALÈRE, LUCILE, GORGIBUS, SGANARELLE.
VALÈRE.
Nous nous jetons à vos pieds.
GORGIBUS.
Je vous pardonne, et suis heureusement trompé par Sganarelle, ayant un
si brave gendre. Allons tous faire noces, et boire à la santé de toute
la compagnie.
[4] Vieux mot français, encore en usage dans le peuple: semelle neuve
appliquée à de vieilles chaussures.
[5] Hémistiche célèbre du _Cid_, qui jouissait alors de toute sa
popularité.
[6] Sabine apporte une fiole médicale remplie de vin blanc, ce qui
corrige un peu la laideur de cette dégoûtante facétie, empruntée aux
derniers tréteaux, et qui n'a rien de Molière.
[7] Pour: enfuyez-vous, c'est-à-dire, vous, fuyez d'ici.
[8] Le fer rouge.
[9] Ce sont ces tours de passe-passe qui expliquent le titre de
_Médecin volant_.
FIN DU MÉDECIN VOLANT.


LA JALOUSIE DU BARBOUILLÉ
COMÉDIE

Le jeune Poquelin sortait du collége des jésuites et des leçons de
Gassendi. Frais émoulu de ses classes, il riait, avec Bernier et
Chapelle, du _Ferio Darii Bamalipton_ et de l'inutile parlage des
docteurs scolastiques; il leur préférait, au grand scandale de sa
famille, Tabarin et Guillot Gorju.
Le canevas qui nous est parvenu sous le titre de _la Jalousie du
Barbouillé_ n'est qu'une imitation servile de ces farces qui éveillaient
son génie. L'art y manque; l'incisive vigueur de Molière s'y annonce. On
y voit la bourgeoise dominant son mari de toute la force de sa finesse
et de toute l'autorité de son sang-froid: la femme de _Georges Dandin_
apparaît. Pour but de sa colère et de sa satire, Molière a déjà choisi
la formule inutile de la science et les vaines draperies de la
rhétorique.
Sans doute cette facétie fut l'une des premières que représenta la
troupe des enfants de famille dirigée par Molière, et qui, sous le nom
de l'_Illustre théâtre_, alla s'établir à la porte de Nesle.
«J'ai ouï dire à des gens agez, raconte Perrault, qu'ils avoient veu le
théâtre de la comédie de Paris de la même structure et avec les mêmes
décorations que celui des danseurs du pont Neuf; que la comédie se
jouoit en plein air et en plein jour; que le bouffon de la troupe se
promenoit par la ville avec un tambour pour avertir qu'on alloit
commencer. Les pièces qui nous restent de ce temps-là sont de la mesme
beauté que le lieu où l'on en faisoit la représentation. Ensuite on les
joua à la chandelle, et le théâtre fut orné de tapisseries qui donnoient
des entrées et des sorties aux acteurs par l'endroit où elles se
joignoient l'une à l'autre.
»Ces entrées et ces sorties estoient fort incommodes, et mettoient
souvent en désordre les coeffures des comédiens, parce que, ne s'ouvrant
que fort peu en haut, elles retomboient rudement sur eux quand ils
entroient ou quand ils sortoient. Toute la lumière consistoit d'abord en
quelques chandelles dans des plaques de fer-blanc attachées aux
tapisseries; mais comme elles n'éclairoient les acteurs que par derrière
et un peu sur les côtés, ce qui les rendoit presque tout noirs, on
s'avisa de faire des chandeliers avec deux lattes mises en croix portant
chacun quatre chandelles, pour mettre au-devant du théâtre. Ces
chandeliers, suspendus grossièrement avec des cordes et des poulies
apparentes, se haussoient et se baissoient sans artifice et par main
d'homme, pour les allumer et les moucher. La symphonie estoit d'une
flute et d'un tambour, ou de deux méchans violons au plus.»
Telle était, à peu de chose près, la mise en scène des jeunes acteurs de
la porte de Nesle. Par économie, probablement, le chef de la troupe,
Poquelin, se couvrait ou se _barbouillait_ le visage de farine, comme le
faisait Gros-Guillaume, le _Fariné_ de l'hôtel de Bourgogne. Il ne
serait pas impossible que deux autres canevas ou farces jouées par sa
troupe à Paris, et dont le titre seul nous est parvenu, _le Docteur
pédant_ (18 juin 1660), et _la Jalousie du Gros-René_ (15 avril 1663),
fussent identiques, sauf le titre, à _la Jalousie du Barbouillé_.
Le persécuteur des faux docteurs, des faux médecins, des avocats, des
scolastiques, de tous ceux qui sacrifient aux mots la réalité de la vie,
prend déjà les armes.
Il n'a que vingt ans: la guerre commence.


PERSONNAGES
LE BARBOUILLÉ,[10] mari d'Angélique.
LE DOCTEUR.
ANGÉLIQUE, fille de Gorgibus.
VALÈRE, amant d'Angélique.
CATHAU, suivante d'Angélique.
GORGIBUS, père d'Angélique.
VILLEBREQUIN.
LA VALLÉE.


SCÈNE I.--LE BARBOUILLÉ, seul.
Il faut avouer que je suis le plus malheureux de tous les hommes! J'ai
une femme qui me fait enrager: au lieu de me donner du soulagement, et
de faire les choses à mon souhait, elle me fait donner au diable vingt
fois le jour; au lieu de se tenir à la maison, elle aime la promenade,
la bonne chère, et fréquente je ne sais quelle sorte de gens. Ah! pauvre
Barbouillé, que tu es misérable! Il faut pourtant la punir. Si tu la
tuois... l'intention ne vaut rien, car tu serois pendu. Si tu la faisois
mettre en prison... la carogne en sortiroit avec son passe-partout. Que
diable faire donc? Mais voilà monsieur le docteur qui passe par ici, il
faut que je lui demande un bon conseil sur ce que je dois faire.

SCÈNE II.--LE DOCTEUR, LE BARBOUILLÉ.
LE BARBOUILLÉ.
Je m'en allois vous chercher pour vous faire une prière sur une chose
qui m'est d'importance.
LE DOCTEUR.
Il faut que tu sois bien malappris, bien lourdaud, et bien mal morigéné,
mon ami, puisque tu m'abordes sans ôter ton chapeau, sans observer
_rationem loci, temporis et personæ_. Quoi! débuter par un discours mal
digéré, au lieu de dire: _Salve, vel salvus sis, doctor doctorum
eruditissime_. Eh! pour qui me prends-tu, mon ami?
LE BARBOUILLÉ.
Ma foi, excusez-moi, c'est que j'avois l'esprit en écharpe, et je ne
songeois pas à ce que je faisois; mais je sais bien que vous êtes galant
homme.
LE DOCTEUR.
Sais-tu bien d'où vient le mot galant homme?
LE BARBOUILLÉ.
Qu'il vienne de Villejuif ou d'Aubervilliers, je ne m'en soucie guère.
LE DOCTEUR.
Sache que le mot galant homme vient d'élégant: prenant le _g_ et l'_a_
de la dernière syllabe, cela fait _ga_, et puis, prenant _l_, ajoutant
un _a_ et les deux dernières lettres, cela fait _galant_, et puis,
ajoutant _homme_, cela fait _galant homme_. Mais, encore, pour qui me
prends-tu?
LE BARBOUILLÉ.
Je vous prends pour un docteur. Or çà, parlons un peu de l'affaire que
je veux vous proposer; il faut que vous sachiez...
LE DOCTEUR.
Sache auparavant que je ne suis pas seulement une fois docteur, mais que
je suis une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf et dix
fois docteur: 1º parce que, comme l'unité est la base, le fondement et
le premier de tous les nombres, aussi, moi, je suis le premier de tous
les docteurs, le docte des doctes; 2º parce qu'il y a deux facultés
nécessaires pour la parfaite connoissance de toutes choses, le sens et
l'entendement; et, comme je suis tout sens et tout entendement, je suis
deux fois docteur.
LE BARBOUILLÉ.
D'accord. C'est que...
LE DOCTEUR.
3º Parce que le nombre de trois est celui de la perfection, selon
Aristote; et, comme je suis parfait et que toutes mes productions le
sont aussi, je suis trois fois docteur.
LE BARBOUILLÉ.
Eh bien, monsieur le docteur...
LE DOCTEUR.
4º Parce que la philosophie a quatre parties, la logique, la morale, la
physique et la métaphysique; et, comme je les possède toutes quatre, et
que je suis parfaitement versé en icelles, je suis quatre fois docteur.
LE BARBOUILLÉ.
Que diable, je n'en doute pas. Écoutez-moi donc.
LE DOCTEUR.
5º Parce qu'il y a cinq universaux[11], le genre, l'espèce, la
différence, le propre et l'accident, sans la connoissance desquels il
est impossible de faire aucun bon raisonnement; et, comme je m'en sers
avec avantage et que j'en connois l'utilité, je suis cinq fois docteur.
LE BARBOUILLÉ.
Il faut que j'aie bonne patience.
LE DOCTEUR.
6º Parce que le nombre de six est le nombre du travail; et, comme je
travaille incessamment pour ma gloire, je suis six fois docteur.
LE BARBOUILLÉ.
Oh! parle tant que tu voudras!
LE DOCTEUR.
7º Parce que le nombre de sept est le nombre de la félicité; et, comme
je possède une parfaite connoissance de tout ce qui peut rendre heureux,
et que je le suis en effet par mes talens, je me sens obligé de dire de
moi-même: _O ter quaterque beatum!_ 8º parce que le nombre de huit est
le nombre de la justice à cause de l'égalité qui se rencontre en lui, et
que la justice et la prudence avec lesquelles je mesure et pèse toutes
mes actions me rendent huit fois docteur; 9º parce qu'il y a neuf Muses,
et que je suis également chéri d'elles; 10º parce que, comme on ne peut
passer le nombre de dix sans faire une répétition des autres nombres,
et qu'il est le nombre universel, aussi, quand on m'a trouvé, on a
trouvé le docteur universel, je contiens en moi tous les autres
docteurs. Ainsi tu vois par des raisons plausibles, vraies,
démonstratives et convaincantes, que je suis une, deux, trois, quatre,
cinq, six, sept, huit, neuf, dix fois docteur.
LE BARBOUILLÉ.
Que diable est ceci? je croyois trouver un homme bien savant, qui me
donneroit un bon conseil, et je trouve un ramoneur de cheminées, qui, au
lieu de me parler, s'amuse à jouer à la mourre[12]. Un, deux, trois,
quatre...; ah, ah, ah! Oh bien! ce n'est pas cela; c'est que je vous
prie de m'écouter, et croyez que je ne suis pas un homme à vous faire
perdre vos peines, et que, si vous me satisfaites sur ce que je veux de
vous, je vous donnerai ce que vous voudrez, de l'argent, si vous en
voulez.
LE DOCTEUR.
Eh! de l'argent?
LE BARBOUILLÉ.
Oui, de l'argent, et toute autre chose que vous pourriez demander.
LE DOCTEUR, troussant sa robe derrière son cul.
Tu me prends donc pour un homme à qui l'argent fait tout faire, pour un
homme attaché à l'intérêt, pour une âme mercenaire? Sache, mon ami, que,
quand tu me donnerois une bourse pleine de pistoles, et que cette bourse
seroit dans une riche boîte, cette boîte dans un étui précieux, cet étui
dans un coffre admirable, ce coffre dans un cabinet curieux, ce cabinet
dans une chambre magnifique, cette chambre dans un appartement agréable,
cet appartement dans un château pompeux, ce château dans une citadelle
incomparable, cette citadelle dans une ville célèbre, cette ville dans
une île fertile, cette île dans une province opulente, cette province
dans une monarchie florissante, cette monarchie dans tout le monde; et
que tout le monde où seroit cette monarchie florissante, où seroit cette
province opulente, où seroit cette île fertile, où seroit cette ville
célèbre, où seroit cette citadelle incomparable, où seroit ce château
pompeux, où seroit cet appartement agréable, où seroit ce cabinet
curieux, où seroit ce coffre admirable, où seroit cet étui précieux, où
seroit cette riche boîte dans laquelle seroit enfermée la bourse pleine
de pistoles, que je me soucierois aussi peu de ton argent et de toi que
de cela.
Il s'en va.
LE BARBOUILLÉ.
Ma foi, je m'y suis mépris: à cause qu'il est vêtu comme un médecin,
j'ai cru qu'il lui falloit parler d'argent; mais, puisqu'il n'en veut
point, il n'y a rien de plus aisé que de le contenter: je m'en vais
courir après lui.
Il sort.

SCÈNE III.--ANGÉLIQUE, VALÈRE, CATHAU.
ANGÉLIQUE.
Monsieur, je vous assure que vous m'obligerez beaucoup de me tenir
quelquefois compagnie: mon mari est si mal bâti, si débauché, si
ivrogne, que ce m'est un supplice d'être avec lui, et je vous laisse à
penser quelle satisfaction on peut avoir d'un rustre comme lui.
VALÈRE.
Mademoiselle, vous me faites trop d'honneur de me vouloir souffrir. Je
vous promets de contribuer de tout mon pouvoir à votre divertissement;
et, puisque vous témoignez que ma compagnie ne vous est point
désagréable, je vous ferai connoître, par mes empressemens, combien j'ai
de joie de la bonne nouvelle que vous m'apprenez.
CATHAU.
Ah! changez de discours, voyez porte-guignon[13] qui arrive.

SCÈNE IV.--LE BARBOUILLÉ, VALÈRE, ANGÉLIQUE, CATHAU.
VALÈRE.
Mademoiselle, je suis au désespoir de vous apporter de si méchantes
nouvelles; mais aussi bien les auriez-vous apprises de quelque autre;
et, puisque votre frère est fort malade...
ANGÉLIQUE.
Monsieur, ne m'en dites pas davantage; je suis votre servante, et vous
rends grâce de la peine que vous avez prise.
LE BARBOUILLÉ.
Ma foi, sans aller chez le notaire, voilà le certificat de mon cocuage.
Ah, ah! madame la carogne, je vous trouve avec un homme, après toutes
les défenses que je vous ai faites, et vous me voulez envoyer de Gemini
en Capricorne[14].
ANGÉLIQUE.
Eh bien, faut-il gronder pour cela? Ce monsieur vient de m'apprendre que
mon frère est bien malade: où est le sujet de querelle?
CATHAU.
Ah! le voilà venu; je m'étonnois bien si nous aurions longtemps du
repos.
LE BARBOUILLÉ.
Vous vous gâtez, par ma foi, toutes deux, mesdames les carognes: toi,
Cathau, tu corromps ma femme; depuis que tu la sers, elle ne vaut pas la
moitié de ce qu'elle valoit.
CATHAU.
Vraiment oui, vous la baillez bonne.
ANGÉLIQUE.
Laisse là cet ivrogne; ne vois-tu pas qu'il est si soûl qu'il ne sait ce
qu'il dit?

SCÈNE V.--GORGIBUS, VILLEBREQUIN, ANGÉLIQUE, CATHAU, LE BARBOUILLÉ.
GORGIBUS.
Ne voilà pas encore mon maudit gendre qui querelle ma fille!
VILLEBREQUIN.
Il faut savoir ce que c'est.
GORGIBUS.
Eh quoi! toujours se quereller! vous n'aurez pas la paix dans votre
ménage?
LE BARBOUILLÉ.
Cette coquine-là m'appelle ivrogne. (A Angélique.) Tiens, je suis bien
tenté de te bailler une quinte major[15], en présence de tes parents.
GORGIBUS.
Au diable l'escarcelle, si vous l'aviez fait.
ANGÉLIQUE.
Mais aussi c'est lui qui commence toujours à...
CATHAU.
Que maudite soit l'heure où vous avez choisi ce grigou!
VILLEBREQUIN.
Allons, taisez-vous! la paix!

SCÈNE VI.--GORGIBUS, VILLEBREQUIN, ANGÉLIQUE, CATHAU, LE BARBOUILLÉ, LE
DOCTEUR.
LE DOCTEUR.
Qu'est ceci? quel désordre! quelle querelle! quel grabuge! quel vacarme!
quel bruit! quel différend! quelle combustion! Qu'y a-t-il, messieurs?
qu'y a-t-il? qu'y a-t-il? Çà, çà, voyons s'il n'y a pas moyen de vous
mettre d'accord; que je sois votre pacificateur, que j'apporte l'union
chez vous.
GORGIBUS.
C'est mon gendre et ma fille qui ont eu bruit ensemble.
LE DOCTEUR.
Et qu'est-ce que c'est? voyons, dites-moi un peu la cause de leur
différend.
GORGIBUS.
Monsieur...
LE DOCTEUR.
Mais en peu de paroles.
GORGIBUS.
Oui-da: mettez donc votre bonnet.
LE DOCTEUR.
Savez-vous d'où vient le mot bonnet?
GORGIBUS.
Nenni.
LE DOCTEUR.
Cela vient de _bonum est_, bon est, voilà qui est bon, parce qu'il
garantit des catarrhes et fluxions.
GORGIBUS.
Ma foi, je ne savois pas cela.
LE DOCTEUR.
Dites donc vite cette querelle.
GORGIBUS.
Voici ce qui est arrivé.
LE DOCTEUR.
Je ne crois pas que vous soyez homme à me tenir longtemps, puisque je
vous en prie. J'ai quelques affaires pressantes qui m'appellent à la
ville; mais, pour remettre la paix dans votre famille, je veux bien
m'arrêter un moment.
GORGIBUS.
J'aurai fait en un moment.
LE DOCTEUR.
Soyons donc bref.
GORGIBUS.
Voilà qui est fait incontinent.
LE DOCTEUR.
Il faut avouer, monsieur Gorgibus, que c'est une belle qualité que de
dire les choses en peu de paroles, et que les grands parleurs, au lieu
de se faire écouter, se rendent le plus souvent si importuns, qu'on ne
les entend point. _Virtutem primam esse puta compescere linguam._ Oui,
la plus belle qualité d'un honnête homme, c'est de parler peu.
GORGIBUS.
Vous saurez donc...
LE DOCTEUR.
Socrate recommandait trois choses fort soigneusement à ses disciples: la
retenue dans les actions, la sobriété dans le manger, et de dire les
choses en peu de paroles. Commencez donc, monsieur Gorgibus.
GORGIBUS.
C'est ce que je veux faire.
LE DOCTEUR.
En peu de mots, sans façon, sans vous amuser à beaucoup de discours,
tranchez-moi d'un apophthegme, vite, vite, monsieur Gorgibus, dépêchons,
évitez la prolixité.
GORGIBUS.
Laissez-moi donc parler.
LE DOCTEUR.
Monsieur Gorgibus, touchez là, vous parlez trop; il faut que quelque
autre me dise la cause de leur querelle.
VILLEBREQUIN.
Monsieur le docteur, vous saurez que...
LE DOCTEUR.
Vous êtes un ignorant, un indocte, un homme ignare de toutes les bonnes
disciplines, un âne en bon français. Eh quoi! vous commencez la
narration sans avoir fait un mot d'exorde! Il faut que quelque autre me
conte le désordre. Mademoiselle, contez-moi un peu le détail de ce
vacarme.
ANGÉLIQUE.
Voyez-vous bien là mon gros coquin, mon sac à vin de mari?
LE DOCTEUR.
Doucement, s'il vous plaît; parlez avec respect de votre époux, quand
vous êtes devant la moustache d'un docteur comme moi.
ANGÉLIQUE.
Ah! vraiment oui, docteur! Je me moque bien de vous et de votre
doctrine, et je suis docteur quand je veux.
LE DOCTEUR.
Tu es docteur quand tu veux? Ouais! Je pense que tu es un plaisant
docteur. Tu as la mine de suivre fort ton caprice: des parties
d'oraison, tu n'aimes que la conjonction; des genres, que le masculin;
des déclinaisons, le génitif; de la syntaxe, _mobile cum fixo_; et enfin
de la quantité, tu n'aimes que le dactyle, _quia constat ex una longa et
duabus brevibus_. Venez çà, vous, dites-moi un peu quelle est la cause,
le sujet de votre combustion.
LE BARBOUILLÉ.
Monsieur le docteur...
LE DOCTEUR.
Voilà qui est bien commencé: monsieur le docteur, ce mot a quelque chose
de doux à l'oreille, quelque chose plein d'emphase: monsieur le docteur!
LE BARBOUILLÉ.
A la mienne volonté...
LE DOCTEUR.
Voilà qui est bien... à la mienne volonté! La volonté présuppose le
souhait, le souhait présuppose des moyens pour arriver à ses fins, et la
fin présuppose un objet. Voilà qui est bien... à la mienne volonté!
LE BARBOUILLÉ.
J'enrage!
LE DOCTEUR.
Otez-moi ce mot, j'enrage; voilà un terme bas et populaire.
LE BARBOUILLÉ.
Eh! monsieur le docteur, écoutez-moi, de grâce!
LE DOCTEUR.
_Audi, quæso_, auroit dit Cicéron.
LE BARBOUILLÉ.
Oh! ma foi, si se rompt, si se casse, ou si se brise, je ne m'en mets
guère en peine; mais tu m'écouteras, ou je te vais casser ton museau
doctoral. Eh! que diable donc est ceci?
LE BARBOUILLÉ, ANGÉLIQUE, GORGIBUS, CATHAU, VILLEBREQUIN, voulant dire
la cause de la querelle, et LE DOCTEUR disant que la paix est une
belle chose, parlent tous à la fois. Au milieu de tout ce bruit, le
Barbouillé attache le Docteur par le pied et le fait tomber; le
Docteur se doit laisser tomber sur le dos: le Barbouillé l'entraîne
par la corde qu'il lui a attachée au pied, et, pendant qu'il
l'entraîne, le Docteur doit toujours parler, et compter par ses doigts
toutes ses raisons, comme s'il n'étoit point à terre.--Le Barbouillé
et le Docteur disparoissent.
GORGIBUS.
Allons, ma fille, retirez-vous chez vous, et vivez bien avec votre mari.
VILLEBREQUIN.
Adieu, serviteur et bonsoir.
Villebrequin, Gorgibus et Angélique s'en vont.

SCÈNE VII.--VALÈRE, LA VALLÉE.
VALÈRE.
Monsieur, je vous suis obligé du soin que vous avez pris, et je vous
promets de me rendre dans une heure à l'assignation que vous me donnez.
LA VALLÉE.
Cela ne peut se différer; et, si vous tardez d'un quart d'heure, le bal
sera fini dans un moment: vous n'aurez pas le bien d'y voir celle que
vous aimez, si vous n'y venez tout présentement.
VALÈRE.
Allons donc ensemble de ce pas.
Ils s'en vont.

SCÈNE VIII.--ANGÉLIQUE, seule.
Cependant que mon mari n'y est pas, je vais faire un tour à un bal que
donne une de mes voisines. Je serai revenue auparavant lui, car il est
quelque part au cabaret; il ne s'apercevra pas que je suis sortie. Ce
maroufle-là me laisse toute seule à la maison, comme si j'étais son
chien.
Elle s'en va.

SCÈNE IX.--LE BARBOUILLÉ, seul.
Je savois bien que j'aurois raison de ce diable de docteur et de sa
fichue doctrine. Au diable l'ignorant! j'ai bien envoyé toute sa science
par terre. Il faut pourtant que j'aille un peu voir si ma bonne ménagère
m'aura fait à souper.
Il entre.

SCÈNE X.--ANGÉLIQUE, seule.
Que je suis malheureuse! j'ai resté trop tard, l'assemblée est finie; je
suis arrivée justement comme tout le monde sortoit; mais il n'importe,
ce sera pour une autre fois. Je m'en vais cependant au logis comme si de
rien n'étoit. Ouais! la porte est fermée! Cathau, Cathau!

SCÈNE XI.--LE BARBOUILLÉ, à la fenêtre, ANGÉLIQUE.
LE BARBOUILLÉ.
Cathau, Cathau! Eh bien, qu'a-t-elle fait, Cathau? et d'où venez-vous,
madame la carogne, à l'heure qu'il est, et par le temps qu'il fait?
ANGÉLIQUE.
D'où je viens? ouvre-moi seulement, et je te le dirai après.
LE BARBOUILLÉ.
Oui, ah! ma foi, tu peux aller coucher là d'où tu viens, ou, si tu
l'aimes mieux, dans la rue; je n'ouvre point à une coureuse comme toi.
Comment diable! être toute seule à l'heure qu'il est! Je ne sais si
c'est imagination, mais mon front m'en paroît plus rude de moitié.
ANGÉLIQUE.
Eh bien, pour être toute seule, qu'en veux-tu dire? Tu me querelles
quand je suis en compagnie: comment donc faut-il faire?
LE BARBOUILLÉ.
Il faut être retirée à la maison, donner ordre au souper, avoir soin du
ménage, des enfants; mais, sans tant de discours inutiles, adieu,
bonsoir, va-t'en au diable, et me laisse en repos.
ANGÉLIQUE.
Tu ne veux pas m'ouvrir?
LE BARBOUILLÉ.
Non, je n'ouvrirai pas.
ANGÉLIQUE.
Eh! mon pauvre petit mari, je t'en prie, ouvre-moi, mon cher petit
cœur.
LE BARBOUILLÉ.
Ah! crocodile! ah! serpent dangereux! tu me caresses pour me trahir.
ANGÉLIQUE.
Ouvre, ouvre donc!
LE BARBOUILLÉ.
Adieu, _vade retro, Satanas!_
ANGÉLIQUE.
Quoi! tu ne m'ouvriras pas?
LE BARBOUILLÉ.
Non.
ANGÉLIQUE.
Et tu n'as point de pitié de ta femme qui t'aime tant?
LE BARBOUILLÉ.
Non, je suis inflexible; tu m'as offensé, je suis vindicatif comme tous
les diables; c'est-à-dire bien fort, je suis inexorable.
ANGÉLIQUE.
Sais-tu bien que, si tu me pousses à bout et que tu me mettes en colère,
je ferai quelque chose dont tu te repentiras?
LE BARBOUILLÉ.
Et que feras-tu, bonne chienne?
ANGÉLIQUE.
Tiens, si tu ne m'ouvres, je m'en vais me tuer devant la porte: mes
parents, qui sans doute viendront ici auparavant de se coucher, pour
savoir si nous sommes bien ensemble, me trouveront morte, et tu seras
pendu.
LE BARBOUILLÉ.
Ah, ah, ah, ah, la bonne bête! et qui y perdra le plus de nous deux? Va,
va, tu n'es pas si sotte que de faire ce coup-là.
ANGÉLIQUE.
Tu ne le crois donc pas? Tiens, tiens, voilà mon couteau tout prêt; si
tu ne m'ouvres, je m'en vais tout à cette heure m'en donner dans le
cœur.
LE BARBOUILLÉ.
Prends garde, voilà qui est bien pointu.
ANGÉLIQUE.
Tu ne veux donc pas m'ouvrir?
LE BARBOUILLÉ.
Je t'ai déjà dit vingt fois que je n'ouvrirai point; tue-toi, crève,
va-t'en au diable, je ne m'en soucie pas.
ANGÉLIQUE, faisant semblant de se frapper.
Adieu donc... Aïe! je suis morte!
LE BARBOUILLÉ.
Seroit-elle bien assez sotte pour avoir fait ce coup-là? il faut que je
descende avec la chandelle pour aller voir.
ANGÉLIQUE.
Il faut que je t'attrape. Si je peux entrer dans la maison subtilement
cependant que tu me chercheras, chacun aura bien son tour.
LE BARBOUILLÉ.
Eh bien, ne savois-je pas bien qu'elle n'étoit pas si sotte? Elle est
morte, et si elle court comme le cheval de Pacolet[16]... Ma foi, elle
m'avoit fait peur tout de bon. Elle a bien fait de gagner du pied; car,
si je l'eusse trouvée en vie, après m'avoir fait cette frayeur-là, je
lui aurois apostrophé cinq ou six clystères de coups de pied dans le
cul, pour lui apprendre à faire la bête. Je m'en vais me coucher
cependant. Oh! oh! je pense que le vent a fermé la porte. Hé! Cathau,
Cathau, ouvre-moi.
ANGÉLIQUE.
Cathau, Cathau! Eh bien, qu'a-t-elle fait, Cathau? et d'où venez-vous,
monsieur l'ivrogne? Ah! vraiment, va, mes parens, qui vont venir dans un
moment, sauront tes vérités. Sac à vin, infâme, tu ne bouges du cabaret,
et tu laisses une pauvre femme avec des petits enfants, sans savoir
s'ils ont besoin de quelque chose, à croquer le marmot tout le long du
jour!
LE BARBOUILLÉ.
Ouvre vite, diablesse que tu es, ou je te casserai la tête!

SCÈNE XII.--GORGIBUS, VILLEBREQUIN, ANGÉLIQUE, LE BARBOUILLÉ.
GORGIBUS.
Qu'est ceci? toujours de la dispute, de la querelle et de la dissension!
VILLEBREQUIN.
Eh quoi! vous ne serez jamais d'accord?
ANGÉLIQUE.
Mais voyez un peu, le voilà qui est soûl, et revient, à l'heure qu'il
est, faire un vacarme horrible; il me menace.
GORGIBUS.
Mais aussi ce n'est pas l'heure de revenir. Ne devriez-vous pas, comme
un bon père de famille, vous retirer de bonne heure, et bien vivre avec
votre femme?
LE BARBOUILLÉ.
Je me donne au diable si j'ai sorti de la maison: demandez plutôt à ces
messieurs qui sont là-bas dans le parterre; c'est elle qui ne fait que
de revenir. Ah! que l'innocence est opprimée!
VILLEBREQUIN.
Çà, çà, allons, accordez-vous; demandez-lui pardon.
LE BARBOUILLÉ.
You have read 1 text from French literature.
Next - Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 04
  • Parts
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 01
    Total number of words is 4482
    Total number of unique words is 1711
    30.0 of words are in the 2000 most common words
    42.9 of words are in the 5000 most common words
    48.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 02
    Total number of words is 4379
    Total number of unique words is 1255
    41.7 of words are in the 2000 most common words
    53.2 of words are in the 5000 most common words
    57.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 03
    Total number of words is 4430
    Total number of unique words is 1268
    41.2 of words are in the 2000 most common words
    51.5 of words are in the 5000 most common words
    56.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 04
    Total number of words is 3863
    Total number of unique words is 1405
    39.7 of words are in the 2000 most common words
    51.5 of words are in the 5000 most common words
    57.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 05
    Total number of words is 3925
    Total number of unique words is 1329
    39.4 of words are in the 2000 most common words
    51.1 of words are in the 5000 most common words
    57.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 06
    Total number of words is 3827
    Total number of unique words is 1285
    41.7 of words are in the 2000 most common words
    54.1 of words are in the 5000 most common words
    60.0 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 07
    Total number of words is 3973
    Total number of unique words is 1381
    40.4 of words are in the 2000 most common words
    53.2 of words are in the 5000 most common words
    58.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 08
    Total number of words is 3973
    Total number of unique words is 1413
    37.8 of words are in the 2000 most common words
    50.3 of words are in the 5000 most common words
    56.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 09
    Total number of words is 4068
    Total number of unique words is 1415
    38.8 of words are in the 2000 most common words
    49.6 of words are in the 5000 most common words
    55.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 10
    Total number of words is 3766
    Total number of unique words is 1179
    42.4 of words are in the 2000 most common words
    52.4 of words are in the 5000 most common words
    59.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 11
    Total number of words is 3749
    Total number of unique words is 1281
    39.0 of words are in the 2000 most common words
    51.3 of words are in the 5000 most common words
    56.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 12
    Total number of words is 3982
    Total number of unique words is 1290
    41.8 of words are in the 2000 most common words
    53.8 of words are in the 5000 most common words
    59.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 13
    Total number of words is 3980
    Total number of unique words is 1326
    40.4 of words are in the 2000 most common words
    52.6 of words are in the 5000 most common words
    59.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 14
    Total number of words is 4346
    Total number of unique words is 1630
    34.5 of words are in the 2000 most common words
    46.4 of words are in the 5000 most common words
    52.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 15
    Total number of words is 4243
    Total number of unique words is 1203
    43.0 of words are in the 2000 most common words
    55.2 of words are in the 5000 most common words
    61.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 16
    Total number of words is 4223
    Total number of unique words is 1551
    36.5 of words are in the 2000 most common words
    48.2 of words are in the 5000 most common words
    54.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 17
    Total number of words is 4055
    Total number of unique words is 1253
    43.3 of words are in the 2000 most common words
    55.3 of words are in the 5000 most common words
    60.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 18
    Total number of words is 4188
    Total number of unique words is 1558
    37.4 of words are in the 2000 most common words
    48.8 of words are in the 5000 most common words
    55.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 19
    Total number of words is 4283
    Total number of unique words is 1291
    40.3 of words are in the 2000 most common words
    53.2 of words are in the 5000 most common words
    59.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 20
    Total number of words is 4349
    Total number of unique words is 1295
    38.0 of words are in the 2000 most common words
    51.2 of words are in the 5000 most common words
    57.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 21
    Total number of words is 4309
    Total number of unique words is 1271
    38.4 of words are in the 2000 most common words
    51.1 of words are in the 5000 most common words
    57.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 22
    Total number of words is 3270
    Total number of unique words is 1090
    39.6 of words are in the 2000 most common words
    50.3 of words are in the 5000 most common words
    56.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.