Molière - Œuvres complètes, Tome 1 - 02

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se mit, dans une œuvre nouvelle, la dernière qu'il ait produite, à
railler à la fois médecins et malades: ceux-là comme impuissants,
ceux-ci comme crédules. Le monde demi-sceptique et élégant au milieu
duquel vivait Molière, la société de Chapelle et de Ninon, trouva la
plaisanterie excellente, fournit à l'envi des traits au pauvre Molière,
et se réjouit fort de composer à frais communs la cérémonie burlesque du
_Malade imaginaire_; réunis autour d'une table bien servie, les convives
de Ninon furent les sacrificateurs et la Faculté de médecine fut la
victime.
Enfin _le Malade imaginaire_ parut sur la scène. C'était un malade
véritable, ou plutôt un mourant, qui se moquait de la mort et de
l'impuissance humaine à la prévenir et à la suspendre. La _Danse
Macabre_ du moyen âge n'a pas d'enseignement plus douloureux que ce
bouffon homme de génie et ce philosophe artiste venant en robe de
chambre de malade plaisanter à la fois la santé qui s'ignore et la mort
qui arrive, l'imprudence niaise de ceux qui prétendent guérir et la
stupide fantaisie des imaginations frappées. C'est le comble de
l'incertitude et de la débilité humaines dont Molière a fait la satire,
et c'est au milieu de cette œuvre si triste et si grotesque qu'il a
expiré, à la quatrième représentation du _Malade imaginaire_, en
prononçant le mot _juro_ de la célèbre cérémonie. Dévoué, comme
toujours, aux intérêts de sa troupe, il avait résisté aux prières de
ceux que l'état de sa santé effrayait et qui ne voulaient pas qu'il se
rendît au théâtre. «Non, dit-il; que deviendroient tous ces pauvres
gens?»
On le reporta chez lui après la représentation, qu'il eut le courage de
soutenir jusqu'au bout. Il était épuisé et sentait l'approche de ses
derniers moments. Deux prêtres de sa paroisse, qu'il envoya chercher,
refusèrent leur secours. Suffoqué par le sang, et assisté, dit
Grimarest, par deux sœurs religieuses, il mourut le 17 février 1673,
avant l'arrivée d'un troisième ecclésiastique, plus compatissant et plus
chrétien.
_Philarète Chasles._


OEUVRES COMPLÈTES
DE MOLIÈRE


PREMIÈRE ÉPOQUE
1645-1658
PREMIÈRES OEUVRES; ESSAIS DE JEUNESSE ET IMITATIONS
DE LA COMMEDIA DELL'ARTE

I. -- LE MÉDECIN VOLANT, canevas italien.
II. -- LA JALOUSIE DU BARBOUILLÉ, canevas italien.
III. 1653. L'ÉTOURDI, imitation de l'italien.
IV. 1654. LE DÉPIT AMOUREUX, imitation de l'italien.


LE MÉDECIN VOLANT[3]
COMÉDIE

Des personnages dont le caractère est convenu, le costume arrêté
d'avance, le langage différent, le type invariable, et qui, sur un plan
tracé, improvisent un dialogue pittoresque, conforme aux situations,
telle est la comédie «all' improviso» que les Italiens ont inventée;
celle que Trivelin, Scaramouche et Mezzetin ont fait applaudir en
France. La souplesse physique et la facilité du dialogue prêtent, si ce
n'est de la valeur, au moins du charme à cette vive forme de l'art,
forme enfantine, la seule qui, au commencement du dix-septième siècle et
à la fin du seizième, fût populaire dans le midi de l'Europe.
[3] Le titre de l'arlequinade italienne est: _Il Medico volante_, le
_Médecin sauteur_; épithète justifiée par les singuliers tours de force
que le héros de la farce accomplit.
Poquelin enfant, lorsqu'il allait du collége de Clermont aux
Saints-Innocents et de la halle au collége, dut admirer souvent la farce
italienne, ses tréteaux, ses masques, ses lazzi déjà imités par nos
farceurs qui tenaient en plein air leurs assises sur le pont Neuf.
Très-jeune il essaya d'adapter à nos mœurs, de traduire et d'arranger
quelques-uns de ces canevas qui lui plaisaient; la traduction du _Medico
volante_ fut un des premiers efforts de ce jeune esprit qui débutait par
l'admiration docile.
Je ne doute pas que sa troupe nomade n'ait souvent représenté, pour
divertir les provinciaux, cette charge populaire, favorable à l'agilité
du jeune acteur, valet et médecin à la fois, et qui, pour s'acquitter de
son double personnage, saute d'une fenêtre à l'autre, et de la rue dans
la maison. Boursault versifia plus tard ce canevas, qu'il fit jouer en
1661. La pièce de Boursault finit par un vers insolent:
«Faisons des médecins, ou volans ou volés!»
La prétendue comédie de _la Casaque_, représentée ensuite à Paris, par
la troupe de Molière, le 25 mai 1666, ne doit faire qu'un avec le
canevas du _Médecin volant_. Quelques traits du rôle de l'avocat
semblent révéler la touche de Molière; les germes obscurs du _Médecin
malgré lui_, de _l'Amour médecin_ et des _Fourberies de Scapin_
apparaissent confusément dans cette ébauche.


PERSONNAGES
GORGIBUS, père de Lucile.
LUCILE, fille de Gorgibus.
VALÈRE, amant de Lucile.
SABINE, cousine de Lucile.
SGANARELLE, valet de Valère.
GROS-RENÉ, valet de Gorgibus.
UN AVOCAT.


SCÈNE I.--VALÈRE, SABINE.
VALÈRE.
Eh bien, Sabine, quel conseil me donnes-tu?
SABINE.
Vraiment, il y a bien des nouvelles. Mon oncle veut résolûment que ma
cousine épouse Villebrequin, et les affaires sont tellement avancées,
que je crois qu'ils eussent été mariés dès aujourd'hui, si vous n'étiez
aimé; mais, comme ma cousine m'a confié le secret de l'amour qu'elle
vous porte, et que nous nous sommes vues à l'extrémité par l'avarice de
mon vilain oncle, nous nous sommes avisées d'une bonne invention pour
différer le mariage. C'est que ma cousine, dès l'heure que je vous
parle, contrefait la malade; et le bon vieillard, qui est assez crédule,
m'envoie querir un médecin. Si vous en pouviez envoyer quelqu'un qui fût
de vos bons amis, et qui fût de notre intelligence, il conseilleroit à
la malade de prendre l'air à la campagne. Le bonhomme ne manquera pas de
faire loger ma cousine à ce pavillon qui est au bout de notre jardin,
et, par ce moyen, vous pourriez l'entretenir à l'insu de notre
vieillard, l'épouser, et le laisser pester tout son soûl avec
Villebrequin.
VALÈRE.
Mais le moyen de trouver sitôt un médecin à ma porte, et qui voulût tant
hasarder pour mon service! Je te le dis franchement, je n'en connois pas
un.
SABINE.
Je songe à une chose; si vous faisiez habiller votre valet en médecin:
il n'y a rien de si facile à duper que le bonhomme.
VALÈRE.
C'est un lourdaud qui gâtera tout; mais il faut s'en servir faute
d'autre. Adieu, je le vais chercher. Où diable trouver ce maroufle à
présent? Mais le voici tout à propos.

SCÈNE II.--VALÈRE, SGANARELLE.
VALÈRE.
Ah! mon pauvre Sganarelle, que j'ai de joie de te voir. J'ai besoin de
toi dans une affaire de conséquence; mais, comme je ne sais pas ce que
tu sais faire...
SGANARELLE.
Ce que je sais faire, monsieur? employez-moi seulement en vos affaires
de conséquence, ou pour quelque chose d'importance: par exemple,
envoyez-moi voir quelle heure il est à une horloge, voir combien le
beurre vaut au marché, abreuver un cheval, c'est alors que vous
connoîtrez ce que je sais faire.
VALÈRE.
Ce n'est pas cela; c'est qu'il faut que tu contrefasses le médecin.
SGANARELLE.
Moi, médecin, monsieur! Je suis prêt à faire tout ce qu'il vous plaira;
mais, pour faire le médecin, je suis assez votre serviteur pour n'en
rien faire du tout; et par quel bout m'y prendre, bon Dieu? Ma foi,
monsieur, vous vous moquez de moi.
VALÈRE.
Si tu veux entreprendre cela, va, je te donnerai dix pistoles.
SGANARELLE.
Ah! pour dix pistoles, je ne dis pas que je ne sois médecin; car,
voyez-vous bien, monsieur, je n'ai pas l'esprit tant, tant subtil, pour
vous dire la vérité. Mais, quand je serai médecin, où irai-je?
VALÈRE.
Chez le bonhomme Gorgibus, voir sa fille qui est malade; mais tu es un
lourdaud qui, au lieu de bien faire, pourrois bien...
SGANARELLE.
Eh! mon Dieu, monsieur, ne soyez point en peine; je vous réponds que je
ferai aussi bien mourir une personne qu'aucun médecin qui soit dans la
ville. On dit un proverbe, d'ordinaire: Après la mort, le médecin; mais
vous verrez que, si je m'en mêle, on dira: Après le médecin, gare la
mort! Mais, néanmoins, quand je songe, cela est bien difficile de faire
le médecin; et si je ne fais rien qui vaille?
VALÈRE.
Il n'y a rien de si facile en cette rencontre: Gorgibus est un homme
simple, grossier, qui se laissera étourdir de ton discours, pourvu que
tu parles d'Hippocrate et de Galien, et que tu sois un peu effronté.
SGANARELLE.
C'est-à-dire qu'il faudra lui parler philosophie, mathématique.
Laissez-moi faire; s'il est un homme facile, comme vous le dites, je
vous réponds de tout; venez seulement me faire avoir un habit de
médecin, et m'instruire de ce qu'il me faut faire, et me donner les
licences, qui sont les dix pistoles promises.
Valère et Sganarelle s'en vont.

SCÈNE III.--GORGIBUS, GROS-RENÉ.
GORGIBUS.
Allez vitement chercher un médecin, car ma fille est bien malade, et
dépêchez-vous.
GROS-RENÉ.
Que diable aussi! pourquoi vouloir donner votre fille à un vieillard?
Croyez-vous que ce ne soit pas le désir qu'elle a d'avoir un jeune homme
qui la travaille? Voyez-vous la connexité qu'il y a, etc. (_galimatias_).
GORGIBUS.
Va-t'en vite; je vois bien que cette maladie-là reculera bien les noces.
GROS-RENÉ.
Et c'est ce qui me fait enrager; je croyois refaire mon ventre d'une
bonne carrelure[4], et m'en voilà sevré. Je m'en vais chercher un
médecin pour moi, aussi bien que pour votre fille; je suis désespéré.
Il sort.

SCÈNE IV.--SABINE, GORGIBUS, SGANARELLE.
SABINE.
Je vous trouve à propos, mon oncle, pour vous apprendre une bonne
nouvelle. Je vous amène le plus habile médecin du monde, un homme qui
vient des pays étrangers, qui sait les plus beaux secrets, et qui sans
doute guérira ma cousine. On me l'a indiqué par bonheur, et je vous
l'amène. Il est si savant, que je voudrois de bon cœur être malade,
afin qu'il me guérît.
GORGIBUS.
Où est-il donc?
SABINE.
Le voilà qui me suit; tenez, le voilà.
GORGIBUS.
Très-humble serviteur à monsieur le médecin. Je vous envoie querir pour
voir ma fille qui est malade; je mets toute mon espérance en vous.
SGANARELLE.
Hippocrate dit, et Galien, par vives raisons, persuade qu'une personne
ne se porte pas bien quand elle est malade. Vous avez raison de mettre
votre espérance en moi, car je suis le plus grand, le plus habile, le
plus docte médecin qui soit dans la Faculté végétale, sensitive et
minérale.
GORGIBUS.
J'en suis fort ravi.
SGANARELLE.
Ne vous imaginez pas que je sois un médecin ordinaire, un médecin du
commun. Tous les autres médecins ne sont, à mon égard, que des avortons
de médecins. J'ai des talents particuliers, j'ai des secrets. Salamalec,
salamalec, Rodrigue, as-tu du cœur[5]? _signor, si; signor, no. Per
omnia sæcula sæculorum._ Mais encore, voyons un peu.
SABINE.
Eh! ce n'est pas lui qui est malade, c'est sa fille.
SGANARELLE.
Il n'importe; le sang du père et de la fille ne sont qu'une même chose;
et, par l'altération de celui du père, je puis connoître la maladie de
la fille. Monsieur Gorgibus, y auroit-il moyen de voir de l'urine de
l'égrotante?
GORGIBUS.
Oui-da; Sabine, vite allez querir de l'urine de ma fille. (Sabine sort.)
Monsieur le médecin, j'ai grand'peur qu'elle ne meure.
SGANARELLE.
Ah! qu'elle s'en garde bien! il ne faut pas qu'elle s'amuse à se laisser
mourir sans l'ordonnance de la médecine. (Sabine rentre[6].) Voilà de
l'urine qui marque grande chaleur, grande inflammation dans les
intestins; elle n'est pas tant mauvaise pourtant.
GORGIBUS.
Eh quoi! monsieur, vous l'avalez?
SGANARELLE.
Ne vous étonnez pas de cela: les médecins, d'ordinaire, se contentent de
la regarder; mais moi, qui suis un médecin hors du commun, je l'avale,
parce qu'avec le goût je discerne bien mieux la cause et les suites de
la maladie; mais, à vous dire la vérité, il y en avoit trop peu pour
avoir un bon jugement: qu'on la fasse encore pisser.
SABINE sort et revient.
J'ai bien eu de la peine à la faire pisser.
SGANARELLE.
Que cela! voilà bien de quoi! Faites-la pisser copieusement,
copieusement. Si tous les malades pissent de la sorte, je veux être
médecin toute ma vie.
SABINE sort et revient.
Voilà tout ce qu'on peut avoir; elle ne peut pas pisser davantage.
SGANARELLE.
Quoi! monsieur Gorgibus, votre fille ne pisse que des gouttes? voilà une
pauvre pisseuse que votre fille; je vois bien qu'il faudra que je lui
ordonne une potion pissatrice. N'y auroit-il pas moyen de voir la
malade?
SABINE.
Elle est levée; si vous voulez, je la ferai venir.

SCÈNE V.--SABINE, GORGIBUS, SGANARELLE, LUCILE.
SGANARELLE.
Eh bien, mademoiselle, vous êtes malade?
LUCILE.
Oui, monsieur.
SGANARELLE.
Tant pis, c'est une marque que vous ne vous portez pas bien. Sentez-vous
de grandes douleurs à la tête, aux reins?
LUCILE.
Oui, monsieur.
SGANARELLE.
C'est fort bien fait. Oui, ce grand médecin, au chapitre qu'il a fait de
la nature des animaux, dit... cent belles choses; et, comme les humeurs
qui ont de la connexité ont beaucoup de rapport; car, par exemple, comme
la mélancolie est ennemie de la joie, et que la bile qui se répand par
le corps nous fait devenir jaunes, et qu'il n'est rien de plus contraire
à la santé que la maladie, nous pouvons dire, avec ce grand homme, que
votre fille est fort malade. Il faut que je vous fasse une ordonnance.
GORGIBUS.
Vite une table, du papier, de l'encre.
SGANARELLE.
Y a-t-il quelqu'un qui sache écrire?
GORGIBUS.
Est-ce que vous ne le savez point?
SGANARELLE.
Ah! je ne m'en souvenois pas; j'ai tant d'affaires dans la tête, que
j'oublie la moitié... Je crois qu'il seroit nécessaire que votre fille
prît un peu l'air, qu'elle se divertît à la campagne.
GORGIBUS.
Nous avons un fort beau jardin, et quelques chambres qui y répondent; si
vous le trouvez à propos, je l'y ferai loger.
SGANARELLE.
Allons visiter les lieux.
Ils sortent tous.

SCÈNE VI.--L'AVOCAT, seul.
J'ai ouï dire que la fille de monsieur Gorgibus étoit malade; il faut
que je m'informe de sa santé, et que je lui offre mes services comme ami
de toute sa famille. Holà, holà! monsieur Gorgibus y est-il?

SCÈNE VII.--GORGIBUS, L'AVOCAT.
L'AVOCAT.
Ayant appris la maladie de mademoiselle votre fille, je vous suis venu
témoigner la part que j'y prends, et vous faire offre de tout ce qui
dépend de moi.
GORGIBUS.
J'étois là dedans avec le plus savant homme!
L'AVOCAT.
N'y auroit-il pas moyen de l'entretenir un moment?

SCÈNE VIII.--GORGIBUS, L'AVOCAT, SGANARELLE.
GORGIBUS.
Monsieur, voilà un fort habile homme de mes amis, qui souhaiteroit de
vous parler et vous entretenir.
SGANARELLE.
Je n'ai pas le loisir, monsieur Gorgibus; il faut aller à mes malades.
Je ne prendrai pas la droite avec vous, monsieur.
L'AVOCAT.
Monsieur, après ce que m'a dit monsieur Gorgibus de votre mérite et de
votre savoir, j'ai eu la plus grande passion du monde d'avoir l'honneur
de votre connoissance, et j'ai pris la liberté de vous saluer à ce
dessein; je crois que vous ne le trouverez pas mauvais. Il faut avouer
que ceux qui excellent en quelque science sont dignes de grande louange,
et particulièrement ceux qui font profession de la médecine, tant à
cause de son utilité que parce qu'elle contient en elle plusieurs autres
sciences, ce qui rend sa parfaite connoissance fort difficile: et c'est
fort à propos qu'Hippocrate dit dans son premier aphorisme: _Vita
brevis, ars vero longa, occasio autem præceps, experimentum, judicium
periculosum, difficile._
SGANARELLE, à Gorgibus.
_Ficile tantinapota baril cambustibus._
L'AVOCAT.
Vous n'êtes pas de ces médecins qui ne s'appliquent qu'à la médecine
qu'on appelle rationale ou dogmatique, et je crois que vous l'exercez
tous les jours avec beaucoup de succès, _experientia magistra rerum_.
Les premiers hommes qui firent profession de la médecine furent
tellement estimés d'avoir cette belle science, qu'on les mit au nombre
des dieux pour les belles cures qu'ils faisoient tous les jours. Ce
n'est pas qu'on doive mépriser un médecin qui n'auroit pas rendu la
santé à son malade, puisqu'elle ne dépend pas absolument de ses remèdes,
ni de son savoir; _interdum docta plus valet arte malum_. Monsieur, j'ai
peur de vous être importun: je prends congé de vous, dans l'espérance
que j'ai qu'à la première vue j'aurai l'honneur de converser avec vous
avec plus de loisir. Vos heures vous sont précieuses, etc.
L'avocat sort.
GORGIBUS.
Que vous semble de cet homme-là?
SGANARELLE.
Il sait quelque petite chose. S'il fût demeuré tant soit peu davantage,
je l'allois mettre sur une matière sublime et relevée. Cependant je
prends congé de vous. (Gorgibus lui donne de l'argent.) Eh! que
voulez-vous faire?
GORGIBUS.
Je sais bien ce que je vous dois.
SGANARELLE.
Vous moquez-vous, monsieur Gorgibus? Je n'en prendrai pas, je ne suis
pas un homme mercenaire. (Il prend l'argent.) Votre très-humble
serviteur.
Sganarelle sort, et Gorgibus rentre dans sa maison.

SCÈNE IX.--VALÈRE, seul.
Je ne sais ce qu'aura fait Sganarelle: je n'ai point eu de ses
nouvelles, et je suis fort en peine où je le pourrois rencontrer.
(Sganarelle revient en habit de valet.) Mais bon, le voici. Eh bien,
Sganarelle, qu'as-tu fait depuis que je ne t'ai pas vu?

SCÈNE X.--VALÈRE, SGANARELLE.
SGANARELLE.
Merveille sur merveille: j'ai si bien fait, que Gorgibus me prend pour
un habile médecin. Je me suis introduit chez lui; je lui ai conseillé de
faire prendre l'air à sa fille, laquelle est à présent dans un
appartement qui est au bout de leur jardin, tellement qu'elle est fort
éloignée du vieillard, et que vous pourrez l'aller voir commodément.
VALÈRE.
Ah! que tu me donnes de joie! Sans perdre de temps, je la vais trouver
de ce pas.
Il sort.
SGANARELLE.
Il faut avouer que ce bonhomme de Gorgibus est un vrai lourdaud de se
laisser tromper de la sorte! (Apercevant Gorgibus.) Ah! ma foi, tout est
perdu; c'est à ce coup que voilà la médecine renversée; mais il faut que
je le trompe.

SCÈNE XI.--SGANARELLE, GORGIBUS.
GORGIBUS.
Bonjour, monsieur.
SGANARELLE.
Monsieur, votre serviteur; vous voyez un pauvre garçon au désespoir: ne
connoissez-vous pas un médecin qui est arrivé depuis peu en cette ville,
qui fait des cures admirables?
GORGIBUS.
Oui, je le connois; il vient de sortir de chez moi.
SGANARELLE.
Je suis son frère, monsieur: nous sommes jumeaux; et, comme nous nous
ressemblons fort, on nous prend quelquefois l'un pour l'autre.
GORGIBUS.
Je me donne au diable si je n'y ai été trompé. Et comment vous
nommez-vous?
SGANARELLE.
Narcisse, monsieur, pour vous rendre service. Il faut que vous sachiez
qu'étant dans son cabinet j'ai répandu deux fioles d'essence qui étoient
sur le bord de sa table; aussitôt il s'est mis dans une colère si
étrange contre moi, qu'il m'a mis hors du logis; il ne me veut plus
jamais voir, tellement que je suis un pauvre garçon à présent, sans
appui, sans support, sans aucune connoissance.
GORGIBUS.
Allez, je ferai votre paix; je suis de ses amis, et je vous promets de
vous remettre avec lui; je lui parlerai d'abord que je le verrai.
SGANARELLE.
Je vous serai bien obligé, monsieur Gorgibus.
Sganarelle sort, et rentre aussitôt avec sa robe de médecin.

SCÈNE XII.--SGANARELLE, GORGIBUS.
SGANARELLE.
Il faut avouer que, quand ces malades ne veulent pas suivre l'avis du
médecin, et qu'ils s'abandonnent à la débauche...
GORGIBUS.
Monsieur le médecin, très-humble serviteur. Je vous demande une grâce.
SGANARELLE.
Qu'y a-t-il, monsieur? est-il question de vous rendre service?
GORGIBUS.
Monsieur, je viens de rencontrer monsieur votre frère, qui est tout à
fait fâché de...
SGANARELLE.
C'est un coquin, monsieur Gorgibus.
GORGIBUS.
Je vous réponds qu'il est tellement contrit de vous avoir mis en
colère...
SGANARELLE.
C'est un ivrogne, monsieur Gorgibus.
GORGIBUS.
Eh! monsieur, voulez-vous désespérer ce pauvre garçon?
SGANARELLE.
Qu'on ne m'en parle plus; mais voyez l'impudence de ce coquin-là, de
vous aller trouver pour faire son accord; je vous prie de ne m'en pas
parler.
GORGIBUS.
Au nom de Dieu, monsieur le médecin, faites cela pour l'amour de moi. Si
je suis capable de vous obliger en autre chose, je le ferai de bon
cœur. Je m'y suis engagé, et...
SGANARELLE.
Vous m'en priez avec tant d'instance... Quoique j'eusse fait serment de
ne lui pardonner jamais; allez, touchez là, je lui pardonne. Je vous
assure que je me fais grande violence, et qu'il faut que j'aie bien de
la complaisance pour vous. Adieu, monsieur Gorgibus.
Gorgibus rentre dans sa maison, et Sganarelle s'en va.

SCÈNE XIII.--VALÈRE, SGANARELLE.
VALÈRE.
Il faut que j'avoue que je n'eusse jamais cru que Sganarelle se fût si
bien acquitté de son devoir. (Sganarelle rentre avec ses habits de
valet.) Ah! mon pauvre garçon, que je t'ai d'obligations! que j'ai de
joie! et que...
SGANARELLE.
Ma foi, vous parlez fort à votre aise. Gorgibus m'a rencontré; et sans
une invention que j'ai trouvée, toute la mèche étoit découverte.
(Apercevant Gorgibus.) Mais fuyez-vous-en[7] le voici.
Valère sort.

SCÈNE XIV.--GORGIBUS, SGANARELLE.
GORGIBUS.
Je vous cherchois partout pour vous dire que j'ai parlé à votre frère:
il m'a assuré qu'il vous pardonnoit; mais, pour en être plus assuré, je
veux qu'il vous embrasse en ma présence; entrez dans mon logis, et je
l'irai chercher.
SGANARELLE.
Eh! monsieur Gorgibus, je ne crois pas que vous le trouviez à présent;
et puis je ne resterai pas chez vous, je crains trop de sa colère.
GORGIBUS.
Ah! vous y demeurerez, car je vous enfermerai. Je m'en vais à présent
chercher votre frère; ne craignez rien, je vous réponds qu'il n'est plus
fâché.
Gorgibus sort.
SGANARELLE, de la fenêtre.
Ma foi, me voilà attrapé, ce coup-là; il n'y a plus moyen de m'en
échapper. Le nuage est fort épais, et j'ai bien peur que, s'il vient à
crever, il ne grêle sur mon dos force coups de bâton, ou que, par
quelque ordonnance plus forte que toutes celles des médecins, on ne
m'applique tout au moins un cautère royal[8] sur les épaules. Mes
affaires vont mal: mais pourquoi se désespérer? puisque j'ai tant fait,
poussons la fourbe jusqu'au bout. Oui, oui, il en faut encore sortir, et
faire voir que Sganarelle est le roi des fourbes.
Sganarelle saute par la fenêtre et s'en va.

SCÈNE XV.--GROS-RENÉ, GORGIBUS, SGANARELLE.
GROS-RENÉ.
Ah! ma foi! voilà qui est drôle! comme diable on saute ici par les
fenêtres! Il faut que je demeure ici, et que je voie à quoi tout cela
aboutira.
GORGIBUS.
Je ne saurois trouver ce médecin; je ne sais où diable il s'est caché.
(Apercevant Sganarelle qui revient en habit de médecin.) Mais le voici.
Monsieur, ce n'est pas assez d'avoir pardonné à votre frère; je vous
prie, pour ma satisfaction, de l'embrasser: il est chez moi, et je vous
cherchois partout pour vous prier de faire cet accord en ma présence.
SGANARELLE.
Vous vous moquez, monsieur Gorgibus; n'est-ce pas assez que je lui
pardonne? je ne le veux jamais voir.
GORGIBUS.
Mais, monsieur, pour l'amour de moi.
SGANARELLE.
Je ne vous saurois rien refuser: dites-lui qu'il descende.
Pendant que Gorgibus entre dans la maison par la porte, Sganarelle y
rentre par la fenêtre.
GORGIBUS, à la fenêtre.
Voilà votre frère qui vous attend là-bas: il m'a promis qu'il fera tout
ce que vous voudrez.
SGANARELLE, à la fenêtre.
Monsieur Gorgibus, je vous prie de le faire venir ici; je vous conjure
que ce soit en particulier que je lui demande pardon, parce que sans
doute, il me ferait cent hontes, cent opprobres devant tout le monde.
Gorgibus sort de sa maison par la porte, et Sganarelle par la
fenêtre.
GORGIBUS.
Oui-da, je m'en vais lui dire... Monsieur, il dit qu'il est honteux et
qu'il vous prie d'entrer, afin qu'il vous demande pardon en particulier.
Voilà la clef, vous pouvez entrer; je vous supplie de ne me pas refuser,
et de me donner ce contentement.
SGANARELLE.
Il n'y a rien que je ne fasse pour votre satisfaction: vous allez
entendre de quelle manière je vais le traiter. (A la fenêtre.) Ah! te
voilà, coquin!--Monsieur mon frère, je vous demande pardon, je vous
promets qu'il n'y a pas de ma faute.--Pilier de débauche, coquin, va, je
t'apprendrai à venir avoir la hardiesse d'importuner monsieur Gorgibus,
de lui rompre la tête de tes sottises!--Monsieur mon frère...--Tais-toi,
te dis-je.--Je ne vous désoblig...--Tais-toi, coquin!
GROS-RENÉ.
Qui diable pensez-vous qui soit chez vous à présent?
GORGIBUS.
C'est le médecin et Narcisse son frère; ils avoient quelque différend,
et ils font leur accord.
GROS-RENÉ.
Le diable emporte! ils ne sont qu'un.
SGANARELLE, à la fenêtre.
Ivrogne que tu es, je t'apprendrai à vivre! Comme il baisse la vue! il
voit bien qu'il a failli, le pendard! Ah! l'hypocrite, comme il fait le
bon apôtre!
GROS-RENÉ.
Monsieur, dites-lui un peu par plaisir qu'il fasse mettre son frère à la
fenêtre.
GORGIBUS.
Oui-da... Monsieur le médecin, je vous prie de faire paroître votre
frère à la fenêtre.
SGANARELLE, de la fenêtre.
Il est indigne de la vue des gens d'honneur, et puis je ne le saurois
souffrir auprès de moi.
GORGIBUS.
Monsieur, ne me refusez pas cette grâce, après toutes celles que vous
m'avez faites.
SGANARELLE, de la fenêtre.
En vérité, monsieur Gorgibus, vous avez un tel pouvoir sur moi, que je
ne vous puis rien refuser. Montre-toi, coquin! (Après avoir disparu un
moment, il se remontre en habit de valet.) Monsieur Gorgibus, je suis
votre obligé. (Il disparoît encore, et reparoît aussitôt en robe de
médecin[9].) Eh bien, avez-vous vu cette image de la débauche?
GROS-RENÉ.
Ma foi, ils ne sont qu'un; et, pour vous le prouver, dites-lui un peu
que vous les voulez voir ensemble.
GORGIBUS.
Mais faites-moi la grâce de le faire paroître avec vous, et de
l'embrasser devant moi à la fenêtre.
SGANARELLE, de la fenêtre.
C'est une chose que je refuserois à tout autre qu'à vous, mais, pour
vous montrer que je veux tout faire pour l'amour de vous, je m'y résous,
quoique avec peine, et veux auparavant qu'il vous demande pardon de
toutes les peines qu'il vous a données.--Oui, monsieur Gorgibus, je vous
demande pardon de vous avoir tant importuné, et vous promets, mon frère,
en présence de monsieur Gorgibus que voilà, de faire si bien désormais,
que vous n'aurez plus lieu de vous plaindre, vous priant de ne plus
songer à ce qui s'est passé.
Il embrasse son chapeau et sa fraise, qu'il a mis au bout de son
coude.
GORGIBUS.
Eh bien, ne les voilà pas tous deux?
GROS-RENÉ.
Ah! par ma foi, il est sorcier.
SGANARELLE, sortant de la maison, en médecin.
Monsieur, voilà la clef de votre maison que je vous rends; je n'ai pas
voulu que ce coquin soit descendu avec moi, parce qu'il me fait honte;
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