Micromégas - 2

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des organes en proportion des nôtres; et il se peut très bien
faire, qu'il y ait un grand nombre de ces substances: or
concevez, je vous prie, ce qu'elles penseraient de ces batailles
qui font gagner au vainqueur un village pour le perdre ensuite.
[1] Voyez les notes du discours en vers _sur la Modération_
(volume XII), et celles du _Russe à Paris_ (volume XIV). K.
[2] L'édition que je crois l'originale, porte: _soixante
millième_. B.

Je ne doute pas que si quelque capitaine des grands grenadiers
lit jamais cet ouvrage, il ne hausse de deux grands pieds au
moins les bonnets de sa troupe; mais je l'avertis qu'il aura beau
faire, que lui et les siens ne seront jamais que des infiniment
petits.
Quelle adresse merveilleuse ne fallut-il donc pas à notre
philosophe de Sirius, pour apercevoir les atomes dont je viens de
parler? Quand Leuwenhoek et Hartsoëker virent les premiers ou
crurent voir la graine dont nous sommes formés, ils ne firent
pas, à beaucoup près, une si étonnante découverte. Quel plaisir
sentit Micromégas en voyant remuer ces petites machines, en
examinant tous leurs tours, en les suivant dans toutes leurs
opérations! comme il s'écria! comme il mit avec joie un de ses
microscopes dans les mains de son compagnon de voyage! Je les
vois, disaient-ils tous deux à-la-fois; ne les voyez-vous pas qui
portent des fardeaux, qui se baissent, qui se relèvent. En
parlant ainsi, les mains leur tremblaient, par le plaisir de voir
des objets si nouveaux, et par la crainte de les perdre. Le
Saturnien, passant d'un excès de défiance à un excès de
crédulité, crut apercevoir qu'ils travaillaient à la propagation.
«Ah! disait-il, j'ai pris la nature sur le fait[1].» Mais il se
trompait sur les apparences; ce qui n'arrive que trop, soit qu'on
se serve ou non du microscope.
[1] Expression heureuse el plaisante de Fontenelle, en rendant
compte de quelques observations d'histoire naturelle. K.

CHAPITRE VI.
Ce qui leur arriva avec les hommes.

Micromégas, bien meilleur observateur que son nain, vit
clairement que les atomes se parlaient; et il le fit remarquer à
son compagnon, qui, honteux de s'être mépris sur l'article de la
génération, ne voulut point croire que de pareilles espèces
pussent se communiquer des idées. Il avait le don des langues
aussi bien que le Sirien; il n'entendait point parler nos atomes,
et il supposait qu'ils ne parlaient pas: d'ailleurs comment ces
êtres imperceptibles auraient-ils les organes de la voix, et
qu'auraient-ils à dire? Pour parler, il faut penser, ou à peu
près; mais s'ils pensaient, ils auraient donc l'équivalent d'une
âme: or, attribuer l'équivalent d'une âme à cette espèce, cela
lui paraissait absurde. Mais, dit le Sirien, vous avez cru
tout-à-l'heure qu'ils fesaient l'amour; est-ce que vous croyez
qu'on puisse faire l'amour sans penser et sans proférer quelque
parole, ou du moins sans se faire entendre? Supposez-vous
d'ailleurs qu'il soit plus difficile de produire un argument
qu'un enfant? Pour moi l'un et l'autre me paraissent de grands
mystères: je n'ose plus ni croire ni nier, dit le nain; je n'ai
plus d'opinion; il faut tâcher d'examiner ces insectes, nous
raisonnerons après. C'est fort bien dit, reprit Micromégas; et
aussitôt il tira une paire de ciseaux dont il se coupa les
ongles, et d'une rognure de l'ongle de son pouce il fit
sur-le-champ une espèce de grande trompette parlante, comme un
vaste entonnoir, dont il mit le tuyau dans son oreille. La
circonférence de l'entonnoir enveloppait le vaisseau et tout
l'équipage. La voix la plus faible entrait dans les fibres
circulaires de l'ongle; de sorte que, grâce à son industrie, le
philosophe de là-haut entendit parfaitement le bourdonnement de
nos insectes de là-bas. En peu d'heures il parvint à distinguer
les paroles, et enfin à entendre le français. Le nain en fit
autant, quoique avec plus de difficulté. L'étonnement des
voyageurs redoublait à chaque instant. Ils entendaient des mites
parler d'assez bon sens: ce jeu de la nature leur paraissait
inexplicable. Vous croyez bien que le Sirien et son nain
brûlaient d'impatience de lier conversation avec les atomes; le
nain craignait que sa voix de tonnerre, et surtout celle de
Micromégas, n'assourdît les mites sans en être entendue. Il
fallait en diminuer la force. Ils se mirent dans la bouche des
espèces de petits cure-dents, dont le bout fort effilé venait
donner auprès du vaisseau. Le Sirien tenait le nain sur ses
genoux, et le vaisseau avec l'équipage sur un ongle; il baissait
la tête et parlait bas. Enfin, moyennant toutes ces précautions
et bien d'autres encore, il commença ainsi son discours:
Insectes invisibles, que la main du Créateur s'est plu à faire
naître dans l'abîme de l'infiniment petit, je le remercie de ce
qu'il a daigné me découvrir des secrets qui semblaient
impénétrables. Peut-être ne daignerait-on pas vous regarder à ma
cour; mais je ne méprise personne, et je vous offre ma
protection.
Si jamais il y eut quelqu'un d'étonné, ce furent les gens qui
entendirent ces paroles. Ils ne pouvaient deviner d'où elles
partaient. L'aumônier du vaisseau récita les prières des
exorcismes, les matelots jurèrent, et les philosophes du vaisseau
firent des systèmes; mais quelque système qu'ils fissent, ils ne
purent jamais deviner qui leur parlait. Le nain de Saturne, qui
avait la voix plus douce que Micromégas, leur apprit alors en peu
de mots à quelles espèces ils avaient affaire. Il leur raconta
le voyage de Saturne, les mit au fait de ce qu'était
M. Micromégas; et après les avoir plaints d'être si petits, il
leur demanda s'ils avaient toujours été dans ce misérable état si
voisin de l'anéantissement, ce qu'ils fesaient dans un globe qui
paraissait appartenir à des baleines, s'ils étaient heureux,
s'ils multipliaient, s'ils avaient une âme, et cent autres
questions de cette nature.
Un raisonneur de la troupe, plus hardi que les autres, et choqué
de ce qu'on doutait de son âme, observa l'interlocuteur avec des
pinnules braquées sur un quart de cercle, fit deux stations, et à
la troisième il parla ainsi: Vous croyez donc, monsieur, parceque
vous avez mille toises depuis la tête jusqu'aux pieds, que vous
êtes un..... Mille toises! s'écria le nain: juste ciel! d'où
peut-il savoir ma hauteur? mille toises! il ne se trompe pas
d'un pouce: quoi! cet atome m'a mesuré! il est géomètre, il
connaît ma grandeur; et moi, qui ne le vois qu'à travers un
microscope, je ne connais pas encore la sienne! Oui, je vous ai
mesuré, dit le physicien, et je mesurerai bien encore votre grand
compagnon. La proposition fut acceptée; son excellence se coucha
de son long; car, s'il se fût tenu debout, sa tête eût été trop
au-dessus des nuages. Nos philosophes lui plantèrent un grand
arbre, dans un endroit que le docteur Swift nommerait, mais que
je me garderai bien d'appeler par son nom, à cause de mon grand
respect pour les dames. Puis, par une suite de triangles liés
ensemble, ils conclurent que ce qu'ils voyaient était en effet un
jeune homme de cent vingt mille pieds de roi.
[1] L'édition que je crois l'originale, porte: _un beau
jeune... de cent vingt mille pieds de roi_. B.

Alors Micromégas prononça ces paroles: Je vois plus que jamais
qu'il ne faut juger de rien sur sa grandeur apparente. O Dieu!
qui avez donné une intelligence à des substances qui paraissent
si méprisables, l'infiniment petit vous coûte aussi peu que
l'infiniment grand; et s'il est possible qu'il y ait des êtres
plus petits que ceux-ci, ils peuvent encore avoir un esprit
supérieur à ceux de ces superbes animaux que j'ai vus dans le
ciel, dont le pied seul couvrirait le globe où je suis descendu.
Un des philosophes lui répondit qu'il pouvait en toute sûreté
croire qu'il est en effet des êtres intelligents beaucoup plus
petits que l'homme. Il lui conta, non pas tout ce que Virgile a
dit de fabuleux sur les abeilles, mais ce que Swammerdam a
découvert, et ce que Réaumur a disséqué. Il lui apprit enfin
qu'il y a des animaux qui sont pour les abeilles ce que les
abeilles sont pour l'homme, ce que le Sirien lui-même était pour
ces animaux si vastes dont il parlait, et ce que ces grands
animaux sont pour d'autres substances devant lesquelles ils ne
paraissent que comme des atomes. Peu-à-peu la conversation
devint intéressante, et Micromégas parla ainsi:

CHAPITRE VII.
Conversation avec les hommes.

O atomes intelligents, dans qui l'Etre éternel s'est plu à
manifester son adresse et sa puissance, vous devez, sans doute,
goûter des joies bien pures sur votre globe; car ayant si peu de
matière, et paraissant tout esprit, vous devez passer votre vie à
aimer et à penser; c'est la véritable vie des esprits. Je n'ai
vu nulle part le vrai bonheur, mais il est ici, sans doute. A ce
discours, tous les philosophes secouèrent la tête; et l'un d'eux,
plus franc que les autres, avoua de bonne foi que, si l'on en
excepte un petit nombre d'habitants fort peu considérés, tout le
reste est un assemblage de fous, de méchants, et de malheureux.
Nous avons plus de matière qu'il ne nous en faut, dit-il, pour
faire beaucoup de mal, si le mal vient de la matière; et trop
d'esprit, si le mal vient de l'esprit. Savez-vous bien, par
exemple, qu'à l'heure que je vous parle[1], il y a cent mille
fous de notre espèce, couverts de chapeaux, qui tuent cent mille
autres animaux couverts d'un turban, ou qui sont massacrés par
eux, et que, presque par toute la terre, c'est ainsi qu'on en use
de temps immémorial? Le Sirien frémit, et demanda quel pouvait
être le sujet de ces horribles querelles entre de si chétifs
animaux. Il s'agit, dit le philosophe, de quelque tas de boue[2]
grand comme votre talon. Ce n'est pas qu'aucun de ces millions
d'hommes qui se font égorger prétende un fétu sur ce tas de boue.
Il ne s'agit que de savoir s'il appartiendra à un certain homme
qu'on nomme _Sultan_, ou à un autre qu'on nomme, je ne sais
pourquoi, _César_. Ni l'un ni l'autre n'a jamais vu ni ne verra
jamais le petit coin de terre dont il s'agit; et presque aucun de
ces animaux, qui s'égorgent mutuellement, n'a jamais vu l'animal
pour lequel il s'égorge.
[1] Ou a vu, à la fin du chapitre III, que la scène se passait
en 1737. Il s'agit ici de la guerre des Turcs et des Russes,
de 1736 à 1739. B.
[2] La Crimée, qui toutefois n'a été réunie à la Russie qu'en
1783. B.

Ah! malheureux! s'écria le Sirien avec indignation, peut-on
concevoir cet excès de rage forcenée! Il me prend envie de faire
trois pas, et d'écraser de trois coups de pied toute cette
fourmilière d'assassins ridicules. Ne vous en donnez pas la
peine, lui répondit-on; ils travaillent assez à leur ruine.
Sachez qu'au bout de dix ans, il ne reste jamais la centième
partie de ces misérables; sachez que, quand même ils n'auraient
pas tiré l'épée, la faim, la fatigue, ou l'intempérance, les
emportent presque tous. D'ailleurs, ce n'est pas eux qu'il faut
punir, ce sont ces barbares sédentaires qui du fond de leur
cabinet ordonnent, dans le temps de leur digestion, le massacre
d'un million d'hommes, et qui ensuite en font remercier Dieu
solennellement. Le voyageur se sentait ému de pitié pour la
petite race humaine, dans laquelle il découvrait de si étonnants
contrastes. Puisque vous êtes du petit nombre des sages, dit-il
à ces messieurs, et qu'apparemment vous ne tuez personne pour de
l'argent, dites-moi, je vous en prie, à quoi vous vous occupez.
Nous disséquons des mouches, dit le philosophe, nous mesurons des
lignes, nous assemblons des nombres; nous sommes d'accord sur
deux ou trois points que nous entendons, et nous disputons sur
deux ou trois mille que nous n'entendons pas. Il prit aussitôt
fantaisie au Sirien et au Saturnien d'interroger ces atomes
pensants, pour savoir les choses dont ils convenaient. Combien
comptez-vous, dit celui-ci, de l'étoile de la Canicule à la
grande étoile des Gémeaux? Ils répondirent tous à-la-fois,
Trente-deux degrés et demi. Combien comptez-vous d'ici à la
lune? Soixante demi-diamètres de la terre en nombre rond.
Combien pèse votre air? Il croyait les attraper[3], mais tous lui
dirent que l'air pèse environ neuf cents fois moins qu'un pareil
volume de l'eau la plus légère, et dix-neuf mille fois moins que
l'or de ducat. Le petit nain de Saturne, étonné de leurs
réponses, fut tenté de prendre pour des sorciers ces mêmes gens
auxquels il avait refusé une âme un quart d'heure auparavant.
[3] L'édition que je crois l'originale, porte: _effrayer_, au
lieu de: _attraper_. B.

Enfin Micromégas leur dit: Puisque vous savez si bien ce qui est
hors de vous, sans doute vous savez encore mieux ce qui est
en-dedans. Dites-moi ce que c'est que votre âme, et comment vous
formez vos idées. Les philosophes parlèrent tous à-la-fois comme
auparavant; mais ils furent tous de différents avis. Le plus
vieux citait Aristote, l'autre prononçait le nom de Descartes;
celui-ci, de Malebranche; cet autre, de Leibnitz; cet autre, de
Locke. Un vieux péripatéticien dit tout haut avec confiance:
L'âme est une entéléchie, et une raison par qui elle a la
puissance d'être ce qu'elle est. C'est ce que déclare
expressément Aristote, page 633 de l'édition du Louvre. Il cita
le passage[4]. Je n'entends pas trop bien le grec, dit le géant.
Ni moi non plus, dit la mite philosophique. Pourquoi donc,
reprit le Sirien, citez-vous un certain Aristote en grec? C'est,
répliqua le savant, qu'il faut bien citer ce qu'on ne comprend
point du tout dans la langue qu'on entend le moins.
[4] Voici ce passage tel qu'il est transcrit dans l'édition
datée de 1750:e'xontos toude` ei'nai.>
Ce passage d'Aristote, _de l'Ame_, livre II, chapitre II, est
ainsi traduit par Casaubon: _Anima quaedam perfectio et actus
ac ratio est quod potentiam habet ut ejusmodi sit_. B.

Le cartésien prit la parole, et dit: L'âme est un esprit pur qui
a reçu dans le ventre de sa mère toutes les idées métaphysiques,
et qui, en sortant de là, est obligée d'aller à l'école, et
d'apprendre tout de nouveau ce qu'elle a si bien su, et qu'elle
ne saura plus. Ce n'était donc pas la peine, répondit l'animal
de huit lieues, que ton âme fût si savante dans le ventre de ta
mère, pour être si ignorante quand tu aurais de la barbe au
menton. Mais qu'entends-tu par esprit? Que me demandez-vous là?
dit le raisonneur; je n'en ai point d'idée; on dit que ce n'est
pas la matière. -- Mais sais-tu au moins ce que c'est que la
matière? Très bien, lui répondit l'homme. Par exemple cette
pierre est grise, est d'une telle forme, a ses trois dimensions,
elle est pesante et divisible. Eh bien! dit le Sirien, cette
chose qui te paraît être divisible, pesante, et grise, me
diras-tu bien ce que c'est? Tu vois quelques attributs; mais le
fond de la chose, le connais-tu? Non, dit l'autre.--Tu ne sais
donc point ce que c'est que la matière.
Alors M. Micromégas, adressant la parole à un autre sage qu'il
tenait sur son pouce, lui demanda ce que c'était que son âme, et
ce qu'elle fesait. Rien du tout, dit le philosophe
malebranchiste[5]; c'est Dieu qui fait tout pour moi; je vois
tout en lui, je fais tout en lui; c'est lui qui fait tout sans
que je m'en mêle. Autant vaudrait ne pas être, reprit le sage de
Sirius. Et toi, mon ami, dit-il à un Leibnitzien qui était là,
qu'est-ce que ton âme? C'est, répondit le Leibnitzien, une
aiguille qui montre les heures pendant que mon corps carillonne;
ou bien, si vous voulez, c'est elle qui carillonne pendant que
mon corps montre l'heure; ou bien mon âme est le miroir de
l'univers, et mon corps est la bordure du miroir: tout cela est
clair.
[5] Voyez dans les _Mélanges_, année 1769, l'opuscule intitulé:
_Tout en Dieu_. B,

Un petit partisan de Locke était là tout auprès; et quand on lui
eut enfin adressé la parole: Je ne sais pas, dit-il, comment je
pense, mais je sais que je n'ai jamais pensé qu'à l'occasion de
mes sens. Qu'il y ait des substances immatérielles et
intelligentes, c'est de quoi je ne doute pas: mais qu'il soit
impossible à Dieu de communiquer la pensée à la matière, c'est de
quoi je doute fort. Je révère la puissance éternelle; il ne
m'appartient pas de la borner: je n'affirme rien; je me contente
de croire qu'il y a plus de choses possibles qu'on ne pense.
L'animal de Sirius sourit: il ne trouva pas celui-là le moins
sage; et le nain de Saturne aurait embrassé le sectateur de Locke
sans l'extrême disproportion. Mais il y avait là, par malheur,
un petit animalcule en bonnet carré qui coupa la parole à tous
les autres animalcules philosophes; il dit qu'il savait tout le
secret, que tout cela se trouvait dans la _Somme de saint
Thomas_; il regarda de haut en bas les deux habitants célestes;
il leur soutint que leurs personnes, leurs mondes, leurs soleils,
leurs étoiles, tout était fait uniquement pour l'homme. A ce
discours, nos deux voyageurs se laissèrent aller l'un sur l'autre
en étouffant de ce rire inextinguible qui, selon Homère[6], est
le partage des dieux; leurs épaules et leurs ventres allaient et
venaient, et dans ces convulsions le vaisseau que le Sirien avait
sur son ongle tomba dans une poche de la culotte du Saturnien.
Ces deux bonnes gens le cherchèrent long-temps; enfin ils
retrouvèrent l'équipage, et le rajustèrent fort proprement. Le
Sirien reprit les petites mites; il leur parla encore avec
beaucoup de bonté, quoiqu'il fût un peu fâché dans le fond du
coeur de voir que les infiniment petits eussent un orgueil
presque infiniment grand. Il leur promit de leur faire un beau
livre de philosophie[7], écrit fort menu pour leur usage, et que,
dans ce livre, ils verraient le bout des choses. Effectivement,
il leur donna ce volume avant son départ: on le porta à Paris à
l'académie des sciences; mais, quand le[8] vieux secrétaire l'eut
ouvert, il ne vit rien qu'un livre tout blanc: « Ah! dit-il, je
m'en étais bien douté. »
[6] Iliade, I, 599. B.
[7] L'édition que je crois l'originale, et celle qui est datée
de 1750, portent: «livre de philosophie, qui leur apprendrait
des choses admirables, et qui leur montrerait le bon des
choses.» B.
[8] Quoique la scène se passe en 1737, comme on l'a vu pages
177 et 188, on pouvait donner l'épithèle de vieux à Fontenelle,
qui avait alors quatre-vingts ans, et qui mourut vingt ans
après. Il s'était démis, en 1740, de la place de secrétaire
perpétuel. B.
FIN DE L'HISTOIRE DE MICROMÉGAS.
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