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L'homme Qui Rit - 44

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  tout, et tout le ciel fut noir, infini et doux. Le fleuve
  s’élargissait, et ses deux rives Ă  droite et Ă  gauche n’étaient
  plus que deux minces lignes brunes presque amalgamées à la nuit.
  De toute cette ombre sortait un profond apaisement. Gwynplaine
  s’était assis Ă  demi, tenant Dea embrassĂ©e. Ils parlaient,
  s’écriaient, jasaient, chuchotaient. Dialogue Ă©perdu. Comment
  vous peindre, Î joie?
  --Ma vie!
  --Mon ciel!
  --Mon amour!
  --Tout mon bonheur!
  --Gwynplaine!
  --Dea! je suis ivre. Laisse-moi baiser tes pieds.
  --C’est toi donc!
  --En ce moment-ci, j’ai trop Ă  dire Ă  la fois. Je ne sais par oĂč
  commencer.
  --Un baiser!
  --O ma femme!
  --Gwynplaine, ne me dis pas que je suis belle. C’est toi qui es
  beau.
  --Je te retrouve, je t’ai sur mon cƓur. Cela est. Tu es à moi.
  Je ne rĂȘve pas. C’est bien toi. Est-ce possible? oui. Je
  reprends possession de la vie. Si tu savais, il y a eu toutes
  sortes d’évĂ©nements. Dea!
  --Gwynplaine!
  --Je t’aime!
  Et Ursus murmurait:
  --J’ai une joie de grand-pùre.
  Homo Ă©tait sorti de dessous la cahute, et, allant de l’un Ă 
  l’autre, discrùtement, n’exigeant pas qu’on fit attention à lui,
  il donnait des coups de langue à tort et à travers, tantÎt aux
  gros souliers d’Ursus, tantît au capingot de Gwynplaine, tantît à
  la robe de Dea, tantĂŽt au matelas. C’était sa façon Ă  lui de
  bénir.
  On avait dĂ©passĂ© Chatham et l’embouchure de la Medway. On
  approchait de la mer. La sĂ©rĂ©nitĂ© tĂ©nĂ©breuse de l’étendue Ă©tait
  telle que la descente de la Tamise se faisait sans complication;
  aucune manƓuvre n’était nĂ©cessaire, et aucun matelot n’avait Ă©tĂ©
  appelĂ© sur le pont. A l’autre extrĂ©mitĂ© du navire, le patron,
  toujours seul à la barre, gouvernait. A l’arriùre, il n’y avait
  que cet homme; Ă  l’avant, la lanterne Ă©clairait l’heureux groupe
  de ces ĂȘtres qui venaient de faire, au fond du malheur subitement
  changé en félicité, cette jonction inespérée.
  
  
  IV
  NON. LA-HAUT
  
  Tout Ă  coup, Dea, se dĂ©gageant de l’embrassement de Gwynplaine,
  se souleva. Elle appuyait ses deux mains sur son cƓur, comme
  pour l’empĂȘcher de se dĂ©ranger.
  --Qu’est-ce que j’ai? dit-elle. J’ai quelque chose. La joie,
  cela Ă©touffe. Ce n’est rien. C’est bon. En reparaissant, ĂŽ mon
  Gwynplaine, tu m’as donnĂ© un coup. Un coup de bonheur. Tout le
  ciel qui vous entre dans le cƓur, c’est un enivrement. Toi
  absent, je me sentais expirer. La vraie vie qui s’en allait, tu
  me l’as rendue. J’ai eu en moi comme un dĂ©chirement, le
  dĂ©chirement des tĂ©nĂšbres, et j’ai senti monter la vie, une vie
  ardente, une vie de fiĂšvre et de dĂ©lices. C’est extraordinaire,
  cette vie-là, que tu viens de me donner. Elle est si céleste
  qu’on souffre un peu. C’est comme si l’ñme grandissait et avait
  de la peine à tenir dans notre corps. Cette vie des séraphins,
  cette plĂ©nitude, elle reflue jusqu’à ma tĂȘte, et me pĂ©nĂštre.
  J’ai comme un battement d’ailes dans la poitrine. Je me sens
  étrange, mais bien heureuse. Gwynplaine, tu m’as ressuscitĂ©e.
  Elle rougit, puis pùlit, puis rougit encore, et tomba.
  --HĂ©las! dit Ursus, tu l’as tuĂ©e.
  Gwynplaine Ă©tendit les bras vers Dea. L’angoisse suprĂȘme
  survenant dans la suprĂȘme extase, quel choc! Il fĂ»t lui-mĂȘme
  tombĂ©, s’il n’eĂ»t eu Ă  la soutenir.
  --Dea! cria-t-il frĂ©missant, qu’est-ce que tu as?
  --Rien, dit-elle. Je t’aime.
  Elle Ă©tait dans les bras de Gwynplaine comme un linge qu’on a
  ramassé. Ses mains pendaient.
  Gwynplaine et Ursus couchÚrent Dea sur le matelas. Elle dit
  faiblement:
  --Je ne respire pas couchée.
  Ils la mirent sur son séant.
  Ursus dit:
  --Un oreiller!
  Elle répondit:
  --Pourquoi? j’ai Gwynplaine.
  Et elle posa sa tĂȘte sur l’épaule de Gwynplaine, assis derriĂšre
  elle et la soutenant, l’Ɠil plein d’un Ă©garement infortunĂ©.
  --Ah! dit-elle, comme je suis bien!
  Ursus lui avait saisi le poignet, et comptait les pulsations de
  l’artùre. Il ne hochait pas le front, il ne disait rien, et l’on
  ne pouvait deviner ce qu’il pensait qu’aux rapides mouvements de
  ses paupiùres, s’ouvrant et se refermant convulsivement, comme
  pour empĂȘcher un flot de larmes de sortir.
  --Qu’a-t-elle? demanda Gwynplaine.
  Ursus appuya son oreille contre le flanc gauche de Dea.
  Gwynplaine rĂ©pĂ©ta ardemment sa question, en tremblant qu’Ursus ne
  lui répondit.
  Ursus regarda Gwynplaine, puis Dea. Il était livide. Il dit:
  --Nous devons ĂȘtre Ă  la hauteur de Canterbury. La distance d’ici
  à Gravesend n’est pas trùs grande. Nous aurons beau temps toute
  la nuit. Il n’y a pas à craindre d’attaque en mer, parce que les
  flottes de guerre sont sur la cîte d’Espagne. Nous aurons un bon
  passage.
  Dea, ployée et de plus en plus pùle, pétrissait dans ses doigts
  convulsifs l’étoffe de sa robe. Elle eut un soupir
  inexprimablement pensif, et murmura:
  --Je comprends ce que c’est. Je meurs.
  Gwynplaine se leva terrible. Ursus soutint Dea.
  --Mourir! Toi mourir! non, cela ne sera pas. Tu ne peux pas
  mourir. Mourir Ă  prĂ©sent! mourir tout de suite! c’est
  impossible. Dieu n’est pas fĂ©roce. Te rendre et te reprendre
  dans la mĂȘme minute! Non. Ces choses-lĂ  ne se font pas. Alors
  c’est que Dieu voudrait qu’on doute de lui. Alors c’est que tout
  serait un piÚge, la terre, le ciel, le berceau des enfants,
  l’allaitement des mĂšres, le cƓur humain, l’amour, les Ă©toiles!
  c’est que Dieu serait un traütre et l’homme une dupe! c’est
  qu’il n’y aurait rien! c’est qu’il faudrait insulter la
  crĂ©ation! c’est que tout serait un abĂźme! Tu ne sais ce que tu
  dis, Dea! tu vivras. J’exige que tu vives. Tu dois m’obĂ©ir.
  Je suis ton mari et ton maßtre. Je te défends de me quitter. Ah
  ciel! Ah misérables hommes! Non, cela ne se peut pas. Et je
  resterais sur cette terre aprÚs toi! Cela est tellement
  monstrueux qu’il n’y aurait plus de soleil. Dea, Dea,
  remets-toi. C’est un petit moment d’angoisse qui va passer. On
  a quelquefois des frissons, et puis on n’y pense plus. J’ai
  absolument besoin que tu te portes bien et que tu ne souffres
  plus. Toi mourir! qu’est-ce que je t’ai fait? D’y penser, ma
  raison s’en va. Nous sommes l’un à l’autre, nous nous aimons.
  Tu n’as pas de motif de t’en aller. Ce serait injuste. Ai-je
  commis des crimes? Tu m’as pardonnĂ© d’ailleurs. Oh! tu ne veux
  pas que je devienne un désespéré, un scélérat, un furieux, un
  damnĂ©! Dea! je t’en prie, je t’en conjure, je t’en supplie Ă 
  mains jointes, ne meurs pas.
  Et, crispant ses poings dans ses cheveux, agonisant d’épouvantĂ©,
  étouffé de pleurs, il se jeta à ses pieds.
  --Mon Gwynplaine, dit Dea, ce n’est pas ma faute.
  Il lui vint aux lĂšvres un peu d’écume rose qu’Ursus essuya d’un
  pan de la robe sans que Gwynplaine prosterné le vßt. Gwynplaine
  tenait les pieds de Dea embrassĂ©s, et l’implorait avec toutes
  sortes de mots confus.
  --Je te dis que je ne veux pas. Toi, mourir! je n’en ai pas la
  force. Mourir oui, mais ensemble. Pas autrement. Toi mourir,
  Dea! Il n’y a pas moyen que j’y consente. Ma divinitĂ©! mon
  amour! comprends donc que je suis là. Je te jure que tu vivras.
  Mourir! mais c’est qu’alors tu ne te figures pas ce que je
  deviendrais aprĂšs ta mort. Si tu avais l’idĂ©e du besoin que j’ai
  de ne pas te perdre, tu verrais que c’est positivement
  impossible, Dea! Je n’ai que toi, vois-tu. Ce qui m’est arrivĂ©
  est extraordinaire. Tu ne t’imagines pas que je viens de
  traverser toute la vie en quelques heures. J’ai reconnu une
  chose, c’est qu’il n’y avait rien du tout. Toi, tu existes. Si
  tu n’y es pas, l’univers n’a plus de sens. Reste. Aie pitiĂ© de
  moi. Puisque tu m’aimes, vis. Je viens de te retrouver, c’est
  pour te garder. Attends un peu. On ne s’en va pas comme cela
  quand on est à peine ensemble depuis quelques instants. Ne
  t’impatiente pas. Ah! mon Dieu, que je souffre! Tu ne m’en
  veux pas, n’est-ce pas? Tu comprends bien que je n’ai pas pu
  faire autrement puisque c’est le wapentake qui est venu me
  chercher. Tu vas voir que tu vas respirer mieux tout à l’heure.
  Dea, tout vient de s’arranger. Nous allons ĂȘtre heureux. Ne me
  mets pas au dĂ©sespoir. Dea! je ne t’ai rien fait!
  Ces paroles n’étaient pas dites, mais sanglotĂ©es. On y sentait
  un mĂ©lange d’accablement et de rĂ©volte. Il sortait de la
  poitrine de Gwynplaine un gémissement qui eût attiré des colombes
  et un rugissement qui eût fait reculer des lions.
  Dea lui rĂ©pondit, d’une voix de moins en moins distincte,
  s’arrĂȘtant presque Ă  chaque mot:
  --HĂ©las! c’est inutile. Mon bien-aimĂ©, je vois bien que tu fais
  ce que tu peux. Il y a une heure, je voulais mourir, à présent
  je ne voudrais plus. Gwynplaine, mon Gwynplaine adoré, comme
  nous avons Ă©tĂ© heureux! Dieu t’avait mis dans ma vie, il me
  retire de la tienne. Voilà que je m’en vais. Tu te souviendras
  de la Green-Box, n’est-ce pas? et de ta pauvre petite Dea
  aveugle? Tu te souviendras de ma chanson. N’oublie pas mon son
  de voix, et la maniùre dont je te disais: Je t’aime! Je
  reviendrai te le dire, la nuit, quand tu dormiras. Nous nous
  étions retrouvĂ©s, mais c’était trop de joie. Cela devait finir
  tout de suite. C’est dĂ©cidĂ©ment moi qui pars la premiĂšre.
  J’aime bien mon pĂšre Ursus, et notre frĂšre Homo. Vous ĂȘtes bons.
  L’air manque ici. Ouvrez la fenĂȘtre. Mon Gwynplaine, je ne te
  l’ai pas dit, mais parce qu’il y a eu une fois une femme qui est
  venue, j’ai Ă©tĂ© jalouse. Tu ne sais mĂȘme pas de qui je veux
  parler. Pas vrai? Couvrez-moi les bras. J’ai un peu froid. Et
  Fibi? et Vinos? oĂč sont-elles? On finit par aimer tout le
  monde. On prend en amitiĂ© les personnes qui vous ont vu ĂȘtre
  heureux. On leur sait grĂ© d’avoir Ă©tĂ© lĂ  pendant qu’on Ă©tait
  content. Pourquoi tout cela est-il passĂ©? Je n’ai pas bien
  compris ce qui est arrivé depuis deux jours. Maintenant je
  meurs. Vous me laisserez dans ma robe. TantÎt en la mettant je
  pensais bien que ce serait mon suaire. Je veux la garder. Il y
  a des baisers de Gwynplaine dessus. Oh! j’aurais pourtant bien
  voulu vivre encore. Quelle vie charmante nous avions dans notre
  pauvre cabane qui roulait! On chantait. J’écoutais les
  battements de mains! Comme c’était bon, n’ĂȘtre jamais sĂ©parĂ©s!
  Il me semblait que j’étais dans un nuage avec vous, je me rendais
  bien compte de tout, je distinguais un jour de l’autre, quoique
  aveugle, je reconnaissais que c’était le matin parce que
  j’entendais Gwynplaine, je reconnaissais que c’était la nuit
  parce que je rĂȘvais de Gwynplaine. Je sentais autour de moi une
  enveloppe qui était son ùme. Nous nous sommes doucement adorés.
  Tout cela s’en va, et il n’y aura plus de chansons. HĂ©las! ce
  n’est donc pas possible de vivre encore! Tu penseras à moi, mon
  bien-aimé.
  Sa voix allait s’affaiblissant. La dĂ©croissance lugubre de
  l’agonie lui îtait l’haleine. Elle repliait son pouce sous ses
  doigts, signe que la derniÚre minute approche. Le bégaiement de
  l’ange commençant semblait s’ébaucher dans le doux rĂąle de la
  vierge.
  Elle murmura:
  --Vous vous souviendrez, n’est-ce pas, parce que ce serait bien
  triste que je sois morte si l’on ne se souvenait pas de moi.
  J’ai quelquefois Ă©tĂ© mĂ©chante. Je vous demandĂ©e tous pardon. Je
  suis bien certaine que, si le bon Dieu avait voulu, comme nous ne
  tenons pas beaucoup de place, nous aurions encore été heureux,
  mon Gwynplaine, puisqu’on aurait gagnĂ© sa vie et qu’on aurait Ă©tĂ©
  ensemble dans un autre pays, mais le bon Dieu n’a pas voulu. Je
  ne sais pas du tout pourquoi je meurs. Puisque je ne me
  plaignais pas d’ĂȘtre aveugle, je n’offensais personne. Je
  n’aurais pas mieux demandĂ© que de rester toujours aveugle Ă  cĂŽtĂ©
  de toi. Oh! comme c’est triste de s’en aller!
  Ses paroles haletaient, et s’éteignaient l’une aprĂšs l’autre,
  comme si l’on eĂ»t soufflĂ© dessus. On ne l’entendait presque
  plus.
  --Gwynplaine, reprit-elle, n’est-ce pas? tu penseras à moi.
  J’en aurai besoin, quand je serai morte.
  Et elle ajouta:
  --Oh! retenez-moi!
  Puis, aprÚs un silence, elle dit:
  --Viens me rejoindre le plus tĂŽt que tu pourras. Je vais ĂȘtre
  bien malheureuse sans toi, mĂȘme avec Dieu. Ne me laisse pas trop
  longtemps seule, mon doux Gwynplaine! C’est ici qu’était le
  paradis. LĂ -haut, ce n’est que le ciel. Ah! j’étouffe! Mon
  bien-aimé, mon bien-aimé, mon bien-aimé!
  --Grùce! cria Gwynplaine.
  --Adieu! dit-elle.
  --Grùce! répéta Gwynplaine.
  Et il colla sa bouche aux belles mains glacées de Dea.
  Elle fut un moment comme si elle ne respirait plus.
  Puis elle se haussa sur ses coudes, un profond éclair traversa
  ses yeux, et elle eut un ineffable sourire. Sa voix éclata,
  vivante.
  --LumiÚre! cria-t-elle. Je vois.
  Et elle expira.
  Elle retomba étendue et immobile sur le matelas.
  --Morte, dit Ursus.
  Et le pauvre vieux bonhomme, comme s’écroulant sous le dĂ©sespoir,
  prosterna sa tĂȘte chauve et enfouit son visage sanglotant dans
  les plis de la robe aux pieds de Dea. Il demeura là, évanoui.
  Alors Gwynplaine fut effrayant.
  Il se dressa debout, leva le front, et considéra au-dessus de sa
  tĂȘte l’immense nuit.
  Puis, vu de personne, regardĂ© pourtant peut-ĂȘtre dans ces
  tĂ©nĂšbres par quelqu’un d’invisible, il Ă©tendit les bras vers la
  profondeur d’en haut, et dit:
  --Je viens.
  Et il se mit à marcher, dans la direction du bord, sur le pont du
  navire, comme si une vision l’attirait.
  A quelques pas c’était l’abĂźme.
  Il marchait lentement, il ne regardait pas à ses pieds.
  Il avait le sourire que Dea venait d’avoir.
  Il allait droit devant lui. Il semblait voir quelque chose. Il
  avait dans la prunelle une lueur qui était comme la réverbération
  d’une ñme aperçue au loin.
  Il cria:--Oui!
  A chaque pas il se rapprochait du bord.
  Il marchait tout d’une piĂšce, les bras levĂ©s, la tĂȘte renversĂ©e
  en arriùre, l’Ɠil fixe, avec un mouvement de fantîme.
  Il avançait sans hùte et sans hésitation, avec une précision
  fatale, comme s’il n’eĂ»t pas eu tout prĂšs le gouffre bĂ©ant et la
  tombe ouverte.
  Il murmurait:--Sois tranquille. Je te suis. Je distingue trÚs
  bien le signe que tu me fais.
  Il ne quittait pas des yeux un point du ciel, au plus haut de
  l’ombre. Il souriait.
  Le ciel Ă©tait absolument noir, il n’y avait plus d’étoiles, mais
  évidemment il en voyait une.
  Il traversa le tillac.
  AprĂšs quelques pas rigides et sinistres, il parvint Ă  l’extrĂȘme
  bord.
  --J’arrive, dit-il. Dea, me voilà.
  Et il continua de marcher. Il n’y avait pas de parapet. Le vide
  était devant lui. Il y mit le pied.
  Il tomba.
  La nuit Ă©tait Ă©paisse et sourde, l’eau Ă©tait profonde. Il
  s’engloutit. Ce fut une disparition calme et sombre. Personne
  ne vit ni n’entendit rien. Le navire continua de voguer et le
  fleuve de couler.
  Peu aprĂšs le navire entra dans l’ocĂ©an.
  Quand Ursus revint à lui, il ne vit plus Gwynplaine, et il
  aperçut prùs du bord Homo qui hurlait dans l’ombre en regardant
  la mer.
   * * * * *
  Au bas de la derniùre page du manuscrit de l’_Homme qui Rit_, se
  trouve la note suivante:
   Terminé le 23 août 1868, à dix heures et demie du matin.
   Bruxelles, 4, place des Barricades.
   Ce livre, dont la plus grande partie a été écrite à Guernesey,
   a été commencé à Bruxelles le 21 juillet 1866, et fini à
   Bruxelles le 23 août 1868.
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