Histoires grotesques et sérieuses - 15
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choisir un mot qui renfermât ce son, et qui, en même temps, fût dans le
plus complet accord possible avec cette mélancolie que j'avais adoptée
comme ton général du poëme. Dans une pareille enquête, il eût été
absolument impossible de ne pas tomber sur le mot _nevermore,--jamais
plus_. En réalité, il fut le premier qui se présenta à mon esprit.
Le _desideratum_ suivant fut: Quel sera le prétexte pour l'usage
continu du mot unique _jamais plus?_ Observant la difficulté que
j'éprouvais à trouver une raison plausible et suffisante pour cette
répétition continue, je ne manquai pas d'apercevoir que cette
difficulté surgissait uniquement de l'idée préconçue que ce mot, si
opiniâtrement et monotonément répété, devait être proféré par un
_être humain_; qu'en somme la difficulté consistait à concilier cette
monotonie avec l'exercice de la raison dans la créature chargée de
répéter le mot. Alors se dressa tout de suite l'idée d'une créature
non raisonnable et cependant douée de parole, et très-naturellement un
perroquet se présenta d'abord; mais il fut immédiatement dépossédé par
un corbeau, celui-ci étant également doué de parole et infiniment plus
en accord avec le _ton_ voulu.
J'étais donc enfin arrivé à la conception d'un corbeau,--le corbeau,
oiseau de mauvais augure!--répétant opiniâtrement le mot _Jamais plus_
à la fin de chaque stance dans un poëme d'un ton mélancolique et
d'une longueur d'environ cent vers. Alors, ne perdant jamais de vue
le superlatif ou la perfection dans tous les points, je me demandai:
De tous les sujets mélancoliques, quel est _le plus_ mélancolique
selon l'intelligence _universelle_ de l'humanité?--La Mort, réponse
inévitable.--Et quand, me dis-je, ce sujet, le plus mélancolique de
tous, est-il le plus poétique?--D'après ce que j'ai déjà expliqué assez
amplement, on peut facilement deviner la réponse:--C'est quand il
s'allie intimement à la Beauté. Donc, la _mort_ d'une _belle femme_ est
incontestablement le plus poétique sujet du monde, et il est également
hors de doute que la bouche la mieux choisie pour développer un pareil
thème est celle d'un amant privé de son trésor.
J'avais dès lors à combiner ces deux idées: un amant pleurant sa
maîtresse défunte, et un corbeau répétant continuellement le mot
_Jamais plus_. Il fallait les combiner, et avoir toujours présent à
mon esprit le dessein de varier à chaque fois l'application du mot
répété; mais le seul moyen possible pour une pareille combinaison
était d'imaginer un corbeau se servant du mot dont il s'agit pour
répondre aux questions de l'amant. Et ce fut alors que je vis tout de
suite toute la facilité qui m'était offerte pour l'effet auquel mon
poëme était suspendu, c'est-à-dire l'effet à produire par la variété
dans l'application du refrain. Je vis que je pouvais faire prononcer
la première question par l'amant,--la première à laquelle le corbeau
devait répondre: _Jamais plus_,--que je pouvais faire de la première
question une espèce de lieu commun,--de la seconde quelque chose de
moins commun,--de la troisième quelque chose de moins commun encore,
et ainsi de suite, jusqu'à ce que l'amant, à la longue tiré de sa
nonchalance par le caractère mélancolique du mot, par sa fréquente
répétition, et par le souvenir de la réputation sinistre de l'oiseau
qui le prononce, se trouvât agité par une excitation superstitieuse
et lançât follement des questions d'un caractère tout différent, des
questions passionnément intéressantes pour son cœur;--questions,
faites moitié dans un sentiment de superstition, et moitié dans ce
désespoir singulier qui puise une volupté dans sa torture;--non
pas seulement parce que l'amant croit au caractère prophétique ou
démoniaque de l'oiseau (qui, la raison le lui démontre, ne fait que
répéter une leçon apprise par routine), mais parce qu'il éprouve une
volupté frénétique à formuler ainsi ses questions et à recevoir du
_Jamais plus_ toujours attendu une blessure répétée d'autant plus
délicieuse qu'elle est plus insupportable. Voyant donc cette facilité
qui m'était offerte, ou, pour mieux dire, qui s'imposait à moi dans le
progrès de ma construction, j'arrêtai d'abord la question finale, la
question suprême à laquelle le _Jamais plus_ devait, en dernier lieu,
servir de réponse,--cette question à laquelle le _Jamais plus_ fait la
réplique la plus désespérée, la plus pleine de douleur et d'horreur qui
se puisse concevoir.
Ici donc je puis dire que mon poëme avait trouvé son commencement,--par
la fin, comme devraient commencer tous les ouvrages d'art;--car ce fut
alors, juste à ce point de mes considérations préparatoires, que, pour
la première fois, je posai la plume sur le papier pour composer la
stance suivante:
«Prophète!--dis-je,--être de malheur! oiseau ou démon!
toujours prophète! par ce Ciel tendu sur nos têtes, par ce
Dieu que tous deux nous adorons, dis à cette âme chargée
de douleur si, dans le Paradis lointain, elle pourra
embrasser une fille sainte que les anges nomment Lénore,
embrasser une précieuse et rayonnante fille que les anges
nomment Lénore.» Le corbeau dit: «Jamais plus!»
Ce fut alors seulement que je composai cette stance, d'abord pour
établir le degré suprême et pouvoir ainsi, plus à mon aise, varier
et graduer, selon leur sérieux et leur importance, les questions
précédentes de l'amant, et, en second lieu, pour arrêter définitivement
le rhythme, le mètre, la longueur et l'arrangement général de la
stance, ainsi que graduer les stances qui devaient précéder, de façon
qu'aucune ne pût surpasser cette dernière par son effet rhythmique. Si
j'avais été assez imprudent, dans le travail de composition qui devait
suivre, pour construire des stances plus vigoureuses, _je me serais
appliqué, délibérément et sans scrupule, à les affaiblir_, de manière à
ne pas contrarier l'effet du _crescendo_.
Je pourrais aussi bien placer ici quelques mots sur la versification.
Mon premier but était (comme toujours) l'originalité. Jusqu'à quel
point la question de l'originalité en versification a été négligée,
c'est une des choses du monde les plus inexplicables. En admettant
qu'il y ait peu de variété possible dans le rhythme pur, toujours
est-il évident que les variétés possibles de mètre et de stance sont
absolument infinies,--et toutefois, pendant des siècles, aucun homme
n'a jamais fait, en versification, ou même n'a jamais paru vouloir
faire quoi que ce soit d'original. Le fait est que l'originalité
(excepté dans des esprits d'une force tout à fait insolite) n'est
nullement, comme quelques-uns le supposent, une affaire d'instinct
ou d'intuition. Généralement, pour la trouver, il faut la chercher
laborieusement, et, bien qu'elle soit un mérite positif du rang le plus
élevé, c'est moins l'esprit d'invention que l'esprit de négation qui
nous fournit les moyens de l'atteindre.
Il va sans dire que je ne prétends à aucune originalité dans le rhythme
ou dans le mètre du _Corbeau_. Le premier est trochaïque; le second
se compose d'un vers octomètre acatalectique, alternant avec un
heptamètre catalectique,--qui, répété, devient refrain au cinquième
vers,--et se termine par un tétramètre catalectique. Pour parler sans
pédanterie, les pieds employés, qui sont des trochées, consistent en
une syllabe longue suivie d'une brève: le premier vers de la stance
est fait de huit pieds de cette nature; le second de sept et demi; le
troisième, de huit; le quatrième, de sept et demi; le cinquième, de
sept et demi, également; le sixième, de trois et demi. Or, chacun de
ces vers, pris isolément, a déjà été employé, et toute l'originalité du
_Corbeau_ consiste à les avoir combinés dans la même stance; rien de ce
qui peut ressembler, même de loin, à cette combinaison, n'a été tenté
jusqu'à présent. L'effet de cette combinaison originale est augmenté
par quelques autres effets inusités et absolument nouveaux, tirés d'une
application plus étendue de la rime et de l'allitération.
Le point suivant à considérer était le moyen de mettre en communication
l'amant et le corbeau, et le premier degré de cette question était
naturellement le _lieu_. Il semblerait que l'idée qui doit, en ce cas,
se présenter d'elle-même, est une forêt ou une plaine; mais il m'a
toujours paru qu'un espace étroit et resserré est absolument nécessaire
pour l'effet d'un incident isolé; il lui donne l'énergie qu'un cadre
ajoute à une peinture. Il a cet avantage moral incontestable de
concentrer l'attention dans un petit espace, et cet avantage, cela va
sans dire, ne doit pas être confondu avec celui qu'on peut tirer de la
simple unité de lieu.
Je résolus donc de placer l'amant dans sa chambre,--dans une chambre
sanctifiée pour lui par les souvenirs de celle qui y a vécu. La chambre
est représentée comme richement meublée,--et cela est en vue de
satisfaire aux idées que j'ai déjà expliquées au sujet de la Beauté,
comme étant la seule véritable thèse de la Poésie.
Le lieu ainsi déterminé, il fallait maintenant introduire l'oiseau, et
l'idée de le faire entrer par la fenêtre était inévitable. Que l'amant
suppose, d'abord, que le battement des ailes de l'oiseau contre le
volet est un coup frappé à sa porte, c'est une idée qui est née de mon
désir d'accroître, en la faisant attendre, la curiosité du lecteur, et
aussi de placer l'effet incidentel de la porte ouverte toute grande
par l'amant, qui ne trouve que ténèbres, et qui dès lors peut adopter,
en partie, l'idée fantastique que c'est l'esprit de sa maîtresse qui
est venu frapper à sa porte.
J'ai fait la nuit tempêtueuse, d'abord pour expliquer ce corbeau
cherchant l'hospitalité, ensuite pour créer l'effet du contraste avec
la tranquillité matérielle de la chambre.
De même j'ai fait aborder l'oiseau sur le buste de Pallas pour créer
le contraste entre le marbre et le plumage; on devine que l'idée du
buste a été suggérée uniquement par l'oiseau; le buste de _Pallas_ a
été choisi d'abord à cause de son rapport intime avec l'érudition de
l'amant, et ensuite à cause de la sonorité même du mot Pallas.
Vers le milieu du poëme, j'ai également profité de la force du
contraste dans le but de creuser l'impression finale. Ainsi j'ai donné
à l'entrée du corbeau une allure fantastique, approchant même du
comique, autant du moins que le sujet le pouvait admettre. Il entre
_avec un tumultueux battement d'ailes_.
«_Il ne fit pas la moindre révérence_; il ne s'arrêta
pas, il n'hésita pas une minute; mais, _avec la mine d'un
lord ou d'une lady_, il se percha au-dessus de la porte de
ma chambre...»
Dans les deux stances qui suivent, le dessein devient même plus
manifeste:
«Alors cet oiseau d'ébène, _par la gravité de son
maintien et la sévérité de sa physionomie_, induisant ma
triste imagination à sourire: «Bien que ta tête,--lui
dis-je,--_soit sans huppe et sans cimier_, tu n'es certes
pas un poltron, lugubre et ancien corbeau, voyageur
parti des rivages de la Nuit. Dis-moi quel est ton nom
seigneurial aux rivages de la Nuit plutonienne!» Le
corbeau dit: «Jamais plus!»
«Je fus émerveillé que _ce disgracieux volatile_ entendit
si facilement la parole, bien que sa réponse n'eût pas
un bien grand sens et ne me fût pas d'un grand secours;
car nous devons convenir que jamais _il ne fut donné_ à
un homme vivant _de voir un oiseau au-dessus de la porte
de sa chambre, un oiseau ou une bête sur un buste sculpté
au-dessus de la porte de sa chambre_ se nommant d'un nom
tel que _Jamais plus_.»
Ayant ainsi préparé l'effet du dénoûment, j'abandonne immédiatement le
ton fantastique pour celui du sérieux le plus profond: ce changement
de ton commence avec le premier vers de la stance qui suit la dernière
citée:
«Mais le Corbeau, perché solitairement sur le buste
placide, ne proféra, etc.»
A partir de cet instant, l'amant ne plaisante plus; il ne voit même
plus rien de fantastique dans la conduite de l'oiseau. Il parle de lui
comme d'un _triste, disgracieux, sinistre, maigre et augural oiseau des
anciens jours_, et il sent les _yeux ardents_ qui le brûlent _jusqu'au
fond du cœur_. Cette évolution de pensée, cette imagination dans
l'amant, a pour but d'en préparer une analogue dans le lecteur,
d'amener l'esprit dans une situation favorable pour le _dénoûment_,
qui maintenant va venir aussi rapidement et aussi _directement_ que
possible.
Avec le dénoûment proprement dit, exprimé par le _Jamais plus_ du
corbeau, réponse lancée à la question finale de l'amant,--s'il
retrouvera sa maîtresse dans un autre monde?--le poëme, dans sa phase
la plus claire, la plus naturelle, celle d'un simple récit, peut être
considéré comme fini. Jusqu'à présent, chaque chose est restée dans
les limites de l'explicable, du réel. Un corbeau a appris par routine
le seul mot _Jamais plus_, et, ayant échappé à la surveillance de son
propriétaire, est réduit, à minuit, par la violence de la tempête,
à demander un refuge à une fenêtre où brille encore une lumière, la
fenêtre d'un étudiant plongé à moitié dans ses livres, à moitié dans
les souvenirs d'une bien-aimée défunte. La fenêtre étant ouverte au
battement des ailes de l'oiseau, celui-ci va se percher sur l'endroit
le plus convenable hors de la portée immédiate de l'étudiant, qui,
s'amusant de l'incident et de la bizarre conduite du visiteur, lui
demande son nom en manière de plaisanterie et sans s'attendre à une
réponse. Le corbeau, interrogé, répond par son mot habituel _Jamais
plus_,--mot qui trouve immédiatement un écho mélancolique dans le
cœur de l'étudiant; et celui-ci, exprimant tout haut les pensées qui
lui sont suggérées par la circonstance, est frappé de nouveau par la
répétition du _Jamais plus_. L'étudiant se livre aux conjectures que
lui inspire le cas présent; mais il est poussé bientôt par l'ardeur
du cœur humain à se torturer soi-même, et aussi, par une sorte de
superstition, à proposer à l'oiseau des questions choisies de telle
sorte, que la réponse attendue, l'intolérable _Jamais plus_, doit
lui apporter, à lui, l'amant solitaire, la plus affreuse moisson de
douleurs. C'est dans cet amour du cœur pour sa torture, poussé à
la dernière limite, que le récit, dans ce que j'ai appelé sa première
phase, sa phase naturelle, trouve sa conclusion naturelle, et jusqu'ici
rien ne s'est montré qui dépasse les limites de la réalité.
Mais, dans des sujets manœuvrés de cette façon, avec quelque
habileté qu'ils le soient, avec quelque luxe d'incidents qu'on le
suppose, il y a toujours une certaine âpreté, une nudité qui choque
un œil d'artiste. Deux choses sont éternellement requises: l'une,
une certaine somme de complexité, ou, plus proprement, de combinaison;
l'autre, une certaine quantité d'esprit suggestif, quelque chose comme
un courant souterrain de pensée, non visible, indéfini. C'est cette
dernière qualité qui donne à un ouvrage d'art cet air opulent, cette
apparence _cossue_ (pour tirer de la conversation journalière un terme
efficace), que nous avons trop souvent la sottise de confondre avec
l'_idéal_. C'est l'_excès_ dans l'expression du _sens_ qui ne doit être
qu'_insinué_, c'est la manie de faire, du courant souterrain d'une
œuvre, le courant visible et supérieur, qui change en prose, et
en prose de la plus plate espèce, la prétendue poésie des soi-disant
transcendantalistes.
Fort de ces opinions, j'ajoutai les deux stances qui ferment le poème,
leur qualité suggestive étant destinée à pénétrer tout le récit qui
les précède. Le courant souterrain de la pensée se laisse voir pour la
première fois dans ces vers:
«Arrache ton bec _de mon cœur_, et précipite ton
spectre loin de ma porte!» Le corbeau dit: «Jamais plus!»
On remarquera que les mots _de mon cœur_ renferment la première
expression métaphorique du poëme. Ces mots, avec la réponse _Jamais
plus_, disposent l'esprit à chercher un sens moral dans tout le récit
développé antérieurement. Le lecteur commence dès lors à considérer
le Corbeau comme emblématique;--mais ce n'est que juste au dernier
vers de la dernière stance qu'il lui est permis de voir distinctement
l'intention de faire du Corbeau le symbole du _Souvenir funèbre et
éternel:_
«Et le corbeau, immuable, est toujours installé, toujours
installé sur le buste pâle de Pallas, juste au-dessus
de la porte de ma chambre, et ses yeux ont toute la
semblance des yeux d'un démon qui rêve; et la lumière
de la lampe, en ruisselant sur lui, projette son ombre
sur le plancher; et mon âme, _hors du cercle de cette
ombre_ qui gît flottante sur le plancher, ne pourra plus
s'élever,--jamais plus!»
[1] Tout ce préambule est écrit par le traducteur.--C. B.
[2] Ces trois lignes sont une interpolation du traducteur.--C. B.
FIN
TABLE
Le Mystère de Marie Roget
Le Joueur d'échecs de Maelzel
Éléonora
Un Événement à Jérusalem
L'Ange du Bizarre
Le Système du docteur Goudron et du professeur Plume
Le Domaine d'Arnheim
Le Cottage Landor
Philosophie de l'Ameublement
La Genèse d'un poëme
plus complet accord possible avec cette mélancolie que j'avais adoptée
comme ton général du poëme. Dans une pareille enquête, il eût été
absolument impossible de ne pas tomber sur le mot _nevermore,--jamais
plus_. En réalité, il fut le premier qui se présenta à mon esprit.
Le _desideratum_ suivant fut: Quel sera le prétexte pour l'usage
continu du mot unique _jamais plus?_ Observant la difficulté que
j'éprouvais à trouver une raison plausible et suffisante pour cette
répétition continue, je ne manquai pas d'apercevoir que cette
difficulté surgissait uniquement de l'idée préconçue que ce mot, si
opiniâtrement et monotonément répété, devait être proféré par un
_être humain_; qu'en somme la difficulté consistait à concilier cette
monotonie avec l'exercice de la raison dans la créature chargée de
répéter le mot. Alors se dressa tout de suite l'idée d'une créature
non raisonnable et cependant douée de parole, et très-naturellement un
perroquet se présenta d'abord; mais il fut immédiatement dépossédé par
un corbeau, celui-ci étant également doué de parole et infiniment plus
en accord avec le _ton_ voulu.
J'étais donc enfin arrivé à la conception d'un corbeau,--le corbeau,
oiseau de mauvais augure!--répétant opiniâtrement le mot _Jamais plus_
à la fin de chaque stance dans un poëme d'un ton mélancolique et
d'une longueur d'environ cent vers. Alors, ne perdant jamais de vue
le superlatif ou la perfection dans tous les points, je me demandai:
De tous les sujets mélancoliques, quel est _le plus_ mélancolique
selon l'intelligence _universelle_ de l'humanité?--La Mort, réponse
inévitable.--Et quand, me dis-je, ce sujet, le plus mélancolique de
tous, est-il le plus poétique?--D'après ce que j'ai déjà expliqué assez
amplement, on peut facilement deviner la réponse:--C'est quand il
s'allie intimement à la Beauté. Donc, la _mort_ d'une _belle femme_ est
incontestablement le plus poétique sujet du monde, et il est également
hors de doute que la bouche la mieux choisie pour développer un pareil
thème est celle d'un amant privé de son trésor.
J'avais dès lors à combiner ces deux idées: un amant pleurant sa
maîtresse défunte, et un corbeau répétant continuellement le mot
_Jamais plus_. Il fallait les combiner, et avoir toujours présent à
mon esprit le dessein de varier à chaque fois l'application du mot
répété; mais le seul moyen possible pour une pareille combinaison
était d'imaginer un corbeau se servant du mot dont il s'agit pour
répondre aux questions de l'amant. Et ce fut alors que je vis tout de
suite toute la facilité qui m'était offerte pour l'effet auquel mon
poëme était suspendu, c'est-à-dire l'effet à produire par la variété
dans l'application du refrain. Je vis que je pouvais faire prononcer
la première question par l'amant,--la première à laquelle le corbeau
devait répondre: _Jamais plus_,--que je pouvais faire de la première
question une espèce de lieu commun,--de la seconde quelque chose de
moins commun,--de la troisième quelque chose de moins commun encore,
et ainsi de suite, jusqu'à ce que l'amant, à la longue tiré de sa
nonchalance par le caractère mélancolique du mot, par sa fréquente
répétition, et par le souvenir de la réputation sinistre de l'oiseau
qui le prononce, se trouvât agité par une excitation superstitieuse
et lançât follement des questions d'un caractère tout différent, des
questions passionnément intéressantes pour son cœur;--questions,
faites moitié dans un sentiment de superstition, et moitié dans ce
désespoir singulier qui puise une volupté dans sa torture;--non
pas seulement parce que l'amant croit au caractère prophétique ou
démoniaque de l'oiseau (qui, la raison le lui démontre, ne fait que
répéter une leçon apprise par routine), mais parce qu'il éprouve une
volupté frénétique à formuler ainsi ses questions et à recevoir du
_Jamais plus_ toujours attendu une blessure répétée d'autant plus
délicieuse qu'elle est plus insupportable. Voyant donc cette facilité
qui m'était offerte, ou, pour mieux dire, qui s'imposait à moi dans le
progrès de ma construction, j'arrêtai d'abord la question finale, la
question suprême à laquelle le _Jamais plus_ devait, en dernier lieu,
servir de réponse,--cette question à laquelle le _Jamais plus_ fait la
réplique la plus désespérée, la plus pleine de douleur et d'horreur qui
se puisse concevoir.
Ici donc je puis dire que mon poëme avait trouvé son commencement,--par
la fin, comme devraient commencer tous les ouvrages d'art;--car ce fut
alors, juste à ce point de mes considérations préparatoires, que, pour
la première fois, je posai la plume sur le papier pour composer la
stance suivante:
«Prophète!--dis-je,--être de malheur! oiseau ou démon!
toujours prophète! par ce Ciel tendu sur nos têtes, par ce
Dieu que tous deux nous adorons, dis à cette âme chargée
de douleur si, dans le Paradis lointain, elle pourra
embrasser une fille sainte que les anges nomment Lénore,
embrasser une précieuse et rayonnante fille que les anges
nomment Lénore.» Le corbeau dit: «Jamais plus!»
Ce fut alors seulement que je composai cette stance, d'abord pour
établir le degré suprême et pouvoir ainsi, plus à mon aise, varier
et graduer, selon leur sérieux et leur importance, les questions
précédentes de l'amant, et, en second lieu, pour arrêter définitivement
le rhythme, le mètre, la longueur et l'arrangement général de la
stance, ainsi que graduer les stances qui devaient précéder, de façon
qu'aucune ne pût surpasser cette dernière par son effet rhythmique. Si
j'avais été assez imprudent, dans le travail de composition qui devait
suivre, pour construire des stances plus vigoureuses, _je me serais
appliqué, délibérément et sans scrupule, à les affaiblir_, de manière à
ne pas contrarier l'effet du _crescendo_.
Je pourrais aussi bien placer ici quelques mots sur la versification.
Mon premier but était (comme toujours) l'originalité. Jusqu'à quel
point la question de l'originalité en versification a été négligée,
c'est une des choses du monde les plus inexplicables. En admettant
qu'il y ait peu de variété possible dans le rhythme pur, toujours
est-il évident que les variétés possibles de mètre et de stance sont
absolument infinies,--et toutefois, pendant des siècles, aucun homme
n'a jamais fait, en versification, ou même n'a jamais paru vouloir
faire quoi que ce soit d'original. Le fait est que l'originalité
(excepté dans des esprits d'une force tout à fait insolite) n'est
nullement, comme quelques-uns le supposent, une affaire d'instinct
ou d'intuition. Généralement, pour la trouver, il faut la chercher
laborieusement, et, bien qu'elle soit un mérite positif du rang le plus
élevé, c'est moins l'esprit d'invention que l'esprit de négation qui
nous fournit les moyens de l'atteindre.
Il va sans dire que je ne prétends à aucune originalité dans le rhythme
ou dans le mètre du _Corbeau_. Le premier est trochaïque; le second
se compose d'un vers octomètre acatalectique, alternant avec un
heptamètre catalectique,--qui, répété, devient refrain au cinquième
vers,--et se termine par un tétramètre catalectique. Pour parler sans
pédanterie, les pieds employés, qui sont des trochées, consistent en
une syllabe longue suivie d'une brève: le premier vers de la stance
est fait de huit pieds de cette nature; le second de sept et demi; le
troisième, de huit; le quatrième, de sept et demi; le cinquième, de
sept et demi, également; le sixième, de trois et demi. Or, chacun de
ces vers, pris isolément, a déjà été employé, et toute l'originalité du
_Corbeau_ consiste à les avoir combinés dans la même stance; rien de ce
qui peut ressembler, même de loin, à cette combinaison, n'a été tenté
jusqu'à présent. L'effet de cette combinaison originale est augmenté
par quelques autres effets inusités et absolument nouveaux, tirés d'une
application plus étendue de la rime et de l'allitération.
Le point suivant à considérer était le moyen de mettre en communication
l'amant et le corbeau, et le premier degré de cette question était
naturellement le _lieu_. Il semblerait que l'idée qui doit, en ce cas,
se présenter d'elle-même, est une forêt ou une plaine; mais il m'a
toujours paru qu'un espace étroit et resserré est absolument nécessaire
pour l'effet d'un incident isolé; il lui donne l'énergie qu'un cadre
ajoute à une peinture. Il a cet avantage moral incontestable de
concentrer l'attention dans un petit espace, et cet avantage, cela va
sans dire, ne doit pas être confondu avec celui qu'on peut tirer de la
simple unité de lieu.
Je résolus donc de placer l'amant dans sa chambre,--dans une chambre
sanctifiée pour lui par les souvenirs de celle qui y a vécu. La chambre
est représentée comme richement meublée,--et cela est en vue de
satisfaire aux idées que j'ai déjà expliquées au sujet de la Beauté,
comme étant la seule véritable thèse de la Poésie.
Le lieu ainsi déterminé, il fallait maintenant introduire l'oiseau, et
l'idée de le faire entrer par la fenêtre était inévitable. Que l'amant
suppose, d'abord, que le battement des ailes de l'oiseau contre le
volet est un coup frappé à sa porte, c'est une idée qui est née de mon
désir d'accroître, en la faisant attendre, la curiosité du lecteur, et
aussi de placer l'effet incidentel de la porte ouverte toute grande
par l'amant, qui ne trouve que ténèbres, et qui dès lors peut adopter,
en partie, l'idée fantastique que c'est l'esprit de sa maîtresse qui
est venu frapper à sa porte.
J'ai fait la nuit tempêtueuse, d'abord pour expliquer ce corbeau
cherchant l'hospitalité, ensuite pour créer l'effet du contraste avec
la tranquillité matérielle de la chambre.
De même j'ai fait aborder l'oiseau sur le buste de Pallas pour créer
le contraste entre le marbre et le plumage; on devine que l'idée du
buste a été suggérée uniquement par l'oiseau; le buste de _Pallas_ a
été choisi d'abord à cause de son rapport intime avec l'érudition de
l'amant, et ensuite à cause de la sonorité même du mot Pallas.
Vers le milieu du poëme, j'ai également profité de la force du
contraste dans le but de creuser l'impression finale. Ainsi j'ai donné
à l'entrée du corbeau une allure fantastique, approchant même du
comique, autant du moins que le sujet le pouvait admettre. Il entre
_avec un tumultueux battement d'ailes_.
«_Il ne fit pas la moindre révérence_; il ne s'arrêta
pas, il n'hésita pas une minute; mais, _avec la mine d'un
lord ou d'une lady_, il se percha au-dessus de la porte de
ma chambre...»
Dans les deux stances qui suivent, le dessein devient même plus
manifeste:
«Alors cet oiseau d'ébène, _par la gravité de son
maintien et la sévérité de sa physionomie_, induisant ma
triste imagination à sourire: «Bien que ta tête,--lui
dis-je,--_soit sans huppe et sans cimier_, tu n'es certes
pas un poltron, lugubre et ancien corbeau, voyageur
parti des rivages de la Nuit. Dis-moi quel est ton nom
seigneurial aux rivages de la Nuit plutonienne!» Le
corbeau dit: «Jamais plus!»
«Je fus émerveillé que _ce disgracieux volatile_ entendit
si facilement la parole, bien que sa réponse n'eût pas
un bien grand sens et ne me fût pas d'un grand secours;
car nous devons convenir que jamais _il ne fut donné_ à
un homme vivant _de voir un oiseau au-dessus de la porte
de sa chambre, un oiseau ou une bête sur un buste sculpté
au-dessus de la porte de sa chambre_ se nommant d'un nom
tel que _Jamais plus_.»
Ayant ainsi préparé l'effet du dénoûment, j'abandonne immédiatement le
ton fantastique pour celui du sérieux le plus profond: ce changement
de ton commence avec le premier vers de la stance qui suit la dernière
citée:
«Mais le Corbeau, perché solitairement sur le buste
placide, ne proféra, etc.»
A partir de cet instant, l'amant ne plaisante plus; il ne voit même
plus rien de fantastique dans la conduite de l'oiseau. Il parle de lui
comme d'un _triste, disgracieux, sinistre, maigre et augural oiseau des
anciens jours_, et il sent les _yeux ardents_ qui le brûlent _jusqu'au
fond du cœur_. Cette évolution de pensée, cette imagination dans
l'amant, a pour but d'en préparer une analogue dans le lecteur,
d'amener l'esprit dans une situation favorable pour le _dénoûment_,
qui maintenant va venir aussi rapidement et aussi _directement_ que
possible.
Avec le dénoûment proprement dit, exprimé par le _Jamais plus_ du
corbeau, réponse lancée à la question finale de l'amant,--s'il
retrouvera sa maîtresse dans un autre monde?--le poëme, dans sa phase
la plus claire, la plus naturelle, celle d'un simple récit, peut être
considéré comme fini. Jusqu'à présent, chaque chose est restée dans
les limites de l'explicable, du réel. Un corbeau a appris par routine
le seul mot _Jamais plus_, et, ayant échappé à la surveillance de son
propriétaire, est réduit, à minuit, par la violence de la tempête,
à demander un refuge à une fenêtre où brille encore une lumière, la
fenêtre d'un étudiant plongé à moitié dans ses livres, à moitié dans
les souvenirs d'une bien-aimée défunte. La fenêtre étant ouverte au
battement des ailes de l'oiseau, celui-ci va se percher sur l'endroit
le plus convenable hors de la portée immédiate de l'étudiant, qui,
s'amusant de l'incident et de la bizarre conduite du visiteur, lui
demande son nom en manière de plaisanterie et sans s'attendre à une
réponse. Le corbeau, interrogé, répond par son mot habituel _Jamais
plus_,--mot qui trouve immédiatement un écho mélancolique dans le
cœur de l'étudiant; et celui-ci, exprimant tout haut les pensées qui
lui sont suggérées par la circonstance, est frappé de nouveau par la
répétition du _Jamais plus_. L'étudiant se livre aux conjectures que
lui inspire le cas présent; mais il est poussé bientôt par l'ardeur
du cœur humain à se torturer soi-même, et aussi, par une sorte de
superstition, à proposer à l'oiseau des questions choisies de telle
sorte, que la réponse attendue, l'intolérable _Jamais plus_, doit
lui apporter, à lui, l'amant solitaire, la plus affreuse moisson de
douleurs. C'est dans cet amour du cœur pour sa torture, poussé à
la dernière limite, que le récit, dans ce que j'ai appelé sa première
phase, sa phase naturelle, trouve sa conclusion naturelle, et jusqu'ici
rien ne s'est montré qui dépasse les limites de la réalité.
Mais, dans des sujets manœuvrés de cette façon, avec quelque
habileté qu'ils le soient, avec quelque luxe d'incidents qu'on le
suppose, il y a toujours une certaine âpreté, une nudité qui choque
un œil d'artiste. Deux choses sont éternellement requises: l'une,
une certaine somme de complexité, ou, plus proprement, de combinaison;
l'autre, une certaine quantité d'esprit suggestif, quelque chose comme
un courant souterrain de pensée, non visible, indéfini. C'est cette
dernière qualité qui donne à un ouvrage d'art cet air opulent, cette
apparence _cossue_ (pour tirer de la conversation journalière un terme
efficace), que nous avons trop souvent la sottise de confondre avec
l'_idéal_. C'est l'_excès_ dans l'expression du _sens_ qui ne doit être
qu'_insinué_, c'est la manie de faire, du courant souterrain d'une
œuvre, le courant visible et supérieur, qui change en prose, et
en prose de la plus plate espèce, la prétendue poésie des soi-disant
transcendantalistes.
Fort de ces opinions, j'ajoutai les deux stances qui ferment le poème,
leur qualité suggestive étant destinée à pénétrer tout le récit qui
les précède. Le courant souterrain de la pensée se laisse voir pour la
première fois dans ces vers:
«Arrache ton bec _de mon cœur_, et précipite ton
spectre loin de ma porte!» Le corbeau dit: «Jamais plus!»
On remarquera que les mots _de mon cœur_ renferment la première
expression métaphorique du poëme. Ces mots, avec la réponse _Jamais
plus_, disposent l'esprit à chercher un sens moral dans tout le récit
développé antérieurement. Le lecteur commence dès lors à considérer
le Corbeau comme emblématique;--mais ce n'est que juste au dernier
vers de la dernière stance qu'il lui est permis de voir distinctement
l'intention de faire du Corbeau le symbole du _Souvenir funèbre et
éternel:_
«Et le corbeau, immuable, est toujours installé, toujours
installé sur le buste pâle de Pallas, juste au-dessus
de la porte de ma chambre, et ses yeux ont toute la
semblance des yeux d'un démon qui rêve; et la lumière
de la lampe, en ruisselant sur lui, projette son ombre
sur le plancher; et mon âme, _hors du cercle de cette
ombre_ qui gît flottante sur le plancher, ne pourra plus
s'élever,--jamais plus!»
[1] Tout ce préambule est écrit par le traducteur.--C. B.
[2] Ces trois lignes sont une interpolation du traducteur.--C. B.
FIN
TABLE
Le Mystère de Marie Roget
Le Joueur d'échecs de Maelzel
Éléonora
Un Événement à Jérusalem
L'Ange du Bizarre
Le Système du docteur Goudron et du professeur Plume
Le Domaine d'Arnheim
Le Cottage Landor
Philosophie de l'Ameublement
La Genèse d'un poëme
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