De l'amour - 7

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Cécile, dans _Les Liaisons dangereuses_, type parfait de la détestable
jeune fille, niaise et sensuelle.
Son portrait, par la Merteuil, qui excelle aux portraits.

_La jeune fille._ La niaise, stupide et sensuelle. Tout près de
l'ordure originelle.
_La Merteuil_: Tartuffe femelle, tartuffe de mœurs, tartuffe du
XVIIIe siècle.

J'ai bien besoin d'avoir cette femme pour me sauver du ridicule d'en
être amoureux... J'ai, dans ce moment, un sentiment de reconnaissance
pour les femmes faciles, qui me ramène naturellement à vos pieds.
Lettre IV: _Les Liaisons dangereuses._

Cet entier abandon de soi-même, ce délire de la volupté, où le plaisir
_s'épure par son excès_, ces biens de l'amour ne sont pas connus
d'elle... Votre présidente croira avoir tout fait pour vous en vous
traitant comme son mari, et, dans le tête-à-tête conjugal le plus
tendre, on est toujours _deux._
Lettre V: _Les Liaisons dangereuses._

(Source de la sensualité mystique et des sottises amoureuses du
XIXe siècle.)

J'aurai cette femme. Je l'enlèverai au mari, _qui la profane_ (G.
Sand). J'oserai la ravir au Dieu même qu'elle adore (Valmont Satan,
rival de Dieu). Quel délice d'être tour à tour l'objet et le vainqueur
de ses remords! Loin de moi l'idée de détruire les préjugés qui
l'assiègent. Ils ajouteront à mon bonheur et à ma gloire. Qu'elle croie
à la vertu, mais qu'elle me la sacrifie... Qu'alors, si j'y consens,
elle me dise: «Je t'adore!»
Lettre VI: _Les Liaisons dangereuses._

(La femme qui veut toujours faire l'homme, signe de grande dépravation).

Imprudentes qui, dans leur amant actuel, ne savent pas voir leur ennemi
futur.
.......................................
Je n'avais pas quinze ans... La tête seule fermentait. Je ne désirais
pas de jouir, je voulais savoir. (Georges Sand et autres).
Lettre LXXXI: _Les Liaisons dangereuses._

Encore une touche au portrait de la petite Volanges par la Merteuil:
Tandis que nous nous occuperions à former cette petite fille pour
l'intrigue [nous n'en ferions qu'une femme facile]... Ces sortes de
femmes ne sont absolument que des machines à plaisir.
Lettre CVI: _Les Liaisons dangereuses._

Valmont se glorifie et chante son futur triomphe.
Je la montrerai, dis-je, oubliant ses devoirs... Je ferai plus, je la
quitterai... Voyez mon ouvrage et cherchez-en dans le siècle un second
exemple!...
Lettre CXV: _Les Liaisons dangereuses._

Quant aux femmes, leur éducation informe, leur incompétence politique
et littéraire empêchent beaucoup d'auteurs de voir en elles autre chose
que des ustensiles de ménage ou des objets de luxure. Le dîner absorbé
et l'animal satisfait, le poète entre dans la vaste solitude de sa
pensée.

Les femmes écrivent, écrivent avec une rapidité débordante, leur
cœur bavarde à la rame. Elles ne connaissent généralement ni l'art,
ni la mesure, ni la logique; leur style traîne et ondoie comme leurs
vêtements. Un très grand et très justement illustre écrivain, George
Sand and elle-même, n'a pas tout à fait, malgré sa supériorité, échappé
à cette loi du tempérament; elle jette ses chefs-d'œuvre à la poste
comme des lettres. Ne dit-on pas qu'elle écrit ses livres sur du papier
à lettres?

...Je pense qu'une littérature sévère serait chez nous une protestation
utile contre l'envahissante _fatuité_ des femmes, de plus en plus
surexcitée par la dégoûtante idolâtrie des hommes; et je suis très
indulgent pour Voltaire, trouvant bon dans sa préface de _La Mort
de César_, tragédie sans femme, sous de feintes excuses de son
impertinence, de bien faire remarquer son glorieux tour de force:
«_...Aucun de ces auteurs n'a avili ce grand sujet par une intrigue
de galanterie. Mais il y a environ trente-cinq ans qu'un des plus
beaux génies de France [Fontenelle] s'étant associé avec Mlle Barbier
pour composer un Jules César, il ne manqua pas de représenter César
et Brutus amoureux et jaloux. Cette petitesse ridicule est un des
plus grands exemples de la force de l'habitude; personne n'ose guérir
le théâtre français de cette contagion. Il a fallu que, dans Racine,
Mithridate, Alexandre, Porus, aient été galants. Corneille n'a
jamais évité cette faiblesse: il n'a fait aucune pièce sans amour,
et il faut avouer que, dans ses tragédies, si vous exceptez_ Le Cid
_et_ Polyeucte, _cette passion est aussi mal peinte qu'elle y est
étrangère._»

SUR LA BELGIQUE.--MŒURS. LES FEMMES ET L'AMOUR. Pas de _femmes_; pas
d'amour.
Pourquoi?
Pas de galanterie chez l'homme, pas de pudeur chez la femme. La
pudeur, objet prohibé, ou dont on ne sent pas le besoin. Portrait
général de la Flamande, ou du moins de la Brabançonne. (La Wallonne,
mise de côté, provisoirement.) Type général de physionomie, analogue
à celui du mouton et du bélier.--Le sourire, impossible à cause de la
récalcitrante des muscles et de la structure des dents et des mâchoires.
Le teint, en général, blafard, quelquefois vineux. Les cheveux, jaunes.
Les jambes, les gorges, énormes, pleines de suif, les pieds, horreur!!!
En général, une précocité d'embonpoint monstrueux, un gonflement
marécageux, conséquence de l'humidité de l'atmosphère et de la
goinfrerie des femmes.
La puanteur des femmes. Anecdotes.
Obscénité des dames belges. Anecdotes de latrines et de coins de rues.
Quant à l'amour, en référer aux ordures des anciens Flamands. Amour de
sexagénaires. Ce peuple n'a pas changé, et les peintres flamands sont
encore vrais.
Ici, il y a des _femelles._ Il n'y a pas de _femmes._
--Prostitution belge. Haute et basse prostitution. Contrefaçon des
biches françaises. Prostitution française à Bruxelles.
Extraits du règlement sur la prostitution.

Nous avons tous la vérole dans les os, nous nous sommes démocratisés et
syphilisés.

Il y avait en Allemagne un duché de quatre sous, grand comme la
main, qui s'appelait le duché de Cobourg-Gotha. C'était pour ainsi
dire un haras royal, une écurie de _beaux_ hommes, tous taillés en
tambours-majors qui étaient destinés aux princesses de l'Europe.
Maintenant qu'il n'y a plus de princesses, à quoi vont s'occuper ces
hommes entiers?


PLANS ET FRAGMENTS
PROJETS.--L'_Amour parricide._--Le Catéchisme de la femme aimée.--Le
Déshabillage.--L'Entreteneur.--La Femme mal-honnête.--La Maîtresse de
l'Idiot.--La Maîtresse vierge.--Le Mari compteur.--Les Tribades.
.......................................
Vieil entre teneur.--Tous les libertinages.
.......................................
A. est libertin.
A. ne l'est pas encore.
A. mort ne l'est plus.
A. devient libertin.
.......................................
La froide épouse devient la chaude amante d'un mort.
.......................................
Sans doute, dans quelques moments de délire, je lui prodiguai des
caresses bien vives, car il me dit plusieurs fois qu'il n'aurait jamais
supposé tant de diaboliques erreurs dans l'amour d'une honnête femme,
surtout d'une philosophe.
.......................................
Les amours, dans la décrépitude de l'humanité.
.......................................
_Le Fou raisonnable et la belle aventurière._
--Jouissance sensuelle dans la société des extravagants.
Quelle horreur et quelle jouissance dans un amour pour une espionne,
une voleuse, etc...! La raison morale de cette jouissance.
Il faut toujours en revenir à de Sade, c'est à dire à l'_homme
naturel_, pour expliquer le mal. Débuter par une conversation sur
l'amour, entre gens difficiles.
Sentiments monstrueux de l'amitié ou de l'admiration pour une femme
vicieuse.
.......................................
_La Maîtresse vierge._--La femme dont on ne jouit pas est celle que
l'on aime.
Délicatesse esthétique, hommage idolâtrique des blasés.
Ce qui rend la maîtresse plus chère, c'est la débauche avec d'autres
femmes. Ce qu'elle perd en jouissances sensuelles, elle le gagne en
adoration. La conscience d'avoir besoin du pardon rend l'homme plus
aimable. De la chasteté dans l'amour.
.......................................
L'homme qui voit dans sa maîtresse un défaut, un vice (physique?)
imaginaire. Obsession.
L'homme désespéré de n'être pas aussi beau que sa femme.
Celui qui n'est pas beau ne peut pas jouir de l'amour.
.......................................
Série de scènes du Directoire et du Consulat.
Modes de ces époques.
Estampes indécentes de ces époques.
.......................................
Les jouissances de l'Église. Impressions libertines ressenties à
Saint-Paul.
.......................................
_Ni remords ni regrets._
Qu'importe de souffrir beaucoup, quand on a beaucoup joui?
C'est une loi, un équilibre.
Trouver l'algèbre morale de ce dicton.
Refrains variés.
.......................................
Toute jeune, les jupons, la soie, les parfums, les genoux des femmes.


LETTRES DE BAUDELAIRE


I
À MADAME MARIE

Madame,
Est-il bien possible que je ne dois plus vous revoir? Là est pour moi
la question importante, car j'en suis arrivé à ce point que votre
absence est déjà pour mon cœur une énorme privation.
Quand j'ai appris que vous renonciez à poser, et qu'involontairement
j'en serais la cause, j'ai ressenti une tristesse étrange.
J'ai voulu vous écrire, quoique pourtant je sois peu partisan des
écritures; on s'en repend presque toujours. Mais je ne risque rien,
puisque mon parti est pris de me donner à vous, pour toujours.
Savez-vous que notre longue conversation de jeudi a été fort
singulière? C'est cette même conversation qui m'a laissé dans un état
nouveau et qui est l'occasion de cette lettre.
Un homme qui dit: _Je vous aime_, et qui prie, et une femme qui répond:
_Vous aimer? Moi! jamais! Un seul a mon amour, malheur à celui qui
viendrait après lui; il n'obtiendrait que mon indifférence et mon
mépris._ Et ce même homme, pour avoir le plaisir de regarder plus
longtemps dans vos yeux, vous laisse lui parler d'un autre, ne parler
que de lui, ne vous enflammer que pour lui, et en pensant à lui. Il est
résulté pour moi de tous ces aveux un fait bien singulier, c'est que,
pour moi, vous n'êtes plus simplement une femme que l'on désire, mais
une femme que l'on aime pour sa franchise, pour sa passion, pour sa
verdeur, pour sa jeunesse et pour sa folie.
J'ai beaucoup perdu à ces explications, puisque vous avez été si
décisive que j'ai dû me soumettre de suite. Mais vous, Madame, vous
y avez beaucoup gagné: vous m'avez inspiré du respect et une estime
profonde. Soyez toujours ainsi, et gardez-la bien, cette passion qui
vous rend si belle, et si heureuse.
Revenez, je vous en supplie, et je me ferai doux et modeste dans mes
désirs. Je méritais d'être méprisé de vous, quand je vous ai répondu
que je me contenterais de miettes. Je mentais. Oh! si vous saviez comme
vous étiez belle, ce soir-là! Je n'ose pas vous faire de compliments.
Cela est si banal,--mais vos yeux, votre bouche, toute votre personne,
vivante et animée, passe, maintenant, devant mes yeux fermés,--et je
sens bien que c'est définitif.
Revenez, je vous le demande à genoux; je ne vous dis pas que vous me
trouverez sans amour; mais cependant vous ne pourrez empêcher mon
esprit d'errer autour de vos bras, de vos si belles mains, de vos yeux
où toute votre vie réside, de toute voire adorable personne charnelle;
non, je sais que vous ne le pourrez pas; mais soyez tranquille, vous
êtes pour moi un objet de culte, et il m'est impossible de vous
souiller; je vous verrai toujours aussi radieuse qu'avant. Toute votre
personne est si bonne, si belle, et si douce à respirer! Vous êtes pour
moi la vie et le mouvement, non pas précisément autant à cause de la
rapidité de vos gestes et du côté violent de votre nature qu'à cause
de vos yeux qui ne peuvent inspirer au poète qu'un amour immortel.
Comment vous exprimer à quel point je les aime, vos yeux, et combien
j'apprécie votre beauté? Elle contient deux grâces contradictoires,
et qui, chez vous, ne se contredisent pas, c'est la grâce de l'enfant
celle de la femme. Oh! croyez-moi, je vous le dis du fond du cœur:
vous êtes une adorable créature, et je vous aime bien profondément.
C'est un sentiment vertueux qui me lie à jamais à vous. En dépit de
votre volonté, vous serez désormais mon talisman et ma force. Je vous
aime, Marie, c'est indéniable; mais l'amour que je ressens pour vous,
c'est celui du chrétien pour son Dieu; aussi ne donnez jamais un nom
terrestre, et si souvent honteux, à ce culte incorporel et mystérieux,
à cette suave et chaste, attraction qui unit mon âme à la vôtre, en
dépit de voire volonté. Ce serait un sacrilège.--J'étais mort, vous
m'avez fait renaître. Oh! vous ne savez pas tout ce que je vous dois!
J'ai puisé dans votre regard d'ange des joies ignorées; vos m'ont
initié au bonheur de l'âme, dans tout ce qu'il a de plus parfait, de
plus délicat. Désormais, vous êtes mon unique reine, ma passion et ma
beauté; vous êtes la partie de moi-même qu'une essence spirituelle a
formée.
Par vous, Marie, je serai fort et grand. Comme Pétrarque,
j'immortaliserai ma Laure. Soyez mon Ange gardien, ma Muse et ma
Madone, et conduisez-moi dans la route du Beau.
Veuillez me répondre un seul mot, je vous en supplie, un seul. Il y a
dans la vie de chacun des journées douteuses et décisives un témoignage
d'amitié, un regard, un griffonnage quelconque vous pousse vers la
sottise au vers la folie! Je vous jure que j'en suis là. Un mot de vous
sera la chose bénie qu'on regarde et qu'on apprend par cœur. Si vous
saviez è quel point vous êtes aimée! Tenez, je me mets à vos pieds; un
mot, dites un moi... Non, vous ne le direz pas!
Heureux, mille fois heureux, celui que vous avez choisi entre tous,
vous, si pleine de sagesse et de beauté, vous, si désirable, talent,
esprit et cœur! Quelle femme pourrait vous remplacer jamais? Je n'ose
solliciter une visite, vous me la refuseriez. Je préfère attendre.
J'attendrai des années, et, quand vous vous verrez obstinément aimée,
avec respect, avec un désintéressement absolu, vous vous souviendrez
alors que vous avez commencé par me maltraiter, et vous avouerez que
c'était une mauvaise action.
Enfin, je ne suis pas libre de refuser les coups qu'il plaît à l'idole
de m'envoyer. Il vous a plu de me mettre à la porte, il me plaît de
vous adorer. C'est un point vidé.
15, Cité d'Orléans.


II
À MADAME SABATIER


_Jeudi_, 9 _Décembre_ 1852.
La personne pour qui ces vers ont été faits, qu'ils lui plaisent ou
qu'ils lui déplaisent, quand même ils lui paraîtraient tout à fait
ridicules, est bien humblement suppliée de ne les montrer à personne.
Les sentiments profonds ont une pudeur qui ne veut pas être violée.
L'absence de signature n'est-elle pas un symptôme de cette invincible
pudeur? Celui qui a fait ces vers, dans un de ces états de rêverie où
le jette souvent l'image de celle qui en est l'objet, l'a bien vivement
aimée, sans jamais le lui dire, et conservera toujours pour elle la
plus tendre sympathie.

À UNE FEMME TROP GAIE
Ta tête, ton geste et ton air
Sont beaux comme un beau paysage.
.................................


_Versailles_, 3 _Mai_ 1853.
A A ***.
Ange plein de gaité, connaissez-vous l'angoisse,
La honte, les remords, les sanglots, les ennuis.
.................................


_Lundi_, 9 _Mai_ 1853.
Vraiment, Madame, je vous demande mille pardons pour cette imbécile
rimaillerie anonyme, qui sent horriblement l'enfantillage, mais qu'y
faire? Je suis égoïste comme les enfants et les malades. Je pense
aux personnes aimées, quand je souffre. Généralement, je pense à
vous en vers, et, quand les vers sont faits, je ne sais pas résister
à l'envie de les faire voir à la personne qui en est l'objet.--En
même temps, je me cache, comme quelqu'un qui a une peur extrême du
ridicule.--N'y a-t-il pas quelque chose d'essentiellement comique dans
l'amour?--particulièrement pour ceux qui n'en sont pas atteints.
Mais je vous jure que c'est bien la dernière fois que je m'expose; et,
si mon ardente amitié pour vous dure aussi longtemps encore qu'elle a
déjà duré, avant que je vous aie dit un mot, nous serons vieux tous les
deux.
Quelque absurde que tout cela vous paraisse, figurez-vous qu'il y a un
cœur dont vous ne pourriez vous moquer sans cruauté, et où votre image
vit toujours.
_Une fois, une seule, aimable et_ bonne _femme,_
_À mon bras votre bras poli._
.................................


_Mardi_, 7 _Février_ 1854.
Je ne crois pas. Madame, que les femmes, en général, connaissent toute
l'étendue de leur pouvoir, soit pour le bien, soit pour le mal. Sans
doute, il ne serait pas prudent de les en instruire toutes également.
Mais, avec vous, on ne risque rien; votre âme est trop riche en
bonté pour donner place à la fatuité et à la cruauté. D'ailleurs,
vous avez été, sans aucun doute, tellement abreuvée, saturée de
flatteries, qu'une seule chose peut vous flatter désormais, c'est
d'apprendre que vous faites le bien,--même sans le savoir,--même en
dormant,--simplement en vivant.
Quant à cette _lâcheté de l'anonyme_, que vous dirai-je, quelle excuse
alléguerai-je, si ce n'est que ma première faute commande toutes
les autres et que le pli est pris.--Supposez, si vous voulez, que,
quelquefois, sous la pression d'un opiniâtre chagrin, je ne puisse
trouver de soulagement que dans le plaisir de faire des vers pour vous,
et qu'ensuite je sois obligé à'accorder le désir innocent de vous les
montrer avec la peur horrible de vous déplaire.--Voilà qui explique la
lâcheté.
_Ils marchent devant moi, ces Yeux extraordinaires_
_Qu'un ange très savant a sans doute aimantés;_
.................................
_N'est-il pas vrai que vous pensez, comme moi,--que la plus délicieuse
beauté, la plus excellente et la plus adorable créature,--vous-même,
par exemple,--ne peut pas désirer de meilleur compliment que
l'expression de la gratitude pour le bien qu'elle a fait._


[Le ].
...After a night of pleasure and désolation, all my soul belongs to
you...
_Quand chez les débauchés l'aube blanche et vermeille_
_Entre, en société de l'idéal rongeur._
.................................


_Jeudi_, 16 _février_ 1854.
J'ignore ce que les femmes pensent des adorations dont elles sont
quelquefois l'objet. Certaines gens prétendent qu'elles doivent les
trouver tout à fait naturelles, et d'autres, qu'elles en doivent rire.
Ils ne les supposent donc que vaniteuses, ou cyniques. Pour moi, il me
semble que les âmes bien faites ne peuvent être que fières et heureuses
de leur action bienfaitrice. Je rie sais si jamais cette douceur
suprême me sera accordée de vous entretenir moi-même de la puissance
que vous avez acquise sur moi et de l'irradiation perpétuelle que
votre image crée dans mon cerveau. Je suis simplement heureux, pour le
moment présent, de vous jurer de nouveau que jamais amour ne fut plus
désintéressé, plus idéal, plus pénétré de respect, que celui que je
nourris secrètement pour vous, et que je cacherai toujours avec le soin
que ce tendre respect me commande.
_Que diras-tu, ce soir, pauvre âme solitaire,_
_Que diras-tu, mon cœur, cœur autrefois flétri,_
.................................


_Lundi_, 8 _Mai_ 1854.
Il y a bien longtemps. Madame, bien longtemps que ces vers sont
écrits.--Toujours la même déplorable habitude, la rêverie et
l'anonyme.--Est-ce la honte de ce ridicule anonyme, est-ce la crainte
que les vers ne soient mauvais et que l'habileté n'ait pas répondu à
la hauteur des sentiments, qui m'ont rendu, cette fois, si hésitant
et si timide?--Je n'en sais rien du tout.--J'ai si peur de vous
que je vous ai toujours caché mon nom, pensant qu'une adoration
anonyme,--ridicule évidemment pour toutes les brutes matérielles
mondaines que nous pourrions consulter à ce sujet,--était après tout
à peu près innocente,--ne pouvait rien troubler, rien déranger, et
était infiniment supérieure en moralité à une poursuite niaise,
vaniteuse, à une attaque directe contre une femme qui a ses affections
placées--et peut-être ses devoirs. N'êtes-vous pas,--et je le dis avec
un peu d'orgueil,--non seulement une des plus aimées,--mais aussi la
plus profondément respectée de toutes les créatures?--Je veux vous
en donner une preuve.--Riez-en, beaucoup, si cela vous amuse,--mais
n'en parlez pas.--Ne trouvez-vous pas naturel, simple, humain, que
l'homme bien épris haïsse l'amant heureux, le possesseur?--Qu'il le
trouve inférieur, choquant?--Eh bien, il y a quelque temps, le hasard
m'a fait rencontrer, celui-là;--comment vous exprimerai-je,--sans
comique, sans faire rire votre méchante figure, toujours pleine de
gaieté,--combien j'ai été heureux de trouver un homme aimable, un homme
qui pût vous plaire.--Mon Dieu! tant de subtilités n'accusent-elles
pas la déraison?--Pour en finir, pour vous expliquer mes silences et
mes ardeurs, ardeurs presque religieuses, je vous dirai que quand
mon être est roulé dans le noir de as méchanceté et de sa sottise
naturelles, il rêve profondément de nous. De cette rêverie excitante
et purifiante naît généralement un accident heureux.--Vous êtes
pour moi non seulement la plus attrapante des femmes, de toutes
les femmes, mais encore la plus chère et ta plus précieuse des
superstitions.--Je suis un égoïste, je me sers de vous.--Voici mon
malheureux torche-cul.--Combien je serais heureux si je pouvais être
certain que ces hautes conceptions de l'amour ont quelque chance d'être
bien accueillies dam un coin secret de votre adorable pensée! Je ne le
saurai jamais.
_À la très chère, à la très belle._
_Qui remplit mon cœur de clarté,_
.................................

Pardonne-moi, je ne vous en demande pas plus.


_Mardi_, 18 _Août_ 1857.

Chère Madame,
Vous n'avez pas cru un seul instant, n'est-ce pas? que j'aie pu vous
oublier. Je vous ai, dès la publication, réservé un exemplaire de
choix, et, s'il est revêtu d'un habit si indigne de vous, ce n'est pas
ma faute, celle de mon relieur, à qui j'avais commandé quelque chose
de beaucoup plus spirituel.
Croiriez-vous que les misérables (je parle du juge d'instruction, du
procureur, etc...) ont osé incriminer, entre autres morceaux, deux des
pièces composées pour ma chère idole (_Tout Entière_ et _À Celle qui
est trop gaie_)? Cette dernière est celle que vénérable Sainte-Beuve
déclare la meilleure du volume.
Voilà la première fois que je vous écris avec ma vraie écriture. Si
je n'étais pas accablé d'affaires et de lettres (c'est après-demain
l'audience), je profiterais de cette occasion pour vous demander
pardon de tant de folies et d'enfantillages. Mais d'ailleurs ne vous
en êtes-vous pas suffisamment vengée, surtout avec notre petite sœur?
Ah! le petit monstre! Elle m'a glacé, un jour que nous étant rencontrés
elle partit d'un grand éclat de rire à ma face, et me dit: _Êtes-vous
toujours amoureux de ma sœur, et lui écrivez-vous toujours de superbes
lettres?_--J'ai compris d'abord que quand, je voulais me cacher je
me cachais fort mal, et ensuite que sous votre charmant visage vous
déguisiez, un esprit peu charitable. Les polissons sont AMOUREUX; mais
les poètes sont IDOLÂTRES, et votre sœur est peu faite, je crois, pour
comprendre les choses éternelles.
Permettez-moi donc, au risque de nous divertir aussi, de renouveler ces
protestations qui ont tant diverti cette petite folle. Supposez un
amalgame de rêverie, de sympathie, de respect, avec mille enfantillages
pleins de sérieux, vous aurez un à-peu-près de ce quelque chose de très
sincère que je ne me sens pas capable de mieux définir.
Vous oublier n'est pas possible. On dit qu'il a existé des poètes qui
ont vécu toute leur vie les yeux fixés sur une image chérie. Je crois
en effet (mais j'y suis trop intéressé) _que la fidélité est un des
signes du génie._
Vous êtes plus qu'une image rêvée et chérie, vous êtes _ma
superstition_. Quand je fais quelque grosse sottise, je me dis: _Mon
Dieu! si elle le savait!_ Quand je fais quelque chose de bien, je me
dis: _Voilà quelque chose qui me rapproche d'elle,--en esprit._
Et la dernière fois que j'ai eu le bonheur (bien malgré moi) de vous
rencontrer, car vous ignorez avec quel soin je vous fuis! je me disais:
_Il serait singulier que cette voiture l'attendît, je ferais peut-être
bien de prendre un autre chemin._--Et puis: _Bonsoir, Monsieur!_ avec
cette voix aimée dont le timbre enchante et déchire. Je m'en suis allé,
répétant tout le long de mon chemin: _Bonsoir, Monsieur!_ en essayant
de contrefaire votre voix.
J'ai vu mes juges, jeudi dernier. Je ne dirai pas qu'ils ne sont pas
beaux, ils sont abominablement laids, et leur âme doit ressembler à
leur visage.
Flaubert avait pour lui l'Impératrice. Il me manque une femme. Et la
pensée bizarre que peut-être vous pourriez, par des relations et des
canaux peut-être compliqués, faire arriver un mot sensé à une de ces
grosses cervelles s'est emparée de moi, il y a quelques jours.
L'audience est pour après-demain matin, jeudi. Les monstres se nomment:
Président DUPATY.
Procureur impérial PINARD (redoutable).
Juges DELESVAUX.
-- DE PONTON D'AMÉCOURT.
-- NACQUART.
Sixième Chambre correctionnelle.
Je veux laisser toutes ces trivialités de côté.
Rappelez-vous que quelqu'un pense à vous, que sa pensée n'a jamais rien
de trivial, et qu'il vous en veut un peu de votre malicieuse gaieté.
_Je vous prie très ardemment de garder désormais pour vous tout ce que
je pourrais vous confier._ Vous êtes ma compagnie ordinaire et mon
secret. C'est cette intimité, où je me donne la réplique depuis si
longtemps, qui m'a donné l'audace de ce ton si familier.
Adieu, chère Madame, je baise vos mains avec toute ma dévotion.
Tous les vers compris entre la page 84 et la page 105 vous
appartiennent.


_Lundi_, 24 _Août_ 1857.
Très chère amie,
Puisque vous aimez _le grand Jules,_ le voilà! Dumas a repris presque
aussitôt son plâtre, moulé sur un bronze du musée de Besançon. Il n'y
avait que trois épreuves tirées. Celle-ci est la moins mauvaise.


31 _Août_ 1857.
J'ai détruit ce torrent d'enfantillages amassé sur ma table. Je ne l'ai
pas trouvé assez grave pour vous, chère bien-aimée. Je reprends vos
deux lettres, et j'y fais une nouvelle réponse. Il me faut, pour cela,
un peu de courage; car j'ai abominablement mal aux nerfs, à en crier,
et je me suis réveillé avec l'inexplicable malaise moral que j'ai
emporté hier soir de chez vous.
_... manque absolu de pudeur._
C'est pour cela que tu m'es encore plus chère.
_... il me semble que je suis à toi depuis le premier jour où je t'ai
vu. Tu en feras ce que tu voudras, mais je suis à toi, de corps,
d'esprit et de cœur._
Je t'engage à bien cacher cette lettre, heureuse!--_Sais-tu réellement
ce que tu dis?_ Il y a des gens pour mettre en prison ceux qui ne
paient pas leurs lettres de change, mais les serments de l'amitié et de
l'amour, personne n'en punit la violation.
Aussi je t'ai dit hier: _Vous m'oublierez, vous me trahîtes; celui
qui vous amuse vous ennuiera._--Et j'ajoute aujourd'hui: _Celui-là
seul souffrira qui, comme un imbécile, prend au sérieux les choses de
l'âme._--Vous voyez, ma bien belle chérie, que j'ai _d'odieux_ préjugés
à l'endroit des femmes.--Bref, je n'ai pas _la foi._--Vous avez l'âme
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