Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 23

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--Marthe, je ne suis point partie, on m'a arrachée à lui. Marthe, j'ai
été trois ans sans voir celui qui était tout pour moi, mon dieu, mon
maître, mon roi, mon idole, le seul homme que j'ai aimé, que j'aimerai
jamais!
Elle allait s'écrier: «et qui ne m'aime plus»; mais la pudeur étouffa ce
cri.
Elle plaça sa bougie où Jacques plaçait sa lampe, puis elle continua de
rêver dans ce laboratoire à peine éclairé.
Et cependant l'étoile des pauvres avait déjà été vue par eux; avant
qu'Éva descendît, elle entendit sonner ou frapper deux ou trois fois à
la porte de la rue.
C'étaient les pauvres qui accouraient à ce phare sauveur et qui s'en
allaient déjà à moitié consolés en apprenant qu'il n'était point encore
arrivé, mais qu'il allait bientôt venir.
Éva descendit, laissant brûler sa bougie et guidée seulement par les
rayons de la lune, splendide ce soir-là, tout au contraire de ce qu'elle
était la veille. Mais elle trouva Marthe, qui l'attendait dans sa
chambre.
Marthe ne reconnaissait plus la joyeuse et régulière enfant dans la
jeune fille triste et fantasque qui lui était revenue.
Deux ou trois fois elle avait failli laisser échapper son secret devant
Marthe. Ce secret était à coup sûr celui de sa tristesse, et Marthe eût
voulu le savoir, car elle était certaine qu'elle la consolerait.
Ce n'était point Éva qui n'aimait plus Jacques, son amour pour lui était
passé au contraire à l'état de religion, mais ce n'était pas Jacques non
plus qui pouvait ne plus aimer Éva. Comment ne pas aimer cette adorable
enfant devenue plus ravissante que jamais?
Marthe s'en remit au temps de lui apprendre ce secret. Ce temps ne
pouvait être long puisque Jacques devait arriver d'un moment à l'autre.
Seulement Éva lui parut plus calme que la veille, et la bonne vieille
attribua au retour de Jacques qui approchait ce changement dans le
caractère de sa jeune amie.
Éva l'interrogea sur ses anciennes connaissances, et surtout sur les
jeunes filles sans fortune et les vieilles femmes pauvres.
C'était donc toujours la charité comme autrefois qui était le mobile de
ses actions. Elle s'informa du nombre d'enfants que l'on pourrait réunir
dans une double école gratuite de jeunes filles et de jeunes garçons.
Elle s'enquit du nombre de vieillards des deux sexes qui avaient recours
à la charité publique.
Personne mieux que Marthe ne pouvait lui dire cela.
Éva la pria de rappeler tous ses souvenirs pendant la nuit, et de
l'aider le lendemain à faire une liste des malheureux qui avaient besoin
d'être secourus.
On le voit, Éva n'avait pas besoin du retour de Jacques pour commencer à
entreprendre sa pieuse mission.
Marthe la quitta à une heure du matin; son sommeil fut calme, et le
lendemain, sur la même table où était servi son déjeuner, elle trouva du
papier, une plume et de l'encre pour dresser ses listes.
La journée fut employée à ce travail, ce qui la fit rapidement passer.
Le soir, il fut reconnu qu'il y avait soixante vieillards, hommes et
femmes, à mettre dans un hospice, à peu près cinquante à cinquante-cinq
enfants à faire élever dans deux pensions, et trente à quarante braves
gens à secourir chez eux.
Ce fut seulement après ce travail fait qu'Éva visita de nouveau son beau
jardin. Il lui sembla que depuis la veille les herbes avaient séché, que
les fleurs de son pommier s'étaient ouvertes, que les rives de son
ruisseau avaient reverdi et que son rouge-gorge était devenu plus joyeux
et plus familier.
Elle avait, comme la veille, reçu à l'heure habituelle la visite de
Baptiste et d'Antoine, qui lui avaient annoncé qu'il y aurait fête dans
la ville parmi les pauvres gens pour le retour de Jacques Mérey.
Éva se demanda à elle-même, mais sans pouvoir résoudre la question,
pourquoi c'était toujours les pauvres gens qui aimaient les bonnes gens
et comment il se faisait que les gens qu'on appelait _comme il faut_
n'avaient aucun enthousiasme pour les véritables philanthropes.
Le soir, plus de cinquante personnes attendaient l'arrivée de Jacques.
Cette fois encore l'attente fut trompée et la fête remise au lendemain.
Éva ne jugea point qu'il fût utile d'attendre l'arrivée de Jacques pour
commencer son office de dame de charité. Jacques ne lui avait-il pas
laissé une bourse de vingt-cinq louis, et avec la moitié de cette somme
ne pouvait-elle pas déjà calmer bien des besoins?
Elle s'enveloppa d'une grande pelisse, et, suivie de Marthe, elle alla
dans une douzaine de maisons où sa présence devenait bien nécessaire.
L'hiver de 96 à 97 avait été très froid, par conséquent la misère avait
été plus grande.
Cette première visite d'Éva laissa sa trace de bien-être dans la pauvre
population. Le boulanger reçut ordre de porter soixante pains à domicile
et le marchand de vin soixante bouteilles. Elle prit note des enfants
qui n'étaient pas suffisamment vêtus pour la faiblesse de leur âge et
commanda quinze ou vingt habillements des draps les plus chauds qu'elle
put trouver.
La journée passa ainsi avec une rapidité dont Éva n'avait aucune idée;
elle commença de s'apercevoir que l'état de bienfaitrice était pour le
cœur une des plus grandes distractions qu'il pût se procurer. Elle se
vit avec la direction de deux ou trois maisons d'asile et de charité, et
trouva que ce qu'elle s'était imposé comme une expiation serait un
suprême bonheur. Au milieu de tout cela, elle interrogeait, elle
questionnait, elle apprenait ces rudes secrets de la misère qui font
bondir de joie les cœurs qui peuvent et veulent les soulager.
Comme il ne s'agissait point de lui inspirer une pitié rebelle, on
n'essayait pas de la tromper. On lui racontait les choses comme elles
étaient, et les choses telles qu'elles étaient lui paraissaient presque
toujours dignes de son intérêt, presque de ses larmes.
Elle était arrivée depuis la surveille au soir, et il n'y avait déjà
plus dans tout Argenton une maison qui ignorât que la pupille du docteur
était revenue et que le docteur à son tour allait revenir.
Ceux qui l'avaient vue disaient qu'elle était plus jolie que jamais,
mais en même temps plus triste. En effet, aux yeux de ceux qui
ignoraient dans quelles conditions elle était revenue, elle avait perdu
son père et vu sa fortune séquestrée; c'était ce séquestre surtout qui
jetait dans une foule de conjectures ceux qui lui voyaient faire de
nombreuses aumônes, et tout payer, même ses aumônes, avec de l'or.
Comme on avait toujours ignoré à Argenton la véritable fortune du
docteur, et qu'on l'avait toujours vu vivre avec l'économie d'un homme
qui aurait une centaine de louis de rentes, on commençait à faire sur
lui les contes les plus bizarres.
On disait, ce qui était vrai, qu'il avait été en Amérique et qu'il y
avait fait fortune. Il n'y avait pas fait fortune, il y avait seulement
augmenté la sienne.
On disait qu'il avait trouvé un trésor dans les grottes de
Saint-Émilion, où il avait été obligé de se réfugier lors de la
proscription des girondins.
On disait qu'il était devenu l'ami d'un riche Yankee qui lui avait
laissé sa fortune. Mais enfin l'avis de tous était qu'il revenait riche
et qu'il revenait à Argenton pour partager cette fortune avec les
pauvres.
Quant à mademoiselle de Chazelay, comme on avait vu Jean Munier à une
certaine époque venir prendre des renseignements sur ses biens meubles
et immeubles, et qu'on n'avait pas présumé que ce fût pour les rendre à
leur légitime propriétaire, on la regardait comme complètement ruinée et
ne vivant que des bienfaits de Jacques Mérey.
Mais du reste ce pouvait être de Jacques Mérey qu'elle prenait tous les
renseignements nécessaires, et comme on la connaissait bonne on ne
doutait point de ses intentions.
Baptiste et Antoine, qui avaient été consultés par elle et qui l'avaient
aidée à compléter ses listes, concouraient encore à répandre par leurs
indiscrétions le bruit des futurs projets philanthropiques du docteur et
de sa pupille.
Enfin l'heure de l'arrivée de la diligence arriva.
Comme la veille, la surveille et le jour précédent, une partie de la
population pauvre d'Argenton attendait au relais.
Cette fois l'attente ne fut pas trompée.
Lorsqu'on vit descendre le docteur de la voiture, les cris de Vive
Jacques Mérey! retentirent de tous côtés. Antoine d'une part, Baptiste
de l'autre, portant chacun une torche à la main et suivis de toute une
population portant des flambeaux, entourèrent le docteur et, toujours
aux mêmes cris, le ramenèrent à travers les rues d'Argenton jusqu'à sa
petite maison.
Depuis longtemps Éva et Marthe entendaient ces cris, mais Éva seule
devinait ce qu'ils voulaient dire. Cependant lorsqu'ils approchèrent de
la maison, Marthe appela la jeune fille pour qu'elle vint voir de la
porte ce qui se passait.
Mais Éva avait tout deviné; tremblante comme le jour où elle l'avait
revu, n'osant se présenter à lui, n'osant s'éloigner de peur des
conjectures, elle attendait derrière la porte que cette porte s'ouvrit
et que son juge se présentât à elle.
La vieille Marthe avait enfin compris que c'était son maître qu'on
acclamait; elle avait ouvert la porte, et, toute joyeuse au seuil de
cette porte, levant les bras au ciel, elle s'écriait:
--Oh! c'est notre maître! notre cher maître le docteur! Mais où
êtes-vous donc, mademoiselle? mais venez donc, mademoiselle! Que va-t-il
dire en ne vous voyant pas là?
Mais, pour Éva, cette voix si pleine de tendresse et de joyeuse
sympathie était la voix de l'archange jetant le cri terrible:
«Terre, rends tes morts!»
Oh! oui, à ce moment elle eût voulu être confondue parmi ces milliers de
morts qui apparaîtront à la face du Seigneur plus blancs que les suaires
dont ils seront enveloppés.
Elle entendit Jacques faire d'une voie émue ses remerciements à tout ce
brave peuple. Chaque son de cette voix adorée remuait une fibre de son
âme. Puis la porte se referma. Jacques entra. Au fur et à mesure qu'il
avançait, elle montait une à une et à reculons les marches de
l'escalier.
--N'avez-vous donc pas vu Éva? demanda-t-il enfin d'une voix qu'il
voulait rendre calme et comme s'il eût fait la question la plus
indifférente du monde.
--Si fait, mon cher maître, dit Marthe, elle était là tout à l'heure,
c'est elle qui la première a deviné que toutes ces voix annonçaient
votre retour, elle a failli s'évanouir et je l'ai vue s'appuyer au mur
pour ne pas tomber. Sans doute, elle se sera trouvée mal quelque part,
dans votre laboratoire, qu'elle n'a presque pas quitté depuis son
retour.
Jacques arracha la bougie des mains de Marthe et monta rapidement à son
laboratoire.
Mais, appuyée extérieurement à la porte, il trouva Éva à genoux dans la
posture de la Madeleine de Canova; il s'arrêta, mit malgré lui la main
sur son cœur pour la regarder.
--Seigneur! seigneur! dit-elle, je voudrais avoir tous les baumes de
l'Arabie pour en parfumer vos pieds; mais je n'ai que mes larmes.
Acceptez mes larmes.
Et elle saisit à bras le corps les genoux de Mérey, qu'elle baisa dans
un transport où il était impossible de dire s'il y avait plus d'humilité
que d'amour ou d'amour plus que d'humilité.
Jacques Mérey inclina la tête et la regarda avec une profonde pitié;
mais courbé qu'elle tenait son front vers la terre, elle ne put pas voir
cette expression de son visage; puis, au bout d'un instant de silence,
lui tendant la main:
--Relevez-vous, dit-il, et allez en paix.
Puis, l'embrassant au front, mais plutôt avec les lèvres d'un père
qu'avec celles même de l'ami, il rentra dans son laboratoire et referma
la porte, la laissant sur l'escalier.
Quoiqu'il y eût une grande douceur dans l'accent de sa voix, quoique ses
mouvements fussent plutôt tendres qu'irrités, le cœur d'Éva se gonfla,
et ce fut avec des ruisseaux de larmes qu'à son tour elle rentra chez
elle.
Elle ne dormit point les deux ou trois premières heures de la nuit, et,
tout le temps de cette insomnie, elle entendit marcher Jacques Mérey sur
sa tête du pas mesuré d'un homme rêveur.


XII
LE CABAN DE JOSEPH LE BRACONNIER

Le lendemain la vieille Marthe invita Éva au nom de Jacques à monter à
son laboratoire.
Au moment de le revoir, son serrement de cœur la reprit, et elle sentit
de nouveau les larmes lui sauter aux yeux; mais elle dompta ce premier
mouvement, essuya ses yeux, les frotta avec son mouchoir et monta
souriante auprès de Jacques.
En la voyant paraître, Jacques alla au-devant d'elle, l'embrassa au
front de ce même baiser calme et froid qui l'avait glacée la veille, et
lui montra un fauteuil.
Éva jeta les yeux sur le lit de Jacques; elle vit qu'il n'était pas
défait.
Jacques ne s'était pas couché.
Elle s'agenouilla devant son lit, murmura une courte prière, et revint
s'asseoir près de lui à la place qu'il lui avait indiquée.
--Éva, dit Jacques, nous voici de retour à Argenton; vous voici de
nouveau dans cette petite maison qui, dites-vous, vous est plus chère
que tous les pays du monde. J'y suis revenu sur votre promesse. La
tiendrez-vous?
--Je la tiendrai.
--Tout entière?
--Tout entière.
--Vous m'avez autorisé à vendre la maison de la rue de Provence, 21.
--Oui.
--Je l'ai vendue.
--Vous avez bien fait, mon ami.
--Vous m'avez autorisé à vendre tout ce qu'il y avait dedans.
--Oui.
--J'ai tout vendu.
Jacques garda un moment de silence.
--Vous ne me demandez pas combien j'ai vendu le tout.
--Peu m'importe! dit Éva. Cet argent n'avait-il pas sa destination?
--Oui, il était destiné à fonder un hôpital. Mais vous redeviez quarante
mille francs sur cette maison.
--C'est vrai.
--Ces quarante mille francs payés, il reste quatre-vingt-dix mille
francs net. Ce n'est point assez pour bâtir et fonder un hôpital de
quarante lits.
--Prenez sur une autre portion de mes propriétés.
--J'ai pensé à une chose; le château de Chazelay est debout, il ne vous
rappelle que de sombres souvenirs; un soir de bal, votre mère y a été
brûlée vive.
Éva étendit la main comme pour prier Jacques de ne pas réveiller ce
souvenir.
--Vous ne l'avez habité, m'avez-vous dit, du moins, que pour pleurer
notre séparation.
--Oh! je vous le jure!
--Tous nos projets accomplis, il vous restera à peine de quoi vivre. Ce
château n'est point celui d'une recluse, c'est celui non-seulement d'une
femme, mais d'une famille du monde. Qu'y feriez-vous seule?
Éva frissonna.
--Je ne veux habiter rien seule, dit-elle; je veux rester avec vous,
près de vous.
--Éva!
--Je vous ai dit que je ne vous parlerais pas d'amour, je vous le
répète. Faites du château de Chazelay ce que vous voudrez.
--Nous y reprendrons le portrait de votre mère, et, quelle que soit la
chambre que vous habitiez, ce portrait sera dans votre chambre.
Éva saisit la main de Jacques et la baisa avant que celui-ci eût eu le
temps de l'en empêcher.
--C'est de la reconnaissance, dit-elle, ce n'est pas de l'amour.
N'est-il pas convenu que ce n'est point assez que je me repente, qu'il
faut que je me rachète.
--Il faudra cependant nous quitter un jour, Éva?
Éva le regarda avec terreur, mais son regard ne contenait aucun
reproche.
--Je ne vous quitterai, Jacques, que si vous me chassez. Quand vous
serez las de moi; vous me direz: Va-t'en; et je m'en irai. Seulement,
cherchez-moi ou faites-moi chercher, cela ne vous donnera pas
grand'peine, mon cadavre ne sera pas loin. Mais pourquoi me
chasseriez-vous?
--Si jamais je me marie, dit Jacques.
--N'ai-je pas tout prévu, même ce cas-là? dit Éva d'une voix étouffée.
N'est-il pas convenu que si votre femme veut me garder, je serai sa dame
de compagnie, sa lectrice, sa femme de chambre. Laissez cela à sa
décision, je la prierai tant qu'elle me prendra.
--Revenons au château de votre père. Vous ne voyez donc pas
d'inconvénient à ce que nous en fassions une maison de refuge? Il est
tout bâti, et, en vendant les meubles, nous aurons certainement assez
pour fonder une rente. On m'a dit qu'il y avait des tableaux d'un grand
prix, un Raphaël, un Léonard de Vinci, trois ou quatre Claude Lorrain;
le goût du luxe reprend, le goût des beaux-arts revient, nous ferons
facilement trois ou quatre cent mille francs rien qu'avec la collection
des tableaux.
--J'ai entendu dire à mon père qu'il y avait un Hobbema dont on lui
avait offert quarante mille francs, deux ou trois Miéris charmants, et
un Ruysdaël qui n'a pas son pareil dans les musées de Hollande.
--C'est bien, voilà qui est réglé pour le château. Si nous n'avons pas
assez de la vente des tableaux, nous prendrons sur la vente des terres.
Vous rappelez-vous que vous m'avez dit que vous ne reculeriez devait
aucun danger; que vous soigneriez les femmes, les petits enfants, et
que, dans un cas de fièvre contagieuse, vous feriez de la charité même
au risque de votre vie.
--Je l'ai dit et j'ai même ajouté que j'espérais en remplissant ce pieux
devoir contracter quelque fièvre contagieuse; qu'alors vous me
soigneriez à mon tour, que je mourrais dans vos bras, et qu'une fois
bien sûr que je ne pourrais en revenir, vous m'embrasserez et me
pardonnerez.
--Encore? dit Jacques.
--Vous me demandez si je me souviens, il faut bien que je vous prouve
que oui.
--C'est bien! dit Jacques. Il faut que je monte à cheval; ne m'attendez
que pour dîner. Si je ne revenais pas aujourd'hui, ne soyez pas
inquiète, c'est que je serais retenu.
--Merci, Jacques! dit doucement Éva.
Elle se leva, se retira en regardant Jacques, et rentra dans sa chambre.
Un instant après, elle entendit le galop d'un cheval. Elle se précipita
vers la fenêtre et vit Jacques Mérey qui tournait le coin de la petite
ruelle par laquelle on allait au château de Chazelay.
Éva se trompait, ce n'était que secondairement que Jacques allait au
château.
Il allait d'abord à la cabane de Joseph le bûcheron. Il eut quelque
peine à pénétrer à cheval jusqu'à cette cabane, tant le bois avait
grandi, tant les taillis avaient poussé.
Il l'aperçut enfin. Joseph était assis à la porte et rajustait les
batteries de son vieux fusil.
Jacques le reconnut, mais il était si loin de penser au docteur qu'il
fallut qu'il se nommât pour que sa mémoire revint au cerveau du
braconnier.
--Ah! c'est vous, monsieur le docteur? s'écria le brave homme. Vous me
retrouvez seul, ma pauvre vieille est morte.
--Mais vous vous portez bien, vous, Joseph, et vous me paraissez ne pas
avoir renoncé à votre ancien état?
--Que voulez-vous? Tant que M. le marquis de Chazelay a vécu, j'ai
espéré être le garde général de toutes ses propriétés, mais le pauvre
diable, il a été fusillé, et il n'a pas tenu à lui que je ne fusse
fusillé avec lui, il voulait m'emmener faire la guerre; mais faire la
guerre contre mon pays, jamais! Je ne suis qu'un pauvre paysan, mais
j'ai de la France plein le cœur.
--Ainsi vous dites donc, mon ami, demanda Jacques, que l'objet de votre
ambition était d'être garde général des biens de M. de Chazelay?
--Oui, monsieur le docteur. Maintenant qu'on ne pend plus les
braconniers, si les propriétaires sont intelligents, ils feront les
braconniers gardes. Il n'y a pas à nous en conter à nous autres sur la
passée des lièvres et des lapins, nous savons où les trappes se
pratiquent et où les collets se tendent, et celui qui aurait confiance
en moi aurait un gaillard qui ne se laisserait pas mettre dedans.
--À qui appartient ce petit bois dans lequel vous habitez?
--Je croyais vous avoir dit autrefois qu'il appartenait à M. le marquis.
--Alors, demanda Jacques, il fait partie de sa succession?
--Certainement.
--Mais peut-être ne voudriez-vous pas quitter ce bois et votre cabane,
même pour une plus belle?
--Oh! dit le braconnier en secouant la tête d'un air mélancolique,
depuis que la petite Hélène l'a quittée, depuis que Scipion n'y est
plus, depuis que la mère y est morte, je la donnerais pour une épingle.
--Alors tout peut s'arranger, dit Jacques. C'est moi qui suis chargé par
mademoiselle de Chazelay de vendre les biens de son père, et je ferai
une condition à celui qui les achètera de vous nommer son garde. Comme
appointements, quelle serait votre ambition?
--Ah! M. le docteur sait bien, n'est-ce pas, qu'on ne peut pas faire un
état sans être payé?
--Oui, je le sais, mon ami, c'est pourquoi je vous demande combien vous
désirez?
--M. le docteur, un bon garde ça n'a pas de prix. Mais nous allons coter
au plus bas. Un bon garde, voyez-vous, ça vaut quatre-vingts francs par
mois; il doit tuer deux lapins tous les jours et un lièvre le dimanche.
--Je me charge de vous obtenir ça et de vous faire bâtir à l'endroit que
vous préférerez une jolie petite maison en pierres à la place de cette
cabane.
--Je vous l'ai dit, monsieur le docteur, peu m'importe l'endroit. Tous
les endroits me sont indifférents, celui-ci seulement est plus triste
pour moi que tous les autres, et si j'avais su où aller, je l'aurais
déjà quitté. J'étais bien décidé à décamper d'ici et même du canton à la
première chicane qu'on m'aurait faite, mais on me craint dans le pays,
je ne sais pas pourquoi, je ne suis pourtant pas méchant. Il est vrai
que j'ai dit dans un temps que je tuerais comme un chien celui qui
essayerait de me faire sortir de cette cabane, mais dans un autre temps,
quand la petite se roulait là avec mon pauvre Scipion et que la vieille
mère nous faisait la soupe pour tous les trois.
--Combien ce petit bois peut-il avoir environ? demanda Jacques.
--Trois ou quatre arpents, avec des sources magnifiques dont on pourrait
faire une jolie petite rivière, allez!
--Mais il n'y aurait pas de route pour venir ici?
--Il y a la route du château, monsieur le docteur, qui passe à un
demi-quart de lieue d'ici. Il y aurait un chemin à caillouter, voilà
tout: ce serait l'affaire de quelques centaines de francs.
--Mais, dit Jacques, je croyais vous retrouver riche?
--Moi riche, et comment cela?
--Il me semble bien que le marquis de Chazelay aurait pu vous donner une
dizaine de mille francs pour lui avoir fait retrouver sa fille.
--Oh! il n'aurait pas fallu beaucoup le presser; mais vous me croirez si
vous voulez, monsieur Jacques Mérey, quand j'ai vu revenir la pauvre
enfant au château, si malheureuse et si désolée, au lieu de chercher à
rencontrer M. le marquis, quand je le voyais d'un côté je m'en ensauvais
de l'autre. Puis, je vous dis, j'ai refusé de partir avec lui, j'ai dit
que j'étais pour le nouvel ordre de choses, ça a tout rompu entre nous
et je crois bien avec ça qu'il a su que je m'étais chargé d'une lettre
de sa fille pour vous: de ce moment-là tout a été fini.
--Oui, dit Jacques, je sais que vous lui avez rendu service à la pauvre
petite, et, tenez, voilà une année de vos appointements, comme garde
général, payée d'avance.
Et il lui donna un petit sac de peau dans lequel il avait, avant de
partir d'Argenton, compté mille francs.
--S'il vient ici des gens avec des grands papiers, des cartons et des
pinceaux; que ces gens-là vous disent qu'ils sont architectes, vous les
laisserez faire.
--Tout ce qu'ils voudront, monsieur le docteur.
--Puis, pas un mot, ajouta Jacques, sur ce qui vient de se passer entre
nous, car il n'y aurait rien de fait.
--Mais, si je ne dis pas un mot, c'est arrêté comme cela, n'est-ce pas?
--Oui, mon ami.
--Monsieur Jacques, quand on passe un marché et qu'on ne signe pas, on
se touche dans la main; entre honnêtes gens ça vaut mieux qu'une
signature. Donnez-moi la main, monsieur le docteur.
--La voilà et de grand cœur, dit Jacques en la lui serrant cordialement.
Maintenant la route la plus courte pour aller au château?
Joseph marcha devant, et, par un sentier que n'avait jamais vu Jacques,
il le conduisit jusqu'à la lisière du bois.
--Tenez, dit-il, vous voyez bien ces girouettes?
--Oui.
--Eh bien! ce sont celles du château de Chazelay. Pauvre marquis, y
tenait-il à ses girouettes! Quelle bêtise! maintenant qu'il est à six
pieds sous terre! il ne les entend même plus crier, ses girouettes.
Et Joseph haussa les épaules avec un geste de profonde philosophie.


XIII
LE CHÂTEAU DE CHAZELAY.

Le docteur suivit au petit pas de son cheval le sentier que lui avait
indiqué Joseph. Il était en effet à peine à un quart de lieue du
château, et à moitié chemin il rencontra la route ferrée qui y
conduisait, et qui ne passait pas en effet à plus de trois ou quatre
cents pas du petit bois.
Celui qui était gardien du château était ce même Jean Munier autrefois
commissaire de police, et devenu intendant du domaine de Chazelay.
Au moment où ses biens avaient été rendus à Éva, elle avait demandé au
brave homme s'il préférait une place tranquille avec six ou sept mille
francs d'appointements à un poste à Paris qu'il pouvait perdre d'un
moment à l'autre. Aussi n'était-il pas sans inquiétude sur cette place
d'intendant, ayant entendu dire que le château et toutes ses dépendances
allaient être vendus.
Il vit donc approcher avec une certaine crainte Jacques Mérey, qu'il
prenait pour un acquéreur.
En effet, les premières questions de Jacques, qui demanda à voir le
château dans tous ses détails, n'étaient point faites pour le rassurer,
et de ce moment tâcha-t-il de se faire du nouvel arrivant un protecteur.
Il questionna à son tour:
--Je ne crois pas, lui dit Jacques, que ce château soit vendu, mais il
aura sans doute une autre destination; si mademoiselle de Chazelay vous
a promis de se charger comme vous dites de votre avenir, je lui
rappellerai sa promesse. Dites-moi votre nom et vous n'aurez pas à vous
repentir de m'avoir rencontré sur votre chemin.
--Monsieur, je me nomme Jean Munier. C'était le nom du commissaire de
police qui avait recueilli Éva au pied de l'échafaud.
Il le regarda fixement.
--Jean Munier, dit-il; en effet, mademoiselle de Chazelay vous a de
grandes obligations; si vous ne lui avez pas sauvé précisément la vie,
vous la lui avez conservée dans des circonstances terribles.
--Vous savez cela, monsieur?
--Oui... et peut-être lui avez-vous entendu prononcer mon nom.
Jean Munier regarda l'inconnu avec une nouvelle curiosité.
--Je m'appelle Jacques Mérey, répondit le docteur en fixant son regard
profond sur l'intendant.
Jean Munier bondit, joignit les mains; puis, avec une expression de joie
à la sincérité de laquelle il n'y avait point à se tromper:
--Ah! monsieur, s'écria-t-il, elle vous a donc retrouvé?
--Oui, répondit froidement Jacques.
--Ah! qu'elle doit être heureuse, la chère demoiselle! s'écria l'ancien
commissaire de police. Si elle vous a nommé? Ah! je le crois bien! à
tout moment elle vous appelait avec des cris de douleur, avec des
larmes. Savez-vous où je l'ai trouvée, monsieur, continua le brave homme
en saisissant le bras du docteur, je l'ai trouvée au pied de l'échafaud,
où elle voulait mourir parce qu'elle vous croyait mort. Et c'est un
miracle qu'elle n'y ait pas passé comme les autres. Vingt têtes ont
tombé sous ses yeux! heureusement que le père Sanson savait son compte
et n'a voulu entendre à rien, elle s'obstinait à mourir. Elle n'est pas
morte, Dieu merci, elle vit, elle est riche, vous allez l'épouser,
n'est-ce pas?
Jacques devint pâle comme un mort.
--Montrez-moi le château, dit-il.
Jean Munier prit les clefs, et, le chapeau à la main, conduisit Jacques
Mérey à l'escalier d'honneur.
Jacques n'avait jamais vu le château de Chazelay qu'à l'extérieur. Du
vivant du marquis, il avait toujours refusé d'y entrer, quoique trois ou
quatre fois on l'eût envoyé chercher, soit pour une indisposition des
maîtres de la maison, soit pour des maladies des gens de M. le marquis.
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