Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 17

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de fois, mon bien-aimé Jacques, tu m'avais répété de cet homme, de la
voie dans laquelle il marchait. Inflexible, mais incorruptible, me
disais-tu; son inflexibilité l'a conduit trop loin, elle en a fait
l'homme sanglant, haï de tous, et, à l'heure qu'il est, il faut qu'il
meure ou que des milliers de têtes tremblent.
On emmena madame Lebas comme les autres. Elle ne se défendit point, elle
ne se lamenta point de son arrestation; elle continua de pleurer celle
de son mari, voilà tout.
Je rentrai chez moi; j'avais le cœur profondément serré; j'avais sans
cesse devant les yeux cette chambre si modeste où les Duplay désiraient
qu'on trouvât une pièce d'argent, un bijou ou un assignat de cinquante
francs. Cet homme qui avait si peu de besoins, de quoi pouvait-il donc
être ambitieux? D'or? On voyait partout, écrit en toutes lettres, son
mépris de l'argent. De puissance peut-être. D'orgueil à coup sûr. Tous
ces portraits dans sa chambre, ce cortége de Robespierres entourant
Robespierre criait tout haut que c'était au besoin de bruit, à l'avidité
de renommée, que cette apparence si modeste avait tout sacrifié. C'était
cet orgueil si longtemps froissé, c'était cette bile extravasée au fond
du cœur qui lui avait fait abattre toute tête dépassant la sienne.
Il répétait sans cesse, disait la mère Duplay, que l'homme, quel qu'il
fût, n'avait pas besoin de plus de trois mille francs par an pour vivre.
Que de souffrances avait dû éprouver ce cœur envieux chaque fois qu'il
avait regardé au-dessus de lui!
Toute la nuit il se fit grand bruit dans la rue; il n'était resté dans
la maison que la plus jeune des filles de Duplay et une vieille
servante; elles ne fermèrent pas la porte; c'était inutile; il leur
aurait fallu l'ouvrir trop souvent. L'enfant et la vieille femme
s'endormirent brisées de fatigue, laissant la maison vide à la merci de
ceux qui voulaient y entrer.
Il s'était passé une chose terrible que je ne sus que le lendemain. Au
moment où le bruit de l'arrestation de Robespierre se répandit par la
ville, le cri qui sortit de toutes les bouches, cri unanime, en joyeux,
fut:
--Robespierre est mort, plus d'échafaud!
Tant, dans ce terrible mois de messidor qui venait de s'écouler, il
avait identifié son nom avec celui de la guillotine!
Et cependant, comme si Robespierre n'eût pas été arrêté, le tribunal
révolutionnaire continuait de juger. Une accusée, en s'asseyant sur son
banc, fut prise d'un accès d'épilepsie; la violence de l'accès fut telle
que les juges eux-mêmes lui demandèrent si elle était affectée
habituellement de ce mal.
--Non, répondit-elle, mais vous m'avez fait asseoir juste à la même
place où vous avez fait asseoir hier mon fils, et le malheureux enfant
vous l'avez condamné!
Comme la séance de la Convention avait été terminée à trois heures,
comme à trois heures et demie tout le monde savait dans Paris la chute
de Robespierre, le peuple espérait (car, nous l'avons dit, c'était le
peuple surtout qui était las de ces boucheries), le peuple espérait
qu'il n'y aurait plus d'exécution. Le bourreau lui-même répondait à ceux
qui l'interrogeaient en secouant la tête, et lorsque, selon son
habitude, le tribunal révolutionnaire eut préparé sa fournée
quotidienne, lorsque les lourdes et pesantes charrettes vinrent à
l'heure accoutumée rouler dans la cour du palais de justice, l'exécuteur
demanda à Fouquier-Tinville:
--Citoyen accusateur public, n'avez-vous pas d'ordre à me donner?
Fouquier ne se donna même pas la peine de réfléchir, et répondit
sèchement:
--Exécute la loi.
C'est-à-dire: Continue de tuer!
Ce jour-là, il y avait quarante-cinq condamnés, et ce qui rendait la
mort plus cruelle encore, c'est qu'ils avaient tout entendu dire, tout
raconter, qu'ils savaient Robespierre arrêté et qu'ils avaient eu
l'espérance que cette arrestation était leur salut.
Mais non, on vit sortir de la noire arcade cinq charrettes chargées de
condamnés qu'on conduisait à la barrière du Trône pour y être exécutés.
Ces malheureux criaient grâce, levaient au ciel leurs mains liées,
demandant comment, puisqu'on allait faire le procès de leur ennemi,
leurs procès à eux pouvaient être bons, condamnés qu'ils étaient par
celui qu'on était en train de condamner.
La foule commença de gronder; elle trouva que ces pauvres gens avaient
bien raison, et, comme eux, elle criait grâce. Quelques-uns sautèrent à
la bride des chevaux, arrêtèrent les charrettes, voulurent les faire
rétrograder; mais Henriot, sur lequel on n'avait pu exécuter l'ordre
d'arrestation donné par l'assemblée, arriva au galop avec ses gendarmes,
sabra tout, condamnés et libérateurs, et la foule se dispersa en jetant
au ciel une dernière malédiction et en disant:
--Ce n'était donc pas vrai, cette bonne nouvelle qu'on nous avait
annoncée, que Robespierre était arrêté et que nous étions délivrés de
l'échafaud?
Vers sept heures du soir j'entendis battre le rappel de tous côtés; mon
déguisement m'encourageant, j'allais sortir au risque de ce qui pouvait
m'arriver, lorsque, dans l'escalier, je rencontrai mon brave
commissaire. Il était très-pâle.
--Vous n'allez pas sortir, me dit-il; ce que j'avais prévu est arrivé.
La Commune se met en insurrection contre l'assemblée. Henriot, arrêté au
Palais-Royal, à son retour de l'exécution de la barrière du Trône, a
été presque immédiatement délivré; le geôlier de la prison du
Luxembourg, où l'on conduisait Robespierre et ses amis, a refusé
d'ouvrir la porte de la prison, disant qu'il agissait d'après un ordre
de la commune. Robespierre, au contraire, insistait pour être écroué: le
tribunal révolutionnaire c'était pour lui le connu, tous les membres en
avaient été nommés par lui et étaient à sa dévotion; au contraire,
l'insurrection de la Commune, la lutte qui en serait la suite, le combat
qu'il faudrait soutenir contre la Convention, c'était l'inconnu.
C'était plus que l'inconnu pour lui, c'était l'illégalité. Avocat comme
Vergniaud, il était prêt à sacrifier sa vie, et, comme Vergniaud, il
voulait mourir dans la légalité.
Voyant que le Luxembourg ne voulait pas ouvrir ses portes pour lui,
Robespierre ordonna à ses gardiens de le conduire à l'administration de
la police municipale; ils obéirent. Il leur eût ordonné de le laisser
libre qu'ils eussent obéi de même. Tout prisonnier qu'il était, son
immense pouvoir contre-balançait le pouvoir exécutif de la Convention.
Voilà où l'on en était; il y aurait certainement un conflit pendant la
nuit. Mon commissaire me supplia de me tenir renfermée au moins jusqu'au
lendemain matin, où il viendrait me délivrer et m'annoncer ce qui serait
arrivé pendant la nuit. J'étais une chose si précieuse pour lui, qu'il
m'eût volontiers mise sous clef. Et, en effet, Robespierre triomphant,
on ignorait tout ce qu'il avait fait pour moi, il se retrouvait sur ses
pieds. Robespierre abattu, les services qu'il nous avait rendus étaient
pour lui une source de fortune.
J'étais très-fatiguée; sa position lui permettait d'être mieux renseigné
que moi: je lui promis de ne pas sortir, mais à la condition que le
lendemain dès le matin je connaîtrais par lui tous les renseignements de
la nuit.
Il m'offrit de me faire monter à souper; j'acceptai: je n'avais rien
pris depuis le matin, et il était près de minuit.
Je dormis mal, au milieu de soubresauts continuels: moi qui avais voulu
mourir, moi qui avais été poser ma tête sous la hache, moi qui croyais
n'avoir plus un seul motif d'intérêt dans ce monde, moi dont la
guillotine enfin n'avait pas voulu, je tressaillais au moindre bruit,
mon cœur battait au galop des chevaux qui passaient.
Étrange chose que cet amour de la vie! la mienne, à défaut de l'homme
que j'aimais, s'était rattachée à deux femmes inconnues; j'eusse donné
ma vie pour les sauver certainement encore, mais je ne l'eusse pas
donnée sans regrets.
Quelques minutes après le départ du commissaire, on m'apporta mon
souper. Depuis quelque temps déjà le tocsin de la Commune sonnait, et
comme mes fenêtres étaient ouvertes et mes jalousies seules fermées,
j'entendais ses vibrations qui m'annonçaient que quelque chose de grave
venait de se passer.
Je demandai au garçon de café ce que signifiait ce tocsin. Il me dit que
le bruit courait que Robespierre était délivré.
--Mais, lui dis-je, délivré!... Je croyais que Robespierre ne voulait
pas l'être.
--Bon, dit le garçon, on ne lui a pas demandé son avis. La Commune a
tout simplement envoyé un Auvergnat nommé Coffinhal, qui lèverait les
tours de Notre-Dame, avec ordre de lui apporter Robespierre.
Coffinhal n'a fait ni une, ni deux, il a été à la mairie, et, quand il a
vu que Robespierre ne voulait pas venir avec lui, il a pris Robespierre
et l'a emporté.
Ses amis le suivirent tout joyeux. Ils n'avaient pas le regard perçant
de Robespierre; mais lui savait bien qu'on l'arrachait à la prison pour
le porter à la mort, et il criait à cette foule:
--Vous me perdez, mes amis, vous perdez la République!
Si bien qu'à l'heure qu'il est, continua le garçon de café, le citoyen
Robespierre est maître de Paris s'il n'en est pas le roi!
Je me couchai sur cette nouvelle, qui ne laissa pas de m'inquiéter
pendant le reste de la nuit.
Le matin, mon commissaire fut fidèle au rendez-vous. Dès huit heures, il
frappait à ma porte. Depuis deux heures j'étais levée et habillée,
regardant à travers mes jalousies.
La nuit s'était passée dans une singulière situation. La Convention
était restée calme et digne, s'arrangeant pour mourir avec dignité, et
Collot-d'Herbois, au fauteuil de président, disait:
--Citoyens, sachons mourir à notre poste!
La Commune attendait comme la Convention; son secours principal lui
devait venir de la société des jacobins, et aucune députation sérieuse
n'arrivait de la société: Robespierre et Saint-Just se regardaient comme
abandonnés. Couthon, cul-de-jatte, qui, dans les grands événements, se
considérait plutôt comme un embarras que comme un aide, s'était retiré
chez lui avec sa femme et ses enfants. Comme c'était l'homme éminent des
jacobins, Robespierre et Saint-Just lui écrivirent de l'Hôtel-de-Ville:
* * *
«Couthon,
»Les patriotes sont proscrits; le peuple entier s'est levé: ce serait le
trahir que de ne pas te rendre à la Commune, où nous sommes.»
* * *
Couthon vint, et, Robespierre lui tendant la main, tandis que
Collot-d'Herbois disait à la Convention: «Sachons mourir à notre poste»,
Robespierre disait à Couthon: «Sachons supporter notre sort.»
Trois mois auparavant, un pareil événement eût bouleversé Paris. Les
partis se fussent armés, se fussent rués les uns sur les autres et
eussent combattu. Mais les partis étaient épuisés. Tous avaient perdu le
meilleur de leur sang, la vie publique était anéantie.
Ce que tout le monde ressentait, c'était une lassitude immense, un ennui
universel. Paris avait semblé revivre un instant dans ces repas publics
qui paraissaient le repas libre de la pauvre ville agonisante. La
Commune les avait défendus.
La nuit tout entière s'était donc passée à des mesures sans efficacité.
Un député inconnu, nommé Beaupré, avait fait voter la création d'une
commission de défense, laquelle se contentait de chauffer les comités.
Les comités se rappelèrent un certain Barras, qui avait été collègue de
Fréron lors de la reprise de Toulon sur les Anglais; ils le nommèrent
général. Mais, général sans armée, Barras ne put que faire quelques
reconnaissances autour des Tuileries.
Comme mon narrateur en était là de son récit, nous entendîmes un grand
bruit de cavalerie, de caissons et de canons roulants. Nous nous mîmes à
la fenêtre: c'était la section de l'_Homme-Armé_ qui, convoquée pendant
la nuit à son de caisse, avait décidé que ses canons seraient envoyés à
l'assemblée.
Tallien était cause de ce mouvement. Comme il demeurait rue de la Perle,
au Marais, il avait couru à cette section et avait annoncé que la
Convention était en danger, que la municipalité se mettait au-dessus de
la Convention nationale en donnant asile aux députés décrétés par elle
d'arrestation. La section de l'_Homme-Armé_ envoyait ses canons aux
Tuileries et se chargeait de courir de quartier en quartier afin
d'entraîner les quarante-sept autres sections de Paris.
Les choses commençaient à se dessiner en faveur de la Convention.
J'obtins de mon guide qu'il me conduirait jusqu'à la Commune afin que je
pusse juger par mes yeux de quel côté pencherait la fortune de la
journée.

XXIII
La Convention était parvenue à grand'peine à réunir à peu près dix-huit
cents hommes dans la cour du Carrousel. Elle les avait mis sous les
ordres de Barras, son général. Nous les vîmes en passant aux Tuileries.
Barras était occupé à les aligner sur les quais.
C'était un jeune gendarme de dix-neuf ans qui, la veille, avait arrêté
Henriot. Il avait manqué être assassiné quand Henriot avait été délivré,
et il avait couru au comité de salut public pour annoncer la délivrance
d'Henriot.
Il y trouva Barrère et lui apprit que le général de la Commune était en
liberté.
--Comment, lui dit Barrère, tu le tenais et tu ne lui as pas brûlé la
cervelle! Je devrais te faire fusiller.
Le jeune homme se le tint pour dit. Son ambition était de faire dans la
journée quelque grand coup qui le distinguât de ses camarades et lui
ouvrit la carrière militaire. Armé de son sabre et de deux pistolets
chargés de plusieurs balles, il prit le chemin de l'Hôtel-de-Ville, où
étaient Robespierre, Saint-Just, Couthon, Lebas et Robespierre jeune.
En arrivant quai Le Peletier, nous vîmes un immense rassemblement qui
arrêtait toute circulation. Nous demandons ce que c'est, et l'on nous
répond d'une voix effarée:
--Ce sont eux!
--Qui eux?
--Les députés hors la loi, Robespierre, Couthon.
À ces mots nous redoublons d'efforts pour pénétrer jusqu'au centre
occupé par la compagnie de la section des Gravilliers. Là, à terre, sur
le pavé, étaient deux hommes couchés, perdant leur sang par d'horribles
blessures. L'un de ces hommes était tellement défiguré par un coup de
pistolet qui lui avait brisé la mâchoire, que nous ne le reconnûmes
point. Il fallut que l'on nous dît que c'était Robespierre.
Nous n'en voulions rien croire, jusqu'à ce que mon compagnon, lui ayant
levé la tête, se tourna de mon côté et me dit épouvanté:
--C'est bien lui!
Comment une telle catastrophe avait-elle pu s'opérer? comment
trouvions-nous dans un ruisseau, entourés d'hommes féroces qui
criaient: «Jetons ces charognes à la Seine!» deux hommes dont le regard,
trois jours auparavant, faisait trembler tout Paris.
--Écoutez, me dit mon compagnon, il ne s'agit point ici de faire les
aristocrates. Vous êtes en homme, nous allons entrer dans le cabaret le
plus proche, vous vous assoirez à une table. Je commanderai le déjeuner,
et, tandis que vous m'attendrez, vous, je me glisserai parmi tous ces
hommes et je reviendrai avec la clef de cette énigme qui nous paraît
impossible. Comme ils sont là tous les deux, Couthon et Robespierre,
c'est-à-dire les deux gros bonnets du parti, on ne fera rien sans eux.
Si on les emmène, suivez-les; je saurai toujours bien où on les aura
conduits, et je vous rejoindrai.
Comme ce qu'il me proposait était ce qu'il y avait de mieux à faire,
j'acceptai. Nous trouvâmes un petit cabaret. Je montai à l'entresol; une
table était dans l'embrasure de la fenêtre, et, assise près de cette
table, je pourrais voir tout ce qui se passerait dans la rue.
--Allez et revenez vite, dis-je à mon compagnon.
Il partit. J'appelai le tavernier sous prétexte de lui donner la carte
de notre déjeuner, mais en réalité pour lui demander l'explication de
toute cette terrible tragédie. Il n'en savait pas beaucoup plus que
nous. Robespierre, au moment d'être arrêté, disait-il, s'était tiré un
coup de pistolet dans l'intention de se brûler la cervelle, mais il
s'était manqué ou plutôt il avait atteint le bas de sa figure au lieu
d'en atteindre la haut.
D'autres disaient que c'était un gendarme qui avait voulu l'arrêter, et
que, comme Robespierre se défendait, il avait tiré sur lui le coup de
pistolet qui l'avait mis hors de combat.
Au bout d'un quart d'heure, mon compagnon revint. Il avait été à la
source, c'est-à-dire à l'Hôtel-de-Ville, et il apportait des
renseignements exacts.
Le jeune gendarme qui, la veille, avait arrêté Henriot et que Barrère
avait menacé de faire fusiller pour l'avoir laissé échapper, avait
résolu, comme nous l'avons dit, de faire un coup d'État, et nous l'avons
vu partir avec son sabre et ses pistolets chargés pour se rendre à
l'Hôtel-de-Ville.
Son intention était d'arrêter Robespierre.
En arrivant sous l'Hôtel-de-Ville, il trouva la place de Grève à peu
près vide. La moitié des canons d'Henriot était tournée contre la
Commune; les autres ouvraient leurs gueules dans toutes les directions;
mais rien n'indiquait l'intelligence de la défense ou de l'attaque dans
ceux qui les avaient abandonnés ainsi.
Il y avait deux sentinelles à la porte de la Commune, et, sur les
escaliers, les jacobins les plus fanatiques et les plus obstinés.
On veut empêcher de passer le jeune gendarme.
--Ordonnance secrète, répond-il.
Devant ce mot, tout s'écarte. Il franchit le perron, monte l'escalier,
passe la salle du conseil, entre dans un corridor, où tant de gens se
pressent qu'il ne sait plus comment faire pour passer.
Mais là il avise un homme qu'il reconnaît pour appartenir à Tallien.
C'est Dulac, l'homme à la canne, le même qui m'a reconduite la
surveille. Le gendarme et lui échangent deux mots.
Ils arrivent ensemble à la porte du secrétariat. Dulac frappe plusieurs
fois; la porte s'entr'ouvre; il pousse le gendarme par
l'entrebâillement, tire la porte à lui et regarde par les carreaux ce
qui va se passer.
C'était dans cette salle qu'étaient Robespierre et ses amis.
Le jeune gendarme cherche un instant des yeux, voit Couthon assis à
terre à la manière turque, Saint-Just debout tambourinant contre un
carreau, Lebas et Robespierre jeune causant ensemble de la façon la plus
animée, Robespierre aîné au fond, assis dans un fauteuil, les coudes sur
les genoux et la tête appuyée sur sa main.
À peine l'a-t-il reconnu qu'il tire son sabre, court à lui, lui en met
la pointe sur le cœur et lui crie:
--Rends-toi, traître!
Robespierre, qui ne s'attendait pas à cette agression, fait un
soubresaut, regarde le gendarme en face, et lui dit tranquillement:
--C'est toi qui es un traître, et je vais te faire fusiller!
À peine ces mots sont-ils prononcés qu'on entend un coup de pistolet,
que le groupe sur lequel tous les yeux étaient tournés se perd dans la
fumée, et que Robespierre roule sur le parquet.
La balle l'avait pris au menton et lui avait brisé la mâchoire gauche
inférieure. Un grand tumulte se fait alors, que dominent les cris de
Vive la république! Les gendarmes et les grenadiers qui accompagnaient
l'assassin entrent violemment dans la salle. La terreur se répand parmi
les conjurés qui se dispersent; tous fuient, excepté Saint-Just, qui se
précipite sur Robespierre gisant à terre, le relève et le rassied dans
le fauteuil duquel le coup de pistolet l'a fait tomber.
À ce moment on vient dire au jeune homme qui a causé tout ce tumulte que
Henriot se sauve par un escalier dérobé.
Il lui restait encore un pistolet armé et chargé; il court à cet
escalier, atteint un fuyard, croit que c'est Henriot, tire sur le groupe
d'hommes qui emportait Couthon; ces hommes s'enfuient, abandonnant celui
qu'ils essayaient de sauver. Les grenadiers et les gendarmes traînent
Couthon par les pieds jusque dans la salle du conseil général; on
fouille Robespierre, on lui prend son portefeuille et sa montre; et
comme on croit Couthon et Robespierre morts, que Robespierre est trop
blessé et Couthon trop fier pour se plaindre, on les traîne hors de
l'Hôtel-de-Ville, jusqu'au quai Le Peletier. Là on va les jeter à l'eau,
lorsque Couthon, de sa voix calme que n'avaient pu altérer toutes les
douleurs qu'il venait de souffrir:
--Un instant, citoyens, dit-il, je ne suis pas encore mort.
Alors la colère des assassins s'était tournée en curiosité; ils avaient
appelé les passants, criant:
--Venez voir Couthon; venez voir Robespierre.
Des grenadiers de la section des Gravilliers avaient alors entouré les
deux agonisants, le quai s'était encombré de curieux. C'est dans ce
moment que nous étions arrivés.
Il était inutile de chercher d'autres détails que ceux que m'apportait
mon compagnon; ils devaient être vrais, et nous fûmes confirmés en cette
certitude lorsque nous vîmes apporter un cadavre et des blessés.
Le cadavre était celui de Lebas. Au moment où les gendarmes firent
invasion dans la salle, au moment où il vit tomber Robespierre frappé
d'une balle, il tira un pistolet de sa poche, l'appuya contre sa tempe
et se fit sauter la cervelle.
Robespierre jeune essaya de fuir; il croyait son frère mort et ne
pouvait plus donner l'exemple d'amour fraternel qui lui avait fait
demander de mourir avec lui. Il avait ôté ses souliers, il avait passé
par la fenêtre et marché pendant quelques secondes, tenant ses souliers
à la main, sur le fronton de pierre qui règne autour du monument. Puis
alors, voyant la place de l'Hôtel-de-Ville complètement abandonnée, et
que, gagnât-il la fenêtre voisine, et que cette fenêtre le
conduisit-elle à un escalier, il n'avait aucune chance de fuite et de
salut, il se laissa tomber du deuxième étage et se brisa sur le pavé,
mais sans se tuer du coup.
C'étaient ces pauvres débris, cadavres ou agonisants, que l'on avait
ramassés et que, par le quai Le Peletier, on conduisait à la Convention,
qui rallièrent en passant Robespierre blessé et Couthon mourant.
Saint-Just seul, la tête haute et sans blessure, suivait ses amis,
attaché à l'extrémité d'une corde. Robespierre était porté sur une
planche; le mort et les autres blessés étaient traînés dans une voiture
de commissionnaire à bras.
Nous suivîmes ce triste cortège.
Robespierre fut déposé sur une table dans la salle du comité de salut
public. On lui mit par pitié, sous la tête, une boîte de sapin qui avait
renfermé des pains de munition.
Tout le monde disait qu'il était mort.
Si horrible que fût ce spectacle, comme je voulais porter des nouvelles
sûres à nos prisonnières, je parvins à pénétrer avec mon compagnon dans
la salle d'audience, juste au moment où il commençait à ouvrir les yeux.
Il était sans chapeau; sans doute avait-il ôté lui-même sa cravate, qui
devait l'étouffer. Sa mâchoire gauche pendait jusque sur sa poitrine,
dégouttante de sang et montrant ses dents brisées. Un chirurgien, que
l'on appela, le pansa, remit la mâchoire à peu près à sa place, banda
sa blessure, et fit placer à côté de lui une cuvette remplie d'eau.
J'assistai à ce pansement, qui dut lui causer des douleurs atroces; il
ne jeta pas un cri, ne poussa pas une plainte; seulement son teint avait
déjà pris la lividité de la mort.
Tout était fini de ce côté, il n'y avait plus rien à craindre.
Je pensai que le plus pressé était de rassurer mes deux belles amies.
Mon protecteur n'avait plus de raison, dans l'état où était Robespierre,
de cacher la protection qu'il m'accordait. Il ne fit donc aucune
difficulté pour monter en fiacre avec moi et venir à la Force, où
j'étais attendue, comme on le comprend, avec toute l'impatience de deux
cœurs qui ne demandent qu'à vivre et à aimer et qui ont peur de mourir.
Nous arrivâmes à la prison vers onze heures du matin. Les prisonniers,
sans savoir précisément ce qui était arrivé, en avaient quelque idée et
étaient en pleine révolte. Il eût été difficile de les conduire à
l'échafaud comme on avait encore fait la veille. Chacun s'était fait une
arme de ce qu'il avait pu trouver; presque tous avaient brisé leurs
lits, et des pieds s'étaient fait des espèces de massue. On n'entendait
que cris et hurlements, et l'on se serait cru non pas dans une prison
politique, mais dans une maison de fous.
Je trouvai mes deux compagnes enfermées dans leur chambre, tremblantes
de tout ce vacarme dont elles ignoraient la véritable cause, se tenant
embrassées et serrées l'une contre l'autre.
À ma vue, à la joie qui éclatait sur mon visage, elles jugèrent qu'elles
n'avaient plus rien à craindre, jetèrent un cri d'espoir et se
précipitèrent dans mes bras.
Mais à peine eus-je prononcé le mot sauvées! que madame de Beauharnais
tomba à genoux, criant:
--Mes enfants!
Et que Terezia s'évanouit.
J'appelai du secours, la porte s'ouvrit, mon commissaire accourut; il
avait un flacon de vinaigre qu'il fit respirer à Terezia qui revint
bientôt à elle. Je profitai de ce moment pour leur présenter mon
compagnon et leur dire tous les services qu'il nous avait rendus.
--Ah! monsieur, vous pouvez être tranquille, dit Terezia, qui avait
renoncé bien vite à l'appellation de _citoyen_; si nous sommes quelque
chose, et si nous pouvons quelque chose dans le gouvernement qui va
s'établir, nous n'oublierons pas vos services. Éva va me dire votre nom
et me donner votre adresse, et c'est Tallien que je chargerai
d'acquitter ma dette envers vous.
Je ne pus m'empêcher de rire.
--Le nom et l'adresse de monsieur? lui dis-je. Il était trop prudent
pour me les donner avant de savoir comment les choses tourneraient;
mais maintenant je crois qu'il n'a plus aucun motif pour nous les
cacher.
Notre homme sourit à son tour, alla à une table sur laquelle il y avait
de l'encre, du papier et des plumes et écrivit:
«Jean Munier, commissaire de police de la section du Palais-Égalité.»
--Maintenant, mes bonnes amies, leur dis-je, il est probable que le
citoyen Tallien va courir aux Carmes pour vous délivrer. Aux Carmes on
ne saura pas lui dire où vous êtes, mais seulement qu'on est venu vous
enlever hier dans la matinée; je crois que l'important serait de le
rejoindre et de vous l'amener le plus vite possible. Il doit avoir une
foule de choses à dire à Terezia, qui, de son côté, ne sera pas fâchée,
je le présume, qu'il lui rapporte son poignard.
Terezia se jeta à mon cou.
--Je vais donc me mettre à sa recherche, continuai-je, et vous ne me
reverrez qu'avec lui, ou, si au milieu de cet effroyable bouleversement
il lui était impossible de venir, qu'avec votre ordre de mise en
liberté.
J'allais sortir; madame de Beauharnais s'était accrochée à mon bras et
me regardait suppliante.
--Que puis-je faire pour vous, chère Joséphine? demandai-je.
--Oh! dit-elle, bonne Éva, j'ai deux enfants; est-ce que je ne pourrais
pas voir mes enfants avant de sortir d'ici? Ou tout au moins est-ce que
vous ne pourriez pas leur donner de mes nouvelles?
--Oh! grand Dieu! m'écriai-je avec bonheur. Dites-moi où ils sont, et je
courrai à eux.
--Mon fils Eugène est chez un menuisier de la rue de l'Arbre-Sec, la
troisième ou quatrième maison à gauche en entrant par la rue
Saint-Honoré. Ma fille est presque en face, chez une grande lingère à la
barrière des Sergents. Et comme on pourrait refuser de vous les confier
parce qu'on ne vous connaît pas, je vais vous donner un mot qui tout au
moins les rassure, si vous ne pouvez me les amener.
Et Joséphine, en effet, me donna quelques lignes qui devaient me faire
reconnaître comme une amie du menuisier et de la lingère où ses deux
enfants étaient en apprentissage.
Comme il était probable que le citoyen Jean Munier trouverait le citoyen
Tallien plus tôt que moi, il fut convenu qu'il allait se mettre en quête
de lui et que je les attendrais tous les deux rue Saint-Honoré, à
l'entresol de madame Condorcet.
Je pris congé avec de nouveaux embrassements de mes deux amies, et nous
traversâmes les corridors et descendîmes les escaliers en criant:
--Plus de Robespierre! plus d'échafaud!
Santerre, que je rencontrai sur les degrés du perron, me retint quelques
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