Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 16

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C'étaient de terribles complices pour les conjurés que ces tombes
béantes. J'ai toujours vu, au jour sanglant des représailles, que la
main invisible des morts faisait plus que la main des vivants.
Et la veille, aux Jacobins, il avait eu la faiblesse de promettre, ou la
force d'ordonner une épuration.
Combien en proscrivait-il par cette épuration?
Il l'ignorait lui-même. Comme Sylla, il pouvait répondre: _Je ne sais
pas_.
Et cependant, peu à peu, les députés se rendaient à leur poste. Ils
étaient fatigués, plus inquiets encore que fatigués.
On voyait que peu de ces hommes avaient passé la nuit dans leur lit. Les
uns, parce qu'ils faisaient partie de quelque projet de conspiration,
les autres, parce qu'ils avaient eu peur d'être arrêtés.
Leurs yeux cherchaient... Quoi?... Ce que cherchent les yeux, quand un
grand événement s'approche, quand une tempête s'amasse au ciel, quand un
tremblement de terre s'apprête à secouer le sol:
L'inconnu!
J'avais vu en revenant le peuple ondoyer dans la rue avec le
désœuvrement menaçant de l'attente.
Midi venait de sonner et Robespierre n'était pas encore arrivé. Blessé
de son échec de la veille, disait-on, il ne rentrerait dans la
Convention qu'à la tête de la Commune armée et ce qui venait à l'appui
de ce dire, c'est qu'Henriot, ivre comme toujours, venait de mettre ses
canons en batterie sur la place du Carrousel.
Tallien non plus n'avait point paru dans la chambre des séances. Mais on
savait qu'il était dans la salle de la Liberté avec tous ses amis, et
que, comme il fallait passer par cette salle pour entrer dans celle de
la Convention, il arrêtait tous les députés au passage, en gardait
quelques-uns avec lui, et envoyait les autres à leurs places avec leur
leçon faite.
Attendait-il Robespierre comme Brutus, Cassius et Casca attendaient
César? Allait-il le poignarder là, _sans phrases_, comme avait dit
Sieyès?
Enfin un murmure annonça l'entrée de celui qu'on attendait avec tant
d'impatience, et quelques-uns peut-être avec plus de crainte que
d'impatience encore.
Le chimiste qui eût pu décomposer ce murmure y eût trouvé un peu de
tout, depuis un commencement de menace jusqu'à un reste de lutterie.
Jamais, même le fameux jour de la fête de l'Être Suprême, Robespierre
n'avait mis un pareil soin à sa toilette. Il portait l'habit bleu
barbeau; la culotte claire, le gilet de piqué blanc avec des effilés; il
avait la démarche lente et assurée. Lebas, Robespierre jeune, Couthon,
ses fidèles, marchaient du même pas que lui. Ils s'assirent autour de
lui, ne regardant personne, ne saluant personne. Et cependant ils
voyaient de leur place, avec un certain dédain qu'ils n'étaient pas
maîtres de cacher, les chef de la Plaine et de la Montagne,
irréconciliables jusqu'à ce jour, et qui ce jour-là, entraient, chose
menaçante, au bras l'un de l'autre, se soutenant l'un à l'autre.
Il y eut un instant de silence.
Saint-Just entra à son tour, tenant à la main le discours qu'il allait
lire, discours qui devait amener la chute des comités et leur
renouvellement par des hommes dévoués à Robespierre.
La veille, le parti jacobin, craignant l'emportement de ce jeune homme,
avait exigé qu'il lût ce discours à une commission avant de le
prononcer. Mais il n'avait pas eu le temps. Il venait d'en écrire la
dernière ligne à peine. Sa pâleur de cendre, ses yeux cerclés de noir,
disaient le mal qu'il y avait eu.
Il alla droit à la tribune; un flot de représentants, à la tête desquels
était Tallien, entra derrière lui. Collot-d'Herbois, l'ennemi personnel
de Robespierre, tenait le fauteuil du président. Il avait été choisi
tout exprès, et à ses côtés se tenait pour prendre sa place, si le
courage lui manquait, un homme auquel on était sûr que le courage ne
manquerait pas, un dogue du parti de Danton, Thuriot, qui avait voté,
tu te le rappelles, la mort du roi avec tant d'acharnement que depuis ce
temps on ne l'appelle plus Thuriot, mais Tue-roi.
Soit négligence, soit mépris, Saint-Just, oubliant de demander la
parole, monta droit à la tribune et commença son discours.
Mais à peine avait-il prononcé les premières phrases, que Tallien,
tenant sa main dans sa poitrine, et probablement dans sa main le
poignard de Terezia, fit un pas en avant et dit:
--Président, je demande la parole, qu'a oublié de demander Saint-Just.
Un frisson courut parmi les assistants. Ces paroles, on le sentait,
étaient une déclaration de guerre.
Qu'allait dire Collot-d'Herbois? Allait-il laisser la tribune à
Saint-Just? Allait-il la donner à Tallien?
--La parole est à Tallien, dit Collot-d'Herbois.
Il se fit un silence profond. Tallien monta à la tribune, sortit sa main
encore crispée de sa poitrine.
--Citoyens, dit Tallien, dans le peu que vient de nous dire Saint-Just,
j'ai entendu qu'il se vantait de n'être d'aucun parti. J'ai la même
prétention, et c'est pour cela que je vais faire entendre la vérité. On
s'en étonnera, sans doute. La vérité tonnera, je n'en doute point, car
partout autour de nous depuis quelques jours on ne sème que troubles et
mensonges. Hier, un membre du gouvernement s'est isolé et a prononcé un
discours en son nom particulier. Aujourd'hui, un autre fait de même.
Tous ces individualismes viennent encore aggraver les maux de la patrie,
la déchirer et la précipiter dans l'abîme; je demande que le rideau soit
entièrement déchiré.
--Oui, cria de sa place Billaud-Varennes, plus pâle et plus sombre
encore que d'habitude; oui, hier la société des jacobins a voté
l'épuration de la Convention. On a voté quoi? c'est à ne pas croire, on
a voté d'égorger la majorité qui a refusé de voter l'impression du
discours du citoyen Robespierre. Or, cette épuration, cette majorité,
c'est tout simplement 250 d'entre nous.
--Impossible! impossible! cria-t-on de toutes parts.
--Collot-d'Herbois et moi étions là, citoyens et nous n'avons que par
miracle échappé aux couteaux des assassins. Et là! là! dit-il en
allongeant le poing avec un geste menaçant, là, sur la Montagne, je vois
un des hommes qui ont levé le couteau sur moi.
À ces mots toute la Convention se lève, et les cris:
--Arrêtez-le! arrêtez l'assassin! retentissent.
Billaud le nomme; c'est un nom inconnu des auditeurs, mais connu des
huissiers, qui se jettent sur lui et l'arrêtent.
Mais, après son arrestation, il reste dans l'air un de ces frémissements
qui planent sur les assemblées tumultueuses et dans lesquelles il va se
passer de grands événements.
--L'assemblée, continue Billaud, ne doit pas se dissimuler qu'elle est
entre deux égorgements. Une heure de faiblesse, et elle est perdue!
--Non! non! s'écrièrent tous les membres en montant sur leur banc et en
agitant leur chapeau; non! c'est elle, au contraire, qui écrasera ses
ennemis! Parle, Billaud, parle! Vive la Convention! vive le Comité de
salut public!
--Eh bien! puisque nous en sommes à l'heure des éclaircissements,
continua Billaud, je demande que tous les membres de cette assemblée que
l'assemblée interrogera s'expliquent. Vous frémirez d'horreur quand vous
saurez la situation où vous êtes, quand vous saurez que la force armée
est confiée à des mains parricides, qu'Henriot est le complice des
conspirateurs; vous frémirez quand vous saurez qu'il y a ici un
homme,--et il lança un regard sanglant à Robespierre,--qui, lorsqu'il
fut question d'envoyer des représentants du peuple dans les
départements, compulsa comme un dictateur la liste des conventionnels,
et, sur plus de sept cents membres que nous étions, n'en trouva pas
vingt qui fussent dignes de cette mission.
Un murmure d'orgueil blessé, le plus menaçant de tous les murmures,
s'éleva de tous les bancs.
--Et c'est Robespierre, continue Billaud, qui vient nous dire hier à
nous, qui ose nous dire qu'il s'est éloigné du comité parce qu'il y
était opprimé. N'en croyez rien, il s'est éloigné, parce qu'après avoir
dominé seul pendant six mois le comité, le comité s'est révolté de cette
domination et a organisé la résistance contre lui. Heureusement pour
nous, car c'est au moment où il voulait faire adopter le décret du 22
prairial, ce décret de mort qui a fait que le plus pur de nous a
instinctivement porté sa main à sa tête.
Des éclats de voix interrompent Billaud de tous côtés; non pas pour
l'arrêter dans ses accusations, mais pour l'y affermir.
Un instant le silence se fait; mais un de ces silences qui contiennent
autant de menaces que le silence qui précède la tempête qui va éclater.

XXI
Et ce silence est tellement celui qui précède la tempête, que les
regards fulgurants de tous ces hommes se croisent comme des éclairs.
--Oui, citoyens, poursuit Billaud-Varennes, sachez que le président du
tribunal révolutionnaire, lui à qui toute initiative devrait être
défendue, a proposé hier aux Jacobins, à cette assemblée non-seulement
ennemie, mais illégale, de chasser de la Convention et de proscrire les
membres qui ont osé résister à Robespierre.
Mais le peuple est là, continue Billaud en se tournant vers les
tribunes. N'est-ce pas, peuple, que tu veilles sur tes représentants?
--Oui, oui, le peuple est là, crient les tribunes d'une seule voix.
--Nous avons vu depuis quelque temps un étrange spectacle, en vérité;
c'est que ce sont ces mêmes hommes qui sans cesse parlent de vertu et de
justice, qui sans cesse foulent aux pieds la justice et la vertu. Quoi!
des hommes qui sont isolés, qui ne connaissent personne, qui ne se
mêlent d'aucune intrigue, qui sauvent la France en organisant la
victoire, ces hommes sont des conspirateurs; et c'est le jour même où,
sur des conseils et grâce à un plan donné par eux, qu'Anvers est repris
par la France aux Anglais, que des conspirateurs viennent les accuser de
trahir la France!
Mais l'abîme est sous nos pas, mais les véritables traîtres sont devant
nous: il faut que l'abîme soit comblé par leurs cadavres ou par les
nôtres.
Le coup a été frapper Robespierre en pleine poitrine; il n'y a plus à
reculer; pâle et convulsif, il s'élance à la tribune:
--À bas le traître! À bas le tyran! À bas le dictateur! crie-t-on de
tous côtés.
Mais Robespierre a compris que l'heure suprême était venue; qu'il
fallait, comme le sanglier, faire face à toute cette meute hurlant
contre lui. Il saisit la rampe de la tribune, il s'y cramponne; il monte
malgré tout le monde; il touche à la plate-forme. L'eau coule sur son
front; il est pâle jusqu'à la lividité; un dernier pas et il a remplacé
Billaud. Il ouvre la bouche pour parler au milieu d'un effroyable
tumulte, mais peut-être qu'aussitôt que sa voix aigre se fera entendre
le tumulte cessera.
Tallien voit que la tribune va être conquise; il comprend le danger, il
s'élance, écarte brutalement Robespierre du coude.
C'est un nouvel ennemi, c'est un nouvel accusateur. Le silence se fait à
l'instant même.
Robespierre regarde avec étonnement autour de lui; il ne reconnaît plus
cette assemblée qu'il est habitué depuis trois ans à pétrir sous sa
main.
Il commence seulement à comprendre le danger qu'il court et dans quelle
lutte mortelle il s'est engagé.
Tallien profite du silence et s'écrie:
--Je demandais tout à l'heure que l'on déchirât le rideau, c'est chose
faite; les conspirateurs sont démasqués, la liberté triomphera?
--Oui, crie toute la salle en se levant. Elle triomphe déjà. Achève,
Tallien, achève!
--Tout présage, continue Tallien, que l'ennemi de la représentation
nationale va tomber sous nos coups: jusqu'ici je m'étais imposé le
silence; je le laissais tranquillement dresser dans l'ombre sa liste de
proscriptions, je ne pouvais pas dire: _J'ai vu, j'ai entendu!_ Mais moi
aussi j'étais hier aux Jacobins, et _j'ai vu et entendu_ et frémi pour
la patrie.
Un nouveau Cromwell recrutait son armée, et ce matin j'ai pris ce
poignard, qui dormait derrière le buste de Brutus, pour lui percer le
cœur, si la Convention n'a pas le courage de le décréter d'accusation.
Et Tallien mit le poignard de Terezia sur la poitrine de Robespierre. Un
rayon de soleil en fit briller la lame.
Robespierre ne fit pas un mouvement pour éviter le coup; mais à l'éclat
de l'acier ses yeux clignotèrent comme ceux des oiseaux de nuit a
l'éclat du jour.
--Mais non, dit Tallien en écartant son poignard de la poitrine qu'il
menaçait; nous sommes des représentants du peuple et non des assassins;
et ce tyran pâle et chétif n'a ni la puissance ni le génie de César. La
France a remis entre nos mains le glaive de sa justice et non le
poignard de ses vengeances. Accusons le traître, jugeons-le, ne
l'assassinons pas! Plus de 31 mai, plus de proscriptions, même contre
celui qui a fait le 31 mai et les proscriptions!
À la justice nationale Robespierre!
Jamais pareil tonnerre d'applaudissements n'avait ébranlé les voûtes de
la Convention nationale.
--Et maintenant, ajouta Tallien, je demande l'arrestation du misérable
Henriot, qui à cette heure et pour la troisième fois traîne ses canons
contre nous. Désarmons le dictateur avant tout, enlevons-lui sa garde
prétorienne d'abord, et nous le jugerons après.
Une espèce de rugissement se fit entendre dans toute l'assemblée;
c'étaient deux ans de haine et de terreur qui se faisaient jour et qui
grondaient par cette soupape que venait d'ouvrir Tallien.
--Je demande, continua-t-il, que nous décrétions la permanence de notre
séance jusqu'à ce que le glaive de la loi ait assuré l'existence de la
République en frappant ceux qui conspirent contre elle.
Toutes les propositions de Tallien sont mises aux voix et votées
d'enthousiasme.
Robespierre veut parler, il n'a pas abandonné la tribune, il y est resté
cramponné, les lèvres palpitantes, les muscles des joues contractés.
Le rictus de sa bouche est à peine visible tant ses dents sont serrées.
Mais de tous côtés les cris s'élevèrent: À bas le tyran!!!
Le mot d'ordre donné par Sieyès a été tenu. Robespierre ne parlera pas.
Donc il ne fera _pas de phrases_.
Tallien reprend:
--Il n'est pas un de nous qui ne puisse citer de cet homme un acte
d'inquisition ou de tyrannie; mais c'est sur sa conduite d'hier aux
Jacobins que j'appelle toute votre horreur. C'est là que le tyran s'est
découvert! c'est par là que je veux le terrasser. Ah! si je voulais
rappeler tous les actes d'oppression qui ont eu lieu, je prouverais que
c'est depuis que Robespierre a été chargé de la police générale qu'ils
ont été commis tous.
Robespierre fait un effort, arrive presque face à face avec Tallien, et
s'écrie en étendant la main:
--C'est faux! je...
Mais le tumulte recommence plus terrible qu'auparavant.
Robespierre alors voit que jamais il ne pourra s'emparer de la tribune,
qu'une conspiration la lui enlève; il cherche un endroit d'où sa voix
puisse dominer l'assemblée. Il voit la Montagne, descend rapidement les
escaliers de la tribune, s'élance parmi ses anciens amis, et d'une place
vide veut parler.
--Tais-toi! lui crie une voix; tu es à la place de Danton?
Robespierre redescend au centre:
--Ah! vous ne voulez pas me laisser parler, montagnards, dit-il, eh
bien, c'est à vous, hommes purs, que je viens demander asile et non à
ces brigands.
--Arrière! crie une voix du centre, tu es à la place de Vergniaud.
Robespierre bondit hors des rangs de la Gironde, comme s'il était en
effet poursuivi par les ombres de ceux qu'il a fait décapiter.
À moitié foudroyé, il s'élance de nouveau à la tribune, et, montrant le
poing au président:
--Président d'une assemblée d'assassins, lui crie-t-il, pour la dernière
fois veux-tu me donner la parole?
--À ton tour tu l'auras, répond Thuriot qui a remplacé au fauteuil
Collot-d'Herbois brisé.
--Non! non! crient les conjurés; il se défendra, comme les autres,
devant le tribunal révolutionnaire.
Mais lui s'obstine; on entend au-dessus de tous ces bruits, de tout ce
tumulte, de tous ces cris, les glapissements de la voix de Robespierre
qui tout à coup s'éteignent dans un enrouement subit.
--C'est le sang de Danton qui l'étouffe! crie une voix à ses côtés.
Sous ce dernier coup de poignard, Robespierre tressaille et se tort
comme sous la pile voltaïque.
--L'accusation! crie une voix de la Montagne.
--L'arrestation! crie une voix du Centre.
L'assemblée tout entière appuie.
Robespierre anéanti, à bout de force, à bout d'espérance, tombe sur un
banc.
--Puisqu'on accuse et qu'on juge Robespierre, s'écrient ensemble deux
voix, je demande à être accusé et jugé avec lui!
L'une de ces deux voix est celle de Lebas; l'autre est celle de
Robespierre jeune.
--Mon frère! s'écrie Robespierre en se relevant, qui se dévoue pour moi.
Si on l'eût laissé parler, peut-être sortait-il de l'accusation par
cette porte ouverte sur la pitié; mais non, ces deux mots;
l'_accusation_! l'_arrestation_! retombent sur lui comme le rocher de
Sisyphe.
--Ah! qu'un tyran est dur à abattre! hurle Fréron, qui demande vengeance
pour le sang de Camille Desmoulins et celui de Lucile.
L'arrestation est mise aux voix par le président Thuriot, et décrétée à
l'unanimité.
--Maintenant ce n'est pas le tout de la voter, dit une voix: qu'on
l'exécute.
Thuriot, pour la seconde fois, donne l'ordre d'exécuter le décret, qui
comprend Robespierre, Lebas et Robespierre jeune. Couthon et Saint-Just
vont se ranger près de lui. Ils sont au premier banc de la Plaine, et un
grand vide s'établit autour d'eux.
Les huissiers hésitent à faire leur devoir; comment oseront-ils porter
la main sur ces rois de l'assemblée dont ils ont si longtemps reçu les
ordres?
Enfin ils se décident à s'approcher d'eux et leur signifient le décret
de la Convention.
Les cinq accusés se lèvent et sortent lentement, pour être conduits
devant les comités.
Toute l'assemblée respire. Cette lutte de quatre cents députés contre un
seul homme, indique à quel point cet homme était puissant. Tant qu'il
était là, chacun se demandait: Est-ce fini? Moi aussi je respire, moi
aussi je m'élance.
Déjà le bruit de l'arrestation de Robespierre s'est répandu dans la cour
du Carrousel, et de la cour du Carrousel a plané sur tout Paris.
Je ne sais si c'est une illusion, mais il me semble que tous les cœurs
sont joyeux, que toutes les bouches sourient; des gens qui ne se
connaissent pas courent les uns aux autres en criant:
--Eh bien! vous savez?
--Non... quoi?
--Robespierre est arrêté!
--Impossible!
--Je l'ai vu conduire aux comités.
Et celui qui vient de recevoir la nouvelle court la répandre.
Mais à travers les portes de chêne, à travers les barreaux de fer des
prisons, les nouvelles sont lentes à passer. Je cherche des yeux mon
commissaire, qui m'a promis de se tenir dans la cour du Carrousel.
Mes yeux se fixent sur un homme qui semble attendre que je le regarde.
Je jette un cri: c'est lui.
Seulement il a devancé l'opinion publique; il ne porte plus son bonnet
rouge, il a mis bas sa carmagnole, il est habillé comme tout le monde.
C'est qu'il a assisté de la tribune à la chute de Robespierre.
Il s'approche de moi sans affectation:
--Avez-vous besoin de mes services? me dit-il.
--Je voudrais bien annoncer le triomphe de Tallien à mes pauvres amies,
répondis-je.
--Faites-y attention, me dit-il, et ne vous lancez pas trop avant dans
le domaine de l'espérance; les comités devant lesquels il est amené
peuvent déclarer qu'il n'y a pas motif à l'accusation et rendre une
ordonnance de non-lieu. Le tribunal révolutionnaire devant lequel il va
être conduit et qui lui appartient entièrement, peut déclarer qu'il
n'est pas coupable et lui faire un triomphe comme celui de Marat. En
somme, ce n'est qu'une première manche.
--N'importe! répondis-je, elle est gagnée, n'est-ce pas? Maintenant, à
la seconde.
--Marchez doucement, me dit-il, traversez le pont, entrez dans la rue du
Bac, à la hauteur de la rue de Lille, je vous rejoindrai avec une
voiture.
Je m'acheminai sans répondre vers la rue du Bac. Au moment où
j'atteignais la rue de Lille, j'entendis un fiacre qui s'arrêtait
derrière moi. J'y montai. Le commissaire m'y attendait.
Il ordonna au cocher de suivre la rue de Lille, de prendre les quais
jusqu'à la Grève et de nous conduire à la Force.
Il avait ramené les prisonnières d'où elles étaient parties.
Je retrouvai mon brave concierge Ferney; je retrouvai Santerre qui jeta
les hauts cris, il me croyait guillotinée. Je leur appris l'arrestation
de Robespierre.
Chose bizarre! celui qui me parut le plus content fut le geôlier.
Aussi ne fit-il aucune difficulté lorsque mon conducteur, se faisant
reconnaître, lui ordonna de me conduire à la chambre des deux nouvelles
prisonnières.
En m'apercevant elles jetèrent un cri. Mon sourire leur disait que
j'apportais de bonnes nouvelles.
--Triomphe! leur criai-je, triomphe! Robespierre est accusé et arrêté.
--Et Tallien, demanda Terezia, comment a-t-il été?
--Magnifique de courage et surtout d'amour.
--Le fait est que s'il ne s'était agi que de lui il se serait laissé
couper le cou: il est si paresseux!
--Allons, allons, tu vas porter un beau nom, citoyenne Tallien, dit
madame de Beauharnais.
--J'en ambitionne un plus beau encore, dit Terezia avec sa fierté tout
espagnole.
--Lequel?
--Celui de Notre-Dame-de-Thermidor!
Mais, comme l'avait dit très-judicieusement mon commissaire, nous n'en
étions qu'à la première manche, et Robespierre pouvait sortir de là plus
puissant que jamais.
Nous convînmes avec mes deux amies que le lendemain je suivrais dans
tous leurs détails les événements, non moins importants à coup sûr que
ceux qui venaient de s'accomplir.
Terezia pensa alors combien il serait difficile de suivre les
événements, qui peut-être allaient se passer au milieu de foules
immenses, avec un costume de femme.
Elle m'offrit d'aller prendre dans sa maison des Champs-Élysées un de
ses costumes d'homme, qu'elle avait l'habitude de prendre pour suivre
son premier mari dans ses courses à cheval et à la chasse; elle me donna
une lettre pour sa vieille nourrice qui la gardait. Je devais en même
temps donner à la bonne femme de ses nouvelles et la rassurer sur son
compte. Je lui racontai tout ce que je devais au brave homme qui m'avait
pris sous sa protection, tout en prévenant d'avance que si nous étions
victorieux c'était un protégé à ne point oublier. Elle promit tout ce
que je voulus.
L'heure s'avançait, il fallait quitter la prison. Je ne promis pas de
revenir le lendemain, attendu que si nous étions vainqueurs je comptais
aller droit à Tallien, et, pour lui épargner toute recherche inutile,
lui dire où il trouverait son amie. Mais je promis de lui écrire, mot
par mot, heure par heure, tout ce que j'aurais vu. Grâce à
l'intermédiaire de mon brave commissaire, j'étais sûre que ma lettre lui
serait remise.
Nous nous embrassâmes étroitement, madame Beauharnais, Terezia et moi,
et je descendis, légère et pleine d'espérance, cet escalier que la
dernière fois j'avais descendu croyant aller à l'échafaud.

XXII
Nous rencontrâmes la voiture et nous allâmes droit à la maison de
Terezia, située allée des Veuves. Là je trouvai la vieille Espagnole qui
l'avait élevée. Je commençai par lui donner de bonnes nouvelles de sa
maîtresse, puis la lettre par laquelle elle lui ordonnait de me laisser
choisir parmi ses habits d'homme celui qui irait le mieux à mon goût et
à ma taille. Je choisis une redingote marron à collet rabattu; un
chapeau à larges bords qui abritait complètement mon visage, avec une
boucle d'acier et un large ruban noir, sans plume; deux chemises à
jabot, deux gilets, un blanc, l'autre chamois; une culotte de couleur
claire et des bottes venant au-dessus du genou.
Nous remontâmes en voiture, et mon commissaire me reconduisit chez moi.
Nous eûmes grand'peine à traverser la rue. Il y avait un rassemblement
énorme devant la maison des Duplay. On venait d'y apprendre
l'arrestation de Robespierre, et les cris de M. Duplay et de la vieille
mère avaient attiré les voisins d'abord, puis ceux qui passaient, puis
enfin ceux que la curiosité clouait à cette place, comptant que ce
serait là qu'on aurait les plus fraîches et les meilleures nouvelles.
J'étais aussi curieuse qu'aucune des personnes réunies aux lamentations
de ces braves gens; car, il faut le dire, dans tout le quartier, la
famille passait pour la plus honnête qu'il y eût au monde. Comme mon
entresol n'était qu'à quelques pas de leur magasin, je remontai
rapidement et je jugeai que c'était le moment d'utiliser le costume de
Terezia. J'étais peu accoutumée aux costumes masculins, mais cependant
au bout de dix minutes j'étais assurée, grâce au manteau qui
m'enveloppait tout entière, de pouvoir traverser les groupes sans être
reconnue pour une femme. Je descendis et j'allai me mêler aux curieux.
Madame Duplay, fanatique de son locataire, en appelait à l'inattaquable
réputation de Robespierre comme honnête homme, comme citoyen
incorruptible; à ceux qui doutaient ou qui avaient l'air de douter, elle
disait:
--Ah! vous pouvez entrer, citoyens, vous pouvez visiter l'appartement
qu'il habite, et, si vous y trouvez une pièce d'argent, un bijou ou un
assignat de cinquante francs, je reconnais mes torts et j'avouerai que
Robespierre était un homme vénal.
Et en effet on entrait comme à un pèlerinage, et dès l'entrée on sentait
que c'était bien la maison de l'incorruptible. Dès le seuil, la cour
avec son hangar, ses établis chargés de scies, de varlopes, de rabots,
tout disait: Vous êtes ici chez l'ouvrier honnête et travailleur. Puis,
si l'on montait à la mansarde habitée par Robespierre, c'était là où se
déroulait véritablement la preuve de cette vie de labeur, pauvre et
occupée. Les papiers, rangés sur les planches de sapin, entassés les uns
sur les autres, disaient ces travaux infatigables. Et cependant on
sentait qu'on avait mis là, comme dans le tabernacle d'un Dieu, les
meilleurs meubles de la maison, un beau lit bleu et blanc comme un lit
de jeune fille, avec quelques bonnes chaises; un bureau, en sapin, c'est
vrai, mais fait par le maître de la maison, sur un plan donné
certainement et avec toutes les exigences de son locataire, était
tourné de façon à ce que celui-ci pût, en travaillant, plonger son
regard dans la cour et se distraire à la vue des quatre jeunes filles,
du fils et du neveu, qui formaient la famille du brave menuisier.
Dans une petite bibliothèque de sapin, bibliothèque non fermée, il y
avait un Rousseau et un Racine, et, sur tous les murs, la main fanatique
de madame Duplay et la main passionnée de sa fille Cornélie avaient
suspendu tous les portraits que l'on avait pu se procurer de l'idole; de
sorte que, de quelque côté que Robespierre se tournât, il avait toujours
devant lui un portrait de Robespierre. Un de ces portraits le
représentait avec une rose à la main; et, tour à tour, la vieille mère
Duplay, la femme du menuisier et ses filles, faisant passer les curieux,
disaient:
--Est-ce là la demeure du méchant homme qu'on veut faire croire un tyran
et qui visait, disent ses misérables ennemis, à la dictature ou à la
royauté?
Une des quatre filles de madame Duplay ne disait rien, ne se mêlait à
rien, sanglotant dans un coin, assise sur une chaise; c'était la femme
de Lebas, dont le mari venait de se sacrifier pour Robespierre et avait
été arrêté avec lui. Au moment où je sortais, deux soldats gardaient la
porte et deux autres entraient: ils venaient arrêter toute la famille du
menuisier.
J'avoue que la vue de cet intérieur presque pauvre, l'inspection de
cette chambre modeste, me produisit une profonde impression.
Est-ce que je m'étais trompée? Est-ce que ces gens qui avaient accusé
Robespierre ne m'avaient pas dit la vérité? Je me rappelais, ce que tant
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