Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 15

Total number of words is 4422
Total number of unique words is 1467
39.4 of words are in the 2000 most common words
51.1 of words are in the 5000 most common words
56.4 of words are in the 8000 most common words
Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
situation. Nous n'apprenions aucune nouvelle du dehors. Nous ne savions
pas à quel degré d'irritation ou de lutte en étaient arrivés les
partis.
Mes deux malheureuses compagnes tremblaient et pâlissaient au moindre
bruit qui se faisait dans les corridors.
Un matin, la porte s'ouvrit et le concierge me dit que l'on me demandait
à la geôle.
Mes deux compagnes me regardèrent avec terreur.
--Ne craignez rien pour moi, leur dis-je; je ne suis pas jugée, pas
condamnée, et ne puis par conséquent être exécutée.
Elles ne m'embrassèrent pas moins comme si elles ne devaient pas me
revoir.
Mais je leur jurai que je ne quitterais pas les Carmes sans leur dire
adieu.
Je descendis. Comme je m'en doutais, j'étais attendue par mon
commissaire.
--J'ai à interroger cette jeune fille, dit-il; laissez-moi seul au
parloir avec elle.
Il avait le même costume que la première fois, l a carmagnole et le
bonnet rouge lui donnaient, au premier abord, un aspect féroce; mais
sous ce masque on retrouvait des yeux bons et francs, et des lignes
douces aboutissant à une bouche bienveillante.
--Tu vois, citoyenne, me dit-il, que je ne t'ai pas oubliée?
Je m'inclinai en signe de remerciement.
--Maintenant traite-moi en homme qui te veut du bien, et dis-moi ton
secret.
--Je n'en ai pas.
--Comment te trouvais-tu sur la charrette des condamnés quand il n'y
avait contre toi ni arrêt ni condamnation?
--Je voulais mourir.
--Ce que l'on m'a dit à la Force était donc vrai, que tu t'étais fait
lier les mains, et que tu étais montée sur la charrette par surprise?
--Qui t'a dit cela?
--Le citoyen Santerre lui-même.
--Il ne lui arrivera pas malheur pour le service qu'il m'a rendu?
--Non.
--Eh bien! il t'a dit la vérité. À mon tour à parler.
--J'écoute.
--Quel intérêt prends-tu à moi?
--Je te l'ai dit, je suis commissaire de section. C'est moi qui ai été
chargé de l'arrestation de la pauvre petite Nicole; les larmes me sont
venues aux yeux en l'arrêtant. Son exécution m'a donné les premiers
remords que j'aie eus de ma vie. Alors je me suis juré que si l'occasion
se présentait de pouvoir sauver une pauvre innocente comme elle, je ne
la laisserais pas échapper. La Providence vous a conduite sur mon chemin
et je viens vous dire: Voulez-vous la vie?
Je tressaillis; la vie m'était indifférente pour moi-même, mais je
réfléchis combien comptaient sur elle les deux pauvres créatures que
j'allais laisser derrière moi en prison.
--Comment vous y prendrez-vous, lui demandai-je, pour me tirer d'ici?
--C'est bien simple. Il n'y a aucune charge contre vous; je me suis
renseigné à la Force; vous êtes écrouée ici sous un faux nom. Je viens
vous chercher pour vous transporter dans une autre prison. Je vous
laisse en passant sur le pont Neuf ou le pont des Tuileries, et vous
allez où vous voudrez.
--J'ai promis de dire adieu à mes deux compagnes de chambre.
--Comment les appelez-vous?
--Je puis vous dire leurs noms sans danger pour elles?
--Ne voyez-vous point que vous m'offensez?
--Madame Beauharnais, madame Terezia Cabarrus.
--La maîtresse de Tallien?
--Elle-même.
--Toute la question est aujourd'hui entre son amant et Robespierre. Si
Tallien triomphe, vous me recommanderez à elle?
--Soyez tranquille.
--Remontez à votre chambre et descendez vite. Nous sommes dans un temps
où l'on peut faire attendre la mort, mais pas la vie.
Je remontai toute joyeuse.
--Oh! dirent mes deux amies en m'apercevant, bonne nouvelle, n'est-ce
pas?
--Oui, dis-je, j'ai revu mon commissaire, il offre de me faire sortir.
--Accepte, s'écria Terezia en me sautant au cou, et sauve-nous!
--Comment?
Elle tira de sa poitrine un poignard espagnol fin comme une aiguille,
mortel comme une vipère; puis, avec de petits ciseaux que madame
d'Aiguillon avait laissés à madame de Beauharnais, elle coupa une boucle
de ses cheveux et en enveloppa le poignard.
--Tiens, dit-elle, tu iras trouver Tallien; tu lui diras que tu me
quittes, que tu m'as demandé mes commissions pour lui, que je t'ai remis
ces cheveux et ce poignard, en te disant: «Donne ce poignard à Tallien,
et dis-lui de ma part que je suis appelée après-demain devant le
tribunal révolutionnaire, que si dans vingt-quatre heures Robespierre
n'est pas mort, c'est un lâche!»
Je comprenais cette furia espagnole.
--C'est bien, répliquai-je, je le lui dirai. Et vous, madame,
continuai-je en me retournant vers madame de Beauharnais, n'avez-vous
pas de votre côté quelque recommandation à me faire?
--Moi! dit-elle de sa douce voix créole, je n'ai que Dieu pour me
défendre et pour veiller sur moi. Mais si vous passez dans la rue
Saint-Honoré, entrez au magasin de lingerie du nº 362, et embrassez sur
le front ma chère Hortense, qui rendra ce baiser à son frère. Dites-lui
que je me porte aussi bien qu'on peut le faire en prison et avec un
cœur rongé d'inquiétudes. Ajoutez que je mourrai en disant son nom et en
la recommandant à Dieu.
Nous nous embrassâmes. Terezia me tira à elle.
--Tu n'as pas d'argent, me dit-elle, et peut-être pour notre salut t'en
faudra-t-il. Partageons.
Elle mit dans ma main vingt louis.
Je voulus faire quelques observations.
--Pardon, pardon, dit-elle, mais je ne me soucie pas que dans une
affaire de cette importance, où il est question de nos trois têtes, tu
sois arrêtée par un louis ou deux.
Elle avait raison; je pris les vingt louis de Terezia, je les mis dans
ma poche. Je cachai son poignard dans ma poitrine et j'allai rejoindre
mon protecteur au parloir.
Pendant mon absence, il avait tout arrangé avec le concierge.
Il me donna le bras; nous sortîmes. Un fiacre nous attendait.
Pendant la course, mon commissaire de police, qui ne me paraissait pas
bien sûr de l'inamovibilité de Robespierre, me mit au courant des
événements.
Robespierre, qui, depuis l'exécution des chemises rouges, s'était retiré
sous sa tente, laissant en apparence la France aller au hasard, mais
maintenant toujours la main sur le comité de salut public auquel il
faisait signer des listes par Herman, Robespierre était revenu le 5
thermidor.
Il attendait Saint-Just pour éclater. Saint-Just revenait les mains
pleines de dénonciations. Quand le triumvirat Saint-Just, Couthon et
Robespierre serait réuni, on demanderait les dernières têtes qu'il était
indispensable de sacrifier à la Terreur.
C'étaient celles de Fouché, de Collot-d'Herbois, de Cambon, de
Billaud-Varennes, de Tallien, de Barrère, de Léonard Bourdon, de
Lecointre, de Merlin de Thionville, de Fréron, de Panis, de
Dubois-Crancé, de Bentabole, de Barras...
Quinze ou vingt têtes, voilà tout.
Après quoi on en viendrait à la clémence.
Restait à savoir si ceux dont on allait demander les têtes les
laisseraient prendre. En effet, de leur côté ils avaient préparé une
accusation contre celui qu'ils appelaient le _dictateur_.
Seulement le dictateur leur donnerait-il le temps d'accuser?
Pendant le mois où il était resté absent, Robespierre avait rédigé son
apologie.
Homme de la légalité, il croyait n'avoir à répondre qu'à la légalité.
On était au 8 thermidor, tout se dénouerait certainement avant trois ou
quatre jours.
Je demandai à mon commissaire où je pourrais trouver Tallien.
Il m'indiqua son domicile, rue de la Perle, nº 460, au Marais.
Je me fis descendre à la porte Saint-Honoré.
Là, mon protecteur prit congé de moi. Je lui demandai son nom.
--Inutile, me dit-il; si vous réussissez, vous me reverrez, et je
viendrai demander moi-même ma récompense. Si vous échouez, vous ne
pourrez rien pour moi, je ne pourrai rien pour vous. Nous ne nous
connaissons pas.
Il partit avec son fiacre du côté des boulevards.
J'entrai dans la rue Saint-Honoré, et gagnai le nº 352.
J'entrai dans le magasin de lingerie. On se rappelle que c'était celui
de madame de Condorcet.
Je demandai mademoiselle Hortense.
On me montra une charmante petite fille d'une dizaine d'années, avec des
cheveux et des yeux magnifiques.
_Elle travaillait pour sa nourriture!_
Je demandai la permission de lui parler en particulier: la permission me
fut accordée. Je l'entraînai dans une arrière-boutique, et je lui dis
que je venais de la part de sa mère.
La pauvre enfant éclata en sanglots, tout en se jetant à mon cou et en
m'embrassant.
Je lui donnai deux louis pour sa petite toilette. Elle en avait grand
besoin.
Je demandai à voir madame Condorcet.
Elle était à son atelier de l'entresol.
J'y montai.
Elle jeta un cri en m'apercevant et se précipita dans mes bras.
--Oh! me dit-elle, je vous croyais bien morte; on m'avait dit vous avoir
vue passer sur la charrette.
En deux mots je lui racontai tout.
--Qu'allez-vous faire? me demanda-t-elle.
--Je n'en sais rien, répondis-je en sourient. Peut-être suis-je la
montagne renfermant la souris dans son sein; peut-être suis-je le grain
de sable où versera brisé le char de la Terreur.
--En tout cas, vous restez ici, dit-elle.
--Après ce que je vous ai dit, n'avez-vous pas peur de moi? lui
demandai-je.
Elle sourit et me tendit la main.
Je la prévins que j'aurais une course à faire la nuit même, et lui
demandai si je pouvais avoir une clef de son appartement pour y rentrer
et en sortir quand je voudrais.
--Cela est d'autant plus facile, me dit-elle, que je couche à ma maison
d'Auteuil et que vous serez maîtresse ici.
Et elle me remit la clef à l'instant même.
La séance de la Convention avait été orageuse. L'apologie de Robespierre
n'avait pas eu le succès qu'il en attendait. Son début avait été de la
plus grande maladresse. La séance s'était ouverte par Barrère annonçant
la reprise d'Anvers, c'est-à-dire la reprise de la Belgique tout
entière.
Or, c'était contre Carnot, qui venait de reprendre Anvers, que
Robespierre, qui ne se doutait pas de cette reprise, avait dirigé son
attaque.
Par malheur, Robespierre n'était point assez habile improvisateur pour
se tirer d'un pareil embarras, et, ne changeant rien à son discours, il
avait débuté par ces mots:
«L'Angleterre, tant maltraitée par nos discours, est ménagée par nos
armes.»
Le discours dura deux heures.
Lecointre, l'ennemi de Robespierre, voyant le peu d'effet que le
discours de Robespierre avait fait, demanda à grands cris l'impression.
Un robespierriste n'eût pas osé la demander.
Cependant l'assemblée vota par habitude l'impression.
Alors un homme s'était élancé à la tribune. C'était Cambon, l'homme
intègre par excellence. Robespierre l'avait appelé fripon, comme il
avait appelé Carnot traître.
--Un instant, dit-il, ne nous hâtons pas. Avant d'être déshonoré, je
parlerai.
Et il exposa clairement et en peu de mots son système de finances.
Terminant par ces mots:
--C'est l'heure de dire la vérité. Un homme paralyse à lui seul toute la
Convention. Cet homme, c'est Robespierre. Jugez-nous.
Alors Billaud s'était écrié:
--Oui, tu as raison, Cambon, il faut arracher les masques. S'il est vrai
que nous n'ayons plus la liberté d'opinion, j'aime mieux que mon cadavre
serve de trône à un ambitieux que de devenir par mon silence le complice
de son crime.
--Moi, dit Panis, je lui demande seulement si mon nom est sur la liste
de proscription. Qu'ai-je gagné à la révolution? pas de quoi acheter un
sabre à mon fils et une jupe à ma fille.
Les cris: _Rétracte-toi! rétracte-toi!_ éclatèrent alors dans la salle.
Mais Robespierre avec calme:
--Je ne rétracte rien, dit-il. J'ai jeté mon bouclier; je me suis
présenté à découvert à mes ennemis; je n'ai flatté personne, je n'ai
calomnié personne, je ne crains personne! Je persiste et ne prends
aucune part à ce que décidera la Convention pour l'impression ou la
non-impression de mon discours.
De toutes les parties de la salle des voix crièrent:
--Révoquons l'impression!
L'impression fut révoquée.
L'échec était terrible.
Du moment où la Convention n'acceptait pas les accusations de
friponnerie, de trahison, de conspiration, portées par Robespierre
contre les comités et les représentants du peuple en mission, la Chambre
accusait Robespierre de calomnies contre les représentants du peuple et
les comités.
C'était aux jacobins que Robespierre comptait prendre sa revanche. Cette
société, qui lui devait sa fondation, sa force et son éclat, était son
pilier d'airain.
Je résolus d'assister à la séance. J'étais prévenue que je ne trouverais
Tallien chez lui qu'à minuit.
Je m'enveloppai d'une mante de femme du peuple que me prêta madame
Condorcet.
On étouffait dans l'espèce de cave où les jacobins tenaient leurs
séances.
La Commune était déjà prévenue de l'échec qu'avait éprouvé son héros; on
voyait passer Henriot ivre, chancelant sur son cheval, comme cela lui
arrivait dans les grandes occasions. Il donnait des ordres pour que la
garde nationale prit les armes le lendemain.
Vers neuf heures, Robespierre entre au milieu des acclamations
générales. Sa tête pâle se roidit sur ses épaules, ses yeux verts
s'illuminèrent. Il monta à la tribune tenant, pour la lire aux jacobins,
son apologie qu'il avait déjà lue à la Convention.
Mais Robespierre n'était jamais las de lire ses discours.
Il fut écouté avec la religion d'apôtres pour leur dieu, applaudi avec
enthousiasme.
Puis, lorsqu'il eut fini, lorsque la triple salve d'applaudissements se
fut éteinte.
--Citoyens, dit-il, c'est mon testament de mort que je vous apporte. Je
vous laisse ma mémoire, vous la défendrez. S'il me faut boire la ciguë,
vous me verrez calme.
--Je la boirai avec toi! cria David.
--Tous,--nous la boirons tous!--crièrent les assistants, en se jetant
dans les bras l'un de l'autre.
Et ce ne furent plus que larmes et sanglots.
L'enthousiasme atteignait la frénésie.
Couthon monta à la tribune et demanda qu'on rayât de la Convention les
membres qui avaient voté contre l'impression du discours de Robespierre.
Les jacobins votèrent d'une seule voix.
Ils ne s'apercevaient pas que ce refus d'impression ayant été voté à la
majorité, ils venaient de voter la destitution de la majorité de la
chambre.
Les Robespierristes ardents entourèrent alors leur apôtre.
Ils demandaient un mot de lui pour faire un second 31 mai.
Robespierre, pressé, entouré, laissa tomber ces paroles:
--Eh bien! essayez encore, délivrez la Convention, séparez les bons des
méchants.
En ce moment une grande rumeur se fit entendre dans la partie la plus
sombre de la salle. Les jacobins venaient de reconnaître parmi eux
Collot-d'Herbois et Billaud, ces deux grands ennemis de Robespierre qui
venaient d'entendre tout ce qui avait été dit contre la Convention,
ainsi que l'autorisation donnée par Robespierre à ses séides de séparer
les méchants des bons.
Des cris de mort se firent entendre contre eux, les couteaux se
levèrent.
Quelques jacobins, qui ne voulaient pas que leur salle fût tachée de
sang, les entourèrent, les protégèrent, les aidèrent à fuir.
Le président annonça que la séance était levée.
Les deux partis n'avaient pas trop de la nuit pour se préparer au combat
du lendemain.
Je sortis avec la foule. Il était plus de onze heures du soir. C'était
donc le moment de trouver Tallien chez lui.
Je me trouvais derrière Robespierre.
Il sortait appuyé sur Coffinhal. Le menuisier Duplay passait près de
lui.
On parlait de la séance du lendemain. Le triomphe des jacobins ne
rassurait pas complètement les amis de Robespierre.
--Je n'attends plus rien de la Montagne, disait-il; mais la majorité est
jeune, la masse de la Convention m'entendra.
La femme Duplay et ses deux filles attendaient Robespierre à la porte de
la rue.
Elles coururent à lui en l'apercevant. Il les rassura. Tous rentrèrent
dans l'allée qui conduisait à la maison du menuisier. La porte se
referma sur eux.
Je revins sur mes pas; la curiosité m'avait entraînée à la suite de cet
homme, et je repris la rue Saint-Honoré, marchant cette fois du côté du
palais Égalité.
Quoiqu'il fût tard, les rues n'étaient point désertes. Une fièvre
ardente courait dans les veines de la capitale. Des gens sortaient
mystérieusement de chez eux; d'autres y rentraient non moins
mystérieusement; on échangeait des paroles d'un côté à l'autre de la
rue, des signaux d'une fenêtre à l'autre; arrivée au bout de la rue de
la Ferronnerie, je pris la rue du Temple et j'atteignis la rue de la
Perle.
La rue était mal éclairée; j'avais peine à lire les numéros. Je croyais
cependant me trouver devant le numéro 460.
Mais j'hésitais à frapper à la porte d'une allée étroite qui me
paraissait la seule entrée de cette maison sombre, sur la façade de
laquelle aucune lumière ne transparaissait.
Tout à coup la porte de l'allée s'ouvrit, et un homme vêtu d'une
carmagnole et armé d'un gros bâton, parut.
J'eus peur, et je fis un pas en arrière.
--Que veux-tu, citoyenne? demanda cet homme en frappant le pavé de son
bâton.
--Je veux parler au citoyen Tallien.
--D'où viens-tu?
--De la prison des Carmes.
--De la part de qui viens-tu?
--De la part de la citoyenne Terezia Cabarrus.
L'homme tressaillit.
--Dis-tu vrai? demanda-t-il.
--Conduis-moi près de lui et tu verras.
--Viens.
L'homme entr'ouvrit la porte. Je me glissai dans l'allée. Il prit les
devants, monta un escalier faiblement éclairé.
Dès les premières marches j'avais entendu le bruit d'un grand nombre de
voix qui paraissaient discuter.
La discussion était violente, et à mesure que je montais les marches le
bruit me parvenait plus distinct.
J'entendais les noms de Robespierre, de Couthon, de Saint-Just,
d'Henriot.
Ces voix venaient du second étage.
L'homme au bâton s'arrêta devant une porte et l'ouvrit.
Un flot de lumière envahit l'escalier, mais à sa vue la discussion
cessa; toutes les voix se turent.
--Qu'y a-t-il? demanda Tallien.
--Une femme qui vient des Carmes, dit mon guide, et qui apporte,
dit-elle, des nouvelles de la citoyenne Terezia Cabarrus.
--Qu'elle entre! dit vivement Tallien.
L'homme au bâton s'effaça. Je laissai tomber ma mante sur la rampe de
l'escalier, et je m'avançai dans cette chambre où chacun avait gardé la
pose dans laquelle je l'avais surpris.
--Lequel de vous tous est le citoyen Tallien? demandai-je.
--Moi, répondit le plus jeune de tous ces hommes.
Je m'avançai vers lui.
--Je quitte la citoyenne Terezia Cabarrus. «Porte cette boucle de
cheveux et ce poignard à Tallien, et dis-lui que je suis appelée au
tribunal révolutionnaire après-demain, et que si dans vingt-quatre
heures Robespierre n'est pas mort, c'est un lâche!»
Tallien sauta sur la boucle de cheveux et sur le poignard.
Il baisa la boucle de cheveux, et, levant ce poignard:
--Vous avez entendu, citoyens, dit-il; libre à vous de ne pas décréter
demain Robespierre d'accusation; mais si vous ne le décrétez pas
d'accusation, je le poignarde, et à moi seul sera la gloire d'avoir
délivré la France de son tyran.
D'un seul geste, tous ceux qui étaient présents étendirent la main
au-dessus du poignard de Terezia Cabarrus.
--Nous jurons, dirent-ils, que demain nous serons morts ou que la France
sera libre!
Alors Tallien se tournant de mon côté:
--Si tu veux voir quelque chose de grand comme la chute d'Appius ou la
mort de César, viens à la séance de demain, jeune fille, et tu pourras
aller dire à Terezia ce que tu auras vu!...
--Oui; mais si vous voulez réussir, dit une voix, ne vous lancez pas
dans les discussions, ne lui donnez pas la parole. _La mort sans
phrases!_
--Bravo, Sieyès! crièrent toutes les voix; tu es homme de bon conseil et
ton conseil sera suivi.

XX
Tallien voulut absolument me faire reconduire par l'homme au bâton, qui
n'était autre que son garde du corps.
Je revins chez Madame Condorcet par le même chemin que j'avais pris pour
aller chez le citoyen Tallien. J'éprouvais une singulière sensation. Je
venais peut-être d'être l'intermédiaire entre le bras qui doit frapper
et la poitrine qui doit être frappée.
J'avais pris, en me laissant entraîner, une part active à ce qui se
passerait le lendemain; que le poignard servît à frapper Robespierre,
que le poignard servît à frapper Tallien lui-même, dans l'un et l'autre
cas c'était moi qui avais remis le poignard.
Tant qu'il avait été entre mes mains, tant que j'avais été poussée par
le désir de sauver mes deux amies, je n'y avais pas songé; mais du
moment où il était dans la main de Tallien, je devenais sa complice. La
fièvre qui m'avait soutenue tant que ma mission n'était pas accomplie,
m'avait abandonnée du moment où j'étais redescendue dans la rue. Le
bruit s'était calmé: mais cependant, dans cette grande artère
Saint-Honoré, si passagère, on rencontrait encore un grand nombre de
personnes, seulement pas de groupes. Ces personnes passaient seule à
seule. J'eus la curiosité d'aller jusqu'à la porte du menuisier Duplay.
Tout était fermé, pas un rayon ne filtrait au dehors. Dormait-on dans
le calme des consciences pures? Veillait-on silencieusement dans le
trouble des imaginations agitées?
Je remerciai l'homme au bâton; je lui donnai une monnaie d'argent. Il la
prit en disant:
--C'est par curiosité que je la prends, ma petite citoyenne; il y a si
longtemps que je n'en ai vu.
Je remontai dans mon entresol; je fermai mes jalousies, mais je regardai
au travers, laissant mes fenêtres ouvertes; je ne pouvais pas dormir.
J'étais dans une grande inquiétude pour mes deux amies.
Le lendemain soir, tout serait décidé. Moi qui n'avais pas craint pour
moi, qui avais vu sans pâlir le couteau de la guillotine, moi qui avais
regardé sans cligner des yeux le rayon de soleil qui se réfléchissait
sur ce couteau, rouge du sang de trente personnes, je tremblais pour ces
deux femmes que je connaissais depuis quelques jours à peine, qui
m'étaient étrangères, mais qui m'avaient ouvert les bras quand tous les
bras étaient fermés.
D'après ce que j'avais vu le soir à la séance des cordeliers, j'avais pu
juger de l'ascendant que Robespierre avait sur la multitude.
--Je boirai la ciguë, avait-il dit, calme comme Socrate.
Et tout un chœur de fanatiques avait répondu:
--Nous la boirons avec toi!
Nos amis, ou plutôt nos alliés, auraient, je n'en doutais pas, le
courage d'entamer le combat, mais auraient-ils celui de le poursuivre?
Auraient-ils, surtout, la force de se bien imprégner de ce conseil de
Sieyès:
--La mort sans phrases.
Combien peu de mots il faut au génie pour exprimer sa pensée! pour la
faire comprendre au présent et à l'avenir; pour la mouler en bronze,
enfin.
Évidemment, Sieyès était l'homme de génie de cette réunion; mais il ne
pouvait être l'homme d'exécution, étant prêtre.
Vers trois heures, je refermai ma fenêtre et je me couchai.
Mais je ne pus dormir que de ce sommeil fiévreux qu'habitent les rêves
insensés.
La seule chose qui continuât à battre dans mon cerveau comme le
balancier d'une pendule c'était la phrase de Sieyès. C'était dans cette
phrase qu'était la véritable condamnation de Robespierre.
Le jour vint comme je commençais de m'endormir. Vers huit ou neuf heures
je m'éveillai. J'entendis du bruit dans la rue; je me levai promptement,
j'entre-baillai ma fenêtre.
Il y avait déjà un groupe de jacobins (et par jacobins j'entends des
habitués du club) à la porte du menuisier Duplay. Beaucoup de gens
entraient et sortaient; ils allaient évidemment prendre le mot d'ordre
de Robespierre.
Au milieu de toute cette foule un homme s'arrêta, deux yeux se fixèrent
sur moi, un regard passa par l'entrebâillement de ma jalousie. Je la
refermai rapidement; mais il était trop tard, j'avais été reconnue.
Deux minutes après on frappait à ma porte, et j'allais ouvrir sans trop
d'inquiétude.
De mon côté, j'avais reconnu mon commissaire de police; je l'invitai à
entrer et à se reposer.
--Ce n'est pas de refus, dit-il. Je suis brisé, j'ai été toute la nuit
sur pied. Les partis sont décidément en présence et le combat aura lieu
aujourd'hui.
--Oh! dis-je, je vous avoue que je voudrais assister à cette bataille.
Où croyez-vous qu'elle aura lieu? aux jacobins ou à la Convention?
--À la Convention, évidemment. C'est là qu'est la légalité, et
Robespierre est l'homme de la légalité.
--Comment faire pour assister à la séance? On se battra aux portes de la
Convention, et je suis seule.
--Prenez cette carte, me dit-il. La séance s'ouvrira à onze heures;
mangez vite quelque chose qui vous permette de rester jusqu'à la fin de
la discussion. En sortant, vous me trouverez, si vous avez besoin de
moi; vous savez bien que je suis à vos ordres.
--Si vous aviez une heure devant vous, vous devriez bien me rendre un
service très-grand. Ce serait d'aller jusqu'aux Carmes, et par un moyen
quelconque, de faire dire à Terezia Cabarrus que sa commission est
faite.
--Je vais faire mieux que cela, me dit-il; je vais, pour dérouter nos
limiers, la faire changer de prison; si Tallien échoue, le premier ordre
donné par Robespierre sera, pour se venger, de faire mettre la main sur
sa maîtresse. Eh bien, pendant qu'on la cherchera aux Carmes, pendant
qu'on sera en quête de l'endroit où elle aura été transportée, il
s'écoulera deux ou trois jours. Et, dans les circonstances où nous
sommes, c'est quelque chose d'avoir plusieurs jours devant soi.
--Oh! si nous réussissons, lui dis-je, que pourrais-je donc faire pour
vous?
--Quand nous en serons là, répliqua-t-il, comme tout passera entre les
mains de Tallien, de Barras et de ses amis, la chose ne sera pas
difficile.
--Eh bien, c'est convenu, lui dis-je, partez, ne perdez pas un instant,
songez qu'elles doivent être dans les angoisses de l'agonie.
--Vous n'avez personne pour vous servir? me demanda-t-il.
--Personne.
--Eh bien, en descendant, je vais vous envoyer quelque chose du café:
deux œufs frais et un bouillon.
--Vous me rendrez service... Faites.
--N'oubliez pas, aussitôt votre déjeuner fini, d'aller à la Convention,
si vous voulez ne rien perdre de ce qui s'y passera aujourd'hui.
Une demi-heure après j'étais installée dans la tribune la plus proche du
président. À onze heures, la salle s'ouvrit; les tribunes s'encombrèrent
comme je l'avais prévu; mais, chose qui indiquait l'inquiétude profonde
des membres de l'assemblée, c'est qu'ils n'arrivaient pas, ou pour mieux
dire qu'ils n'arrivaient qu'en petit nombre.
Et d'abord, sur les sept cents députés qui avaient proclamé la
République le 21 septembre 1792, plus de deux cents manquaient, tombés
sur l'échafaud.
Sur tous les bancs, chose terrible à voir, il y avait des vides qui
n'étaient autre chose que des tombes.
Au centre, d'abord, vaste comme une fosse commune, la place des
girondins.
Sur la Montagne, le banc de Danton, le banc de Hérault de Séchelles et
de Fabre d'Églantine.
Puis, ça et là, des caprices de la mort, où, depuis qu'elles étaient
libres, personne n'osait plus s'asseoir.
Tous ces vides accusateurs qui les avait faits?
Un seul homme.
Qui avait frappé les vingt-deux girondins, par la voix de Danton?
Qui avait frappé les vingt-cinq cordeliers par la voix de Saint-Just?
Qui avait frappé Chaumette?
Qui avait frappé Hébert?
Le même homme toujours.
Que l'on interroge tous ces vides, toutes ces fosses, soit
simultanément, soit l'une après l'autre, toutes ne rejetteront qu'un
seul nom:
Robespierre!
You have read 1 text from French literature.
Next - Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 16
  • Parts
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 01
    Total number of words is 4538
    Total number of unique words is 1491
    40.8 of words are in the 2000 most common words
    53.9 of words are in the 5000 most common words
    59.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 02
    Total number of words is 4589
    Total number of unique words is 1548
    40.9 of words are in the 2000 most common words
    52.7 of words are in the 5000 most common words
    57.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 03
    Total number of words is 4624
    Total number of unique words is 1588
    37.6 of words are in the 2000 most common words
    50.3 of words are in the 5000 most common words
    55.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 04
    Total number of words is 4661
    Total number of unique words is 1471
    40.5 of words are in the 2000 most common words
    52.9 of words are in the 5000 most common words
    57.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 05
    Total number of words is 4653
    Total number of unique words is 1457
    44.6 of words are in the 2000 most common words
    57.1 of words are in the 5000 most common words
    62.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 06
    Total number of words is 4744
    Total number of unique words is 1472
    41.4 of words are in the 2000 most common words
    51.7 of words are in the 5000 most common words
    57.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 07
    Total number of words is 4483
    Total number of unique words is 1459
    42.6 of words are in the 2000 most common words
    54.3 of words are in the 5000 most common words
    60.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 08
    Total number of words is 4511
    Total number of unique words is 1586
    39.0 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    56.0 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 09
    Total number of words is 4587
    Total number of unique words is 1588
    39.6 of words are in the 2000 most common words
    51.4 of words are in the 5000 most common words
    57.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 10
    Total number of words is 4486
    Total number of unique words is 1564
    41.3 of words are in the 2000 most common words
    53.3 of words are in the 5000 most common words
    58.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 11
    Total number of words is 4703
    Total number of unique words is 1448
    43.8 of words are in the 2000 most common words
    56.4 of words are in the 5000 most common words
    61.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 12
    Total number of words is 4600
    Total number of unique words is 1445
    43.8 of words are in the 2000 most common words
    55.9 of words are in the 5000 most common words
    60.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 13
    Total number of words is 4541
    Total number of unique words is 1484
    40.9 of words are in the 2000 most common words
    52.6 of words are in the 5000 most common words
    57.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 14
    Total number of words is 4557
    Total number of unique words is 1433
    44.8 of words are in the 2000 most common words
    56.6 of words are in the 5000 most common words
    61.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 15
    Total number of words is 4422
    Total number of unique words is 1467
    39.4 of words are in the 2000 most common words
    51.1 of words are in the 5000 most common words
    56.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 16
    Total number of words is 4551
    Total number of unique words is 1511
    40.5 of words are in the 2000 most common words
    52.2 of words are in the 5000 most common words
    58.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 17
    Total number of words is 4578
    Total number of unique words is 1511
    40.0 of words are in the 2000 most common words
    51.8 of words are in the 5000 most common words
    57.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 18
    Total number of words is 4733
    Total number of unique words is 1499
    41.5 of words are in the 2000 most common words
    54.5 of words are in the 5000 most common words
    58.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 19
    Total number of words is 4719
    Total number of unique words is 1498
    42.8 of words are in the 2000 most common words
    55.2 of words are in the 5000 most common words
    59.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 20
    Total number of words is 4647
    Total number of unique words is 1526
    41.1 of words are in the 2000 most common words
    54.4 of words are in the 5000 most common words
    59.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 21
    Total number of words is 4322
    Total number of unique words is 1496
    39.1 of words are in the 2000 most common words
    52.6 of words are in the 5000 most common words
    59.0 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 22
    Total number of words is 4649
    Total number of unique words is 1445
    43.3 of words are in the 2000 most common words
    56.5 of words are in the 5000 most common words
    62.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 23
    Total number of words is 4654
    Total number of unique words is 1425
    45.3 of words are in the 2000 most common words
    58.2 of words are in the 5000 most common words
    63.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 24
    Total number of words is 4650
    Total number of unique words is 1551
    39.5 of words are in the 2000 most common words
    53.1 of words are in the 5000 most common words
    58.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 25
    Total number of words is 4651
    Total number of unique words is 1491
    43.2 of words are in the 2000 most common words
    56.1 of words are in the 5000 most common words
    60.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 26
    Total number of words is 2633
    Total number of unique words is 956
    49.5 of words are in the 2000 most common words
    61.4 of words are in the 5000 most common words
    65.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.