Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 12

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Les Grecs se sont fait un Dieu parricide; tantôt cygne, tantôt taureau,
jetant d'un coup de pied du ciel sur la terre le seul fils légitime
qu'il ait eu.
Les Juifs se sont fait un Dieu jaloux et vindicatif, qui noie la terre
pour rendre les hommes meilleurs, et qui s'aperçoit qu'ils sont plus
mauvais après qu'auparavant.
Seuls les Mexicains se sont fait un Dieu visible, le soleil.
Nous, les privilégiés de la création, nous avons eu l'Homme-Dieu à la
morale sainte; il nous a donné une religion faite d'amour et de
dévouement.
Mais allez la chercher, perdue qu'elle est dans les dogmes de l'Église,
avec le prêtre--roi de Rome--qui, au lieu, comme le divin fondateur, de
rendre à César ce qui appartient à César, fait commerce de trônes, lui
dont le royaume n'est pas de ce monde!
Seigneur! Seigneur! au moment où je vais paraître devant vous, je ferais
peut-être mieux de prier, de m'humilier, de croire, de soumettre mon
intelligence à la foi, c'est-à-dire de ne pas croire à ce que je vois et
de croire à ce que je ne vois pas. Mais si vous m'avez donné cette
intelligence, c'est pour que je m'en serve. Vous l'avez dit: La lumière
n'est pas faite pour être mise sous le boisseau. Le soleil est fait pour
éclairer la terre.
Non, Seigneur, non, âme du monde, non, créateur de l'infini, non, maître
de l'éternité, non je ne croirai jamais que ta suprême jouissance soit
d'être adoré par ce troupeau vulgaire qui le reçoit tout fait des mains
de ses prêtres et qui t'enferme dans le dogme étroit de la croyance
irraisonnée, quand l'univers tout entier n'est pas assez large pour te
contenir!
* * *
C'est aujourd'hui que se célèbre la messe rouge au grand autel de la
révolution.
Hier, madame de Condorcet est venue pour me voir; elle avait quelque
chose à m'apprendre.
J'étais allée dire adieu à mes tombes du cimetière Monceaux.
J'irai aujourd'hui vers deux heures chez madame de Condorcet; elle
demeure rue Saint-Honoré, 352. Je serai à merveille pour voir passer le
cortége.
Maintenant, mon ami, je ne sais pas moi-même ce qui va se passer, je ne
sais pas si ce manuscrit te sera jamais remis, car j'ignore ce que tu es
devenu, j'ignore si tu vis, j'ignore si tu es mort.
Madame de Condorcet est la seule personne que je connaisse au monde; si
tu n'est qu'exilé et que tu rentres en France, elle est plus à même que
personne de savoir ton retour: c'est donc entre ses mains que je dépose
mon manuscrit.
Pourrai-je le continuer en prison? pourrai-je jusqu'au moment où je
monterai sur la fatale charrette te dire: je t'aime? Non; t'écrire je
t'aime; te le dire, je le pourrai toujours, et ce sera le dernier mot
que je jeterai au vent sur l'échafaud, et la hache le coupera en deux
dans ma gorge.
Au reste, je l'emporte avec moi; peut-être ce qu'elle avait à me dire
a-t-il quelque importance, et peut-être chez elle aurai-je encore le
temps d'ajouter quelque chose.
* * *
J'avais bien fait de l'emporter, tu sauras du moins que je ne suis
morte, mon bien-aimé, qu'après avoir perdu ma dernière espérance.
On a lu hier à la Convention cette lettre de l'agent de Robespierre à
Bordeaux.
Bordeaux, 13 juin, au soir.
«Vive la République une et indivisible.
»Les deux girondins que l'on savait cachés à Bordeaux ont été dénoncés
et arrêtés. Un d'eux s'est poignardé et est mort sur le coup.
»Les deux autres sont dans les grottes de Saint-Émilion, où on les
chasse avec des chiens.
»Huit heures du soir.
»J'apprends à l'instant qu'on vient de les prendre. Malheureusement l'un
des deux a été étranglé dans la lutte.
»Les deux survivants ont refusé de dire leurs noms; ils sont inconnus à
Bordeaux.
»Demain soir la guillotine en aura fait justice.
»Vive la République!»
Il y a quatre jours que la lettre est écrite, par conséquent ils sont
morts!
Si tu étais une de ces quatre victimes, comment ton âme n'est-elle pas
venue me dire adieu!
Une fois mort, tu as su où j'étais, les morts savent tout.
Ou tu n'étais point parmi eux, ou il n'y a pas d'âme.
Oh! moi, si tu vis, j'irai te dire adieu partout où tu seras, à moins
que...
* * *
Voici le cortège des assassins de Robespierre.
C'est vraiment très-beau cinquante-quatre chemises rouges, pense donc!
Dix charrettes, elles ont mis deux heures pour venir de la Conciergerie
ici.
Et la maison du menuisier Duplay qui est fermée comme le jour de
l'exécution de Danton et de Camille Desmoulins!
Je comprends les fenêtres fermées ce jour-là, c'étaient des amis.
Mais aujourd'hui, Robespierre, ce sont tes assassins, est-ce que tu n'en
serais pas bien sûr, est-ce que tu n'y croirais pas?
En ce cas, tends une chaîne en travers de la rue, et que le cortége
d'innocents n'aille pas plus loin que ta porte.
Ne peux-tu pas faire une fois grâce, toi qui tues tous les jours.
Voilà une belle occasion de jouer le dieu.
Allons, souverain pontife, étends la main, et prononce le fameux _quos
ego_! de Neptune.
Ah! cette fois l'offrande est digne de la divinité.
On t'a glané cette gerbe humaine sur tous les degrés de l'échelle
sociale. Voilà madame Sainte-Amarante et sa fille; voici quatre
municipaux: Marino, Soulès, Froidiez et Daugé; voici mademoiselle de
Grandmaison, une artiste des Italiens; voici Louise Giraud, qui a voulu
voir ce que c'était qu'un tyran.
Elle l'a vu.
Et cette pauvre petite fille de seize ans, cette malheureuse Nicole, qui
n'a rien fait que porter à manger à sa maîtresse.
Oh! que cela va être beau à voir; l'exécution durera au moins une heure.
Puis des canons, des soldats. On n'a rien vu de pareil depuis
l'exécution de Louis XVI.
Adieu, mon ami, adieu, mon bien-aimé, adieu, ma vie, adieu, mon âme,
adieu, tout ce que j'ai aimé, tout ce que j'aime, tout ce que j'aimerai
jamais... Adieu!
Je vais voir tout cela et jeter ma malédiction à cet homme.

XIV
(SUITE DU MANUSCRIT D'EVA SUR FEUILLES VOLANTES).
La Force, 17 juin 1794, au soir.
Je suis à la Force, dans la chambre longtemps occupée par Vergniaud.
Voilà ce qui est arrivé.
Voulant assister à l'exécution, je suis descendue de chez madame de
Condorcet, et je me suis mise non pas à suivre, mais à précéder la
charrette.
Un homme en grand uniforme de général, couvert de plumes et de panaches,
faisant le moulinet avec un grand sabre, frayait le chemin à la
charrette.
C'était le général de la commune, Henriot. On eut soin de me dire qu'il
ne se faisait le maréchal des logis de la guillotine que dans les
occasions solennelles.
Celui qui me donna ces explications était une espèce de bourgeois de
quarante-cinq ans, large d'épaules, et fort connu, à ce qu'il paraît, du
peuple de Paris, car sans qu'il eût besoin de se servir de sa force, la
foule s'ouvrait devant lui en saluant.
--Monsieur, lui dis-je, j'ai le plus grand intérêt à voir ce qui va se
passer; voulez-vous me permettre de marcher près de vous, afin que je
profite de votre force et même de votre popularité.
--Faites mieux que cela, ma petite citoyenne, me dit le gros homme,
prenez mon bras, mais ne m'appelez pas _monsieur_; c'est une anse qui,
ajoutée au nom, sent un peu trop l'aristocrate pour un faubourien comme
moi; prenez mon bras, et, si vous voulez bien voir, vous serez servie à
souhait.
Je pris son bras. Ce que je voulais, c'était voir, mais surtout être
vue.
Il n'avait pas promis plus qu'il ne pouvait tenir. Quoique très-épaisse,
la foule continuait à s'ouvrir devant lui avec force coups de chapeau,
et, au bout de dix minutes, nous nous trouvâmes placés au même endroit
où j'étais avec Danton le jour de l'exécution de Charlotte Corday,
c'est-à-dire sur le côté droit de la guillotine.
Derrière moi était la fameuse statue de la Liberté, sculptée par David
pour la fête du 10 août.
Seulement, qu'étaient devenues les deux colombes réfugiées dans les plis
de sa robe?
Les charrettes s'arrêtèrent dans l'ordre où elles étaient sorties de la
cour de la Conciergerie, au milieu des cris des insulteurs.
On n'avait point rangé les condamnés par plus ou moins coupables, afin
de commencer par ceux-ci et de finir par ceux-là; non, l'on savait bien
que cette fois tous les coupables étaient innocents.
Tu ne pourras jamais te faire une idée, mon bien-aimé Jacques, de
l'aspect que présentait cette effroyable boucherie.
Une heure, une heure durant, pendant une longue heure, l'horrible
machine fonctionna, retombant cinquante-quatre fois, et chaque fois
tranchant une vie avec toutes ses illusions, toutes ses espérances.
C'étaient les bourreaux qui étaient las; c'étaient les patients qui les
pressaient.
Je sentais l'homme au bras duquel j'étais appuyée qui, chaque fois que
le couteau tombait, serrait d'un mouvement convulsif et en frissonnant
mon bras sur sa poitrine, et qui murmurait tout bas:
--Oh! c'est trop, c'est trop! Des hommes passe encore! Mais des femmes!
oh! des femmes!
Enfin il ne resta plus que la pauvre petite fille, la petite ouvrière,
qui n'avait fait que porter à manger à mademoiselle de Grandmaison. Le
mouchard qui l'avait arrêtée racontait que, lorsqu'il arrivait au
septième étage où elle logeait, sous le toit, sans autre meuble qu'une
paillasse, les larmes lui étaient venues aux yeux et qu'il avait dit au
comité qu'il était impossible de faire mourir cette enfant. Mais ses
observations n'avaient point été écoutées, elle avait été jugée,
condamnée, mise sur la charrette avec les autres. Elle avait vu, la
pauvre créature, guillotiner ses cinquante-trois compagnons, elle était
morte cinquante-trois fois en eux avant de mourir.
Enfin son tour était venu.
--Oh! murmurait mon protecteur, et celle-là aussi, et celle-là aussi!
Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est infâme? et devant tant d'hommes
qui ne disent rien! Oh! voilà qu'ils la prennent, voilà qu'ils la font
monter sur l'échafaud! n'ont-ils pas de honte! Tenez! tenez! elle
s'arrange d'elle-même sur la planche...
On entendit alors une voix douce qui dit:
--Monsieur le bourreau, suis-je bien comme cela!
Puis la planche bascula, on entendit un coup sourd.
L'homme auquel je m'appuyais tomba comme foudroyé; moi, au milieu de ce
lugubre silence, je criai:
--Ah! maudit soit Robespierre et le jour où il a donné ce spectacle à la
terre et au ciel!... Maudit! maudit! maudit!
Il se fit un grand mouvement: je me sentis emportée, et, tandis qu'on
m'emportait, j'entendis ces mots:
--Le citoyen Santerre qui s'est trouvé mal! C'est pourtant un homme,
celui-là.
Quand j'eus assez repris mes sens pour me rendre compte de ce qui se
passait, je me vis dans un fiacre avec deux agents de police qui me
conduisaient en prison.
Seulement, ne connaissant pas du tout le quartier de Paris où j'étais,
n'y étant jamais venue, je demandai où l'on me conduisait.
Un des agents me répondit:
--À la Force.
Au moment d'arriver, je lus à l'angle du carrefour, _rue Pavée_, puis
une porte massive s'ouvrit. Je me trouvai dans une cour; on me fit
descendre et entrer dans une geôle.
Là on me demanda mon nom.
--Éva, répondis-je.
--Votre nom de famille?
--Je n'ai pas de famille.
--Qu'a-t-elle fait? demanda le geôlier.
--Elle a poussé des cris séditieux.
Mon écrou fut promptement fait.
--C'est bien, dit le geôlier; maintenant vous pouvez vous retirer.
Les deux hommes sortirent.
Le concierge me fit monter au deuxième. Arrivé au corridor, il siffla un
énorme chien.
--N'ayez pas peur, me dit-il, il n'a jamais fait de mal à personne.
Il me fit flairer par lui.
--Là! dit-il; maintenant, voici votre véritable gardien. Si jamais vous
essayez de fuir, ce dont je doute que vous ayez envie, c'est lui qui
sera chargé de vous en empêcher. Mais il ne vous fera aucun mal,
tranquillisez-vous. N'est-ce pas, Pluton? L'autre jour un prisonnier a
tenté de s'évader; Pluton l'a pris par le poignet et me l'a amené sans
que sa main eût la moindre égratignure.
Arrivée à ma chambre,
--Est-ce que vous croyez que j'en ai pour bien longtemps? lui
demandai-je.
--Pour trois ou quatre jours, peut-être.
--C'est bien long, murmurai-je.
Le geôlier me regarda avec étonnement.
--Seriez-vous pressée, par hasard?
--Énormément.
--En effet, dit-il philosophiquement, lorsqu'il faut en finir...
--Autant en finir tout de suite, répondis-je.
--Si vous êtes bien résolue, nous recauserons de cela.
--Comment ferez-vous?
--Je vous donnerai un tour de faveur, comme on dit au théâtre. C'est ici
la prison des comédiens: nous avons eu ce qu'il y avait de mieux à
l'Opéra; nous avons dans ce moment-ci une partie de la
Comédie-Française. En attendant, comment vivrez-vous?
--Comme on vit ici; c'est la première fois que j'y viens, ajoutai-je en
souriant, et je ne connais pas les habitudes de la maison.
--Je veux dire, avez-vous de l'argent pour que l'on vous fasse la
cuisine seule, ou mangerez-vous à la gamelle?
--Je n'ai pas un denier, lui répondis-je, mais voici une bague; vous me
nourrirez sur cette bague: elle répondra bien de deux ou trois jours
de nourriture.
Le geôlier examina la bague en homme qui se connaissait en bijoux. En
effet, depuis dix ans qu'il était à la Force, il lui en était passé
quelques-uns entre les mains.
--Oh! dit-il, je vous nourrirais deux mois sur cette bague que je ne
ferais pas encore une mauvaise affaire.
Puis, appelant sa femme:
--Madame Ferney, dit-il.
Madame Ferney arriva.
--Voici la citoyenne Éva que je vous recommande, dit-il. Écrouée sous
inculpation de cris séditieux. Donnez-lui une bonne chambre et tout ce
qu'elle vous demandera.
--Même du papier, de l'encre, et des plumes? demandai-je.
--Même du papier, de l'encre et des plumes. C'est ce que nous demandent
toutes nos prisonnières en arrivant.
--Allons, dis-je, je vois que je n'aurai pas le temps de m'ennuyer ici.
--J'en ai peur, fit le geôlier; j'aimerais cependant bien à vous garder
le plus longtemps possible.
--Même plus longtemps que ne durerait la bague? lui demandai-je en
riant.
--Aussi longtemps que Dieu voudrait.
Cette douceur du geôlier, cette politesse de sa femme, ce mot _Dieu_
vibrant sous la voûte d'une prison, tout cela ne laissait pas que de
m'étonner un peu.
Il y était passé tant d'aristocrates dans ces prisons que la rudesse des
geôliers avait fini par s'user à leur frottement.
Au reste, chose que je ne savais pas et que j'ai apprise, c'est que les
Ferney avaient une réputation de bonté déjà faite parmi les prisonniers.
La bonne madame Ferney, tout en balayant ma chambre, tout en mettant des
draps blancs à mon lit, tout en me promettant de l'encre, des plumes et
du papier pour le même soir, me demanda ce que j'avais fait pour avoir
été mise en prison.
--Mais, lui dis-je, vous le savez par mon écrou. J'ai proféré des
paroles séditieuses contre le roi Robespierre.
--Chut! mon enfant, me dit-elle, taisez-vous. Nous avons ici une foule
de gens qui font l'horrible métier d'espion. Ils viendront à vous, ils
vous avoueront des crimes supposés pour tirer de vous des crimes
véritables. Il y en a pour les femmes comme pour les hommes.
Défiez-vous; nous sommes obliges de recevoir cette vermine-là, mais
autant que nous pouvons nous prévenons les prisonniers comme d'honnêtes
gens que nous sommes.
--Oh! moi, je n'ai rien à craindre.
--Ah! ma pauvre enfant, les innocents eux-mêmes doivent trembler.
--Mais moi je suis coupable, moi j'ai crié À bas Robespierre! à bas le
monstre! Je l'ai maudit.
--Pourquoi avez-vous fait cela?
--Pour mourir.
--Pour mourir? répéta la bonne femme étonnée.
Et, prenant la lumière, elle revint me regarder en face, ce qu'elle
n'avait pas encore fait:
--Mourir? vous! Quel âge avez-vous donc?
--Je viens d'avoir dix-sept ans.
--Vous êtes jolie.
Je haussai les épaules.
--Votre mise annonce que vous êtes riche.
--Je l'ai été.
--Et vous voulez mourir?
--Oui.
--Allons donc, patience! fit-elle en baissant la voix; ça ne peut pas
durer longtemps, voyez-vous.
--Peu m'importe que cela dure longtemps ou que cela cesse bientôt.
--Je vois la chose, fit la mère Ferney en reposant sa lumière sur la
table et en continuant son nettoyage. Pauvre jeunesse, ils lui ont
guillotiné son amant, et elle veut mourir!
Je ne répondis rien, la geôlière continua sa besogne.
Puis, la besogne achevée, elle me demanda ce que je voulais pour souper.
Je lui demandai une tasse de lait.
Un instant après, elle remonta avec une tasse de lait, du papier, de
l'encre et une plume.
--Vous ne savez pas qui l'on vient d'amener? dit-elle.
--Non.
--Santerre, mon enfant, le fameux Santerre, le roi du faubourg
Saint-Antoine. Ah! celui-là, par exemple, on ne le guillotinera pas sans
que l'on crie. Voulez-vous le voir?
--Je le connais.
--Bah!
--Non-seulement j'étais à son bras quand on m'a arrêtée, mais je suis
probablement cause de son arrestation. Je voudrais qu'il me pardonnât,
voilà tout. Puis-je lui parler?
--Je vais le dire à Ferney, il ne demandera pas mieux. Ah! ici du moins,
les prisonniers peuvent se voir et se consoler, ils ne sont pas au
secret.
Elle sortit. Je restai pensive en me faisant cette éternelle question
éternellement sans réponse:
Qu'est-ce donc que la destinée?
Voilà un patriote bien connu plutôt par son exagération que par son
indifférence. Il a pris part à tout ce qui s'est passé depuis la prise
de la Bastille jusque aujourd'hui. Il a tenu son faubourg comme un lion
à la chaîne; il a rendu d'énormes services à la révolution. Il a la
curiosité comme moi de voir cette dernière exécution. Je le rencontre;
la crainte d'être écrasée me fait m'appuyer à son bras. La vue du même
spectacle nous produit un effet opposé. Il l'anéantit et m'exaspère. Du
haut de son corps j'envoie une malédiction au bourreau, et nous voilà
tous les deux dans la même prison, destinés probablement à la même
charrette et au même échafaud. Si je ne l'avais pas rencontré, la même
chose arrivait de moi, puisque c'était un parti pris. Mais la même chose
arrivait-elle de lui?
En ce moment ma porte s'ouvrit, et j'entendis la grosse voix du brasseur
qui disait:
--Où est-elle donc la jolie petite citoyenne qui veut que je lui
pardonne? Je n'ai rien à lui pardonner.
--Si fait, lui dis-je, c'est moi probablement qui suis cause de votre
arrestation.
--Qu'est-ce que vous dites là? c'est moi qui me suis évanoui comme une
femme. C'est un crime que de s'évanouir. Mais qui va penser qu'un
éléphant comme moi s'évanouira? Double, double brute que je suis!
Cependant avouez que cette petite Nicole, qui de sa voix douce dit au
bourreau: «Monsieur le bourreau, suis-je bien comme cela?» avouez que
cela vous arrache l'âme. Vous n'avez pas pu avaler votre malédiction;
vous la lui avez jetée à la face et vous avez bien fait; qu'elle déchire
les entrailles de ceux qui n'ont point osé la lui cracher au visage. Oh!
ces morts de femme, voyez-vous, ces morts de femme, c'est ce qui le
tuera!
--Alors vous me pardonnez?
--Ah! je crois bien! Mais je vous loue! mais je vous admire! J'ai une
fille de votre âge, pas si belle que vous; eh bien, je voudrais qu'elle
eût fait ce que vous avez fait, dût-elle mourir comme vous mourrez, et
dussé-je la conduire à l'échafaud et y monter avec elle!
--Vous me faites du bien, monsieur Santerre. Sachant que vous aviez été
arrêté à cause de moi, je ne serais pas morte tranquille.
--Morte! vous ne l'êtes pas encore. Ah! quand on va savoir dans le
faubourg que je suis arrêté, cela va faire une rude bacchanale. Je
voudrais être là pour voir mes ouvriers.
--Oui, mais arrêtons d'avance une chose, monsieur Santerre, c'est que,
quelque chose qu'il arrive, vous ne ferez rien pour me sauver, attendu
que je veux mourir.
--Mourir, vous?
--Oui, et, si je vous en prie, vous m'y aiderez même, n'est-ce pas?
Santerre secoua la tête.
--Dites encore une fois que vous me pardonnez et rentrez chez vous; la
citoyenne Ferney me fait signe qu'il est temps de nous séparer.
--Je vous pardonne de grand cœur, dit-il, quand notre connaissance
devrait me conduire sur l'échafaud.--À demain!
--Comme vous dites cela: À demain!
Je me tournai vers madame Ferney:
--Pourrons-nous nous voir demain?
--Aux heures des promenades, oui.
--Alors je dirai comme vous, citoyen Santerre, à demain.
Il sortit. Je pris ma tasse de lait, et je me mis à t'écrire.
J'entends deux heures qui sonnent à l'Hôtel-de-ville. Tu n'as pas idée
de la tranquillité que me donne la certitude de mourir demain ou
après-demain.
À la Force, 18 juin 1794.
Mon ami, je crois que je viens d'avoir de la mort l'idée la plus
complète que l'on puisse avoir. J'ai dormi six heures d'un sommeil
profond, sans rêve, avec toute absence du sentiment de la vie.
Et cependant, quelque comparaison qu'on lui cherche, rien ne peut
ressembler à la mort que la mort.
Si la mort n'était qu'un sommeil comme celui dont je sors, personne ne
craindrait la mort plus qu'on ne craint le sommeil.
Lavoisier a dit que l'homme était un _gaz solidifie_, on ne peut pas
réduire l'homme à une plus simple expression.
Le couperet vous tombe sur le cou et le gaz est fondu.
Mais le gaz qui a constitué l'homme, à quoi sert-il, que devient-il mêlé
de nouveau au grand tout, c'est-à-dire retourné à sa source?
Ce qu'il était avant de naître?
Non, car avant de naître il n'avait pas été.
La mort est nécessaire, aussi nécessaire que la vie. Sans la mort,
c'est-à-dire sans la succession des êtres, il n'y aurait pas de progrès,
il n'y aurait pas de civilisation. C'est en montant les unes sur les
autres que les générations élargissent leurs lointains.
Sans la mort le monde resterait stationnaire.
Mais que fait la mort des morts?
L'engrais des idées, le fumier des sciences.
Il n'est vraiment pas gai de penser que ce soit la seule chose à
laquelle nos corps soient bons une fois devenus cadavres.
Fumier cette sublime Charlotte Corday! fumier cette bonne Lucile! fumier
cette pauvre petite Nicole!
Oh! que le poëte anglais est bien autrement consolateur quand il met
dans la bouche du prêtre bénissant Ophélie sur sa couche funèbre, les
quatre vers suivants!
Ô toi qui de tes jours n'as pu porter le faix,
Dans cet humble tombeau, vierge, repose en paix,
Pour que le Seigneur fasse, en ses métamorphoses,
Avec ton âme un ange, avec ton corps des roses.
Hélas! la science moderne admet encore que le corps fasse des roses,
mais elle n'admet plus que l'âme fasse un ange.
Cet ange une fois fait, où le loger?
Tant que l'ignorance astronomique a cru à l'existence d'un ciel, on le
loge au ciel; mais la science moderne a fait tout ensemble disparaître
l'empyrée des Grecs, le firmament des Hébreux, le ciel des chrétiens.
Quand la terre était le centre du monde; quand, selon Thalès, elle était
portée sur les eaux comme un grand navire; quand, selon Pindare, elle
était soutenue par des colonnes de diamant; quand, selon Moïse, c'était
le soleil qui tournait autour d'elle; quand, selon Aristote, nous avions
huit cieux au-dessus de nous, le ciel de la Lune, celui de Mercure,
celui de Vénus, celui du Soleil, celui de Mars, celui de Jupiter, celui
de Saturne, et enfin le firmament, voûte solide où étaient enchâssées
les étoiles, on pouvait, quoique ce fût le ciel païen, placer là Dieu,
les anges, les séraphins, les dominations, les saints, les saintes,
comme on place un conquérant dans le royaume qu'il a conquis. Maintenant
que la terre est après la lune la plus petite planète, que c'est la
terre qui marche et le soleil qui est fixe, que les huit ciels ou les
huit cieux, comme on voudra, ont disparu pour faire place à l'infini,
dans quelle portion de l'infini placerons-nous vos anges, Seigneur?
Ô mon ami, pourquoi m'as-tu appris toutes ces choses, arbre de la vie,
arbre de la science, arbre du doute?
* * *
Ferney et sa femme m'ont dit que, à moins que les agents n'aient été me
dénoncer directement au tribunal révolutionnaire, il était possible
que l'on m'oubliât ici sans me faire mon procès.
Ce serait jouer de malheur, tu en conviendras.
Je suis tellement lasse de la vie, plus déserte, plus silencieuse, plus
muette pour moi que la mort, que tous les moyens me seront bons pour en
sortir.
Voilà ce que j'ai trouvé.
Puisqu'il paraît que l'on ne veut pas me faire mon procès, je m'en
passerai.
Il y a ici deux récréations par jour;
À toutes deux il est permis aux prisonniers de prendre part:
La promenade dans le préau; voir partir les condamnés pour la place de
la Révolution.
À la première fournée, nous descendrons, Santerre et moi, pour voir
partir les condamnés. J'aurai les mains liées derrière le dos, les
cheveux noués sur le haut de la tête.
Je me glisserai parmi les condamnés, et je monterai dans la charrette.
Et alors, ma foi! j'aurai bien du malheur si la guillotine ne veut pas
de moi.
Seulement il faut décider Santerre; je crois que ce sera là la
difficulté.
* * *
C'est vraiment un bien brave homme que ce digne brasseur. Lorsque je lui
ai dit que c'était toi que j'aimais, quand je lui ai dit que l'on
venait de chasser à courre les deux derniers girondins dans les grottes
de Saint-Émilion; quand je lui ai dit que l'un de ces deux martyrs était
probablement toi, et qu'il se fut rappelé qu'on le lui avait dit aussi;
quand enfin je lui ai dit qu'à lui seul je pouvais me fier, qu'à lui
seul je pouvais demander ce service, il y a consenti en pleurant; mais
enfin il y a consenti.
Demain il doit y avoir exécution. On a annoncé trois charrettes, ce qui
indique au moins dix-huit personnes.
Une de plus, une de moins, nul n'y fera attention, pas même la mort!
Je t'ai dit tout ce que j'avais à te dire, mon bien-aimé: je vais
employer la nuit à tâcher de bien dormir.
Comme le chevalier de Canolles:
Je m'essaye.
* * *
Quelle bonne nuit j'ai passée, mon bien-aimé! Puisse la première être
aussi douce! J'ai rêvé de notre maison d'Argenton, j'ai rêvé du jardin,
de la tonnelle, de l'arbre de vie, de la source; j'ai revu enfin tout
notre passé en rêve.
Est-ce un avant-goût de votre éternité, Seigneur? Si vous me faites
ainsi, grâces vous soient rendues!
L'heure de l'arrivée des charrettes va sonner, je ne veux pas faire
attendre.
Adieu, mon bien-aimé, adieu. Cette fois, c'est bien la dernière. Je vais
donc cette fois voir le spectacle du théâtre au lieu de le voir du
parterre.
Jamais, mon bien-aimé, je n'ai eu le cœur si calme et si joyeux. Encore
une fois, je te redis:
Si tu es mort, je vais te rejoindre; si tu es vivant, je vais
t'attendre. Oh! mais... le néant! le néant!
Les charrettes entrent dans la cour, adieu.
Santerre vient me chercher.
J'y vais.
Je t'aime.
TON ÉVA
Dans la vie et dans la mort.

XV
L'échafaud ne veut pas de moi. En vérité, je suis maudite!
J'espérais si bien, à l'heure où j'écris ces lignes, me reposer des
lassitudes de ce monde dans les bras du Seigneur, ou tout au moins sur
le sein de la terre!
Serais-je donc obligée de me tuer pour mourir?
Je t'écris à tout hasard. Ma conviction est que tu es mort, mon
bien-aimé Jacques. J'ai encore cherché à savoir le nom des quatre
girondins morts sur l'échafaud à Bordeaux ou déchirés par les chiens
dans les grottes de Saint-Émilion.
Impossible de savoir leurs noms; les journaux constatent leur mort,
voilà tout.
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