Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 11

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Je voulus le voir.
Nous entrâmes dans la prison; il était couché sur son lit. On eût dit
qu'il dormait.
C'était un homme de cinquante-cinq ans à peu près; presque chauve; une
figure grave, douce et pleine de noblesse.
Je me penchai sur son lit, et je le regardai longtemps.
C'était donc cela, la mort!
Pour la seconde fois, je fus prise d'un sentiment de profonde envie. Ce
repos ne valait-il pas mille fois mieux que la vie agitée et sans espoir
que je menais! Pourquoi continuer cette vie! Pour apprendre un jour ou
l'autre ta mort, comme madame de Condorcet allait apprendre celle de son
mari. Sans doute c'était un poison bien doux et bien facile que celui
qui lui avait donné une mort si calme. Il en fallait bien peu aussi;
car on montrait la bague dans laquelle il était enfermé.
--Où trouverai-je de ce poison, et pourquoi ne t'avais-je point dit, mon
ami, avant de te quitter, de me préparer une bague pareille, pour le cas
où je serais séparée de toi?
Je m'informai si quelqu'un s'était offert pour veiller près du mort.
Personne n'avait eu cette piété. Je demandai à rester près de lui et à
prier.
Je savais que M. de Condorcet avait une femme jeune et belle. Je savais
qu'elle avait un jeune enfant et qu'elle aimait d'une profonde tendresse
cet homme qui eût pu être son père; je savais encore qu'elle avait, rue
Saint-Honoré, nº 352, un petit magasin de lingerie. Au-dessus de la
boutique, elle faisait des portraits, et de ce travail, ainsi que de la
vente de son magasin, elle vivait, elle, sa sœur malade, sa vieille
gouvernante et son jeune enfant.
La permission demandée par moi m'étant accordée et le cadavre ne devant
être enterré que le lendemain, je pris une plume et j'écrivis à madame
de Condorcet.
«Madame,
»Je suis comme vous une femme qui pleure l'homme dont elle est séparée
peut-être pour toujours. Le hasard m'a conduite près du lit de mort d'un
des plus grands hommes de notre époque. Je ne vous le nomme pas, madame;
vous devinerez de qui je veux parler. Je vous envoie ma femme de
chambre et la voiture qui m'a conduite ici; elle vous y amènera; ce
n'est point à moi qu'est réservé l'honneur de rendre les derniers
devoirs à celui pour qui je prie.»
Je donnai la lettre à Jacinthe, je lui dis de partir pour Paris et de la
porter à son adresse.
Elle partit.
Vers le soir, les visiteurs, qui avaient entouré le lit toute la
journée, devinrent plus rares.
Telle est l'influence des choses pieuses que, parmi tous ces hommes
grossiers, pas un ne songea non-seulement à m'insulter, mais à rire de
moi.
La nuit venue, le geôlier apporta deux chandelles, qu'il déposa sur la
cheminée, et me demanda si je désirais quelque chose.
Je demandai un bouillon, qui me fut apporté, et je restai seule.
Qui donc peut dire, mon bien-aimé Jacques, que la mort est une chose
effrayante? quand l'amour, qui est l'âme de la vie, se couche tristement
à l'horizon, comme fait le soleil chaque soir; la vie alors n'est pas
autre chose que la nuit, et la nuit pas autre chose que la sœur de la
mort.
Aussi, pendant les cinq ou six heures que je veillai près de ce cadavre,
je pris cette résolution bien arrêtée.
J'ai encore pour deux mois à peu près d'argent. Je ne veux pas mendier.
Je ne sais pas travailler; je vivrai encore deux mois, espérant
pendant ces deux mois que la Providence permettra que tu me donnes de
tes nouvelles. Si dans deux mois je n'en ai pas, comme la faim est une
mort trop douloureuse, j'irai, un jour d'exécution, sur la place Louis
XV, je crierai: Vive le roi! et en trois jours tout sera fini, et je
dormirai aussi calme et aussi impassible que ce corps près duquel je
viens de passer la nuit.
Hélas! mon ami, plus je regardais ce corps, plus je m'enfonçais à sa vue
dans la fatale croyance du néant. Ce cadavre, c'était celui d'un homme
de génie, d'un homme de bien, d'un homme selon le cœur de Dieu. Si
jamais une âme émanant de l'essence céleste a habité un corps, ce fut
celui-là.
Combien de fois, lui demandai-je pendant une longue veille, seul à seul
avec lui au milieu de la solitude, au milieu du silence, quand moi seule
veillais dans la prison et peut-être dans le village; combien de fois
lui demandai-je: Cadavre, qu'as-tu fait de ton âme?
Il me semble que si l'âme existait, quand elle serait adjurée ainsi,
dans la solennité de la nuit, elle donnerait un signe quelconque de sa
présence. Il n'y a que ce qui n'existe pas qui ne répond pas.
Si l'âme eût dû répondre, elle eût certes répondu à Shakespeare
interrogeant la mort par la bouche d'Hamlet. Jamais plus sublime
apostrophe, plus pressante prière ne lui avait été adressée.
Aussi que fait Shakespeare? Voyant que la mort est muette, il envoie
Hamlet lui-même chercher dans la mort le secret de la mort.
Ce secret, si c'était tout simplement le néant, si l'homme avait vécu
toute une vie d'angoisses et de douleurs, suspendu à cette espérance
vague et fragile, pour voir cette espérance se rompre à son dernier
soupir, pour retomber dans cette nuit sans écho, sans souvenir, sans
lumière, d'où il est sorti le jour de sa naissance!
Alors que deviendraient nos beaux projets, mon Jacques bien-aimé, d'une
vie éternelle passée l'un près de l'autre; après les illusions du temps
perdu viendrait la perte des illusions de l'éternité!
Encore si l'on pouvait comprendre quel a été le dessein de Dieu en nous
laissant dans le doute! Mais non, ses actes sont incompréhensibles comme
lui!
Lorsqu'un roi envoie un messager de l'autre côté des mers, de peur que
ce messager ne s'égare en route il lui dit le but de son message.
Louis XVI, lorsqu'il envoyait La Pérouse en Océanie, lui traçait la
route qu'il avait à suivre dans ce monde inconnu.
La Pérouse y est mort. Mais au moins savait-il dans quel but il avait
été envoyé, ce qu'il allait chercher, ce qu'il devait rapporter s'il eût
survécu.
Nous, on nous envoie sur un océan bien autrement orageux que l'océan
Indien, et l'on ne nous dit pas ce que nous allons y faire, et ce qu'il
adviendra de nous lorsqu'une tempête nous aura engloutis.
Et lorsqu'on pense que les plus grands esprits, créés par ce Dieu muet
et invisible depuis six mille ans, peut-être le double, qu'ils
s'appellent Homère ou Moïse, Solon ou Zoroastre, Eschyle ou Confutzée,
Dante ou Shakespeare, ont posé en face du cadavre d'un frère, d'un ami
ou d'un étranger, les questions que je pose à ce cadavre qui devrait
être d'autant plus disposé à me répondre qu'il a été de lui-même
au-devant de la mort, et que pas un n'a vu frissonner une fibre du
cadavre pour lui répondre oui ou pour lui répondre non.
Oh! mon ami, quand tu étais là, je croyais, parce qu'il est facile de
croire quand on est pleine d'espérance, d'amour et de joies; mais loin
de toi, dans mon isolement, dans ma solitude, dans ma douleur, je ne
m'arrête pas même au doute; et je ne crois qu'à l'absence du bien et du
mal, qu'au repos éternel, qu'à la dissolution de notre être dans le sein
de cette nature ignorante qui produit, sans plus d'affection pour l'un
que pour l'autre, l'arbre vénéneux et la plante bienfaisante, le chien
qui caresse son maître, le serpent qui mord celui qui l'a réchauffé.
* * *
À trois heures du matin, j'entendis une voiture rouler sur le pavé du
village et s'arrêter à la porte de la prison.
On frappa, les portes s'ouvrirent, et, conduite par le geôlier et par
Jacinthe, qui resta à la porte, entrait madame de Condorcet.
Son premier mouvement fut de se jeter à corps perdu sur le lit où était
étendu le corps de son mari.
Je profitai de la douleur dans laquelle elle était plongée, pour sortir
de la chambre, redescendre dans la rue et m'éloigner rapidement.
À six heures du matin, j'étais rentrée chez moi et je m'endormais
tranquillement.
Ma résolution était prise.

XII
Mon premier soin en m'éveillant fut de compter le peu d'argent qui me
restait.
Il me restait deux cent dix francs en argent, à peu près trente ou
quarante mille francs en assignats. Mais la chose revenait au même,
puisqu'un pain qui coûtait douze sous en argent coûtait quatre-vingts
francs en assignats.
Je devais un mois à Jacinthe; je lui payai ce mois et deux autres
d'avance, en tout soixante-quinze francs.
Il me resta cent trente-cinq francs.
Je ne dis rien à la pauvre fille de ma résolution et continuai de vivre
comme d'habitude.
Hélas! personne ne vivait plus comme d'habitude; nous étions sinon dans
la nuit éternelle, du moins dans le crépuscule qui y conduit. 93 était
un volcan, mais sa flamme était une lumière. À cette époque, on vivait
et l'on mourait; aujourd'hui l'on agonise.
Il y avait des cris dans les rues: on criait l'_Ami du peuple_,
L'ami du peuple est mort;
On criait le _Père Duchesne_,
Le père Duchesne est mort;
On criait le _Vieux cordelier_,
Le vieux cordelier est mort.
On disait: voilà Danton qui passe! Et l'on courait pour voir Danton.
Aujourd'hui l'on dit: Voilà Robespierre qui passe! et l'on ferme sa
porte pour ne pas voir Robespierre.
Je l'ai vu pour la première fois et je l'ai reconnu tout de suite.
J'étais allée au cimetière Monceaux, je ne dirai pas prier, sur les
tombes de Danton, de Desmoulins et de Lucile,--tu ne m'as pas appris à
prier--mais les consulter.
J'espérais que les tombes des tribuns seraient plus éloquentes que le
cadavre du philosophe.
La mort c'est non-seulement la nuit, c'est surtout le silence.
Les fosses de nos amis sont près du mur qui sépare le cimetière du parc
réservé de Monceaux.
J'entendis parler de l'autre côté du mur. J'eus la curiosité de savoir
qui osait d'une parole si élevée venir troubler les morts.
Le mur est bas, une pierre tombée du mur me permit de regarder
par-dessus.
Je regardai. C'était lui, Robespierre.
Il paraît que tous les jours il a besoin d'une promenade de deux heures,
et qu'il a choisi le parc réservé de Monceaux.
Sait-il que la mort est à deux pas de lui?
Sait-il qu'un mauvais petit mur le sépare seul de l'enclos aride du lit
de chaux vive et dévorante où il a couché Danton, Camille Desmoulins,
Hérault de Séchelles, Fabre d'Églantine? Est-ce un défi qu'il jette aux
morts comme il l'a jeté aux vivants?
Il marchait vite, ses compagnons avaient peine à le suivre. Les yeux
clignotant, les muscles de la face agités, épuisé, maigri, où va-t-il
donc ainsi et quand s'arrêtera-t-il?
Il est temps cependant. À force de voir guillotiner des femmes et des
enfants, la peur de la guillotine a passé.
Le journal de Prudhomme, le seul qui reste, et qui après avoir cessé
vient de reparaître, racontait, il y a quelques jours, qu'un curieux, en
revenant de voir fonctionner l'échafaud, demandait à son voisin:
--Que pourrais-je bien faire pour être guillotiné?
L'autre jour, un des condamnés lisait quand on l'appela. Il se laissa
faire sa toilette tout en lisant, continua de lire jusqu'à l'échafaud,
au pied de la guillotine, mit le signet, posa le livre sur le banc de la
charrette, puis donna ses bras à lier.
Avant-hier, c'est Jacinthe qui m'a raconté cela, cinq prisonniers
échappent aux gendarmes, non pas pour se sauver, mais pour aller une
fois encore au Vaudeville.
L'un des cinq revient au tribunal qui l'a condamné:
--Pouvez-vous me dire où sont mes gendarmes? je les ai perdus.
Un homme est trouvé endormi dans une des tribunes de la Convention.
--Que faites-vous ici? lui demande-t-on.
--J'étais venu pour tuer Robespierre; mais, comme il parlait, je me suis
endormi.
* * *
J'ai eu la visite de madame de Condorcet, qui est venue me faire ses
remerciements.
C'est une virginale figure, que Raphaël aurait prise pour type de la
métaphysique. Elle a trente-trois ans. Elle a d'abord été chanoinesse.
Ce n'est pas pour revenir près d'elle que Condorcet s'est exposé à être
pris, c'était pour s'en éloigner, au contraire; il était caché rue
Servandoni, et, une fois par semaine, tremblante et le cœur brisé, elle
allait le voir.
Il s'effraya des dangers que courait sa femme. Il s'était fait donner
par Cabanis un poison sûr. Comme moi, il avait fixé un terme à son
supplice. Il devait terminer son livre du _Progrès de l'esprit humain_.
Le 6 avril, il écrivit la dernière ligne dans la nuit, et, au point du
jour, il partit.
Il n'alla pas loin, comme on voit. À Clamart, il fut reconnu; à
Bourg-la-Reine, il s'empoisonna.
Il était réservé à cette pauvre femme _triste jusqu'à la mort_, comme
dit l'Évangile, de me donner un moment de joie.
Elle sait qu'il reste encore quatre girondins cachés, deux à Bordeaux,
deux dans la grotte de Saint-Émilion.
Elle ne sait pas leur nom; elle aura de leurs nouvelles et m'en donnera.
Oh! mon bien-aimé Jacques, qu'y aurait-il d'étonnant que tu fusses un de
ces quatre réservés!
D'ici à un mois, d'ici à deux mois, tout peut changer. On hait bien
Robespierre, je te jure.
Depuis la mort de Danton, tout est retombé sur lui. On n'oublie pas que
c'est leur appel à la clémence qui a poussé nos amis dans la tombe.
Robespierre a tué les femmes, les femmes le tueront, non dans le sens
matériel de Charlotte Corday, mais moralement.
La mort de Charlotte Corday, calme, intrépide, sublime, a fondé une
religion, la religion de l'admiration.
Celle de la Dubarry, pauvre créature criant sur l'échafaud. «Un instant
encore, monsieur le bourreau, un instant encore», a fondé la religion de
la pitié.
Mais l'exécution de notre pauvre Lucile a fait plus que tout cela. Il
n'y a pas eu une créature humaine, de quelque opinion qu'elle soit, qui
n'ait eu le cœur arraché de cette mort.
Qu'avait-elle fait? Elle avait voulu sauver son amant; elle avait erré
autour de la prison; elle avait prié, pleuré; elle avait écrit à
Robespierre: Vous m'avez aimée, vous avez voulu m'épouser.
Là peut-être était le crime, surtout si mademoiselle Cornélie Duplay
avait lu la lettre.
À Lucile, tout le monde a dit: Oh! ceci c'est trop!
* * *
Et voici la preuve de ce que je te disais, mon bien-aimé Jacques. Comme
je l'ai dit plus haut, madame de Condorcet tient un petit magasin de
lingerie et a son atelier de peinture à quelques maisons de celle
qu'habite Robespierre; un grand rassemblement et beaucoup de bruit l'ont
attirée à sa fenêtre.
Ce bruit se faisait devant la maison du menuisier Duplay.
Voilà ce qui est arrivé: une jeune fille royaliste, fille d'un
papetier de la Cité, s'est présentée trois fois pour voir Robespierre.
À la troisième fois son insistance a inspiré des soupçons à mademoiselle
Cornélie, qui a appelé les ouvriers et a arrêté la jeune fille.
Elle avait deux petits couteaux dans un panier.
Interrogée sur la cause de son insistance, elle n'a répondu autre chose,
sinon qu'elle avait voulu voir ce que c'était qu'un tyran.
Elle a été conduite à la Force, et fera partie d'une grande fournée que
l'on prépare, sous le titre des assassins de Robespierre.
Le soir, aux jacobins, Legendre et Rousselin ont demandé, en pleurant de
crainte, que l'on donnât une garde à Robespierre.
Ainsi, quand un homme est condamné, et celui-là l'est, amis et ennemis
se réunissent pour le perdre.
La pauvre petite Renaud, son ennemie, l'appelle tyran en voulant le
tuer.
Rousselin et Legendre, ses amis, l'ont proclamé tyran en demandant une
garde pour lui.
J'ai passé toute la nuit à rêver, mon bien-aimé, et à me demander,
puisque j'étais décidée à mourir, si mieux ne valait pas utiliser ma
mort.
Ainsi il doit faire, à ce que l'on raconte, une grande solennité, une
fête à l'Être suprême, dans laquelle il se symbolisera lui-même comme le
rédempteur du monde.
Ce n'est pas assez pour cet homme d'être maître, il veut être Dieu.
Je me demandais si ce ne serait pas un grand exemple à donner que de le
frapper au milieu de son triomphe.
Mais si c'est un grand exemple à donner, pourquoi Dieu ne le donne-t-il
pas?
Du moment où un pareil homme existe, c'est que Dieu permet son
existence. Du moment où Dieu permet son existence, c'est qu'il le sert
dans ses vues.
Vit-il comme instrument de punition divine?
Non, car il ne frapperait que les mauvais; non, car il épargnerait les
femmes et les enfants.
Vit-il par oubli ou par indulgence?
Est-ce à l'homme en ce cas de corriger les défaillances de Dieu?
Non, mon bien-aimé, je n'ai l'âme ni d'une Jahel, ni d'une Judith, ni
d'une Charlotte Corday. J'aime mieux me présenter à l'être inconnu qui
me recevra de l'autre côté de la vie les mains pures de sang.
J'aurai assez à rendre compte du mien.
* * *
Sa fameuse fête a eu lieu. Jamais tant de fleurs n'ont jonché le chemin
que, le jour de sa fête, Dieu lui-même parcourait autrefois. On dit que
le règne du sang est fini, que celui de la clémence lui succède.
Robespierre a officié comme pontife de l'Être suprême.
La guillotine a disparu de la place de la Révolution?
* * *
Oui, mais comme disparaît le soleil pour reparaître le lendemain, comme
le soleil elle s'est couchée à l'occident et s'est relevée à l'orient.
Les exécutions se feront désormais au faubourg Saint-Antoine, voilà ce
que Paris aura gagné à la fête de l'Être suprême.
Les charrettes n'auront plus à traverser le Pont-Neuf, la rue du Roule
et la rue Saint-Honoré.
Robespierre veut bien condamner, mais il ne veut pas que les condamnés
crient en passant, comme Danton, devant la maison du menuisier Duplay:
--Je t'entraîne, Robespierre! Robespierre, tu me suis!
C'est pourtant une belle fête que celle qu'on lui prépare.
Cinquante-quatre personnes pour un jour, dont sept ou huit femmes jolies
et deux ou trois toutes jeunes.
Si le procès pouvait tarder un peu, j'aurais l'espoir d'en être.
On raconte tous les jours des choses horribles et qui font monter la
colère publique comme la lave d'un volcan.
Voilà ce qui s'est passé hier au Plessis:
Un condamné nommé Osselin, nom d'une triste célébrité, au moment où on
l'appela pour le faire monter sur la charrette, à défaut d'autre arme,
s'enfonça un clou dans le cœur.
On le prit et on le traîna. Lui poussait toujours le clou, mais ne
parvenait pas à se tuer. Les geôliers en avaient pitié et le tiraient en
arrière, disant:
--Il est mort.
Les aides du bourreau le tiraient en avant, en disant:
--Il vit!
Ils furent les plus forts. On mit la charrette au trot, et l'on put le
guillotiner vivant encore.
Ne trouves-tu pas, mon bien-aimé, que de pareilles choses souillent la
lumière de Dieu, et qu'on est honteux de vivre encore quand on les a
vues!
J'ai envie de jeter les deux ou trois louis qui me restent dans la Seine
afin d'en finir plus vite.
Habituons-nous à la mort en parlant un peu cimetière.
Te rappelles-tu, mon bien-aimé, cette magnifique scène d'_Hamlet_ où,
les fossoyeurs plaisantant entre eux, l'un demande à l'autre quel est le
monument qui dure le plus longtemps, et qui, voyant son interlocuteur
s'égarer de plus en plus, lui dit:
--Imbécile! c'est une fosse, puisque le jugement dernier doit seul en
voir la fin.
Eh bien! mon ami, dans notre époque où rien n'est solide, la fosse a
atteint la fragilité de toutes les choses humaines.
Cette grande pitié inspirée par la mort des femmes, et qui après la mort
de Lucile s'est écriée: _C'est trop!_
Eh bien! elle s'est éteinte.
Comment n'en serait-il pas ainsi? Les charrettes, jusqu'à Danton et
Lucile, étaient de vingt ou vingt-cinq condamnés; aujourd'hui elles sont
de soixante.
C'est une maladie aiguë qui est devenue chronique.
La guillotine a l'habitude de prendre son repas de deux à six heures du
soir; on vient la voir manger comme les animaux féroces du Jardin des
Plantes. À une heure, les charrettes se mettent en route pour lui
apporter sa viande.
Au lieu de quinze à vingt bouchées qu'elle faisait, elle en fait
cinquante ou soixante, voilà tout: l'appétit lui est venu en mangeant.
Aujourd'hui c'est une sorte de routine, une mécanique arrangée.
Fouquier-Tinville tourne la roue et se grise en la tournant. Il y a deux
jours, il a proposé de mettre la guillotine dans le théâtre même.
Mais tout cela fait des morts, et aux morts il faut des cimetières.
La pléthore cadavérique a commencé par la Madeleine. Il est vrai que le
roi, la reine et les girondins sont là.
Les voisins ont dit: Assez! et l'on a fermé le cimetière pour ouvrir
celui de Monceaux.
Danton, Desmoulins, Lucile, Fabre d'Églantine, Hérault de Séchelles,
etc., etc., l'ont inauguré.
Puis, comme il n'a que vingt-neuf toises de long sur dix-neuf de large,
il a été bientôt plein. La guillotine changea de place.
On lui donna le cimetière Sainte-Marguerite. Il était déjà comble à
soixante cadavres par jour. Il ne tarda point à déborder.
Il y eût eu un remède, c'eût été de jeter un pied de chaux sur chaque
mort; mais les suppliciés étaient pêle-mêle avec les autres morts. Il
fallait tout brûler, morts des faubourgs et morts de la ville.
Par une piété qui se comprend, le faubourg ne voulut pas laisser brûler
ses morts.
On transporta les suppliciés à l'abbaye Saint-Antoine, mais voilà qu'à
sept ou huit pieds de profondeur on trouve l'eau, et que tous les puits
du quartier risquent d'être empoisonnés.
Les hommes se taisent mais la terre parle, elle dit qu'on la surmène;
elle se plaint qu'on lui donne plus de morts qu'elle n'en peut
décomposer.
Je t'avoue, mon bien-aimé, que plus j'approche du terme que je me suis
fixé à moi-même, plus je pense à mon pauvre corps. Que va dire mon âme,
qui en a toujours eu un si grand soin, quand elle va planer au-dessus de
lui et le voir, repoussé par l'argile, se fondre et bouillonner au
soleil. J'ai envie d'écrire à la Commune, qui me paraît
très-embarrassée, et de proposer de brûler les corps comme à Rome.
Seulement il ne faut pas que je perde de temps; nous sommes au 9 juin,
et dans quelques jours.....

XIII
À la bonne heure, on a rétabli la guillotine sur la place de la
Révolution. Cela m'a rendu toute ma tranquillité.
J'étais horriblement contrariée de ne pas mourir sur la place des gens
comme il faut.
Que veux-tu, mon bien-aimé Jacques, le sang ne ment pas, et quoiqu'il ne
me reste de mes terres, de mes châteaux, de mes maisons, de mes fermes,
de mes cent mille francs de rentes enfin, que huit francs dans mon
tiroir, je n'en suis pas moins mademoiselle de Chazelay!
Il y a du moins un point sur lequel je suis tranquillisée, c'est
l'immortalité de l'âme. Du moment où Robespierre l'a reconnue au nom du
peuple français, c'est qu'elle existe. Un peuple tout entier et aussi
intelligent que le nôtre n'aurait pas unanimement reconnu une chose qui
ne lui serait pas matériellement prouvée.
La fête des chemises rouges approche. On dit que ce sera pour le 17 de
ce mois.
C'est probablement le dernier spectacle de ce genre que je verrai.
Les deux principaux personnages de ce terrible drame sont la mère et la
fille.
Madame et mademoiselle de Saint-Amarante.
La mère est veuve, dit-elle, d'un garde du corps tué au 6 octobre.
La fille est mariée au fils de M. de Sartines.
Ces deux dames, royalistes d'opinion, recevaient beaucoup; elles
habitaient la maison qui fait l'angle de la rue Vivienne.
Elles avaient dans leur salon, où l'on jouait, beaucoup de portraits du
roi et de la reine.
Robespierre jeune était un des habitués de la maison.
Je t'ai dit l'espèce de réaction qui commence à s'organiser contre
Robespierre aîné.
On arrêta les deux femmes et tous les habitués de leur maison.
On espérait que Robespierre jeune sauvegarderait ses deux amies. Alors
Robespierre aîné revenait à la clémence. Mais il y revenait par des
femmes royalistes et par des créatures tarées.
La calomnie avait un beau champ à exploiter.
Mais Robespierre n'avait pas la fibre fraternelle tellement tendre qu'il
ne tombât dans le piége. Il ordonna encore qu'on leur adjoignît la fille
Renaud, qui s'était présentée chez lui pour voir ce que c'était qu'un
tyran, et cet homme qui, venu pour l'assassiner, s'était endormi dans
les tribunes.
Puis, comme à plus juste raison il était le père de la patrie, il fut
convenu que la fournée de ses assassins marcherait à l'échafaud en
chemises rouges.
Ce sera une grande fête, d'autant mieux que le 17 juin coïncidera
justement avec la fin de mes ressources.
* * *
Mon bien-aimé, j'ai eu hier dix-sept ans; pendant dix ans, je n'ai été
ni heureuse ni malheureuse, n'ayant ni le sentiment de la joie ni celui
de la tristesse; pendant quatre ans, j'ai été aussi parfaitement
heureuse qu'une femme peut l'être; j'ai aimé, j'ai été aimée.
Depuis deux ans ma vie se passe en alternatives d'espérances et
d'angoisses; comme je n'ai jamais fait de mal à personne, je ne suppose
pas que Dieu veuille m'éprouver et à plus forte raison me punir.
Peut-être vaudrait-il mieux pour moi à cette heure, au lieu de
l'éducation philosophique que j'ai reçue de toi, avoir reçu d'un prêtre
l'éducation catholique qui dispose le chrétien à recevoir le bien comme
le mal en bénissant Dieu; mais ma raison se refuse à un autre
raisonnement que celui-ci:
Ou Dieu est bon ou Dieu est mauvais.
Si Dieu est bon, il ne peut envoyer le mal à qui n'a point fait de mal.
Si Dieu est mauvais, je le renie; ce n'est pas mon Dieu.
Rien ne pourra me faire croire qu'une chose injuste sorte d'une essence
céleste.
J'aime mieux en revenir, mon bien-aimé, à cette grande et intelligente
philosophie qui n'admet pas un Dieu personnel, s'occupant des individus
quand il a à régler l'ordre universel de la nature.
«Il faut l'ordre de Dieu pour qu'un passereau tombe,» dit Hamlet.
Mais Dieu a dit une fois pour toutes: les passereaux tomberont;--et les
passereaux tombent.
Quand, où, comment, Dieu ne s'en inquiète.
Il en est de nous, mon bien-aimé, comme des passereaux. Dieu a peuplé
notre globe de toutes les races vivantes, depuis le monstrueux éléphant
jusqu'à l'invisible infusoire; éléphant ou infusoire ne lui ayant pas
plus coûté à créer l'un que l'autre, il n'aime pas plus l'un que
l'autre. Il a pris ses mesures pour la conservation des races.
Pourquoi la race humaine croit-elle particulièrement avoir un Dieu pour
elle? Est-ce parce qu'elle est la plus insoumise, la plus vindicative,
la plus féroce, la plus orgueilleuse des races? Aussi vois le Dieu
qu'elle s'est fait, le Dieu des armées, le Dieu des vengeances, le Dieu
des tentations; n'a-t-elle pas introduit ce blasphème dans sa plus
sainte prière: _ne nos inducas in tentationem_? Vois-tu, mon bien-aimé,
Dieu s'ennuyant dans sa grandeur éternelle, dans sa majesté inouïe, et
s'amusant à quoi?
À nous induire en tentation.
Et l'on nous ordonne de prier Dieu le soir et le matin, de lui demander
de nous pardonner nos offenses.
Demandons-lui d'abord de nous pardonner nos prières quand elles sont une
offense.
Et puis cet orgueil à nous autres pygmées, de croire que nous pouvons
offenser Dieu!
En quoi? Comment?--En le méconnaissant?
Nous ne le méconnaissons pas, nous le cherchons.
S'il eût voulu être connu, il se fût révélé.
Comprends-tu Dieu se faisant énigme et se donnant à deviner à l'homme
pendant l'éternité.
De sorte que chaque peuple s'est fait un Dieu à sa guise, qui n'est bon
que pour lui seul et qui ne peut pas servir aux autres.
Les Hindous se sont fait un Dieu à quatre têtes et à quatre mains,
tenant dans ses quatre mains la chaîne qui soutient les mondes, le livre
de la loi, le poinçon à écrire et le feu du sacrifice.
Les Égyptiens se sont fait un Dieu mortel, et dont l'âme, à sa mort,
passe dans le corps d'un bœuf.
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