Création et rédemption, deuxième partie: La fille du marquis - 10

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On dit que c'est le représentant Bailleul, proscrit comme eux, mais
échappé à la proscription et caché dans Paris, qui leur a envoyé ce
dernier repas qui leur a permis de faire ce que les chrétiens dévoués au
cirque appelaient le _repas libre_.
Vergniaud avait été nommé président du repas; son visage resta calme et
souriant.
--Ne vous en étonnez pas, dit-il, craignant d'humilier ses amis par sa
sérénité. Je ne laisse derrière moi ni père, ni mère, ni épouse, ni
enfants. J'étais seul dans la vie, je vais vous avoir tous pour frères
dans la mort.
Comme personne n'a assisté à ce dernier repas, comme aucun des convives
n'a survécu, on ne saurait dire sur quel sujet roula la conversation.
Cependant un geôlier entendit Ducos qui disait:
--Que ferons-nous demain à pareille heure?
--Notre journée sera faite, répondit Vergniaud, et nous dormirons.
Lorsque le jour descendant par une lucarne dans le cachot des girondins
fit pâlir les bougies:
--Allons nous coucher, dit Ducos, la vie est si peu de chose qu'elle ne
vaut pas l'heure de sommeil que nous perdons à la regretter.
--Veillons, dit Lassource, l'éternité est si redoutable que mille vies
ne suffiraient pas à nous y préparer.
À dix heures, ceux qui dormaient furent réveillés par le bruit des
verrous; ceux qui ne dormaient pas virent entrer les exécuteurs, qui
venaient pour préparer leurs têtes au couteau.
Les uns après les autres ils vinrent alors, souriants et soumis,
incliner leur tête sous les ciseaux et tendre leurs bras aux cordes.
On avait permis à un autre prisonnier, l'abbé Lambert, d'entrer près
d'eux à ce moment suprême, pour préparer à la mort ceux qui
demanderaient les secours de la religion.
Gensonné ramassa une boucle de ses cheveux noirs, et, la donnant à
l'abbé:
--Dites à ma femme que c'est tout ce que je puis lui envoyer de mes
restes, mais que je meurs en lui adressant toutes mes pensées.
Vergniaud tira sa montre, l'ouvrit et sur la boîte d'or grava un chiffre
et la date du 30 avec la pointe d'une épingle; puis il chargea l'abbé
Lambert de la remettre à une femme qu'il aimait, mademoiselle
Candeille probablement.
Lorsque la toilette fut terminée, on fit descendre les condamnés vers la
cour du palais.
Cinq charrettes les attendaient, entourées d'une foule immense. Le jour
s'était levé, pâle et pluvieux, un de ces jours blafards qui ont toute
la désespérance de l'hiver. On avait défendu de donner aucun cordial aux
condamnés, espérant qu'ils resteraient au-dessous d'eux-mêmes.
Ils étaient quatre dans chaque charrette; dans la dernière seulement
cinq et le cadavre de Valazé. Sa tête, cahotée par les secousses du
pavé, ballotait sur les genoux de Vergniaud, destiné à mourir le dernier
comme le plus coupable de tous, c'est-à-dire comme le plus éloquent,
comme le plus brave.
Au moment où les cinq charrettes sortirent de la sombre arcade de la
Conciergerie, ils entonnèrent tout d'une voix, et comme une marche
funèbre, la première strophe de la _Marseillaise_:
Allons, enfants de la patrie!
Ce chant choisi par eux n'avait-il pas à la fois la double signification
du patriotisme et du dévouement? Ne signifiait-il pas que partout où
vous pousse la voix de la patrie, même à la mort, il fallait y aller en
chantant.
Au pied de l'échafaud, la première charrette versa les quatre
victimes. Ils s'embrassèrent en signe de communion dans la liberté, dans
la vie, dans la mort.
Puis ils montèrent un à un, celui qui montait continuant de chanter
comme les autres.
La pesante masse de fer étouffa seule sa voix.
Tous moururent en héros. Seulement le chœur allait diminuant au fur et à
mesure que tombait la hache; les rangs s'éclaircissaient, la
_Marseillaise_ continuait toujours.
Enfin une seule voix resta pour glorifier l'hymne patriotique.
C'était celle de Vergniaud, qui, nous l'avons dit, devait mourir le
dernier.
Ses paroles suprêmes furent:
Amour sacré de la patrie!
Puis tout fut dit. Le silence se fit sur la foule comme sur l'échafaud.
Le peuple se retira consterné; il comprenait que quelque chose
d'essentiel à la Révolution venait de mourir.
Pourquoi n'étions-nous pas ensemble sur la dernière charrette?

X
Hélas! je n'ai plus que des exécutions à te raconter. Celle des
girondins eut son retentissement jusqu'à Arcis-sur-Aube, mais ne suffit
pas cependant pour arracher Danton à sa torpeur.
Sa jeune femme, qui était enceinte, m'écrivait que son mari passait
quelquefois deux ou trois heures de la nuit à la fenêtre de sa chambre à
coucher qui donnait sur la campagne.
Là, les yeux fixés au ciel, écoutant chaque bruit, aspirant chaque
brise, Danton, dont toute la religion n'était qu'un vaste panthéisme,
semblait se préparer à rendre à la nature tous les éléments qu'il avait
reçus d'elle.
Il reparut le 3 décembre, il reparut retrempé par la solitude et par le
repos. Il parla avec une éloquence qu'il n'avait jamais eue; mais nul ne
sut de quoi il avait parlé. À peine sut-on même qu'il avait reparu à la
Convention. Le _Moniteur_ avait reçu l'ordre de ne pas imprimer son
discours.
Il trouva le vide tout autour de lui; ses amis les plus chauds s'étaient
ralliés à Robespierre; un ou deux seulement lui étaient restés fidèles:
Bourdon de l'Oise et Camille.
On se rappelle ce cri poussé par Camille au jugement des girondins:
--Malheureux! c'est moi qui les ai perdus!
Ce cri, le club des jacobins en demanda compte. Camille, qui écrivait
très-bien, parlait très-mal. Il était bègue, et Robespierre avait bien
compté qu'il pataugerait dans son bégayement, et ne pourrait se faire
entendre.
Mais voilà que pour faire face à l'art que lui a refusé la nature, son
cœur lui donna tout à coup la puissance des larmes.
--Oui, s'écria-t-il, oui, je le répète ici: je me suis trompé. Sept des
vingt-deux étaient nos amis. Hélas! soixante amis vinrent à mon mariage,
tous sont morts! Il ne m'en reste que deux, Robespierre et Danton!
Le discours de rentrée de Danton qui n'avait point été imprimé au
_Moniteur_ était de sa part une espèce d'abdication de toute prétention
politique.
Il avait dit,--ce qui était parfaitement vrai,--que les deux années de
lutte qu'il avait soutenues ne lui avaient laissé ni orgueil, ni vanité,
ni velléité de concurrence. Cette fois, comme Camille, il s'était rallié
à Robespierre, s'était fait son second; enfin son discours s'était
terminé par un vœu:
--Puisse la république, hors de péril, faire un jour, comme Henri IV,
grâce à ses ennemis!
Deux ou trois jours après, Robespierre avait demandé de sa voix
larmoyante cinq cent mille francs pour les indigents.
Cambon, le vrai ministre des finances de l'époque, le dantoniste Cambon,
qui avait tant de mal à lâcher son argent, répondit de sa voix rude:
--Cinq cent mille francs, ce n'est pas assez. J'offre dix millions.
Les dix millions avaient été mis aux voix et adoptés.
Enfin il était arrivé ceci que, le 26 décembre, le jour même où
Robespierre réclamait l'accélération des jugements révolutionnaires,
un dantoniste monta à la tribune, pâle et égaré, en criant:
--On va guillotiner un innocent, et en voilà la preuve!
Il y avait un tel besoin de retour vers la clémence, que la Convention
vota un sursis à l'instant même, et plus de vingt membres se
précipitèrent alors de la salle, les uns courant au palais de justice,
les autres à la place de la Révolution, pour empêcher que cet _innocent_
ne fût exécuté.
Cela donna du cœur aux dantonistes. Ils allèrent plus loin que Danton
lui-même n'aurait voulu.
Bourdon de l'Oise, une espèce de sanglier à poils roux, rejeta toutes
les précipitations sur l'agent public du comité de sûreté, Héron, qui
était l'agent secret de Robespierre.
L'immaculé Robespierre était censé n'avoir aucune relation avec la
police; jamais il n'avait vu Héron.
Mais du petit hôtel où se tenait le comité de salut public il y avait un
corridor obscur communiquant avec les Tuileries.
C'était là que les hommes de Héron venaient remettre à Robespierre des
papiers cachetés qui le tenaient au courant de tout ce qui se passait.
Souvent des petites jeunes filles portaient des paquets pareils aux
demoiselles Duplay. Robespierre les trouvait en rentrant chez son
menuisier.
Robespierre, qui une fois sa confiance donnée la maintenait jusqu'à
l'imprudence, avait assuré l'impunité à cet agent, ce qui le rendait
insolent au point d'insulter les députés.
Comme beaucoup avaient à se plaindre de lui, la proposition de Bourdon
(de l'Oise) fut acceptée. L'assemblée vota. Héron fut arrêté.
Alors tous les robespierristes accourent; ils avaient reçu le mot de
Robespierre, la mesure avait été prise en son absence, et, si elle était
maintenue, Robespierre était sinon perdu, du moins cruellement entamé.
Ce fut d'abord Couthon qui vint demander que l'assemblée continuât sa
confiance au comité de salut public. Puis Moïse Bayle, qui vint
témoigner que, dans plusieurs affaires, Héron s'était montré adroit et
hardi. Puis ce fut Robespierre lui-même qui joua l'attendrissement, qui
parla des âmes sensibles et de son ambition d'obtenir la palme du
martyre.
L'arrestation de Héron fut révoquée.
Si Héron eût été arrêté, c'était notre ami Danton qui régnait à la place
de Robespierre; Brune, l'ami de la maison, homme déterminé s'il en fût,
mettait la main sur les satellites de Héron, Westermann sabrait Henriot
et soulevait avec son ami Santerre la grande rue du grand faubourg.
Il venait alors imposer l'homme populaire par excellence, Danton, à
l'assemblée qui ne demandait pas mieux.
Robespierre sauvé, c'est Danton qui était mort.
Robespierre avait vu de trop près l'abîme pour ne pas le combler avec
les cadavres des dantonistes. En le voyant tout pâle et tout tremblant
du choc, Billaud lui prit la main et lui dit tout bas:
--Il faut tuer Danton, n'est-ce pas?
Robespierre bondit d'étonnement qu'on eût osé prononcer une semblable
parole.
--Quoi! dit-il, en regardant Billaud les yeux dans les yeux, vous
tueriez donc les premiers patriotes!
--Pourquoi pas? répondit Billaud.
--Mais vous? dit Robespierre.
--Oui, moi, répondit celui-ci.
Robespierre fit appeler Saint-Just et Couthon. Il leur dit qu'on se
plaignait de l'immoralité, de la corruption de Danton.
Couthon et Saint-Just applaudirent.
On commença d'en parler au comité de salut public. Lindet, qui était
dans les bureaux, fit avertir Danton.
Danton haussa les épaules.
--Eh bien, soit, dit-il; j'aime mieux être guillotiné que guillotineur.
Et comme nous lui disions au moins de fuir:
--Est-ce que vous croyez, répondit-il, que l'on emporte la patrie à la
semelle de ses souliers?
--Au moins cachez-vous, lui dis-je.
--Est-ce que l'on cache Danton? dit-il.
Et, en effet, Danton était difficile à cacher.
Aussi, sans qu'il sût même encore qu'il allait être accusé, déjà
créait-on pour lui un nouveau cimetière.
Et cependant Danton semblait avoir un pressentiment de ce qui devait
arriver.
Danton nous racontait lui-même que, sortant du palais de justice avec
Souberbielle, juré du tribunal révolutionnaire, et Camille, par une de
ces soirées sombres et froides qui préparent aux impressions sinistres
et qui laissent échapper les secrets de l'âme, il s'était arrêté sur le
pont Neuf et regarda mélancoliquement couler l'eau. Souberbielle
s'approcha de lui:
--Que fais-tu là? lui demanda-t-il.
--Regarde, dit Danton, est-ce que la rivière ne te fait pas l'effet de
rouler du sang?
--C'est vrai, dit Souberbielle, le ciel est rouge, il y a bien d'autres
pluies de sang derrière ces nuages.
Danton se retourna, et s'adossant au parapet:
--Sais-tu, lui dit-il, que du train dont on y va, il n'y aura plus
bientôt de sûreté pour personne; les meilleurs patriotes sont confondus
sans choix avec les traîtres, le sang versé par les généraux sur le
champ de bataille ne les dispense pas de verser le reste sur l'échafaud;
je suis las de vivre!
--Que veux-tu? dit Souberbielle, ces gens-là ont commencé par demander
des juges inflexibles, et j'ai accepté la position de juré; mais ils ne
veulent plus que des bourreaux complaisants. Que puis-je, moi? je ne
suis qu'un patriote obscur. Ah! si j'étais Danton!
Danton lui posa la main sur l'épaule:
--Danton dort, tais-toi, lui dit-il; il se réveillera quand il sera
temps. Tout cela commence à me faire horreur.
Je suis un homme de révolution; je ne suis pas un homme de carnage...
Mais toi, poursuivit Danton en s'adressant à Camille Desmoulins,
pourquoi gardes-tu le silence?
--J'en suis las du silence! répondit Camille. La main me pèse; j'ai
quelquefois envie de faire de ma plume un stylet et d'en poignarder ces
misérables. Mon encre est plus indélébile que leur sang: elle tache pour
l'immortalité.
--Bravo, Camille! reprit Danton. Commence dès demain. C'est toi qui as
lancé la révolution, c'est à toi de l'enrayer, et, sois tranquille,
cette main t'aidera. Tu sais si elle est forte.
Trois jours après le _Vieux cordelier_ parut.
Voici ce qu'il disait dans son numéro 6, le lendemain du jour où on
avait arrêté le poëte Fabre d'Églantine, ami de Camille:
«Considérant que l'auteur du _Philinte_ vient d'être mis au Luxembourg
avant d'avoir vu le quatrième mois de son calendrier; voulant profiter
du moment où j'ai encore encre et papier et les deux pieds sur les
chenets pour mettre ordre à ma réputation, je vais publier ma foi
politique, dans laquelle j'ai vécu et mourrai, soit d'un boulet, soit
d'un stylet, soit de la mort des philosophes, comme dit le compère
Mathieu.»
Ce numéro, déjà très-violent, annonçait un numéro plus violent encore.
Je vis que Camille se perdait, et, n'oubliant pas qu'il était un des
deux amis à qui tu m'avais léguée et qui m'avaient accueillie à mon
arrivée à Paris, je courus rue de l'Ancienne-Comédie, où j'avais
autrefois été reçue par Lucile, au temps de la toute-puissance de Danton
et de Camille, et où leurs amis terrifiés venaient prier Camille de
s'arrêter pendant qu'il en était temps encore.
Il y avait là un officier très-patriote nommé Brune, et qui ne
paraissait nullement timide. Il déjeunait avec Camille et lui
conseillait la prudence. Mais Camille était lancé; il regardait comme
une lâcheté de faire un pas en arrière.
On lui apporta ses épreuves; il les corrigea tranquillement, et, entre
deux filets, il ajouta:
--Miracle! Cette nuit un homme est mort dans son lit!
Puis, comme Brune haussait les épaules:
--_Edamus et bibamus_, dit-il en latin, pour n'être pas entendu de
Lucile, et, croyant que je ne comprenais pas, il continua:
--_Cras enim moriemur._
J'allai à Lucile et je lui dis tout bas ce que je venais d'entendre.
Elle faisait le chocolat.
--Laissez-le, laissez-le, dit-elle; qu'il remplisse sa mission, c'est
lui qui sauvera la France; ceux qui pensent autrement n'auront pas de
mon chocolat.
Le lieu où l'on devait enterrer Danton étant marqué d'avance, il n'y
avait plus qu'à l'arrêter.
Camille fit déborder le vase en demandant dans son journal un comité de
la clémence.
Le 28 mars, Danton nous annonça qui dînait avec Robespierre; des amis
communs avaient tenté un dernier effort pour les réunir.
Je résolus de rester à Sèvres cette nuit-là, afin d'avoir des nouvelles
de cette réunion, où le dîner n'était qu'un prétexte.
C'était chez Panis, à Charenton.
Danton revint vers une heure du matin.
Eh bien! nous écriâmes-nous en le voyant paraître.
--Rien, dit-il, cet homme est impassible, ce n'est pas un homme, c'est
un spectre. On ne sait par où le prendre, il n'a rien d'humain, je crois
que nous sommes plus brouillés que nous ne l'avons jamais été.
--Mais enfin, dit madame Danton, que s'est-il passé? Donne-nous des
détails.
--Pourquoi faire? Est-ce que je sais moi-même ce qui s'est dit; est-ce
que l'on peut tirer quelque chose de clair de cette parole terne et
visqueuse de Robespierre? Des récriminations des deux côtés; il m'a
reproché septembre, comme s'il ne savait pas que c'est Marat qui a fait
septembre. Moi je lui ai reproché Lyon et Nantes. Bref, nous nous
sommes quittés au plus mal.
Le lendemain, le bruit s'était déjà répandu de ce qui s'était passé.
Robespierre avait dit à Panis:
--Tu le vois, il n'y a pas moyen de ramener cet homme au gouvernement;
dedans il corrompt, dehors il menace. Nous ne sommes pas assez forts
pour mépriser Danton, nous sommes trop courageux pour le craindre; nous
voulions la paix, il veut la guerre: il l'aura.
Les amis de Danton accoururent à Sèvres, le suppliant de conjurer
l'orage qui se préparait, tous le poussaient à la résistance:
--La Montagne est à toi, lui disait le boucher Legendre.
--Les troupes sont à toi, disait l'Alsacien Westermann.
--Le sentiment public est à nous, disait Camille Desmoulins, qui à
travers les numéros du _Vieux cordelier_, sentait palpiter le cœur de la
France.
Mais Danton ne répondit que par un sourire d'indifférence et d'orgueil
en disant:
--Ils n'oseront s'attaquer à moi, je suis plus fort qu'eux!
Le lendemain, 31 mars, à six heures du matin, lui et ses amis étaient
arrêtés.
Ce fut le pauvre Camille que cette arrestation frappa le plus
cruellement.
Les gendarmes entrèrent justement au moment où il décachetait une
lettre qui commençait par ces mots:
«Ta mère est morte!»
Il apprit en même temps que Danton était arrêté.
--C'est bien, dit-il, où il ira, j'irai.
Il embrassa son fils, le petit Horace, qui dormait dans son berceau, et
se livra aux gendarmes.
On le conduisit à la prison du Luxembourg. Il y arrivait en même temps
que Danton; ils y entrèrent tous deux ensemble, et la première chose
qu'ils virent fut Hérault de Séchelles, qui en attendant la mort, jouait
au bouchon avec les enfants du concierge.
Il courut à Danton et à Camille et les embrassa.
Quand le bruit de leur arrestation se répandit dans Paris, Paris fut
consterné.
Camille Desmoulins était comme un fou; il se frappait la tête contre la
muraille, il pleurait, il appelait Lucile.
--À quoi bon ces larmes? demanda Danton; on nous envoie à l'échafaud;
marchons-y gaiement.
Une voix faible arriva d'un cachot voisin.
C'était celle de Fabre d'Églantine.
--Qui es-tu, pauvre malheureux au désespoir? demanda la voix.
--Je suis Camille Desmoulins, répondit le prisonnier.
--La contre-révolution est donc faite? s'écria Fabre.
En entrant au Luxembourg et en baissant sa tête sous la voûte qu'on ne
repassait que pour mourir, Danton murmura:
--C'est à pareil temps que j'ai fait instituer le tribunal
révolutionnaire. J'en demande pardon à Dieu et aux hommes.
Le 2 avril, à onze heures du matin, on amena les accusés.
Madame Danton, malade de sa grossesse, n'avait pas eu le courage
d'assister à la séance; on avait réuni deux ou trois hommes salis par
leurs tripotages d'argent, et on les avait adjoints au procès pour que
le public crût Danton, Camille Desmoulins et Hérault de Séchelles les
complices de ces misérables.
À la vue de Danton entre ces deux larrons, Delaunay et Despagnac, le
greffier du tribunal n'y put tenir, il jeta sa plume et alla embrasser
Danton.
--Votre âge, votre nom et votre demeure? demanda-t-on à Danton.
--Je suis Danton, répondit-il; j'ai trente-cinq ans; ma demeure sera
demain le néant, mon nom restera au Panthéon de l'histoire.
La même question fut faite à Camille Desmoulins.
--Je suis Camille Desmoulins, dit-il, j'ai trente-trois ans, l'âge du
sans-culotte Jésus-Christ.
Depuis qu'il était en prison, Camille avait écrit à sa femme deux
lettres qui lui étaient parvenues.
Elle errait, éperdue de douleur, autour du Luxembourg. Camille, collé
aux barreaux, essayait de la voir, ne pensant qu'à elle et à la mort.
Elle s'adressa à Robespierre; elle lui écrivit, elle lui rappela que
Camille avait été son ami, qu'il avait été témoin de son mariage.
Robespierre ne répondit pas.
Elle vint trouver madame Danton; elle voulait l'entraîner chez
Robespierre, que toutes deux ensemble et à genoux lui demandassent la
grâce de leurs maris.
Madame Danton s'y refusa obstinément.
--Quand même je serais sûre de sauver mon mari, dit-elle, je ne ferais
pas une pareille démarche. Quand on s'appelle Danton, on peut mourir,
mais on ne doit pas être avili.
--Vous êtes plus grande que moi, dit Lucile à madame Danton.
Et elle nous quitta désespérée.
Inutile de mentionner leur condamnation.
À quatre heures, les valets du bourreau vinrent lier les mains des
condamnés et couper leurs cheveux.
Danton se laissa faire; puis, se regardant dans une glace.
--Ils ont réussi, dit-il, à me faire encore plus laid que d'habitude;
heureusement que ce n'est point ainsi que je paraîtrai devant la
postérité.
Camille Desmoulins n'avait jamais pu croire que Robespierre consentît à
sa mort. Quand il vit paraître les exécuteurs, il entra dans un
terrible accès de rage. Il n'attendit point qu'ils vinssent à lui, il
se jeta sur eux, luttant en désespéré.
Il fallut le terrasser pour lui lier les mains et lui couper les
cheveux.
Les mains liées, il pria Danton d'y glisser une boucle de cheveux de
Lucile qu'il portait sur sa poitrine et qu'il voulait serrer en mourant.
Ils étaient quatorze dans la même charrette.
Tout le long de la route, Camille en appela au peuple.
--Peuple, criait-il, tu ne me reconnais donc pas! Je suis Camille
Desmoulins! C'est moi qui ai fait le 14 juillet, c'est moi qui t'ai
donné la cocarde que tu portes!
Et à tous ces cris la foule ne répondait que par des insultes, tandis
que Danton, essayant de le calmer, lui disait:
--Meurs donc tranquille, et laisse cette vile canaille.
Quand on arriva rue Saint-Honoré, devant la maison du menuisier Duplay,
habitée par Robespierre, on la trouva portes et volets fermés. La foule
redoubla de cris.
Mais Danton se leva dans la charrette, et l'on se tut.
--Si bien caché que tu sois, cria-t-il, tu entendras ma voix. Je
t'entraîne, Robespierre! Robespierre, tu me suis!
Et Robespierre l'entendit en effet, et l'on assure que, baissant la
tête, il dit:
--Oui, tu as raison, Danton, innocents ou coupables, nous donnerons tous
notre tête à la République. La Révolution reconnaîtra les siens de
l'autre côté de l'échafaud.
Hérault de Séchelles descendit le premier, mais, avant de descendre, il
se tourna pour embrasser Danton.
L'exécuteur ne lui permit pas.
--Imbécile! dit Danton, tu n'empêcheras pas nos têtes tout à l'heure de
se baiser dans le panier.
Camille Desmoulins monta ensuite et, reprenant tout son calme sur
l'échafaud, il regarda le couperet ruisselant du sang et dit:
--Voilà donc la fin du premier apôtre de la liberté.
Puis, au bourreau:
--Fais remettre à ma belle-mère les cheveux que tu trouveras dans ma
main.
Danton monta le dernier. Jamais il n'avait été plus superbe et plus
imposant à la tribune; il regarda en pitié le peuple à droite et à
gauche, et, s'adressant au bourreau:
--Tu leur montreras ma tête, dit-il, elle en vaut bien la peine.
Lorsque le lendemain je voulus aller à Sèvres mêler mes larmes à celles
de madame Danton, je trouvai portes et fenêtres fermées; toute la pauvre
famille, décapitée dans la personne de son chef, avait quitté le pays
sans dire où elle allait.
Je revins chez Lucile, elle avait été arrêtée ce matin même.
Huit jours après, elle montait à son tour sur l'échafaud.
Avec elle je perdis ma seule et ma dernière amie. Paris n'était plus
qu'un désert.
Alors les idées les plus désespérées me passèrent par l'esprit.
Un instant j'eus l'intention de quitter la France, de partir pour
l'Amérique, de te chercher, de t'appeler dans ce monde nouveau.
Hélas! une chose à laquelle je n'avais pas pensé me donna le dernier
coup.
Quelques centaines de francs me restaient seulement: je n'avais pas de
quoi payer ma traversée.

XI
À partir de ce moment, me sentant seule, complètement abandonnée, sans
nouvelles de toi, sans certitude de ta vie, je tombai dans une torpeur
dont je ne sortis momentanément que pour y retomber plus profondément
encore.
Je t'ai dit que j'avais près de moi une fille de la campagne nommée
Jacinthe. Le surlendemain de la mort de Danton, elle me demanda à aller
passer le dimanche chez une tante à elle, qui demeure à Clamart.
Je lui donnai la permission qu'elle désirait.
Sachant que je n'avais qu'elle pour me servir, elle apprêta tout afin
que je ne manquasse de rien pendant les vingt-quatre heures que devait
durer son absence.
Puis elle partit.
Le lendemain, elle revint plus tôt que je ne l'attendais. Il s'était
passé quelque chose d'extraordinaire à Clamart.
Vers neuf heures du matin, un homme jeune encore, à la barbe longue, aux
yeux égarés, aux habits mutilés par une marche nocturne dans les ronces,
entra au cabaret du _Puits-sans-vin_. Il demanda à manger et mangea
assez avidement pour éveiller la curiosité des paysans qui buvaient à
côté de lui et qui faisaient partie du comité révolutionnaire de
Clamart.
Tout en mangeant il se mit à lire, tournant les pages du livre avec des
mains si blanches et si soignées que les sans-culottes qui étaient là ne
doutèrent pas un instant qu'il n'eussent affaire à un ennemi de la
République.
Les paysans l'avaient arrêté et l'avaient conduit au district.
Seulement, comme ses pieds étaient déchirés et qu'il ne pouvait faire un
pas, on l'avait hissé sur un vieux cheval et on l'avait conduit à la
prison de Bourg-la-Reine.
Je m'empressai de demander quel âge avait le prisonnier.
Jacinthe me répondit qu'il était tellement défait par la fatigue et les
privations qu'il était impossible de deviner son âge; seulement elle
avait entendu dire que c'était un de ceux qui, proscrits le 31 mai et
le 2 juin avec les girondins, étaient parvenus à se sauver.
Alors il me vint à la fois une espérance et une douleur, c'est que ce
proscrit c'était toi, mon bien-aimé Jacques. J'envoyai chercher une
voiture, je fis monter Jacinthe avec moi, et nous partîmes à l'instant
même pour Clamart, quoique je susse bien qu'il n'y était pas, mais je ne
voulais perdre aucun des renseignements que je voulais recueillir.
Dès Clamart, je commençai à douter que ce fût toi; le signalement qu'on
me donna du prisonnier était loin de se rapporter au tien; mais la
souffrance fait de tels ravages en nous que je n'en continuai pas moins
ma recherche.
Nous arrivâmes vers le soir à Bourg-la-Reine; le prisonnier était au
cachot, et il devait être ramené le lendemain à Paris.
Nous couchâmes dans un petit hôtel, où j'attendis avec impatience le
jour sans me coucher et sans dormir.
Là on m'avait confirmé la nouvelle que le prisonnier, caché depuis près
d'un an, soit en France, soit à l'étranger, avait été pris lorsqu'il
essayait de rentrer dans Paris.
Ils se trompaient. C'est au moment où il essayait d'en sortir, au
contraire.
Au point du jour, j'ouvris la fenêtre. Il y avait un grand tumulte dans
le village; tout le monde courait du côté de la prison.
J'y envoyai Jacinthe. Je sentais que les forces m'auraient manqué.
Jacinthe revint tout effarée.
Le prisonnier s'était empoisonné pendant la nuit; on l'avait trouvé mort
dans son lit.
Tant que je le savais vivant, les forces, comme je l'ai dit, m'avaient
manqué; mais lui mort, je n'eus plus un instant d'hésitation.
En arrivant à la prison, nous apprîmes son nom. C'était un nom que
j'avais entendu prononcer bien souvent, et avec respect, par Danton et
par Camille Desmoulins. Il s'appelait Condorcet.
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