Actes et Paroles, Volume 4 - 12

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M. René Goblet, ministre de l'instruction publique, parlant au nom du
gouvernement, a montré la grande unité de la vie et de l'oeuvre de
celui qui «apparaîtra de plus en plus, dans le lointain des temps,
comme le précurseur du règne de la justice et de l'humanité!»
Émile Augier a pris la parole au nom de l'académie française. Il a
dit:--«Au souverain poète la France rend aujourd'hui les honneurs
souverains ... Ce n'est pas à des funérailles que nous assistons,
c'est à un sacre.»
Au nom de la ville de Paris, M. Michelin, président du conseil
municipal, a dit «quels liens indissolubles unissaient Victor Hugo
à Paris», à Paris qu'il a toujours aimé, célébré, servi, et qui l'a
toujours choisi pour son représentant dans les assemblées. M. Lefèvre,
président du conseil général, a rappelé avec quels sentiments
d'enthousiasme et de reconnaissance pour le justicier des _Châtiments_
et de _l'Année terrible_ le département de la Seine l'a acclamé
sénateur.

Le cortège.
Il est onze heures et demie. Pendant que la musique militaire joue
la _Marseillaise_ et le _Chant du départ_, douze employés des pompes
funèbres, conduits par un officier des cérémonies, viennent chercher
le corps sous le catafalque. Tous les fronts sont découverts. Vingt
jeunes gens de la Jeune France font une escorte d'honneur au cercueil
jusqu'au corbillard.
C'est le corbillard des pauvres, le corbillard demandé par le poète
dans son testament. Pour tout ornement, on pend derrière la simple
voiture noire deux petites couronnes de roses blanches, apportées par
George et Jeanne.
Le cortège se met en marche.
Marche triomphale! Le soleil, juste à ce moment-là, fend les nuages et
donne au prodigieux tableau tout son éclat. Par intervalles le canon
tonne.
En tête, le général Saussier, gouverneur de Paris, avec un brillant
état-major, précédé d'un escadron de la garde municipale et suivi d'un
régiment de cuirassiers, dont les casques, les cuirasses polies et les
sabres resplendissent au soleil.
Puis viennent les tambours des trois régiments qui font la haie
le long du parcours, leurs tambours voilés de crêpes et battant
lugubrement.
Onze chars à quatre et six chevaux, conduits à la main par des
piqueurs, et chargés des couronnes et des trophées de fleurs. C'est un
éblouissement.
Les chars sont encadrés par les enfants des lycées et des écoles.
Vient la députation de la ville de Besançon, avec une belle couronne,
violettes et muguet. Suivent les délégations de la presse; chaque
journal est représenté par sa couronne; les journalistes ont donné
la première place au _Rappel_, dont la couronne est faite de palmes
vertes et dorées, avec un semé d'orchidées. La Société des auteurs
dramatiques et les théâtres ont aussi chacun leur couronne; la
Comédie-Française apporte une lyre d'argent aux cordes d'or, oeuvre de
Froment-Meurice. La Société des gens de lettres ferme cette première
partie du cortège, qu'escortent dans un ordre parfait, sur deux haies
par rangs de quatre, les jeunes gens des bataillons scolaires.

Le corbillard.
Autour du corbillard, six amis désignés; à droite, MM. Catulle Mendès,
Gustave Rivet, Gustave Ollendorf; à gauche, MM. Amaury de Lacretelle,
George Payelle et Pierre Lefèvre.
Derrière le corbillard, George Hugo.
A quelque distance, les parents et les amis.
La maison militaire du président de la République.
Les autorités militaires, auxquelles se sont joints quantité
d'officiers, parmi lesquels beaucoup d'officiers de l'armée
territoriale.
Le conseil d'état, précédé de ses huissiers, en gilet rouge.
Les membres de l'Institut, en habit à palmes vertes; M. de Lesseps à
leur tête.
Cent quatrevingt-cinq délégations de municipalités de Paris et de
la province. La couronne du seizième arrondissement de Paris est si
grosse qu'il a fallu la faire porter sur un char. Toulouse a envoyé
une grande lyre faite avec des roses. Saint-Étienne a fait sa couronne
avec ses rubans de soie, Calais avec ses dentelles. Les enfants de
Veules ont envoyé une immense gerbe de toutes les roses du pays,
célèbre par ses roses.
Les délégations des colonies. Le char de l'Algérie porte une couronne
énorme entourant une urne funéraire, de laquelle s'échappent des
flammes rouges et vertes; sur les trois faces du char, les armes des
trois grandes villes de l'Algérie, Alger, Constantine, Oran. Des
arabes tiennent les cordons du char. Un arabe en turban marche devant,
portant un étendard.
Les proscrits de 1851. Une couronne portée sur un socle rouge. On
lit sur leur bannière: _Histoire d'un crime, Napoléon le Petit, les
Châtiments_.
La Ligue des patriotes, avec un étendard portant en
guise d'inscription: 1870-18 ... Une nombreuse délégation
d'alsaciens-lorrains, très émus, très émouvants. Le drapeau de
Thionville 1792, qui a figuré à la fête du 27 février 1881.
Cent sept sociétés de tir et de gymnastique défilent au son des
clairons et des tambours. Leurs couleurs variées sont de l'effet le
plus pittoresque.
Les délégations des écoles. Les élèves de l'École polytechnique
ouvrent la marche; viennent ensuite l'École normale supérieure,
l'École centrale, les étudiants. Les étudiantes polonaises portent une
couronne d'immortelles.
Les six Facultés sont représentées par des porteurs de palmes vertes.
Les couronnes des institutrices et de la Société pour l'instruction
élémentaire, dont Victor Hugo était le président d'honneur, sont
portées par des jeunes filles.
On admire le bouquet monumental des jardiniers, la couronne en
camélias blancs des étudiants hellènes, dont le ruban azur porte: «A
l'auteur des _Orientales_»; les couronnes de la république d'Haïti,
de la colonie italienne; la couronne des Monuments historiques;
la couronne des éditeurs Hetzel et Quantin et celle de l'Édition
nationale; la couronne des belges, avec cette inscription: «A Victor
Hugo, les Belges protestant contre l'arrêté royal de 1871»; la
couronne blanche de la Franche-Comté, portée par quatre enfants; une
couronne de roses blanches, avec cette inscription: «Les femmes et les
mères de France à Victor Hugo».
Il faut clore ce dénombrement homérique. On a calculé que Paris et la
France avaient dépensé, ce jour-là, un, million en fleurs.
Le défilé des corporations venait à la fin, innombrable. L'armée de
Paris et un escadron de garde républicaine fermaient le cortège.
Il était quatre heures quand cette troupe a défilé devant le
catafalque. Le corbillard était arrivé depuis deux heures au Panthéon.

Le défilé
Paris s'est versé tout entier sur le parcours du cortège. Le reste
de la grande ville est un désert. De rares passants dans les rues
silencieuses; pas de voitures; les boutiques fermées; sur la devanture
de la plupart, un écriteau porte: «Fermé pour deuil national».
De l'Étoile, c'était un prodigieux panorama de contempler, tout le
long de l'avenue, cet énorme cortège, tout bigarré de couleurs vives
par les fleurs et les dorures, tout étincelant des reflets dont le
soleil pique l'acier des armes.
De chaque côté de l'avenue se presse le flot du peuple, maintenu
par la ligne et les escouades des gardiens de la paix. C'est un
fourmillement de têtes. Au-dessus s'étagent d'autres groupes, juchés
sur des pliants, sur les degrés des échelles, sur des estrades faites
à la hâte, le long des colonnes des réverbères, aux saillies des
fontaines Wallace, sur les branches des arbres de l'avenue, formant
partout de véritables grappes humaines. Toutes les fenêtres de chaque
côté de l'avenue sont garnies de spectateurs; les toits, les cheminées
mêmes en sont bondés. C'est un tableau vertigineux.
L'affluence est plus considérable au débouché des rues. La rue Balzac
est une avalanche vivante. Les voitures, les tapissières ont été
arrêtées, réquisitionnées, envahies.
Détail curieux: les agents qui maintiennent la foule sont espacés de
vingt en vingt mètres; quoique compacte et pressée, la masse ne tente
sur aucun point de dépasser la ligne qui lui est assignée.
Une maison en réparation, en face de la rue de La Boëtie, a été prise
d'assaut. Les échafaudages sont couverts de gens en veston et en
blouse. Rue Marbeuf, la foule s'étend sur une largeur de plus de vingt
mètres.
Au rond-point des Champs Élysées, toutes les avenues qui y débouchent
sont littéralement obstruées; les balcons des cafés et des restaurants
sont combles; il n'est pas jusqu'aux vasques des squares qui ne soient
occupées. La toiture du Cirque et celle du Diorama sont diaprées de
groupes humains émergeant du feuillage vert des arbres.
Un incident émouvant se produit au moment où le corbillard passe
devant le Palais de l'Industrie. Sur la place, se dresse le groupe de
l'_Immortalité_, tout enguirlandé de fleurs et de feuillages, et au
pied duquel trois couronnes d'immortelles, cravatées de crêpe, ont
été déposées; autour du monument, des cuirassiers forment la
garde d'honneur. Le corbillard s'arrête une minute. La figure de
l'Immortalité semble tendre sa palme au poète; les clairons sonnent
aux champs; une grande rumeur court parmi la foule qui, respectueuse,
se découvre.
Sur la place de la Concorde, deux pelotons de dragons, sabre au clair,
mousquet au dos, forment la haie. Le tableau ici est indescriptible.
Les statues des villes sont voilées bien moins par les crêpes dont
on les a couvertes que par les groupes des spectateurs qui s'y sont
hissés. Les bassins pleins d'eau sont mêmes envahis.
Au pont de la Concorde, cent cinquante pigeons sont mis en liberté
et s'envolent à tire-d'aile au-dessus du cortège; gracieuse idée
de Léopold Hugo, le neveu du poète, en souvenir de l'affection que
portait le maître aux pigeons messagers, depuis le siège de Paris.
Les abords du Palais législatif et le boulevard Saint-Germain
continuent les entassements humains jusque sur les toits, sur les
cheminées. Tous les édifices publics et le plus grand nombre des
maisons sont pavoisés de décorations funèbres, de drapeaux mis en
berne ou cravatés d'un crêpe.
Devant l'église Saint-Germain-des-Prés jusqu'au boulevard
Saint-Michel, l'affluence est telle qu'elle a débordé sur la chaussée.
Avant l'arrivée du cortège, la garde républicaine à cheval refoule
lentement cette masse devant elle.
Elle est tumultueuse, cette foule; elle applaudit au passage les
groupes, les journaux, les personnalités qui lui sont sympathiques: le
général Saussier, l'école polytechnique, les bataillons scolaires, les
étudiants, les proscrits, les alsaciens-lorrains.... Mais, quand le
corbillard passe, tout se tait, les fronts se découvrent, il se fait
un religieux silence, que rompt seulement le cri incrédule à la mort:
Vive Victor Hugo!
A deux heures moins vingt minutes, la tête du cortège arrive devant
le Panthéon tendu de noir. La troupe s'est rangée sur la droite du
monument; les bataillons scolaires et les députations des écoles
gardent la gauche.
Les corps constitués ont pris place sur les degrés.

Au Panthéon.
A deux heures, le corbillard arrive à la grille du Panthéon.
Le cercueil est descendu et déposé au pied d'un grand catafalque
dressé sous le porche.
Là, de nouveaux orateurs prennent la parole. Ceux de l'Arc de Triomphe
avaient embrassé dans leur ensemble l'oeuvre et l'action du poète.
Ceux du Panthéon le prennent sous chacun de ses aspects et détaillent,
pour ainsi dire, sa gloire.
Le sénateur Oudet parle au nom de Besançon, à qui nulle autre ville
ne peut disputer l'honneur d'avoir vu naître notre Homère; Henri de
Bornier, au nom des auteurs dramatiques, s'émeut des grands drames,
_Hernani, Ruy Blas, les Burgraves_; Jules Claretie, pour les gens de
lettres, énumère les combats et les victoires du grand lutteur pour
la liberté de la forme et de la pensée; Leconte de l'Isle, voix
autorisée, salue au nom des poètes «le plus grand des poètes, celui
dont la voix sublime ne se taira plus parmi les hommes».
Louis Ulbach, au nom de l'Association littéraire internationale, dit
ce qu'est, à l'étranger, Victor Hugo, «l'écrivain français le plus
admiré hors de France»; Philippe Jourde, pour la presse parisienne,
revendique en Victor Hugo le journaliste, le rédacteur du
_Conservateur littéraire_, le conducteur de _l'Événement_ et du
_Rappel_; Madier de Montjau, au nom des proscrits de 1851, rappelle en
paroles émues comment Victor Hugo fut la consolation et la lumière de
ses compagnons d'exil; le statuaire Guillaume, au nom des artistes
français, glorifie, dans le poète des _Orientales_, «l'artiste le plus
grand du siècle, le maître souverain de l'idée et de la forme». M.
Delcambre, au nom de l'Association des étudiants de Paris, dit comment
Victor Hugo a été «pour tous les jeunes gens, l'initiateur et le bon
guide». Got, le grand comédien, remercie Victor Hugo, au nom de
son théâtre, des grands drames dont il a honoré et enrichi la
Comédie-Française.
C'est le tour des étrangers. M. Tullo Massaroni et M. Raqueni viennent
associer au deuil de la France le deuil de l'Italie; M. Boland, au nom
du peuple de Guernesey, vient dire quelle trace lumineuse et douce
laissera dans l'île la grande mémoire de l'exilé; M. Lemat, un des
défenseurs de Charlestown, apporte le témoignage de «la douloureuse
émotion ressentie d'un bout à l'autre des États-Unis à la nouvelle de
la mort de Victor Hugo, l'homme considérable dont la perte a rempli
d'unanimes regrets l'âme du monde civilisé.» La race noire, dans la
personne de M. Édouard, représentant de la République d'Haïti, «salue
Victor Hugo et la grande nation française», et jette ce cri: «Jamais
Athènes et Rome n'ont été le théâtre d'une si imposante solennité!
Paris dépasse aujourd'hui Rome et Athènes!»
Pendant tous ces discours, l'immense cortège n'a pas cessé de se
dérouler devant le Panthéon.
Chaque groupe, en passant, laisse sur les marches sa couronne ou
son trophée de fleurs. Les degrés du vaste édifice en sont bientôt
couverts du haut en bas, et jusque sur les faces latérales.
Paris viendra en pèlerinage, pendant bien des jours suivants,
s'émerveiller devant cet amoncellement de fleurs.
Il est six heures et demie quand le dernier groupe a passé.
Le corps de Victor Hugo accompagné par la famille et les amis les plus
proches, est alors descendu dans les cryptes du Panthéon.

Telle fut la splendeur de cette journée, qui restera comme l'une des
plus belles et des plus pures de notre histoire de France.
«Cette journée parisienne, écrit le soir même Albert Wolff, apparaîtra
à la postérité comme une légende invraisemblable. Si loin qu'on
retourne dans le passé, elle n'a pas de précédent, et qui sait si
jamais elle trouvera un pendant? On peut dire que le peuple français
tout entier a conduit aujourd'hui Victor Hugo à sa dernière demeure.
La manifestation est d'une telle grandeur que notre fierté chasse la
mélancolie et que le deuil prend les proportions d'une apothéose. Il
meurt à peine un homme par siècle qui puisse réunir autour de son
cercueil, dans un même sentiment de respect pour son génie, deux
millions d'hommes résumant dans leur ensemble, par la pensée ou le
travail, le génie d'une nation.
«Cette journée n'est pas triste, elle est radieuse! A travers le
deuil des parents et des innombrables amis, elle répand un sourire
de satisfaction sur la grande ville qui a pu faire à Victor Hugo des
funérailles dignes de son nom.»


NOTES DE DEPUIS L'EXIL
1876-1885

NOTE I.
LE CERCLE DES ÉCOLES.
Un cercle des écoles est en voie de formation. Le comité
d'organisation adresse à Victor Hugo la lettre suivante:
Illustre Maître,
«Un grand nombre d'étudiants républicains et anticléricaux ont
résolu de fonder un cercle des écoles, dans le but de s'entr'aider
fraternellement pendant le cours de leurs études.
«Ils croient faire en cela une oeuvre utile et généreuse.
«Dans l'application de cette idée si éminemment républicaine, et
surtout toute de fraternité, ils ont voulu s'assurer un concours:
celui du poète qui, dans les pages palpitantes des _Misérables_, a si
magnifiquement personnifié la jeunesse des écoles.
«Ils sont donc venus à lui.
«En se plaçant sous le haut patronage de son nom, ils veulent bien
préciser les sentiments qui les animent et faire en quelque sorte,
une déclaration de principes. Qui dit Victor Hugo, dit Justice,
république, libre pensée.
«Maître, vous entendrez notre appel!
«Notre oeuvre est en bonne voie; un mot de vous et le succès nous est
assuré.
«Nous vous prions d'agréer, cher et illustré Maître, l'hommage
respectueux de notre profonde admiration.
Ont signé: L. DEMAY, A. DUT, H. GALICHEL, P. HELLET, TOUTÉS.
Victor Hugo a répondu:
Paris, 26 février 1877.
Mes jeunes et chers concitoyens,
Je vous approuve.
Votre fondation est excellente. La fraternité dans la jeunesse, c'est
une force à la fois grande et douce. Cette force, vous l'aurez.
Toute la clarté delà conscience est dans votre généreux âge.
Vous serez la coalition des coeurs droits et des esprits vaillants,
contre le despotisme et le mensonge, pour la liberté et la lumière.
Vous continuerez et vous achèverez la grande oeuvre de nos pères: la
délivrance humaine.
Courage!
Soyez les serviteurs du droit et les esclaves du devoir.
Votre ami,
VICTOR HUGO.

NOTE II.
LE DROIT DE LA FEMME.
Victor Hugo écrit à M. Léon Richer, à l'occasion de son livre, _la
Femme libre_.
5 août 1877.
Mon cher confrère,
J'ai enfin, malgré les préoccupations et les travaux de nos heures
troublées, pu lire votre livre excellent. Vous avez fait oeuvre de
talent et de courage.
Il faut du courage, en effet, cela est triste à dire, pour être juste,
hélas! envers le faible. L'être faible, c'est la femme. Notre société
mal équilibrée semble vouloir lui retirer tout ce que la nature lui
a donné. Dans nos codes, il y a une chose à refaire, c'est ce que
j'appelle «la loi de la femme».
L'homme a sa loi; il se l'est faite à lui-même; la femme n'a pas
d'autre loi que la loi de l'homme. La femme est civilement mineure et
moralement esclave. Son éducation est frappée de ce double caractère
d'infériorité. De là tant de souffrances, dont l'homme a sa part; ce
qui est juste.
Une réforme est nécessaire. Elle se fera au profit de la civilisation,
de la vérité et de la lumière. Les livres sérieux et forts comme le
vôtre y aideront puissamment; je vous remercie de vos nobles travaux,
en ma qualité de philosophe, et je vous serre la main, mon cher
confrère.
VICTOR HUGO.

NOTE III.
MEETING POUR LA PAIX.
Un meeting pour la paix est tenu à Paris, sur l'initiative de
l'Association anglaise pour la paix.
M. Tolain, président, lit cette lettre, que Victor Hugo adresse de
Guernesey au meeting:
Guernesey, 20 août 1878.
Mes chers compatriotes d'Europe,
Je ne puis en ce moment, à mon grand regret, aller vous présider.
Je demande ce que vous demandez. Je veux ce que vous voulez. Notre
alliance est le commencement de l'unité.
Hors de nous, les gouvernements tentent quelque chose, mais rien de
ce qu'ils tâchent de faire ne réussira contre votre décision, contre
votre liberté, contre votre souveraineté. Regardez-les faire sans
inquiétude, toujours avec douceur, quelquefois avec un sourire. Le
suprême avenir est en vous.
Tout ce qu'on fait, même contre vous, vous servira. Continuez de
marcher, de travailler et de penser. Vous êtes un seul peuple,
l'Europe, et vous voulez une seule chose, la Paix.
Votre ami,
VICTOR HUGO.

NOTE IV.
UN JOURNAL POUR LE PEUPLE.
Victor Hugo adresse la lettre suivante aux rédacteurs du journal _le
Petit Nord_, qui se publie à Lille:
Paris, 29 novembre 1878.
Messieurs,
Je vous vois avec joie entrer dans la grande cause, comme des
combattants de tous les jours.
Vous avez le talent, vous aurez le succès.
Servir le pauvre, aider le faible, renseigner le citoyen, affermir la
République, en un mot, agrandir la France, déjà si grande, tel sera
votre but; d'avance j'applaudis.
Donnez au peuple tout l'appui paternel qu'il réclame et qu'il mérite;
traitez-le doucement, car il est souffrant, et grandement, car il est
souverain.
_Suaviter et granditer_, cette vieille loi des anciennes républiques
est toute neuve pour les jeunes démocraties.
Je vous envoie tous mes voeux de succès.
VICTOR HUGO.

NOTE V.
LA VILLE DE SAINT-QUENTIN.
La lettre qui suit est adressée par Victor Hugo au Cercle républicain
de Saint-Quentin:
Paris, le 17 janvier 1880.
Chers citoyens de Saint Quentin,
M. Anatole de La Forge va vous revoir; il va constater une fois de
plus la profonde adoption qui le lie à votre cité. Votre cité, dans
une occasion suprême, a trouvé en lui, dans l'écrivain et dans le
préfet, les deux hommes nécessaires aux temps sérieux où nous vivons:
l'homme éloquent et l'homme vaillant.
Votre nom et le sien sont liés ensemble, et glorieusement, aux jours
terribles de l'invasion vandale.
Il va vous parler de moi. Je ne puis l'en empêcher; d'ailleurs,
j'appartiens à tous, et le peu que je vaux vient de là. Qu'il
accomplisse donc sa pensée; mais, quelle que soit la puissance de
sa parole, jamais il ne vous dira assez combien j'honore en vous le
double sentiment qui fait de votre cité une ville charmante parmi les
villes littéraires, et une ville héroïque parmi les villes patriotes.
Je presse vos mains cordiales,
VICTOR HUGO.

NOTE VI.
CONTRE L'EXTRADITION D'HARTMANN.
Le gouvernement russe réclamait du gouvernement français l'extradition
du nihiliste Hartmann.
Victor Hugo intervient:
AU GOUVERNEMENT FRANÇAIS
Vous êtes un gouvernement loyal. Vous ne pouvez pas livrer cet homme.
La loi est entre vous et lui.
Et, au-dessus de la loi, il y a le droit.
Le despotisme et le nihilisme sont les deux aspects monstrueux du même
fait, qui est un fait politique. Les Lois d'extradition s'arrêtent
devant les faits politiques. Ces lois, toutes les nations les
observent; la France les observera.
Vous ne livrerez pas cet homme.
27 février 1880.

NOTE VII.
LE CENTENAIRE DE CAMOËNS.
A l'occasion du centenaire de Camoëns, Victor Hugo, sollicité par la
comité des fêtes d'apporter son témoignage au poète portugais, répond
ce qui suit:
Paris, le 2 juin 1880
Camoëns est le poète du Portugal. Camoëns est la plus haute expression
de ce peuple extraordinaire qui, à peine compté sur le globe, a su
se faire compter dans l'histoire, qui a su saisir la terre comme
l'Espagne et la mer comme l'Angleterre, qui n'a reculé devant aucune
aventure et fléchi devant aucun obstacle, et qui, parti de peu, a su
faire la conquête de tout.
Nous saluons Camoëns.
VICTOR HUGO.

NOTE VIII.
LA TOUR DE VERTBOIS.
Un architecte de la Ville veut démolir la tour du Vertbois, à Paris.
M. Romain-Boulenger appelle au secours de l'édifice menacé l'auteur de
_Guerre aux démolisseurs_, qui lui répond:
5 octobre 1880.
Démolir la tour? Non. Démolir l'architecte? Oui. Cet homme doit
être immédiatement changé. Il ne comprend rien à l'histoire et, par
conséquent, rien à l'architecture.
Sur pied la tour! à terre l'architecte! Telle est ma réponse à votre
question, monsieur.
La tour Saint-Jacques de Nicolas Flamel a, elle aussi, été condamnée.
Arago me l'a signalée. Je l'ai sauvée. Me le reproche-t-on
aujourd'hui?
Je suis en proie à des travaux qui dépassent mes forces et auxquels
je ne puis rien ajouter. Mais vous, monsieur, faites, continuez; vous
avez prouvé votre compétence par votre excellent travail sur les
_Musées_, qui est un vrai livre.
Prenez cette base: tous les vieux vestiges de Paris doivent être
conservés désormais.
Paris est la ville de l'avenir. Pourquoi? Parce qu'il est la ville du
passé.
VICTOR HUGO.

NOTE IX.
LES MORTS DE MENTANA.
Milan donne de grandes fêtes pour recevoir Garibaldi et pour inaugurer
le monument consacré aux «tombes de Mentana.»
Le Comité convie à ces fêtes Victor Hugo, qui répond:
Paris, 29 octobre 1880.
Mes chers et vaillants amis,
Je vous remercie. Votre généreux appel me va au coeur. Je ne puis
quitter Paris en ce moment, mais je serai moralement à Milan, et mon
âme s'unit aux vôtres.
Nous sommes tous, France, Italie, Espagne, la même famille. Les
enfants de ces nobles pays sont frères; ils ont la même mère:
l'antique République romaine.
Je serre vos mains cordiales,
VICTOR HUGO.

NOTE X.
LES ARÈNES DE LUTÈCE.
Il y a doute et débat sur la conservation des Arènes de Lutèce Victor
Hugo invoqué écrit au conseil municipal de Paris:
Monsieur le Président du conseil municipal,
Il n'est pas possible que Paris, la ville de l'avenir, renonce à
la preuve vivante qu'elle a été la ville du passé. Le passé amène
l'avenir.
Les Arènes sont l'antique marque de la grande ville. Elles sont un
monument unique. Le conseil municipal qui les détruirait se détruirait
en quelque sorte lui-même.
Conservez les Arènes de Lutèce. Conservez-les à tout prix. Vous ferez
une action utile, et, ce qui vaut mieux, vous donnerez un grand
exemple.
VICTOR HUGO.
27 juillet 1883.

NOTE XI.
DEMANDE EN GRACE POUR O'DONNELL.
L'irlandais O'Donnell est condamné pour avoir frappé un traître et
s'être fait justicier par patriotisme.
Victor Hugo demande sa grâce à la reine d'Angleterre.
Paris, 14 décembre 1883.
La reine d'Angleterre a montré plus d'une fois la grandeur de son
coeur. La reine d'Angleterre fera grâce de la vie au condamné
O'Donnell, et acceptera le remerciement unanime et profond du monde
civilisé.
VICTOR HUGO.
L'appel n'a pas été entendu, O'Donnell a été exécuté.

NOTE XII.
LE MONT SAINT-MICHEL.
Le mont Saint-Michel, s'il n'est consolidé et restauré, est menacé de
ruine et par le temps et par l'océan.
Victor Hugo proteste:
Le mont Saint-Michel est pour la France ce que la grande pyramide est
pour l'Egypte.
Il faut le préserver de toute mutilation.
Il faut que le mont Saint-Michel reste une île.
Il faut conserver à tout prix cette double oeuvre de la nature et de
l'art.
VICTOR HUGO.
14 janvier 1884.

NOTE XIII.
L'ABOLITION DE L'ESCLAVAGE AU BRÉSIL.
Dans un banquet présidé par Victor Schoelcher, on fête l'abolition de
l'esclavage dans une province brésilienne, Victor Hugo écrit:
Une province du Brésil vient de déclarer l'esclavage aboli.
C'est là une grande nouvelle.
L'esclavage, c'est l'homme remplacé dans l'homme par la bête; ce qui
peut rester d'intelligence humaine dans cette vie animale de l'homme
appartient au maître, selon sa volonté et son caprice. De là des
circonstances horribles.
Le Brésil a porté à l'esclavage un coup décisif. Le Brésil a un
empereur; cet empereur est plus qu'un empereur, il est un homme. Nous
le félicitons et nous l'honorons. Avant la fin du siècle l'esclavage
aura disparu de la terre.
VICTOR HUGO.
25 mars 1884.

NOTE XIV.
ANNIVERSAIRE DE LA DELIVRANCE DE LA GRÈCE.
A l'occasion d'un banquet donné pour célébrer le soixante-troisième
anniversaire de la délivrance de la Grèce, Victor Hugo écrit:
5 avril 1884.
Je serai par le coeur avec vous. Personne ne peut manquer à la
célébration de la délivrance des Grecs. Il y a des titres sacrés.
J'ai autrefois, dans les jours de combat, fait ce vers dont le
souvenir me revient au jour de la victoire:
L'Italie est la mère et la Grèce est l'aïeule.
VICTOR HUGO.

NOTE XV.
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